LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé, que soutenant avoir été victime de violences commises par M. A... et Mme Z..., Mme Y... a assigné en référé ces derniers ainsi que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or afin d'obtenir une expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premières branches du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que les premiers de ces textes instaurent un régime d'indemnisation autonome et exclusif répondant à des règles qui lui sont propres ; qu'il en résulte que le FGTI, qui n'a de rapport avec la victime qu'à l'occasion de cette procédure, ne peut être appelé à intervenir à l'expertise organisée, en application du dernier de ces textes, à la demande de la victime, entre elle et l'auteur de l'infraction ;
Attendu que pour déclarer commune au FGTI l'expertise médicale de Mme Y..., l'arrêt retient que si l'article 706-6 du code de procédure pénale permet à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) ou à son président de procéder à toutes auditions et investigations utiles, et ainsi d'ordonner une expertise pour évaluer les préjudices dont la victime demande réparation, ce texte ne prévoit pas de procédure de référé spécifique ; qu'en l'absence de saisine antérieure de la CIVI et de dispositions légales conférant à cette commission une compétence exclusive pour ordonner une expertise médicale de la victime en vue de sa saisine éventuelle, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré commune au FGTI l'expertise ordonnée à la demande de Mme Y... ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné au demandeur au pourvoi, seul représenté, en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré commune au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la décision ordonnant l'expertise médicale de Mme Y..., l'arrêt rendu le 29 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Met hors de cause le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et d'AVOIR déclaré commun au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, l'ordonnance ordonnant une expertise médicale de Mme Y... ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; que devant le premier juge, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a, à titre principal, conclut à l'irrecevabilité de la demande de Mme Y... tendant à lui voir déclarer opposable la mesure d'expertise sollicitée en référé et, à titre subsidiaire, à l'incompétence du président du tribunal de grande instance au profit du président de la CIVI ; que dans ses conclusions d'appel n° 1, l'appelant a, en premier lieu, demandé à la cour de déclarer irrecevable l'assignation que lui a délivrée Mme Y..., et dans l'hypothèse où cet acte de procédure serait déclaré recevable, de déclarer le juge des référés du tribunal de grande instance de Dijon incompétent, au profit de M. le Président de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions ; que l'exception d'incompétence ayant été soulevée postérieurement à la fin de non-recevoir, elle sera déclarée irrecevable, infirmant l'ordonnance déférée sur ce point ;
ET QUE les demandes d'indemnisation formées à l'encontre du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions relèvent de la compétence exclusive de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions ; que si l'article 706-6 du code de procédure pénale permet à la CIVI ou à son président de procéder à toutes auditions ou investigations utiles et ainsi d'ordonner une mesure d'expertise pour évaluer les préjudices dont la victime sollicite la réparation, ce texte ne prévoit pas de procédure de référé spécifique ; comme l'a justement rappelé le juge des référés, les pouvoirs du président du tribunal de grande instance prévus aux article 808 et 809 du code de procédure civile s'étendent à toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé, en application de l'article 810 du même code ; qu'en l'absence de saisine antérieure de la CIVI et en l'absence de dispositions légales conférant à cette commission une compétence exclusive pour ordonner une expertise médicale de la victime en vue de sa saisine éventuelle, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir opposée par le Fonds et qu'il lui a déclaré commune la mesure d'expertise ;
1°) ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le moyen du Fonds de garantie tendant à faire juger que le juge des référés ne peut lui déclarer une expertise opposable constitue une « fin de non-recevoir opposée par le Fonds » (arrêt, p. 5, al. 8) ; qu'en jugeant néanmoins que ce moyen devait être déclaré irrecevable, au motif qu'il s'agirait d'une « exception d'incompétence » qui aurait dû être soulevée in limine litis (arrêt p. 4, al. 9) la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 74, 122 et 123 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés pour statuer sur une demande relevant des seuls pouvoirs du Présidence de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ne constitue pas une exception d'incompétence mais une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause ; qu'en jugeant que le Fonds de garantie devait être déclaré irrecevable à contester la compétence du juge des référés pour déclarer une expertise opposable au Fonds de garantie au motif qu'il s'agirait d'une exception d'incompétence qui aurait dû être soulevée in limine litis, la cour d'appel a violé l'article 74 du code de procédure civile par fausse application, ensemble les article 122 et 123 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale instituent en faveur des victimes d'infraction un mode de réparation autonome répondant à des règles propres ; que ce mode de réparation est fondé sur une procédure autonome et spécifique exclusive de la procédure de droit commun ; que le Fonds de garantie des victimes d'infraction ne peut donc être appelé, par la victime, devant le juge des référés de droit commun, statuant en application de l'article 145 du code de procédure civile, afin que l'expertise qu'il ordonne lui soit déclarée opposable ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 706-6 du code de procédure pénale et 145 du code de procédure civile.