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21/12/2017 | FRANCE | N°16-15868

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 décembre 2017, 16-15868


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 février 2016), que Jean-Pierre X..., engagé le 2 novembre 1993 en qualité de peintre par la société Décopassion, a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 19 août 2006 ; qu'ayant été déclaré inapte à son poste à l'issue de deux examens du médecin du travail des 9 et 30 juin 2008, il a été licencié, le 19 avril 2010, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que le salarié étant décédé le 3 août 2012, ses ayants droit ont

repris l'instance qu'il avait engagée devant la juridiction prud'homale ;

Sur le pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 février 2016), que Jean-Pierre X..., engagé le 2 novembre 1993 en qualité de peintre par la société Décopassion, a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 19 août 2006 ; qu'ayant été déclaré inapte à son poste à l'issue de deux examens du médecin du travail des 9 et 30 juin 2008, il a été licencié, le 19 avril 2010, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que le salarié étant décédé le 3 août 2012, ses ayants droit ont repris l'instance qu'il avait engagée devant la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'un rappel de salaire pour la période du 1er août 2008 au 19 avril 2010 alors, selon le moyen :

1°/ que l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite médicale de reprise n'est pas opposable à l'employeur dès lors qu'il n'a pas été averti de cette visite par le salarié, quand bien même aurait-il dû l'organiser ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Décopassion n'a pas pris l'initiative de la seconde visite médicale de reprise ; que dès lors, faute de constater que la société Décopassion avait été avisée du second examen médical ayant conclu à l'inaptitude définitive de M. Jean-Pierre
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à tout poste dans l'entreprise, la cour d'appel ne pouvait la condamner à payer des salaires sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant que l'exposante aurait dû assurer l'organisation du second examen, la cour d'appel a violé l'article L. 4624-31 et L. 1226-4 du code du travail ;

2°/ que tant que l'employeur n'a pas été informé de la décision d'inaptitude définitive du salarié à son poste de travail rendue par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite médicale prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail, cette décision ne lui est pas opposable et ne fait pas courir le délai d'un mois de l'article L. 1226-4 du code du travail à l'issue duquel l'employeur, à défaut de reclassement ou de licenciement du salarié, doit reprendre le versement des salaires ; qu'en l'espèce, la société Décopassion a fait valoir qu'elle n'avait été informée de l'avis rendu le 30 juin 2008 par le médecin du travail au terme d'une seconde visite de reprise que verbalement le 12 février 2010 par le salarié et le 16 février 2010, par fax transmis de la médecine du travail ; qu'en la condamnant cependant à payer des salaires pour la période du 1er août 2008 au 19 avril 2010 sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail au motif inopérant que la société Décopassion n'avait pas organisé la seconde visite, sans rechercher à quelle date elle avait eu connaissance de l'avis d'inaptitude, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1226-4 et R. 4624-31 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le médecin du travail avait avisé l'employeur des conclusions du premier examen médical et lui avait indiqué qu'il reverrait le salarié au plus tôt dans quinze jours afin de se prononcer sur l'inaptitude de celui-ci, la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur, auquel il appartenait de prendre contact sans délai avec le médecin du travail afin de s'assurer de l'organisation de ce second examen, ne pouvait utilement prétendre qu'il n'avait pas eu connaissance de l'avis d'inaptitude, en a exactement déduit qu'il devait reprendre le paiement du salaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Décopassion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Décopassion et condamne celle-ci à Mme Danielle
X...
, Mme Y..., MM. Z...et Antony X...la somme globale de 3 000 euros et à Mme A... la somme de 850 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Décopassion

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Décopassion à payer aux ayants droit de M. Jean-Pierre
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les sommes de 37 922 euros au titre des salaires pour la période du 1er août 2008 au 19 avril 2010 et de 3 792 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE par application des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail applicable lors des examens médicaux pratiqués les 9 et [30] juin 2008, le médecin du travail ayant à se prononcer sur l'inaptitude au poste de travail-sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou celles des tiers-ne peut la constater qu'après avoir réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l'entreprise et avoir soumis le salarié à deux examens espacés de deux semaines accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires requis ; l'article D 4624-47 du code du travail prescrit qu'à l'issue de chacun des examens médicaux, le médecin du travail établit une fiche médicale d'aptitude en double exemplaire, en remet un exemplaire au salarié et transmet l'autre à l'employeur, qui le conserve pour être présenté à tout moment, sur leur demande, à l'inspecteur du travail et au médecin inspecteur du travail ;

qu'en vertu de l'article L1226-4 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; qu'il est constant que :

- le 9 juin 2008, le médecin du travail a déclaré le salarié « inapte au poste précédemment occupé-apte à un poste au sol à mi-temps, sans effort violent, par exemple revêtement sol avec aide à la manutention à revoir dans 15 jours si poste pas adapté »,

- par courrier rédigé le même jour, le médecin du travail en a informé la société Décopassion l'invitant en cas de possibilité de poste de reclassement, à l'en avertir afin qu'il puisse vérifier l'adéquation du poste à l'état de santé du salarié et dans le cas contraire de l'en aviser avant la deuxième visite au cours de laquelle il « reverra le salarié au plus tôt dans 15 jours » et où il se prononcerait sur l'inaptitude de ce dernier au poste actuel ; que dans ce courrier, le médecin du travail concluait en rappelant à l'employeur ses obligations tant en matière de salaire que de rupture du contrat ;

- par une lettre datée du 12 juin 2008, la société Décopassion se fondant sur les préconisations du médecin, a proposé au salarié un poste concernant les « les peintures à basse hauteur : boiseries, plinthes, portes à peindre à plat, petits mobiliers, radiateurs, peinture fenêtres ».

- suivant fiche médicale datée du 30 juin 2008, le médecin du travail le déclarait « inapte à tout poste proposé dans l'entreprise définitivement » ;

que l'obligation aux deux examens pèse sur l'employeur ; que s'il ne prend pas l'initiative de saisir le médecin du travail compétent pour faire réaliser le second examen, il engagerait sa responsabilité ; qu'en effet, l'employeur ne peut se contenter d'attendre et de s'appuyer éventuellement sur la carence du médecin du travail, voire celle du salarié pour justifier son inaction ; qu'en l'espèce, l'employeur avait connaissance du premier examen du salarié ; qu'il a au demeurant satisfait, dans un premier temps à ses obligations, en proposant au salarié un poste de reclassement, conformément aux préconisations du médecin du travail ; que de surcroît, par le courrier que lui avait adressé ce dernier le 9 juin 2008, les diligences qui lui incombaient lui avait été expressément rappelées ; qu'ainsi, ayant connaissance du premier avis du médecin de travail portant constat de l'inaptitude au poste, il lui revenait de prendre lui-même contact avec le médecin du travail sans délai afin d'assurer l'organisation du second examen ; que dès lors, eu égard aux initiatives qui lui incombaient, l'employeur, qui ne saurait inverser la charge de la preuve à ce titre, ne saurait exciper, en l'espèce, du fait de n'avoir pas été informé du l'avis « d'inaptitude à tout poste proposé dans l'entreprise définitivement » ; que conformément à l'article L1226-4 du code du travail, à l'issue du délai d'un mois à compter du deuxième examen médical, lequel met fin à la suspension du contrat et n'ayant ni reclassé le salarié ni licencié ce dernier, il devait reprendre le versement du salaire ; que le salaire correspond à l'emploi qu'il occupait avant la suspension sans qu'il puisse faire l'objet d'une quelconque réduction, comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié et ouvre droit, par application de l'article L. 3141-22, à une indemnité de congés payés ;

1°- ALORS QUE l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite médicale de reprise n'est pas opposable à l'employeur dès lors qu'il n'a pas été averti de cette visite par le salarié, quand bien même aurait-il dû l'organiser ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Décopassion n'a pas pris l'initiative de la seconde visite médicale de reprise ; que dès lors, faute de constater que la société Décopassion avait été avisée du second examen médical ayant conclu à l'inaptitude définitive de M. Jean-Pierre
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à tout poste dans l'entreprise, la cour d'appel ne pouvait la condamner à payer des salaires sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant que l'exposante aurait dû assurer l'organisation du second examen, la cour d'appel a violé l'article L. 4624-31 et L. 1226-4 du code du travail ;

2°- ALORS de plus que tant que l'employeur n'a pas été informé de la décision d'inaptitude définitive du salarié à son poste de travail rendue par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite médicale prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail, cette décision ne lui est pas opposable et ne fait pas courir le délai d'un mois de l'article L. 1226-4 du code du travail à l'issue duquel l'employeur, à défaut de reclassement ou de licenciement du salarié, doit reprendre le versement des salaires ; qu'en l'espèce, la société Décopassion a fait valoir qu'elle n'avait été informée de l'avis rendu le 30 juin 2008 par le médecin du travail au terme d'une seconde visite de reprise que verbalement le 12 février 2010 par le salarié et le 16 février 2010, par fax transmis de la médecine du travail ; qu'en la condamnant cependant à payer des salaires pour la période du 1er août 2008 au 19 avril 2010 sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail au motif inopérant que la société Décopassion n'avait pas organisé la seconde visite, sans rechercher à quelle date elle avait eu connaissance de l'avis d'inaptitude, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1226-4 et R. 4624-31 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Décopassion à payer aux ayants – droit de M. Jean-Pierre
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les sommes de 3 675, 80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 367, 58 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, il convient de constater que la rupture du contrat de travail ne découle pas de la non reprise du paiement de salaire ;
qu'elle n'est donc pas imputable à l'employeur ; que toutefois, dans ses écritures, l'employeur « pour être agréable » consent à régler une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois de salaire soit la somme de 3 487, 60 euros outre 348, 76 euros ; que cependant son calcul s'effectue sur une base erronée, le salaire de référence étant de 1 837, 90 euros ; que dès lors, l'indemnité compensatrice de préavis, admise en son principe par faveur de l'employeur, sera fixée à la somme de 3 675, 80 euros et les congés payés afférents à celle de 367, 58 euros ;

1°- ALORS QUE la société Décopassion, qui est allée au-delà de ses obligations légales, a consenti de verser la somme de 3 487, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 348, 76 euros à titre de congés payés ; que les ayants droit de M. Jean-Pierre
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ont pris acte du versement de ces sommes dont ils n'ont pas demandé leur réévaluation sur la base d'un salaire de référence de 1 837, 90 euros ; qu'en y substituant respectivement les sommes de 3 675, 80 euros et de 367, 58 euros, sur la base d'un salaire de référence de 1 837, 90 euros, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°- ALORS de surcroît qu'en relevant d'office ce moyen tiré de la réévaluation des sommes volontairement consenties par la société Décopassion, sur la base d'un salaire de référence de 1837, 90 euros, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Décopassion de sa demande fondée sur un trop-perçu de l'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 10. 3 de la convention collective, « en cas de licenciement, non motivé par une faute grave, l'employeur verse à l'ouvrier une indemnité de licenciement, distincte du préavis, calculée sur les bases suivantes :

- à partir de 2 ans et jusqu'à 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise : 1/ 10 de mois de salaire par année d'ancienneté,

- après 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise : 3/ 20 de mois de salaire par année d'ancienneté, depuis la première année dans l'entreprise,

- les années d'ancienneté au-delà de 15 ans donnent droit à une majoration de 1/ 20 de mois de salaire par année d'ancienneté ; qu'en cas de licenciement d'un ouvrier âgé de plus de 55 ans à la date d'expiration du préavis, effectué ou non, qui lui est applicable, le montant de l'indemnité de licenciement, tel qu'il est fixé ci-dessus, est majoré de 10 % » ; qu'alors que le salarié a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 8 892 euros, l'employeur qui a procédé au calcul de l'indemnité, par application de l'article 10. 8, mais sur la base d'un salaire de référence de 1743, 80 euros et non de 1 837, 90 euros, ne peut dès lors qu'être débouté de sa demande ;

ALORS QUE la cour d'appel saisie par la société Décopassion d'une demande de trop-perçu d'une indemnité de licenciement fondée sur l'application des dispositions conventionnelles ne pouvait sans méconnaître son office rejeter celle-ci au motif que la société avait procédé à un calcul erroné en retenant un salaire de référence de 1743, 80 euros au lieu de celui de 1 837, 90 euros ; qu'il lui appartenait de rectifier le calcul sur la base des dispositions conventionnelles dont elle a reconnu le bien-fondé ; que faute de l'avoir fait, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-15868
Date de la décision : 21/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 25 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 déc. 2017, pourvoi n°16-15868


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.15868
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