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20/12/2017 | FRANCE | N°16-28167;16-50063

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 décembre 2017, 16-28167 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les instances enrôlées sous les n° 16-28.167 et 16-50.063 ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi n° 16-28.167, soulevée d'office, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que l'avis rendu par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en application de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée, n'a pas le caractère d'un jugement et n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation ;<

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Qu'il s'ensuit que le pourvoi formé contre un tel avis n'est pas recevable ;
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les instances enrôlées sous les n° 16-28.167 et 16-50.063 ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi n° 16-28.167, soulevée d'office, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que l'avis rendu par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en application de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée, n'a pas le caractère d'un jugement et n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation ;

Qu'il s'ensuit que le pourvoi formé contre un tel avis n'est pas recevable ;

Sur la requête n° 16-50.063 :

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée ;

Vu l'avis émis le 10 septembre 2015 par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui a retenu la responsabilité professionnelle de Me X... envers M. Y... et évalué le préjudice de celui-ci à la somme de 5 000 euros ;

Vu la requête présentée par M. Y... le 22 décembre 2016, complétée par un mémoire déposé le 23 juin 2017, tendant à la condamnation de Me X... à lui payer la somme de 3 033 907 euros au titre de son préjudice matériel et celle de 250 000 euros au titre de son préjudice moral, ainsi que celle de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la déchéance de la requête :

Attendu que Me X... demande à la Cour de cassation de constater la déchéance de la requête, aux motifs, d'une part, que celle-ci n'est pas motivée, d'autre part, qu'il appartenait à M. Y... de produire, dans le délai de quatre mois imparti par l'article 978 du code de procédure civile expirant le 24 avril 2017, le mémoire complémentaire qu'il annonçait dans sa requête et de le lui signifier au plus tard le 24 mai 2017 ; que, subsidiairement, il conclut au rejet de la requête ; qu'il sollicite l'octroi d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la requête expose sommairement les prétentions et moyens du requérant, et qu'il ne résulte d'aucun texte que la procédure spéciale permettant de mettre en jeu la responsabilité d'un avocat aux Conseils impose au demandeur, à peine de déchéance, de se conformer aux dispositions de l'article 978 du code de procédure civile ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer la déchéance de la requête ;

Sur son bien-fondé :

Attendu que, par deux arrêts du 5 octobre 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, sur la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la banque), prononcé le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire de la société civile d'exploitation agricole Domaine de la Vérane (la SCEA), dont M. Y... était associé ; que Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, a été mandaté pour former un pourvoi contre ces deux arrêts ; que ces pourvois ont été déclarés non admis (Com., 14 février 2006, pourvoi n° 04-20.492 ; Com., 25 avril 2006, pourvoi n° 04-20.493) ;

Attendu que M. Y... reproche à Me X... d'avoir omis de soulever le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'assignation en redressement judiciaire délivrée le 25 janvier 2002 à la SCEA par la banque, faute de contenir l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance ;

Attendu, d'abord, qu'en vertu de l'ancien article 7 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 relatif au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, modifié par le décret n° 94-910 du 21 octobre 1994, applicable en l'espèce, l'assignation d'un créancier doit préciser la nature et le montant de la créance et contenir l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance ; que, par un arrêt du 1er mars 2005 (Com., n° 03-12.425, Bull. 2005, IV, n° 41), la Cour de cassation a jugé que « l'assignation d'un créancier contient à peine d'irrecevabilité de la demande, qui doit être relevée d'office, l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance » ;

Que, toutefois, d'une part, il n'est pas certain que le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'assignation en ouverture de procédure collective délivrée par la banque à la SCEA, qui n'avait pas été invoqué devant la cour d'appel, aurait été accueilli, dès lors que, selon un arrêt du 15 novembre 2005 (Com., n° 04-16.904), un tel moyen soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation a été jugé mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ; que, d'autre part, il résulte des productions que, dans son assignation aux fins d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la SCEA, la banque faisait état de l'ouverture de deux précédentes procédures collectives, en 1990 et 1994, dont la seconde était intervenue à son initiative, ainsi que d'une déclaration de créance de 14 349 727,51 francs, et indiquait également avoir présenté, le 12 avril 2001, une requête aux fins de désignation d'un conciliateur conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu, ensuite, qu'à supposer que le moyen fondé sur cette fin de non-recevoir ait été accueilli, M. Y... ne démontre pas que, même si une cassation avait été prononcée, l'ouverture d'une nouvelle procédure collective et la liquidation judiciaire de la SCEA auraient été évitées, ni qu'il aurait perdu une chance de les éviter, dès lors que la cour d'appel avait relevé, dans son arrêt du 5 octobre 2004 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la SCEA, que, depuis le 8 juin 2001, la seule activité économique de cette dernière consistait à donner en location à son ancien dirigeant, M. Y..., moyennant un loyer de 6 700 euros par an, les bâtiments et terres dont elle était propriétaire, et que ces modestes ressources locatives ne permettaient pas d'envisager un apurement du passif par la voie d'une continuation de l'entreprise, alors que le passif admis était de l'ordre de 600 000 euros ;

D'où il suit que M. Y... a subi, du fait de la faute commise par Me X..., une perte de chance de voir admettre ses pourvois, sans qu'il soit établi de façon certaine que leur admission aurait permis une cassation des arrêts ayant ouvert les procédures collectives à l'égard de la SCEA ni qu'en cas de cassation, cette dernière aurait pu éviter l'ouverture de ces procédures ; que, dès lors, le préjudice invoqué par M. Y... sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;

Dit que Me X... a commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle à l'égard de M. Y... ;

Le condamne à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Le condamne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-28167;16-50063
Date de la décision : 20/12/2017
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avocat aux Conseils - Responsabilité civile - Action en responsabilité - Procédure - Avis du conseil de l'ordre - Jugement - Caractérisation - Défaut - Effet - Pourvoi (non)

CASSATION - Pourvoi - Ouverture - Exclusion - Cas - Avis du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation

Un avis rendu par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui retient la responsabilité professionnelle d'un avocat envers son client n'a pas le caractère d'un jugement et n'est donc pas susceptible d'un pourvoi en cassation


Références :

article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817

Décision attaquée : Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation, 10 septembre 2015

Sur la procédure en matière d'action en responsabilité contre un avocat aux Conseils, à rapprocher :Avis de la Cour de cassation, 25 septembre 2000, n° 02-00.011, Bull. 2000, Avis, n° 7


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 déc. 2017, pourvoi n°16-28167;16-50063, Bull. civ.Bull. 2017, I, n° 253
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2017, I, n° 253

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.28167
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