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13/12/2017 | FRANCE | N°16-22131

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 décembre 2017, 16-22131


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2016), que l'Etat du Cameroun a, par un contrat d'affermage du 4 janvier 2002 stipulant une clause compromissoire, confié à la société Projet Pilote Garoubé (la société), l'exploitation d'une zone protégée ; qu'un différend étant né à la suite de la rupture du contrat, la société a saisi la Chambre de commerce internationale (CCI) d'une demande d'arbitrage ; que faute de paiement d'un complément de provision, la CCI, en

application de son règlement d'arbitrage, a considéré que les demandes étaient ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2016), que l'Etat du Cameroun a, par un contrat d'affermage du 4 janvier 2002 stipulant une clause compromissoire, confié à la société Projet Pilote Garoubé (la société), l'exploitation d'une zone protégée ; qu'un différend étant né à la suite de la rupture du contrat, la société a saisi la Chambre de commerce internationale (CCI) d'une demande d'arbitrage ; que faute de paiement d'un complément de provision, la CCI, en application de son règlement d'arbitrage, a considéré que les demandes étaient retirées et a invité le tribunal arbitral à suspendre ses activités ; que, soutenant qu'elle était privée de son droit d'accès à un juge, la société a assigné la CCI devant le président du tribunal de grande instance de Paris, en qualité de juge d'appui ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance qui a enjoint à la Cour internationale d'arbitrage de la CCI de rétablir les demandes et d'inviter le tribunal arbitral à reprendre ses activités ainsi qu'à se prononcer sur ses demandes, alors selon le moyen :

1°/ que l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge arbitral, chargé de statuer sur sa prétention, à l'exclusion de toute juridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitue un déni de justice qui fonde la compétence du juge d'appui dans sa mission d'assistance et de coopération du juge étatique à la procédure arbitrale ; qu'en l'espèce, en jugeant que le juge d'appui avait commis un excès de pouvoir en enjoignant à la Cour d'arbitrage de la CCI de rétablir les demandes formées par la société, de reprendre ses activités et de rendre les sentences de la première phase, quand le juge d'appui n'avait pourtant agi que dans les limites de sa compétence en se contentant de mettre un terme à une situation de déni de justice caractérisée par une privation volontaire du droit d'accès au juge, la cour d'appel a violé les articles 1505 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que ne commet ni violation du principe du contradictoire ni excès de pouvoir le juge d'appui qui statue sur un litige opposant l'une des parties au centre d'arbitrage portant sur un déni de justice, sans que l'autre partie ait été appelée à la cause ; qu'en jugeant que le juge d'appui aurait violé le principe du contradictoire en n'appelant pas à l'instance l'Etat du Cameroun, qui n'était pourtant pas partie au litige, la cour d'appel a derechef violé les articles 1505 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que ne constitue pas un excès de pouvoir la violation du principe du contradictoire ; qu'en jugeant que la violation du principe du contradictoire caractérisait un excès de pouvoir, la cour d'appel a violé l'article 1505 du code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que, selon l'article 1505, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011, en matière d'arbitrage international, le juge d'appui de la procédure arbitrale est le président du tribunal de grande instance de Paris lorsque l'une des parties est exposée à un risque de déni de justice, l'arrêt relève que ce texte n'a pas investi le juge d'appui d'une compétence générale pour trancher tous les litiges survenant au cours de la procédure d'arbitrage mais a seulement désigné un juge étatique territorialement compétent afin de pourvoir, à titre supplétif, à la constitution d'un tribunal arbitral en cas de risque de déni de justice ; que, sans méconnaître le droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en se substituant au centre d'arbitrage dans l'application de son règlement, le juge d'appui avait excédé ses pouvoirs, le litige relatif à l'exécution fautive, par une institution d'arbitrage, du contrat d'organisation de l'arbitrage relevant de la compétence de la juridiction de droit commun ; que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Projet Pilote Garoubé aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Chambre de commerce internationale la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Projet Pilote Garoubé.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'ordonnance du 16 novembre 2015, pour excès de pouvoir ;

Aux motifs que « Considérant qu'il résulte de l'article 1460 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506, 2° du même code, que le juge d'appui est saisi, soit par une partie, soit par le tribunal arbitral ou l'un de ses membres ; que la demande est formée, instruite et jugée comme en matière de référé, de sorte que, conformément à l'article 492-1 du même code, l'ordonnance rendue par le juge d'appui a l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche ; enfin que cette décision est insusceptible de recours, sauf lorsque ce juge déclare n'y avoir lieu à désignation du tribunal arbitral en raison du caractère manifestement nul ou inapplicable de la convention d'arbitrage ;

Considérant que l'ordonnance du juge d'appui, lorsqu'elle n'est sujette à aucun autre recours, est néanmoins susceptible d'annulation en cas d'excès de pouvoir ;

Considérant qu'en l'espèce, le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris a été saisi, sur le fondement des articles 1457, 1460, 1463, 1464, 1506 et 1505 du code de procédure civile, d'une assignation dirigée par GAROUBE contre la C.C.I., institution chargée d'organiser l'arbitrage entre la demanderesse et l'Etat du Cameroun ; que par une ordonnance en la forme des référés rendue le 16 novembre 2015, il a :

- dit qu'il était sans pouvoir pour statuer sur les demandes tendant à le voir intervenir dans les décisions du tribunal arbitral, ainsi que dans les décisions de la Cour de la C.C.I à l'exception de celles qui auraient pour objet ou pour effet de priver les parties de leur droit d'accès au juge,

- constaté que la décision du 28 octobre 2014 invitant les parties à payer des provisions séparées, suivie de l'invitation faite au tribunal arbitral de suspendre ses travaux et de la décision de considérer les demandes comme retirées avaient un tel effet en ce qui concernait GAROUBE,

- enjoint en conséquence à la Cour de la C.C.I, dans un délai de trente jours suivant la signification de l'ordonnance, de rétablir les demandes formées par GAROUBE, et d'inviter le tribunal arbitral à mettre un terme à la suspension de ses activités ainsi qu'à rendre les sentences de la première phase de la procédure sur les demandes de GAROUBE ;

Considérant que la C.C.I. sollicite l'annulation de cette ordonnance ; qu'elle soutient, en premier lieu, qu'une telle décision n'entrait pas dans les pouvoirs du juge d'appui dont l'intervention, circonscrite aux seules difficultés de constitution du tribunal arbitral et de prorogation du délai d'arbitrage, est, en outre, subordonnée à l'absence d'institution d'arbitrage ; qu'elle fait valoir, en second lieu, que cette décision ne pouvait, en toute hypothèse, intervenir sans que le défendeur à l'arbitrage et les arbitres aient été entendus ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions du code de procédure civile relatives au juge d'appui attribuent à cette juridiction étatique compétence afin de régler les incidents de composition du tribunal arbitral et de prorogation du délai d'arbitrage, à défaut de convention des parties désignant un tiers préconstitué pour trancher ces difficultés ; qu'une clause compromissoire qui choisit une institution pour l'organisation de l'arbitrage, et fait de son règlement la charte convenue et acceptée de la procédure, exclut l'intervention du juge d'appui pour examiner tout incident dont la connaissance est attribuée par le règlement à cette institution, sauf carence de celle-ci ;

Considérant que si le 4° de l'article 1505 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011, immédiatement applicable, prévoit qu"En matière d'arbitrage international, le juge d'appui de la procédure est, sauf clause contraire, le président du tribunal de grande instance de Paris lorsque :
4° L'une des parties est exposée à un risque de déni de justice", cette disposition n'a pas modifié l'étendue des pouvoirs du juge d'appui; qu'elle n'a pas eu pour objet de l'investir d'une compétence générale pour aplanir tous les obstacles au déroulement de l'instance arbitrale, mais seulement de désigner un juge étatique territorialement compétent afin de pourvoir à la constitution d'un tribunal dans les litiges internationaux en cas de risque de déni de justice ; que ce nouveau texte n'a pas davantage affecté la nature supplétive des dispositions relatives au juge d'appui, ni le caractère subsidiaire des compétences de celui-ci ;

Considérant qu'en l'espèce, GAROUBE et l'Etat du Cameroun ont conclu le 4 janvier 2002 un contrat d'affermage qui stipulait une clause d'arbitrage sous l'égide de la C.C.I. ; que le 13 novembre 2007, GAROUBE, se plaignant d'une résiliation abusive de cette convention et d'entraves à l'évaluation de ses actifs, a déposé une demande d'arbitrage auprès de la C.C.I. afin d'obtenir la condamnation du Cameroun à lui payer 3,3 millions d'euros au titre de la perte de son fonds de commerce, outre des dommages-intérêts à évaluer ; qu'elle sollicitait la nomination de trois arbitres "en raison de la nature du litige" ;

Considérant que suivant l'article 1 (4) de l'appendice III de son règlement d'arbitrage, il incombe à la C.C.I. d'appeler les provisions nécessaires pour couvrir les honoraires des membres du tribunal arbitral, leurs dépenses, ainsi que les frais administratifs du centre d'arbitrage ; que le 21 janvier 2008 le secrétariat de la C.C.I. a informé les parties que la provision pour frais d'arbitrage avait été fixée à 250.000 USD, conformément au barème en vigueur ; que cette provision a été réglée à parts égales par les parties ; que les arbitres choisis par les plaideurs ont été confirmés par le secrétaire général de la C.C.I., de même que le président du tribunal arbitral désigné par les co-arbitres le 25 avril 2008 ;

Considérant que la composition du tribunal arbitral a connu de multiples vicissitudes provoquées par la démission le 28 janvier 2009 d'un arbitre à la suite de mises en cause d'une partie, puis par la récusation d'un autre prononcée par la Cour de la C.C.I. le 28 juillet 2011 ;

Considérant que le 9 septembre 2010, conformément à son règlement, la Cour de la C.C.I. a réévalué la provision pour frais d'arbitrage de 250.000 USD à 400.000 USD, soit une augmentation de 150.000 USD devant être supportée à parts égales par les parties ; que GAROUBE a réglé sa part le 3 février 2011 ; qu'elle s'est également, comme le permet le règlement et afin d'éviter la fixation de provisions séparées, substituée au Cameroun qui refusait de payer sa quote-part ; que l'Etat du Cameroun a été ultérieurement condamné par une sentence partielle du 23 décembre 2014 à rembourser à GAROUBE cette quote-part de 75.000 USD ;

Considérant que par un arrêt du 21 février 2012, cette cour a annulé pour irrégularité de la composition du tribunal arbitral la sentence partielle rendue le 16 février 2010 ; que le pourvoi contre cette décision a été rejeté le 13 mars 2013 ;

Considérant que le 25 avril 2013, la Cour de la C.C.I a, conformément à son règlement et après avoir consulté les parties, engagé une procédure de constitution d'un nouveau tribunal arbitral ; que les deux co-arbitres et le président ont été désignés le 12 septembre 2013 ;

Considérant que le 26 juin 2014, la C.C.I. a appelé un complément de provision de 280.000 USD à partager entre les parties, compte tenu des versements antérieurs, à concurrence de 65.000 USD pour GAROUBE et 215.000 USD pour le Cameroun ; que les parties étaient informées qu'à défaut de paiement dans le délai d'un mois, des provisions séparées seraient fixées conformément aux règlement ; que GAROUBE devrait alors verser 376.000 USD, compte tenu du quantum de ses demandes principales et des provisions qu'elle avait déjà réglées, et l'Etat du Cameroun, 215.000 euros calculés en fonction de ses demandes reconventionnelles et des provisions précédemment acquittées ;

Considérant que GAROUBE invoquant son impossibilité de financer la provision complémentaire a demandé au tribunal arbitral d'accepter son désistement de la dernière phase de la procédure sur le quantum, ce qui a été refusé par ordonnance de procédure du 23 août 2014 ;

Considérant que faute de règlement dans le délai imparti, les provisions séparées ont été appelées le 28 octobre 2014 ; que le Cameroun a fait un versement partiel de 140.000 USD le 23 janvier 2015 et que GAROUBE s'est abstenu de tout paiement; que le 27 mars 2015, le secrétaire général de la C.C.I a invité le tribunal arbitral à suspendre ses travaux ; qu'après l'examen des contestations présentées par les trois avocats de GAROUBE, et plusieurs prorogations de délai, les parties ont été avisées que leurs demandes étaient regardées comme retirées ;

Considérant que le juge d'appui, pour enjoindre à la CACCI de rétablir les demandes de GAROUBE et d'inviter le tribunal arbitral à reprendre ses travaux, retient les éléments suivants :

- GAROUBE estimait à 345.410 USD, à partager par moitié entre les parties, le budget maximal pour aller au bout de la première phase de la procédure et obtenir une sentence sur le principe de la responsabilité,

- en juin 2014 la provision totale appelée s'élevait à 680.000 USD sans aucune décision sur le fond, la fixation d'une provision complémentaire en juin 2014 ayant été décidée après que le paiement des honoraires des quatre arbitres évincés et des frais administratifs avait laissé un solde disponible de 158.765 euros regardé par la C.C.I. comme insuffisant pour la rémunération des trois nouveaux arbitres,

- ce renchérissement, s'il contrarie les prévisions de GAROUBE, est imputable à des avatars de la procédure dont elle est en bonne partie responsable,

- toutefois, "indépendamment de la question du montant total des sommes appelées, la CACCI a pris deux décisions qui sont beaucoup plus problématiques au regard de sa mission d'assurer le bon fonctionnement de la procédure",

- la CACCI a décidé d'appeler des provisions séparées et de mettre ainsi à la charge de GAROUBE une somme de 376.000 euros sans entendre les explications de l'intéressée sur l'impossibilité de réunir ces fonds,

- l'appel de provisions séparées, théoriquement destiné à surmonter le blocage de la procédure, a donc abouti en l'espèce au résultat inverse,

- en outre, pour faire application de l'article 30-2 de son règlement, la CACCI a considéré que le Cameroun formait une demande reconventionnelle alors que des conclusions de débouté assorties d'une simple demande de remboursement des frais de procédure ne pouvaient recevoir une telle qualification,

- enfin, le solde du compte de l'arbitrage, qui s'établit à 297.982 USD, "permet à la CACCI de considérer avec une certaine sérénité la préoccupation de devoir rémunérer correctement les arbitres, qu'elle met en avant pour justifier sa décision de demander au tribunal arbitral de suspendre ses opérations» ;

Considérant que le juge d'appui estime que GAROUBE est "dans une situation d'impécuniosité qui, bien que la CACCI le conteste en se référant à son environnement, apparaît manifeste : la structure qui a contracté avec l'Etat du Cameroun, seule concernée par le litige, est dépourvue de toute capacité d'exploitation ; elle ne réalise donc plus, depuis qu'elle a quitté le Cameroun dans les conditions qui sont tout l'objet de l'arbitrage, ni chiffre d'affaires, ni bénéfice, et elle justifie avoir consacré toutes ses disponibilités, jusqu'à épuisement, au financement de la procédure" ;

Considérant que le juge d'appui a analysé les causes d'alourdissement des coûts de la procédure arbitrale, qu'il s'est prononcé sur le bien-fondé de la provision complémentaire, ainsi que sur les conditions d'application de l'article 30 du règlement permettant à la C.C.I de fixer des provisions séparées ; qu'il a déduit de ces circonstances que les décisions du centre d'arbitrage, compte tenu de la situation financière de la demanderesse, portaient atteinte au droit d'accès au juge ;

Mais considérant qu'il incombe à une partie, qui se plaint d'une exécution fautive par une institution d'arbitrage du contrat d'organisation de l'arbitrage, de saisir, non le juge d'appui statuant par ordonnance insusceptible de recours, mais le juge de droit commun des contrats ; que l'ordonnance entreprise par laquelle, contre la convention des parties, le juge d'appui se substitue aux organes du centre d'arbitrage dans l'interprétation de son règlement, censure leurs décisions et leur enjoint d'en adopter d'autres, est entachée d'excès de pouvoir ;

Considérant, en second lieu, que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée,

Considérant que le juge d'appui était saisi par le demandeur principal à l'instance arbitrale pour voir enjoindre au centre d'arbitrage de déclarer ses demandes rétablies et d'inviter le tribunal arbitral à reprendre ses travaux nonobstant l'absence de règlement du complément de provision ; qu'il a analysé et qualifié les prétentions du défendeur devant le tribunal arbitral ; qu'il a ordonné le rétablissement des seules demandes principales, et enjoint à la C.C.I. dans un délai de trente jours d'inviter le tribunal arbitral à rendre les sentences de la première phase sur les demandes de GAROUBE ; que de telles demandes ne pouvaient être examinées sans que soit appelé le défendeur à l'arbitrage, partie au contrat d'organisation de l'arbitrage ; que l'ordonnance qui passe outre cette exigence viole le principe de la contradiction et encourt derechef l'annulation pour excès de pouvoir » ;

Alors que, d'une part, l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge arbitral, chargé de statuer sur sa prétention, à l'exclusion de toute juridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitue un déni de justice qui fonde la compétence du juge d'appui dans sa mission d'assistance et de coopération du juge étatique à la procédure arbitrale ; qu'en l'espèce, en jugeant que le juge d'appui avait commis un excès de pouvoir en enjoignant à la Cour d'arbitrage de la chambre de commerce international de rétablir les demandes formées par la société GAROUBE, de reprendre ses activités et de rendre les sentences de la première phase, quand le juge d'appui n'avait pourtant agi que dans les limites de sa compétence en se contentant de mettre un terme à une situation de déni de justice caractérisée par une privation volontaire du droit d'accès au juge, la Cour d'appel a violé les articles 1505 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors que, d'autre part, ne commet ni violation du principe du contradictoire, ni excès de pouvoir le juge d'appui qui statue sur un litige opposant l'une des parties au centre d'arbitrage portant sur un déni de justice, sans que l'autre partie ait été appelée à la cause ; qu'en jugeant que le juge d'appui aurait violé le principe du contradictoire en n'appelant pas à l'instance l'Etat du Cameroun, qui n'était pourtant pas partie au litige, la cour d'appel a derechef violé les articles 1505 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors que, subsidiairement, ne constitue pas un excès de pouvoir la violation du principe du contradictoire ; qu'en jugeant que la violation du principe du contradictoire caractérisait un excès de pouvoir, la cour d'appel a violé l'article 1505 du code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-22131
Date de la décision : 13/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARBITRAGE - Arbitrage international - Centre d'arbitrage - Contrat d'organisation de l'arbitrage - Exécution fautive - Compétence - Juridiction de droit commun

ARBITRAGE - Arbitrage international - Centre d'arbitrage - Contrat d'organisation de l'arbitrage - Exécution fautive - Juge d'appui - Excès de pouvoir - Caractérisation - Cas POUVOIRS DES JUGES - Excès de pouvoir - Définition - Cas - Juge d'appui se substituant au centre d'arbitrage dans l'application de son règlement

Le litige relatif à l'exécution fautive, par une institution d'arbitrage, du contrat d'organisation de l'arbitrage relève de la compétence de la juridiction de droit commun. Excède, en conséquence, ses pouvoirs, le juge d'appui qui se substitue au centre d'arbitrage dans l'application de son règlement


Références :

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales article 1505 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mai 2016

Sur la distinction entre les fonctions d'organisation de l'arbitrage et la fonction juridictionnelle des arbitres, à rapprocher :1re Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 08-12149, Bull. 2009, I, n° 48 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 déc. 2017, pourvoi n°16-22131, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.22131
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