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25/02/2016 | FRANCE | N°15/01264

France | France, Cour d'appel de chambéry, Chambre sociale, 25 février 2016, 15/01264


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 FEVRIER 2016

RG : 15/ 01264 NH/ NC

Serge X...
C/ SARL EFICIENS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANNEMASSE en date du 02 Juin 2015, RG F 11/ 00233

APPELANT :

Monsieur Serge X...
...
74930 REIGNIER

comparant et assisté de Me Christophe NOEL, avocat au barreau d'ANNECY

INTIMEE :

SARL EFICIENS
2, rue Beccaria
75012 PARIS

représentée par Monsieur Y...Françis gérant assisté de

Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016 en a...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 FEVRIER 2016

RG : 15/ 01264 NH/ NC

Serge X...
C/ SARL EFICIENS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANNEMASSE en date du 02 Juin 2015, RG F 11/ 00233

APPELANT :

Monsieur Serge X...
...
74930 REIGNIER

comparant et assisté de Me Christophe NOEL, avocat au barreau d'ANNECY

INTIMEE :

SARL EFICIENS
2, rue Beccaria
75012 PARIS

représentée par Monsieur Y...Françis gérant assisté de Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, Président,
Madame Béatrice REGNIER, Conseiller
Mme Nathalie HACQUARD, Conseiller qui s'est chargée du rapport
qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Nelly CHAILLEY,

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Serge X... a été embauché le 21 janvier 2010 par la SARL EFFICIENS en qualité de directeur web analytics ;

Par courrier du 5 juillet 2011, il a été mis à pied à titre conservatoire et il a été licencié pour faute grave le 25 juillet 2011 ;

Saisi le 3 août 2011, le conseil de prud'hommes d'ANNEMASSE, statuant sous la présidence du juge départiteur, a :
- déclaré le licenciement fondé sur une faute grave,
- rejeté l'intégralité des demandes de monsieur X...,
- ordonné la restitution de l'ordinateur objet d'une expertise, à la SARL EFFICIENS,
- condamné monsieur X... à payer à la SARL EFFICIENS la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise ordonnée par le conseil ;

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception le 3 juin 2013 ;

Par lettre recommandée en date du 9 juin 2015, monsieur X... a interjeté appel de la décision en sa globalité ;

Il demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- annuler les deux avertissements des 6 juin et 27 juin 2011,
- dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 4 juillet 2011,
- dire ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société EFFICIENS à lui payer :
-43200 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
-10800 euros au titre de l'indemnité de préavis,
-1080 euros au titre des congés payés afférents,
-1080 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-2700 euros au titre des salaires correspondant à la mise à pied,
-4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise ;

Il soutient avoir reçu l'ordre de quitter l'entreprise et s'être vu retirer tous ses outils de travail (ordinateur et clés de bureau) dès le 4 juillet 2011 sans aucune forme, ce qui constitue un licenciement verbal qui ne peut être régularisé par la mise à pied et la convocation à entretien préalable intervenue le 5 juillet 2011 ; il conteste toute provocation pouvant expliquer le comportement de l'employeur ;

Il conteste en outre les griefs invoqués pour fonder le licenciement et indique :
- s'agissant du manquement au devoir de loyauté, que la preuve de l'utilisation massive de Twitter à des fins extra professionnelles pèse sur l'employeur et n'est pas rapportée ; que la charge de la preuve ne peut être inversée par la seule délivrance d'une sommation de communiquer des données par ailleurs protégées par l'exigence de respect de la vie privée ;
- s'agissant de l'insuffisance professionnelle, qu'il ne s'agit pas d'une faute disciplinaire et qu'elle ne peut fonder le licenciement pour faute grave ; qu'en outre la preuve de l'insuffisance n'est pas établie ;
- s'agissant de l'insubordination sous forme de sabordage de l'outil informatique, qu'il a communiqué le mot de passe du compte statistique dès le 8 juillet 2011, que le compte administrateur n'était pas bloqué et qu'il a accepté la communication du mot de passe de son ordinateur sous réserve d'être présent à l'ouverture pour récupérer ses données personnelles, sans que l'employeur daigne répondre à cette proposition ; qu'en outre il n'existait aucune règle dans l'entreprise concernant l'usage informatique ; qu'il conteste enfin avoir effacé des données professionnelles de son ordinateur comme l'a d'ailleurs confirmé l'expertise ;

La SARL EFFICIENS demande à la cour de :
- confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes en toutes ses dispositions,
- subsidiairement, requalifier le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et écarter la demande de dommages et intérêts de monsieur X...,
- encore plus subsidiairement, réduire considérablement le montant des demandes de dommages et intérêts de monsieur X...,
- condamner monsieur X... à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,
- condamner monsieur X... aux dépens d'appel ;

Elle fait valoir que monsieur X... n'a jamais donné satisfaction et fera l'objet d'une réprimande verbale en juillet 2010 puis d'un premier avertissement le 6 juin 2011 suivi d'un second le 27 juin 2011 lui-même suivi de diverses interrogations et mises au point adressées au salarié par mails sans qu'il en tienne compte, organisant au contraire son départ en recueillant notamment des attestations avant même son licenciement ; elle soutient que les deux avertissements notifiés au salariés sont justifiés et ne peuvent être annulés ;

Elle conteste tout licenciement verbal et indique que les propos tenus au salarié l'ont été dans le cadre de la mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée verbalement et confirmée par écrit le lendemain ;

Elle soutient que les griefs fondant le licenciement sont établis, qu'ainsi les tweets qu'elle verse aux débats démontrent l'ampleur de l'usage de cet outil à des fins non professionnelles ou sans lien avec l'activité de la société, pendant le temps de travail à partir de l'i-phone fourni au salarié et non de l'ordinateur portable expertisé ;

Elle fait valoir que les faits reprochés au salarié s'agissant du client PMU ne sont pas constitutifs d'insuffisance professionnelle mais de faute dans la mesure où monsieur X... n'a pas déféré aux demandes et relances qui lui ont été faites et qu'il a qualifiées ensuite de harcèlement ;

Elle relève que le salarié a procédé à un changement de mot de passe sans respecter la procédure qu'il connaissait et sans indiquer les nouveaux mots de passe qu'il ne communiquera qu'après mise en demeure alors qu'elle avait besoin au quotidien pour ses clients d'informations devenues inaccessibles ;

Elle indique que le rapport d'expertise confirme l'attitude dolosive du salarié qui a effectivement modifié l'identifiant nécessaire à l'accès aux documents de travail, en remplaçant le répertoire nommé " Serge X... " par un répertoire nommé " Serge zPerso " avec création d'un nouvel identifiant " Serge X... " qui a ensuite été créé et qui donne accès à un nouveau répertoire " sergeroukine1 " vide de tout contenu ; qu'il a ainsi donné l'illusion de la suppression de tous les fichiers, ce qui pour l'entreprise revient au même que la destruction ; qu'il a de même reconnu le blocage du compte statistiques ;

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats ;

SUR QUOI

-Sur les avertissements

L'article L1333-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige concernant une sanction disciplinaire, la juridiction prud'homale " apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. " ;

En l'espèce, l'avertissement délivré le 6 juin 2011 vise le niveau totalement insuffisant d'une présentation destinée au client Logitech et présentée le 17 mai 2011, alors que des observations avaient déjà été faites le 6 septembre 2010 ; le salarié a contesté cet avertissement et notamment indiqué que la présentation aboutie n'était fixée qu'au 26 mai 2011 et non au 17 mai 2011 ;

La société EFFICIENS ne produit aucune pièce qui permettrait de déterminer les standards attendus de monsieur X... pour le type de présentation du 17 mai 2011 ; elle ne justifie pas davantage des observations qu'elle aurait faites le 6 septembre 2010 ; monsieur X... soutient que cette réunion du 17 mai n'était qu'une étape, la présentation finale étant fixée au 26 mai et il produit un courriel du 11 mai 2011, que lui adresse par madame Y..., directrice associée de EFFICIENS, par lequel elle sollicite un certain nombre d'éléments et indique " l'idée est que je puisse montrer une version aboutie pour le meeting du 26 au big boss " ;

Ni la preuve de la matérialité des manquements du salarié fondant l'avertissement notifié le 6 juin 2011, ni leur caractère fautif justifiant une sanction disciplinaire, n'est rapportée et cet avertissement sera donc annulé ;

L'avertissement notifié le 27 juin 2011 vise " une insuffisance grave dans la qualité des services que vous rendez pour l'un de nos principaux clients, la société Jabra " et ce malgré les demandes formulées et les relances subies ;

La société EFFICIENS produit à ce titre un échange de courriel entre monsieur Y...son dirigeant et monsieur X... au terme duquel le 17 juin 2011, monsieur Y...interroge le salarié sur l'état d'avancement et l'informe de l'impatience du client, et monsieur X... répond à cette interrogation de manière détaillée et précise, indiquant et transmettant les slides réalisés et expliquant qu'il est en discussion sur cette campagne avec " Clothilde " temporairement indisponible ; aucune réponse n'a été apportée à ce courriel de monsieur X... pour remettre en cause ses explications qui doivent dès lors être considérées comme fondées ; aucune observation ultérieure n'est justifiée et il n'est pas davantage établi que le client aurait émis des doléances ; les griefs fondant l'avertissement ne sont pas établis et la sanction doit être annulée ;

- Sur le licenciement

Monsieur X... soutient d'abord qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 4 juillet 2011 ; il produit à cet égard deux attestations-non conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile pour être dépourvue de la copie d'une pièce d'identité de leur auteur-au terme desquelles deux collègues indiquent que le 4 juillet 2011, monsieur X... a été sommé par son employeur de quitter l'entreprise-les locaux-immédiatement, de ne plus y revenir et de remettre son ordinateur, son téléphone portable et ses clefs ;

Il n'est nullement établi par ces deux attestations que monsieur Y...ait fait oralement connaître à monsieur X... qu'il était licencié, " viré " selon les affirmations du salarié ;

L'injonction de quitter les lieux et de remettre les outils de travail correspond à la mise à pied conservatoire, confirmée dès le lendemain par courrier recommandé emportant par ailleurs convocation à l'entretien préalable au licenciement ; elle ne permet pas d'établir le licenciement verbal allégué dont la cour constate qu'il n'a pas eu lieu ;

Monsieur X... a été licencié pour faute grave par courrier du 25 juillet 2011 ;

La faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée dudit préavis ; la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;

En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

" Par la présente, nous prononçons votre licenciement pour faute grave à compter de ce jour compte tenu des motifs qui suivent et qui ont été évoqués lors de l'entretien préalable qui a eu lieu le mardi 19 juillet 2011 à 10 heures sur votre lieu de travail à ARCHAMPS.

Le 28 juin 2011, nous avons découvert que vous utilisiez massivement l'outil twitter à des fins extra-professionne/ les. Ainsi, au cours des seize derniers mois, vous avez gravement manqué à votre obligation de loyauté à l'égard de votre employeur en communiquant sous le nom de la société dont vous être actionnaire, la SARL CODEUR, à de multiples reprises pendant vos heures de travail et à partir du matériel appartenant à la société EFICIENS.

Il apparaît que vous avez émis au minimum depuis votre entrée dans la société 1. 336 tweets depuis votre compte http :/ twitter. com/ !/ codeur. Depuis deux mois, ce sont également 90 tweets qui ont été émis depuis ce même compte.

Cela représentant plusieurs dizaines d'heures de travail rémunérées par EFICIENS alors que vous agissiez pour le compte de la société CODEUR.

Par ailleurs, toujours pendant vos heures de travail et sur votre lieu de travail, vous avez fait la promotion de la société CODEUR et avez répondu à des demandes pour le compte de cette société.

Il convient d'ajouter à ce manquement à votre obligation de loyauté qui justifierait à lui seul votre licenciement, les reproches qui suivent :
Notre client la société PMU vous a relancé le 26 mai 2011 pour obtenir les résultats d'un test. Le 30 juin 2011, une nouvelle relance nous a été adressée par la société PMU pour obtenir une mise à jour des résultats. Du 26 mai au 30 juin, vous n'avez donc eu aucune communication écrite avec le client sur un projet dont vous connaissiez pour l'importance stratégique pour la société.

Ce comportement est inconcevable à l'égard d'un tel client qui représente un marché important notamment en terme d'image pour la société EFICIENS.

Une nouvelle fois, votre volonté de faire passer votre activité au sein de la société EFICIENS au second plan de vos préoccupations est mise en évidence.

Pourtant, nous vous avions averti à deux reprises pour des faits similaires.

Ainsi, le 6 juin 2011, nous vous avons notifié un avertissement compte tenu de l'insuffisance grave tant sur le plan quantitatif que qualitatif des documents que vous avez produits à destination de notre client principal, la société LOGITECH.

Le 27 juin 2011, nous avions eu à déplorer une nouvelle insuffisance dans la qualité des services et la réactivité dont vous faites preuve à l'égard de l'un de nos principaux clients, la société JABRA. Une optimisation des landings pages devait être faite rapidement. Or, le 17 juin 2011, nous nous sommes aperçus après plusieurs relances du client que le projet n'avait pas du tout avancé de votre côté.

Vous n'avez manifestement pas pris en compte les avertissements qui vous ont été notifiés.

A la suite du second avertissement, vous avez saboté l'activité de la société EFICIENS ce qui constitue une très grave insubordination :
Il apparaît que toute votre activité a été effacée (16 mois d'activité) le 28 juin 2011 sur le PC MACBOOK PRO mis à votre disposition par la société EFICIENS. Vous avez détruit purement et simplement l'intégralité des données de travail et des documents appartenant à la société EFICIENS.
Puis vous avez bloqué l'accès administrateur sur ce même PC rendant tout accès ou tentative de récupération impossible.
Poursuivant votre activité de sabotage intentionnel, vous avez simultanément effacé du serveur de la société les backups de votre PC (plus de 10. 000 fichiers effacés) sans récupération possible.
Enfin, parachevant ce travail de destruction manifestement planifié de longue date, vous avez bloqué lundi matin 4 juillet 2011, l'accès au compte statistique EFICIENS principal serge. archamps @ gmail. com et rerouté sur votre adresse email et téléphones personnels les accès secondaires. L'outil de production statistiques EFICIENS pour le compte de nos clients, et utilisé quotidiennement, est ainsi devenu totalement non opérationnel.

Pire, cet accès serge. archamps @ gmail. com était le seul à piloter les systèmes automatisés de production statistiques de la société, systèmes devenus caduques instantanément. Il a fallu ensuite vous mettre en demeure par courrier recommandé A. R. afin de récupérer cet accès au bout de 8 jours calendaires.

Ces quatre actions concertées ont mis gravement en péril l'historique des projets passés (plus aucune statistique n'était accessible), ainsi que les projets en cours, notamment pour les clients PMU, TOSCHIBA, JABRA, AMD, soit plus de 85 % du chiffre d'affaires de la société.

C'est dans ces conditions que le maintien du contrat de travail est rendu impossible, même pendant le temps du préavis.

Vous ne percevrez ni indemnité compensatrice de préavis, ni indemnité de licenciement.

Vous voudrez bien nous restituer dans les meilleurs délais l'IPHONE (ainsi que ses accessoires) qui vous avait été confié dans l'exercice de vos fonctions.

Nous vous demandons également de respecter la clause de non concurrence de votre contrat de travail, clause qui sera donc rémunérée conformément aux dispositions contractuelles. Nous vous en rappelons les termes " le salarié s'interdit de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer en tout ou partie celle de la société EFICIENS " ; cela couvre notamment les activités de conseil, publicité en ligne, web design, développement et naturellement web analytics en agence, activité freelance ou indépendante, ou chez un annonceur. Nous ferons preuve d'une vigilance toute particulière dans l'application et le respect de cette clause prévue à votre contrat de travail pendant la durée de 6 mois à compter de ce jour. "

Sur le premier point, la société EFFICIENS reproche à son salarié l'envoi de 1336 tweets non professionnels pendant le temps de travail, depuis l'embauche ; quand bien même ce grief serait avéré nonobstant l'absence d'horaire d'envoi des tweets il apparaît, à supposer dans une estimation particulièrement large que chaque envoi ait requis un temps de 1 minute, que l'envoi de l'ensemble des 1336 messages correspond en moyenne à moins de 4 minutes par jour au cours des semaines où monsieur X... travaillait 5 jours et moins de 5 minutes par jour si l'on retient les semaines de 4 jours à compter de janvier 2011, et ce en tenant compte des congés du salarié ;

L'envoi également reproché de 90 tweets en 2 mois, correspond à l'envoi de moins de 3 tweets par jours travaillés (4 jours par semaine) soit moins de trois minutes ;

Compte tenu du fait que le salarié n'était soumis à aucun horaire ainsi que le prévoit expressément son contrat de travail, le fait d'avoir le cas échéant, pu consacrer un temps aussi limité à l'envoi de tweets non professionnels, y-compris à des horaires communément retenus comme travaillés ce qui n'est pas démontré, alors que le salarié était au demeurant du fait de ses fonctions, connecté à internet de manière quasi continue, ne peut être retenu comme fautif ;

Il n'est de la même manière pas justifié de la promotion de la société CODEUR pendant les heures de travail et l'envoi de tweets concernant cette activité n'est pas fautif ainsi qu'il a été dit ci-avant ;

La société EFFICIENS reproche ensuite à son salarié de n'avoir délibérément pas exécuté la prestation attendue par le client PMU qui a dû le relancer le 26 mai puis le 30 juin et ce en dépit des avertissements antérieurs ;

Il sera d'abord rappelé que ces avertissements ont été annulés ; il apparaît ensuite que les courriels de la société PMU en date des 26 mai et 30 juin 2011 sont libellés à l'identique et comme suit : " Bonjour Serge, Pouvez-vous nous envoyer les résultats du test à date ? Merci d'avance. Cdlt " suit l'identité de l'expéditeur ; la formulation de ces messages ne fait pas apparaître de relance ; il apparaît en outre à la lecture du courriel de ce client, adressé à monsieur X... le 1er juillet 2011, que les demandes récurrentes de résultats sont cohérentes s'agissant d'un test dont la prolongation est annoncée et que le client est satisfait des retours obtenus puisque cette question lui étant expressément posée, il indique " très bien sur le reporting ", cependant il faut creuser les " pour actions " ;

Le grief formulé n'est donc pas établi ;

La société EFFICIENS impute enfin à monsieur X... un " sabotage " informatique à la suite du second avertissement ;

Il résulte de l'expertise judiciaire dont les conclusions ne sont pas remises en cause par les parties, que " concernant les backups, il n'est pas possible de déterminer s'ils ont été effacés du serveur " ; ainsi aucune manipulation ne peut être imputée à monsieur X... s'agissant de l'absence de certains fichiers sur le serveur ;

L'expertise permet également d'établir que monsieur X... n'a pas " détruit purement et simplement l'intégralité des données de travail et des documents appartenant à la société EFICIENS. " ni n'a véritablement " bloqué l'accès administrateur sur ce même PC rendant tout accès ou tentative de récupération impossible " ; pour autant alors que les fichiers se trouvaient auparavant accessibles pour l'employeur, l'expert a pu constater que monsieur X... a transféré l'ensemble des données sur un répertoire " SergezPerso " auparavant nommé " Serge X... ", créé un nouvel identifiant Serge X..., donnant accès à un nouveau répertoire " sergeroukine1 " vide de tout contenu et mis ainsi tout utilisateur non informé de ces modifications dans l'impossibilité de voir apparaître quelque document que ce soit ; ainsi l'employeur auquel l'ordinateur a été remis, a pu constater en entrant l'identifiant Serge X..., l'absence de tout contenu, ne pouvait accéder ni avoir connaissance de l'existence d'un autre repértoire et était fondé à penser que le salarié avait détruit l'intégralité des données ;

Monsieur X... ne pouvait ignorer que non seulement en procédant à un tel transfert, il plaçait son employeur dans l'impossibilité d'accéder à des documents et données à caractère professionnel, mais également en créant un nouvel identifiant identique au précédant donnant accès à un répertoire vide, qu'il donnait l'illusion de la destruction ou de la disparition de l'ensemble de ces documents et données ;

Si le seul changement de mot de passe sans en avertir l'employeur apparaît admis et même conforme aux recommandations de la CNIL, les manipulations de monsieur X... ne se sont pas limitées à une telle modification et elles présentent dès lors un caractère fautif ;

Il n'est pas contestable que monsieur X... avait également modifié le mot de passe du compte serge. archamps @ gmail. com permettant l'accès aux statistiques journalières de connexion dont la société est amenée à rendre compte à ses clients ; il apparaît cependant que ce compte n'était pas utilisé par le seul monsieur X... mais par d'autres salariés telle madame Z...et par les co-dirigeants et que le changement de mot de passe, eut-il eu un objectif de sécurité informatique, devait donc être porté à la connaissance des utilisateurs potentiels ; force est de constater que monsieur X... n'a pas informé lesdits utilisateurs de ce changement et n'a informé la société du nouveau mot de passe que par courrier recommandé du 8 juillet 2011, une mise en demeure lui en ayant été faite dans la lettre de convocation à l'entretien préalable ;

Un tel comportement, alors même que monsieur X... ne peut ignorer que ces statistiques sont sollicitées par les clients régulièrement et qu'il est indispensable pour la société d'y avoir accès, est fautif ;

Les griefs établis, s'ils ne justifient pas la rupture immédiate du contrat de travail et ne peuvent dès lors être qualifiés de faute grave, constituent cependant un motif réel et sérieux de licenciement et monsieur X... sera dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

La société EFFICIENS doit en revanche verser à son salarié l'indemnité de préavis et les congés payés afférents soit la somme de 10800 euros bruts correspondant à 3 mois de salaire et la somme de 1080 euros bruts au titre des congés payés afférents, l'indemnité de licenciement égale à 1080 euros et le salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire soit 2438, 71 euros (3600/ 31 x 21) outre 243, 87 euros au titre des congés payés afférents ;

- Sur les autres demandes

La société EFFICIENS qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire et versera à monsieur X... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; elle ne peut prospérer en sa propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré excepté en ce qu'il a ordonné la restitution de l'ordinateur objet d'une expertise, à la SARL EFFICIENS ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Dit que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux et non sur une faute grave ;

Condamne la SARL EFFICIENS à payer à Serge X... :
- la somme de 10800 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 1080 euros bruts au titre des congés payés afférents,
-1080 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
-2438, 71 euros bruts au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,
-243, 87 euros au titre des congés payés afférents ;

Déboute Serge X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Condamne la SARL EFFICIENS à payer à Serge X... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL EFFICIENS aux dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Ainsi prononcé le 25 Février 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Claudine FOURCADE, Présidente, et Madame Nelly CHAILLEY, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/01264
Date de la décision : 25/02/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2016-02-25;15.01264 ?
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