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21/12/2017 | FRANCE | N°16-14405

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 décembre 2017, 16-14405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 mars 2016), que M. X... a été engagé par la société Auchan (la société) le 1er septembre 2005 au sein de l'équipe de sécurité ; qu'après avoir été placé en arrêt maladie du 2 septembre au 5 octobre 2013, le salarié a, le 8 octobre 2013, démissionné de son poste ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de juger que la démission du salarié s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail à s

es torts et de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 mars 2016), que M. X... a été engagé par la société Auchan (la société) le 1er septembre 2005 au sein de l'équipe de sécurité ; qu'après avoir été placé en arrêt maladie du 2 septembre au 5 octobre 2013, le salarié a, le 8 octobre 2013, démissionné de son poste ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de juger que la démission du salarié s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail à ses torts et de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour considérer qu'il existait un litige avant la démission et requalifier celle-ci en prise d'acte, la cour d'appel a retenu que la lettre du 26 août 2013 par laquelle la société avait notifié une mise en garde au salarié, constituait un avertissement, sanction disciplinaire dont celui-ci ne demandait pas l'annulation ; qu'en procédant à cette requalification de la « mise en garde », sans inviter les parties à s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement que si constitue une sanction disciplinaire toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, un simple « rappel à l'ordre » ne constitue pas un avertissement ; que pour considérer qu'il existait un litige avant la démission et requalifier celle-ci en prise d'acte, la cour d'appel a requalifié en avertissement la lettre de mise en garde du 27 août 2013 ; qu'en procédant à cette requalification cependant que, dans la lettre, intitulée « mise en garde », la société s'était bornée à rappeler au salarié les dispositions du règlement intérieur prohibant tout achat personnel durant le temps du travail et à le mettre en garde contre toute réitération du fait, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

3°/ plus subsidiairement que l'employeur n'est pas tenu de convoquer le salarié à un entretien avant de lui notifier un avertissement ; que pour juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la société aurait dû convoquer le salarié pour un entretien disciplinaire avec les garanties de défense et de contradictoire y afférentes avant de lui délivrer l'avertissement du 27 août 2013 ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-2 du code du travail ;

4°/ de même qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n'ait donné lieu à l'exercice de poursuites pénales ; qu'à supposer qu'ils aient donné lieu à un avertissement, les faits qui s'étaient déroulés le 26 août 2013 n'étaient pas prescrits lorsqu'ils ont fait l'objet de la lettre de « mise en garde » du 27 août 2013 ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

5°/ de plus qu'une simple demande d'explications verbales n'a pas valeur de sanction ; qu'en assimilant à un entretien disciplinaire ayant nécessité une convocation, la demande d'explications verbales du 27 août 2013 relative à des faits qui se seraient déroulés le 2 juin 2013 au demeurant non sanctionnés, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et s. du code du travail ;

6°/ très subsidiairement que l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai, s'il s'agit de faits de même nature ; que pour décider que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement, la cour d'appel a considéré que le fait d'avoir interrogé le salarié sur une éventuelle soustraction frauduleuse dont il se serait rendu responsable le 2 juin 2013, au cours de l'entretien du 27 septembre 2013 ayant précédé la remise contre décharge de la « mise en garde » analysée comme un avertissement pour des faits du 26 août 2013, constituait un manquement de la société à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail ; qu'en méconnaissant de la sorte la faculté qu'avait l'employeur d'interroger verbalement le salarié sur des faits prescrits, lorsqu'il se déterminait, le 27 septembre 2013 sur une éventuelle sanction disciplinaire à l'encontre du salarié dont le comportement fautif s'était poursuivi le 26 septembre 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et s. du code du travail, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du même code ;

7°/ qu'un employeur est fondé à demander à un salarié absent qui n'est pas en arrêt de travail pour maladie, de lui rapporter le matériel qui lui a été remis pour effectuer un travail ponctuel pour lequel il doit être remplacé ; que pour décider que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement, la cour d'appel a considéré que le fait d'avoir demandé au salarié, absent le 29 septembre 2013 et qui n'a été placé en arrêt maladie que le 2 septembre 2013, de rapporter son téléphone et sa sacoche d'astreinte, constituait un manquement de la société à son obligation de loyauté ; qu'en méconnaissant la faculté qu'avait celle-ci de demander à son agent de sécurité absent sans être en arrêt de travail pour maladie, de lui rapporter la sacoche et le téléphone d'astreinte qui devaient être remis à son remplaçant, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

8°/ en toute hypothèse que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'après avoir considéré que le fait d'avoir interrogé verbalement le salarié, agent de sécurité, sur une éventuelle soustraction frauduleuse dont il se serait rendu responsable plus de deux mois avant des faits sanctionnés par un avertissement, sans l'avoir convoqué en bonne et due forme pour un entretien disciplinaire, puis, en son absence, de lui avoir demandé de rapporter une sacoche et son téléphone d'astreinte, constituaient une « pression » constitutive d'une violation de l'obligation de loyauté de l'employeur et donc un manquement grave de nature à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel ne pouvait juger qu'un tel manquement produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à la condition de constater qu'il empêchait la poursuite du contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans procéder à cette constatation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

9°/ enfin qu'aux fins de voir juger que la prise d'acte produisait les effets d'une démission et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Auchan France avait invité la cour d'appel à s'interroger sur le manquement de son agent de sécurité à une obligation prévue par le règlement intérieur qu'il avait signé ; qu'après avoir constaté que l'avertissement du 27 septembre 2013 reprochait au salarié d'avoir effectué un achat personnel durant son temps de travail, que le salarié n'avait pas contesté ce reproche à valeur d'avertissement, que le salarié n'avait été placé en arrêt-maladie qu'entre le 2 et le 5 octobre 2013 et que sa lettre de démission du 8 octobre n'avait fait état d'une perte de confiance réciproque que pour justifier la demande dispense du préavis, la cour d'appel devait s'interroger, ainsi qu'elle y avait été invitée, sur le manquement non contesté de l'agent de sécurité à une obligation prévue par le règlement intérieur ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant de déterminer si la prise d'acte produisait les effets d'une démission ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas davantage justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'employeur ayant indiqué qu'il avait remis le 27 août 2013 au salarié une lettre d'avertissement rappelant l'interdiction d'effectuer des achats personnels sur le temps de travail et que le salarié ne contestait pas le manquement qui lui était reproché, la cour d'appel n'a pas violé le principe de la contradiction en qualifiant cette lettre d'avertissement ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur avait exercé les 27 et 29 août 2013 des pressions sur le salarié en lui retirant ses outils de travail d'astreinte et en l'interrogeant à deux reprises de manière informelle sur des faits dont il avait connaissance depuis le mois de juin 2013 et alors qu'il avait épuisé son pouvoir disciplinaire en lui délivrant le 27 août un avertissement pour d'autres faits, a fait ressortir que la gravité de ces manquements empêchait la poursuite du contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Auchan France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Auchan France et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 2 194 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société Auchan France.

Il est fait grief à la Cour d'appel de Bordeaux d'AVOIR jugé que la démission de M. X... s'analysait en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la sas Auchan France, en conséquence, d'avoir condamné la seconde à verser au premier la somme de 26.016 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence encore d'avoir condamné la sas Auchan France à payer à M. X... une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'il ressort des écritures et des débats que ce dernier demande la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et non son annulation pour vice du consentement ; que la cour statuera donc sur ce seul point ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures récentes ou contemporaines de la démission qu'à la date où elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur sachant que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant alors tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionné dans cet écrit ; que la lettre adressée le 8 octobre 2013 par M. X... à la sas Auchan est ainsi libellée : « je vous fait part de mon intention de démissionner du poste d'agent de sécurité fonction que j'occupe au sein de votre entreprise depuis le 4 septembre 2006. Par dérogation aux dispositions figurant sur mon contrat de travail et, au vu du désaccord que nous avons rencontré qui a entraîné une rupture de confiance des deux parties, je vous demande de bien vouloir m'autoriser à ne pas effectuer mon préavis de deux mois, afin que je puisse quitter l'entreprise le 9 octobre 2013 » ; que la teneur même de ce courrier qui mentionne l'existence d'un désaccord et d'une perte de confiance, tant du coté de l'employeur que du coté du salarié, traduit le caractère équivoque de la volonté du salarié de mettre fin au contrat de travail ; que de plus M. X... soutient, pour l'essentiel, que dans les jours ayant précédé son arrêt de travail du 2 septembre 2013, la sas Auchan France a effectué sur sa personne des pressions non fondées qui ont détérioré son état de santé et l'ont contraint à prendre acte de la rupture ; qu'il produit à l'appui de son argumentation : 1° l'avertissement qui lui a été délivré le 26 août 2013 à raison d'un achat personnel effectué le jour même à 8 h 30 durant son temps de travail en infraction au règlement intérieur, et dont il ne sollicite pas l'annulation ; 2° les échanges de courriers entre son conseil et la responsable des ressources humaines de la sas Auchan France qui se sont déroulés entre le 30 août 2013 et le 18 septembre 2013, qui révèlent que M. X... a eu deux entretiens avec sa hiérarchie, d'une part le 27 août 2013 à l'occasion de la remise de l'avertissement avec son responsable hiérarchique, en présence du directeur, selon l'employeur, pour lui signifier « la baisse de confiance engendrée par ces faits » et pour qu'il « apporte une explication au contrôle vidéo effectué sur une de ses nuits de travail, montrant des actes inhabituels de sa part » et selon M. X..., pour lui reprocher « d'avoir volé un objet indéterminé dans un rayon indéterminé lui aussi, au début du mois de juin 2013 tel que cela aurait été révélé par le visionnage de bandes vidéo, qui ne (lui) ont pas été (…) montrées » et pour lui indiquer que s'il ne rapportait pas immédiatement l'objet en question, il y aurait dépôt de plainte, que la police serait envoyée à son domicile pour une perquisition, et qu'il devait avoir quitté l'entreprise pour fin septembre », et d'autre part le 29 août 2013 avec son responsable qui lui avait demandé de rapporter la sacoche et le téléphone d'astreinte, et au cours duquel, selon M. X..., « il lui a été demandé s'il avait rapporté autre chose, ce à quoi (il) a répondu que non puisqu'il n'avait rien subtilisé » et il lui a été indiqué que la bande vidéo avait été saisie par un huissier et qu'il connaissait la position du directeur » ; 3° les attestations de son gendre et de ses parents qui témoignent, pour le premier qu'il le sentait abattu, tendu et déçu par les accusations de sa hiérarchie, exprimant son incompréhension malgré le sentiment d'avoir bien fait son travail, et pour les seconds que ce qui se passait dans son travail avait considérablement affaibli leurs fils aussi bien physiquement que psychologiquement, 4° l'attestation du docteur Y..., son médecin traitant, qui indique avoir reçu M. X... en consultation le 2 septembre 2013, qu'il présentait un trouble anxieux majeur qu'il mettait en rapport avec un trouble professionnel (conflit avec sa hiérarchie), pleurant, ayant des idées noires et un sentiment de dévalorisation très important qu'il l'a accompagné et reçu quatre autres fois pour ce problème qui a nécessité un arrêt de travail d'un mois et demi ; que ces pièces suffisent à établir que le 27 et 29 août 2013, M. X... a été entendu à deux reprises de manière informelle par sa hiérarchie qui le suspectait d'avoir commis un vol au cours d'une de ses nuits de permanence, puisque lors d'un contrôle réalisé au cours du mois de juin par le responsable sécurité ce dernier avait constaté par le biais de caméras du magasin qui « mettaient en évidence une attitude inhabituelle durant ses déplacements entre le PC sécurité et la surface de vente » de M. X... qui avait selon lui un « comportement anormal » ; que cette suspicion est confirmée par l'attestation de M. Z..., responsable du salarié, et celle de M. A..., directeur, qui indiquent pour le premier, « je lui ai fait part de mes interrogations et j'attendais des réponses sur cette attitude qui mettait en évidence une dissimulation d'objets ou d'articles sous sa chemise lors de son retour du magasin. M. X... a donné des explications confuses et reconnaissant à demi-mot qu'il avait effectivement pu prendre un produit au magasin » et pour le second « nous avons décidé de recevoir M. X... afin de recueillir ses explications, au cours de l'entretien, M. X... n'a pas nié avoir pris quelque chose dans le magasin. Nous lui avons donc exprimé une perte de confiance » ; que dès lors même si la sas Auchan dément avoir accusé son salarié de vol, ce dernier a tout de même été interrogé et sommé de s'expliquer sur des images émanant du système de vidéo surveillance révélant une attitude jugée « anormale » par l'employeur et un objet volumineux caché sous sa chemise, l'employeur produisant deux attestations confirmant le positionnement des caméras de surveillance vers les plafonds ou en angle mort et le volume sous la chemise de M. X... au retour de la surface de vente, de sorte que ce dernier s'est légitimement senti accusé de vol ; qu'il s'est donc vu suspecté, et l'employeur ne conteste pas lui avoir retiré d'office ses outils de travail d'astreinte, sans avoir été convoqué en bonne et due forme pour un entretien disciplinaire, avec les garanties de défense et de contradictoire y afférentes, alors que les faits étaient connus de l'employeur depuis le mois de juin 2013, de sorte qu'il avait épuisé son pouvoir disciplinaire en lui délivrant un avertissement pour d'autre faits le 27 août 2013 et que les faits étaient prescrits puisque les faits litigieux se sont déroulés durant la nuit du 2 juin 2013 ; qu'en procédant ainsi la sas Auchan France a exercé des pressions sur M. X... qui ont généré un arrêt de travail du fait de l'état dépressif qui s'en est suivi, ainsi qu'en témoigne son médecin traitant, et a manqué a son obligation de loyauté à l'égard de son salarié de manière contemporaine à sa démission et suffisamment gravement pour justifier que la démission soit requalifiée en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur ;

1/ ALORS QUE le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour considérer qu'il existait un litige avant la démission et requalifier celle-ci en prise d'acte, la cour d'appel a retenu que la lettre du 26 août 2013 par laquelle la sas Auchan France avait notifié une mise en garde à M. X..., constituait un avertissement, sanction disciplinaire dont celui-ci ne demandait pas l'annulation; qu'en procédant à cette requalification de la « mise en garde », sans inviter les parties à s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE si constitue une sanction disciplinaire toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, un simple « rappel à l'ordre » ne constitue pas un avertissement; que pour considérer qu'il existait un litige avant la démission et requalifier celleci en prise d'acte, la cour d'appel a requalifié en avertissement la lettre de mise en garde du 27 août 2013; qu'en procédant à cette requalification cependant que, dans la lettre, intitulée « mise en garde », la sas Auchan France s'était bornée à rappeler à M. X... les dispositions du règlement intérieur prohibant tout achat personnel durant le temps du travail et à le mettre en garde contre toute réitération du fait, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

3/ ALORS PLUS SUBSIDIAIREMENT QUE l'employeur n'est pas tenu de convoquer le salarié à un entretien avant de lui notifier un avertissement ; que pour juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la société Auchan France aurait dû convoquer M. X... pour un entretien disciplinaire avec les garanties de défense et de contradictoire y afférentes avant de lui délivrer l'avertissement du 27 août 2013 ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-2 du code du travail ;

4/ ALORS DE MEME QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n'ait donné lieu à l'exercice de poursuites pénal ; qu' à supposer qu'ils aient donné lieu à un avertissement, les faits qui s'étaient déroulés le 26 août 2013 n'étaient pas prescrits lorsqu'ils ont fait l ‘objet de la lettre de « mise en garde » du 27 août 2013; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

5/ ALORS DE PLUS QU'une simple demande d'explications verbales n'a pas valeur de sanction ; qu'en assimilant à un entretien disciplinaire ayant nécessité une convocation, la demande d'explications verbales du 27 août 2013 relative à des faits qui se seraient déroulés le 2 juin 2013 au demeurant non sanctionnés, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et s. du code du travail ;

6/ ALORS TRES SUBSIDIAIREMENT QUE l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai, s'il s'agit de faits de même nature ; que pour décider que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement, la cour d'appel a considéré que le fait d' avoir interrogé M. X... sur une éventuelle soustraction frauduleuse dont il se serait rendu responsable le 2 juin 2013, au cours de l' entretien du 27 septembre 2013 ayant précédé la remise contre décharge de la « mise en garde » analysée comme un avertissement pour des faits du 26 août 2013, constituait un manquement de la sas Auchan France à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail; qu'en méconnaissant de la sorte la faculté qu'avait l'employeur d'interroger verbalement le salarié sur des faits prescrits, lorsqu'il se déterminait, le 27 septembre 2013 sur une éventuelle sanction disciplinaire à l'encontre du salarié dont le comportement fautif s'était poursuivi le 26 septembre 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et s. du code du travail, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du même code;

7/ ALORS QU'un employeur est fondé à demander à un salarié absent qui n'est pas en arrêt de travail pour maladie, de lui rapporter le matériel qui lui a été remis pour effectuer un travail ponctuel pour lequel il doit être remplacé; que pour décider que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement, la cour d'appel a considéré que le fait d' avoir demandé à M. X..., absent le 29 septembre 2013 et qui n'a été placé en arrêt maladie que le 2 septembre 2013, de rapporter son téléphone et sa sacoche d'astreinte, constituait un manquement de la sas Auchan France à son obligation de loyauté ; qu'en méconnaissant la faculté qu'avait celle-ci de demander à son agent de sécurité absent sans être en arrêt de travail pour maladie, de lui rapporter la sacoche et le téléphone d'astreinte qui devaient être remis à son remplaçant, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

8/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'après avoir considéré que le fait d'avoir interrogé verbalement le salarié, agent de sécurité, sur une éventuelles soustraction frauduleuse dont il se serait rendu responsable plus de deux mois avant des faits sanctionnés par un avertissement, sans l'avoir convoqué en bonne et due forme pour un entretien disciplinaire, puis, en son absence, de lui avoir demandé de rapporter une sacoche et son téléphone d'astreinte, constituaient une « pression » constitutive d'une violation de l'obligation de loyauté de l'employeur et donc un manquement grave de nature à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel ne pouvait juger qu'un tel manquement produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à la condition de constater qu'il empêchait la poursuite du contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans procéder à cette constatation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et du travail ; L. 1235-1 du code

9/ ET ALORS ENFIN QU'aux fins de voir juger que la prise d'acte produisait les effets d'une démission et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Auchan France avait invité la cour d'appel à s'interroger sur le manquement de son agent de sécurité à une obligation prévue par le règlement intérieur qu'il avait signé (cf. conclusions, p. 2 et s. et pièces n° 1 et 2) ; qu'après avoir constaté que l'avertissement du 27 septembre 2013 reprochait à M. X... d'avoir effectué un achat personnel durant son temps de travail (cf. arrêt, p. 3), que M. X... n'avait pas contesté ce reproche à valeur d'avertissement (cf. arrêt, p. 6), que M. X... n'avait été placé en arrêt-maladie qu'entre le 2 et le 5 octobre 2013 (cf. arrêt, p. 3) et que sa lettre de démission du 8 octobre n'avait fait état d'une perte de confiance réciproque que pour justifier la demande dispense du préavis (cf. arrêt, p. 5), la cour d'appel devait s'interroger, ainsi qu'elle y avait été invitée, sur le manquement non contesté de l'agent de sécurité à une obligation prévue par le règlement intérieur ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant de déterminer si la prise d'acte produisait les effets d'une démission ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas davantage justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-14405
Date de la décision : 21/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 déc. 2017, pourvoi n°16-14405


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.14405
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