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20/12/2017 | FRANCE | N°16-17587

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 décembre 2017, 16-17587


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 1843-4 du code civil, dans sa version alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... sont associés et co-gérants du groupement agricole d'exploitation en commun de la Goutte Orion (le GAEC) ; que M. X... a assigné Mme Y... en révocation de son mandat de gérante, exclusion du groupement et évaluation des parts sociales ; que par ordonnance du 6 septembre 2011, le juge de la mise

en état a ordonné une expertise portant notamment sur l'évaluation des parts ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 1843-4 du code civil, dans sa version alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... sont associés et co-gérants du groupement agricole d'exploitation en commun de la Goutte Orion (le GAEC) ; que M. X... a assigné Mme Y... en révocation de son mandat de gérante, exclusion du groupement et évaluation des parts sociales ; que par ordonnance du 6 septembre 2011, le juge de la mise en état a ordonné une expertise portant notamment sur l'évaluation des parts sociales détenues par Mme Y... ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à Mme Y... la somme de 53 076,96 euros au titre du remboursement de ses parts sociales, l'arrêt retient que la méthode d'évaluation retenue par l'expert apparaît parfaitement adaptée et correspond à une juste appréciation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'il n'avait pas été fait application de la procédure spécifique prévue par l'article 1843-4 du code civil, l'expert judiciaire ayant été désigné par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 53 076,96 euros au titre du remboursement de ses parts sociales et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. X... et le GAEC de la Goutte Orion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 53 076,96 € la somme due à un associé retrayant (Mme Y..., l'exposante) par l'autre associé (M. X...) d'un GAEC ;

AUX MOTIFS propres et éventuellement adoptés QU'il n'avait pas été fait application en l'espèce de la procédure spécifique prévue par l'article 1843-4 du code civil ; que l'expert judiciaire désigné par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance avait évalué les parts sociales de Mme Y... à la somme 53 076,96 € en tenant compte de leur valeur telle qu'elle avait été fixée par les parties lors de l'entrée de Mme Y... dans le capital et de la variation des capitaux propres sur l'exercice 2009 ; que la cédante soutenait que la valeur de ses parts devait être déterminée à une date la plus proche possible du remboursement et qu'il fallait donc se référer à la variation des capitaux propres constatée au 31 décembre 2013 ; que, cependant, il convenait de rappeler le caractère spécifique du GAEC, société civile ayant pour objet la mise en commun d'activités agricoles et dans laquelle les associés avaient l'obligation de participer effectivement au travail commun en vertu de l'article R. 323-31 du code rural ; que les capitaux propres étaient constitués non seulement du capital apporté par les associés mais aussi du résultat et de la balance des subventions d'investissement ; qu'entre le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2009, dates retenues par l'expert, la baisse des capitaux propres s'expliquait principalement par une forte dégradation du résultat, qui était passé de plus 19 000 à moins 22 000 € (chiffres arrondis) ; qu'au 31 décembre 2013, le résultat de l'exercice avait été chiffré à environ 95 000 €, outre un important report ; que s'il était certain que Mme Y... avait participé au résultat de l'année 2009, puisqu'elle avait travaillé dans le GAEC en tant qu'associée à compter du 14 mai 2009 et jusqu'à la fin de l'année, elle n'avait pas contribué au résultat des années suivantes autrement que par son apport initial de capital, puisqu'elle ne participait plus au travail commun depuis le début de l'année 2010 ; que, dans ces circonstances, au regard de la part importante du résultat dans la variation du montant des capitaux propres, la méthode d'évaluation retenue par l'expert, en particulier les dates entre lesquelles la variation des capitaux propres avait été étudiée, apparaissait parfaitement adaptée et correspondait à une juste appréciation (arrêt attaqué, p. 4, alinéas 6 à 10) ; que si la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retirait devait être arrêtée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ses droits, Mme Y..., qui n'avait pas contesté devant l'expert la date retenue par ce dernier ni formé aucun dire à cet égard, ne pouvait simplement faire état du montant des capitaux propres du groupement agricole arrêtés au 31 décembre 2011, derniers comptes annuels connus à ce jour, pour arguer d'une progression de 77,82% et d'une valeur des parts sociales de 117 011,46 € ; que, dans ces conditions, seule l'évaluation déterminée par l'expertise devait être prise en compte, étant observé que cette détermination par voie d'expertise était expressément stipulée par les articles 21-6 et 9-III des statuts (jugement entrepris, p. 3, dernier alinéa, et p. 4, alinéas 1 et 2) ;

ALORS QUE, les modalités de retrait de l'associé d'un GAEC sont régies par les dispositions des articles 1869 et 1843-4 du code civil relatives au retrait dans les sociétés civiles ; que, pour retenir comme date d'évaluation des droits sociaux d'un associé retrayant celle à laquelle il avait cessé son activité et non celle proche du remboursement de ses droits sociaux, l'arrêt attaqué a considéré que le caractère spécifique des GAEC justifiait l'exclusion du régime juridique afférent au retrait dans les sociétés civiles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 1843-4 ancien du code civil ;

ALORS QUE, en outre, la date d'évaluation des droits sociaux de l'associé d'un GAEC doit coïncider avec celle de la perte de sa qualité d'associé ; que, pour retenir comme date d'évaluation des parts sociales d'un retrayant celle à laquelle l'associé avait cessé de travailler dans le groupement et non la date la plus proche du remboursement de ses parts sociales, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la spécificité du GAEC, dont il a pourtant constaté qu'il s'agissait d'une société civile, et sur la circonstances qu'une telle société avait pour objet la mise en commun d'activités agricoles et que leurs associés avaient l'obligation de participer effectivement au travail commun ; qu'il a considéré que l'exposante avait perdu sa qualité d'associé à la date où elle avait cessé son activité et non pas à celle du remboursement de ses droits sociaux ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 323-4 du code rural et maritime, et 1843-4 ancien du code civil ;

ALORS QUE, de surcroît, une juridiction ne peut relever d'office un moyen, fût-il de pur droit, sans le soumettre préalablement à la discussion des parties ; qu'aucun des litigants ne contestait le principe de la désignation d'un expert par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance ; que, comme l'a rappelé l'arrêt attaqué, le groupement avait saisi cette juridiction collégiale aux fins notamment de désignation d'un technicien, quand l'exposante n'avait pas contesté l'institution d'une telle mesure ; que leurs divergences ne portaient que sur la date d'évaluation des parts sociales ; qu'en retenant qu'il n'avait pas été fait application en l'espèce de la procédure spécifique prévue par l'article 1843-4 6 ancien du code civil et que l'expert avait été désigné par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance, relevant ainsi d'office un moyen sans inviter au préalable parties à en discuter, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, subsidiairement, à supposer qu'elle ait entendu justifier son refus de mettre en oeuvre l'article 1843-4 ancien du code civil par la circonstance que l'expert judiciaire avait été désigné par une juridiction collégiale, sans expliquer en quoi cette circonstance aurait permis de s'affranchir des règles de fond afférentes à la date d'évaluation des parts d'un associé retrayant, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, plus subsidiairement, les premiers juges avaient admis que la valeur des droits sociaux de l'associé retrayant devait être arrêtée à la date la plus proche de celle de leur remboursement mais avaient objecté que, à partir du moment où l'exposante n'avait pas contesté les conclusions de l'expert qui avait retenu comme date d'évaluation des titres celle de la cessation de son activité au sein du groupement, seule la date d'évaluation retenue par le technicien devait être prise en compte ; qu'à supposer que l'arrêt attaqué ait entendu adopter ces motifs, il se devait de répondre au moyen par lequel l'exposante faisait valoir (v. ses conclusions récapitulatives n° 4, p. 17, alinéa 7, et courrier du 3 novembre 2011 figurant au n° 19 des pièces visées au bordereau de communication, p. 18, 1er alinéa, et p. 20, alinéas 1 à 5) qu'elle avait adressé à l'homme de l'art un courrier du 3 novembre 2011 dans lequel elle lui rappelait les principes suivant lesquels l'évaluation des parts sociales devait avoir lieu à la date la plus proche de leur remboursement et lui transmettait également la jurisprudence ad hoc et des notes doctrinales ; que l'exposante ajoutait qu'en toute hypothèse, en application de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien ne devait jamais porter d'appréciations d'ordre juridique, quand la question de la date d'évaluation des titres cédés était une appréciation de cette nature ; qu'en délaissant ce moyen déterminant, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-17587
Date de la décision : 20/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 19 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 déc. 2017, pourvoi n°16-17587


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.17587
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