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13/12/2017 | FRANCE | N°16-21207

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 décembre 2017, 16-21207


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 2224 du code civil ;

Attendu qu'à l'égard du liquidateur judiciaire qui exerce les droits et actions du débiteur, concernant son patrimoine, à la suite de son dessaisissement, la prescription commence à courir à compter de la même date qu'à l'égard de ce dernier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EARL Domaine de la Boissière, après avoir f

ait l'objet d'une liquidation amiable clôturée le 31 décembre 2005, a été mise en liquida...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 2224 du code civil ;

Attendu qu'à l'égard du liquidateur judiciaire qui exerce les droits et actions du débiteur, concernant son patrimoine, à la suite de son dessaisissement, la prescription commence à courir à compter de la même date qu'à l'égard de ce dernier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EARL Domaine de la Boissière, après avoir fait l'objet d'une liquidation amiable clôturée le 31 décembre 2005, a été mise en liquidation judiciaire le 1er décembre 2006 sur assignation de l'un de ses créanciers ; que le 15 juillet 2013, le liquidateur judiciaire a assigné M. X... en paiement du solde débiteur de son compte courant d'associé figurant au bilan de l'exercice 2005 ;

Attendu que pour déclarer recevable l'action du liquidateur, l'arrêt retient que ce dernier ne pouvait pas agir tant qu'il n'avait pas connaissance des éléments comptables lui permettant d'exercer l'action et qu'il n'a pu obtenir ces éléments qu'à compter du mois de septembre 2012, date à laquelle l'expert-comptable lui a adressé la copie du grand livre comptable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription avait commencé à courir à compter du moment où la société avait eu connaissance de l'existence du solde débiteur du compte courant dont le paiement était demandé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de L'EARL Domaine de la Boissière, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'irrecevabilité pour prescription de l'action et d'AVOIR condamné M. X... à payer à Me Bernard Y... ès qualités la somme de 53.174,72 euros, outre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... soutient à titre principal que l'action de Me Y... serait prescrite et que l'inaction et l'absence de toute diligence de celui-ci pendant plus de 5 ans ne peuvent justifier que le point de départ de la prescription soit reporté ; qu'il estime en effet que Maître Y... se trouvait en mesure d'exercer les droits conférés par le jugement d'ouverture à compter du 1er décembre 2006 et que Maître Y..., ès qualités ne peut avoir plus de droits que la société elle-même ; qu'il prétend donc que Maître Y... aurait dû engager la procédure au plus tard le 18 juin 2013, en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 relative à la réforme de la prescription ; que Me Bernard Y..., ès qualités, réfute cette argumentation et soutient que M. X... ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour échapper à ses obligations ; qu'il rappelle que le dirigeant est tenu de collaborer avec les organes de la procédure collective et de transmettre les éléments comptables au mandataire liquidateur et qu'ainsi M. X... a manqué à ses obligations ; qu'il précise qu'il n'a pu obtenir communication de la comptabilité qu'à compter du mois de septembre 2012 après de multiples relances ; qu'il sollicite donc la confirmation du jugement sur ce point ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ayant modifié les règles de prescription est entrée en vigueur le 19 juin 2008 ; qu'il est exact que les dispositions transitoires, stipulées à l'article 26 de ladite loi, disposent que les nouvelles règles qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que l'article 2222 du code civil dans sa rédaction issue de la réforme dispose désormais en son alinéa 2 qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce cependant, le tribunal a justement considéré que la prescription de l'action n'était pas acquise, le mandataire ne pouvant agir à l'encontre de M. X... tant qu'il n'avait pas eu connaissance des éléments comptables ; que Maître Y... fait valoir avec pertinence qu'il appartient aux dirigeants d'une société en liquidation judiciaire de collaborer avec les organes de la procédure et de remettre les éléments comptables et toutes les pièces nécessaires au bon déroulement de celle-ci ; qu'il justifie que M. X... s'était engagé selon document régularisé le 8 janvier 2007, à conserver tous les livres et documents comptables obligatoires de l'entreprise, ainsi que toutes les pièces justificatives de la comptabilité, et avait accepté d'en être constitué gardien et de les remettre sur réquisition de Maître Y... ; que Maître Y... démontre cependant qu'il a sollicité à de nombreuses reprises, sans succès, les éléments comptables ; que ce n'est qu'au mois de septembre 2012, que l'expert-comptable de la société a adressé par mail à Maître Y..., copie du grand livre comptable de l'exercice clos au 31 décembre 2005 ; que l'argumentation tirée des prétendus manquements de Maître Y... est donc inopérante ; qu'il est exact que le délai de prescription opposable au mandataire liquidateur est le même que celui qui pourrait être opposé à la société ; que cependant, en raison des manquements de M. X... à ses obligations, Me Y... s'est trouvé dans l'impossibilité d'examiner la comptabilité et n'a donc pris connaissance des éléments lui permettant d'exercer l'action qu'à compter du mois de septembre 2012 ; que M. X... ne saurait donc valablement opposer une quelconque prescription et ainsi se prévaloir de sa propre turpitude pour échapper à ses obligations ; que le tribunal a donc justement rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. X... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE concernant la prescription, il ressort des pièces que le mandataire n'est entré en possession des documents comptables, liasse fiscale et grand livre arrêtés au 31 décembre 2005, liasse signée le 16 février 2006, par le défendeur, qu'en décembre 2012 ; que l'article 2224 du code civil, conforme aux grands principes de procédure qui veulent qu'un délai ne puisse courir contre celui qui ne peut agir, édicte que le délai de prescription ne commence que du jour où le créancier a eu connaissance du fait générateur de droit ; que l'irrecevabilité soulevée est rejetée ;

1) ALORS QUE le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, pour juger que le délai de prescription de l'action du liquidateur judiciaire avait débuté en septembre 2012, date à laquelle il a eu connaissance des documents comptables de la société Domaine de la Boissière après que l'expert-comptable les lui ait adressés, la cour d'appel a retenu que c'était en raison des manquements de M. X... à son obligation de remettre au liquidateur judiciaire les documents comptables de l'entreprise que ce dernier s'était trouvé dans l'impossibilité d'examiner la comptabilité de la société avant cette date ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si le liquidateur ne s'était pas adressé uniquement à l'expert-comptable pour obtenir la communication de documents comptables en omettant de les demander à M. X... qu'il savait pourtant les détenir pour lui en avoir personnellement confié la garde le 8 janvier 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

2) ALORS QUE le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en retenant pour juger que Me Y... n'avait pas fait preuve de négligence qu'il avait sollicité à de nombreuses reprises, sans succès, les éléments comptables, sans rechercher si le liquidateur judiciaire n'avait pas, après avoir adressé un premier courrier le 17 janvier 2007 à l'expert-comptable, attendu plus de cinq ans et demi pour adresser une première relance à ce dernier le 1er juin 2012, ce qui caractérisait une inertie fautive de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. X... à payer à Maître Bernard Y... ès qualités la somme de 53.174,72 euros, outre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... s'oppose aux demandes de Maître Y... en soutenant qu'il n'a perçu aucune rémunération au cours de l'existence de la société, alors qu'il était en droit d'en percevoir, que ces rémunérations s'élèvent à la somme de 61.473 euros, que cette somme doit venir en compensation avec les sommes réclamées de sorte que le compte courant présente un solde créditeur d'un montant de 8.298 euros ; qu'au soutien de son argumentation, M. X... produit une attestation de son expert-comptable affirmant que celui-ci n'avait pas perçu la rémunération à laquelle il pouvait prétendre pour la période allant du 1er octobre 2000, date de création de la société au 31 juillet 2005, date de sa dissolution et que le montant de cette rémunération sur une base équivalente au SMIC s'élevait à 61.473 euros ; que l'expert-comptable indique par ailleurs que l'examen des comptes annuels de la société faisait apparaître que cette rémunération minimale obligatoire n'avait pas été comptabilisée en charge, mais inscrite au débit du compte courant d'associé de M. X... et qu'il y avait lieu de reconstituer le solde de ce compte courant, en ajoutant au crédit de son compte courant le montant de cette rémunération ; que Maître Y... fait justement valoir que cette argumentation se heurte au principe comptable d'indépendance des exercices qui imposent de rattacher les charges d'exploitation à l'exercice comptable qu'elles concernent et que d'autre part les sommes comptabilisées en compte courant ayant la nature de prêt, les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé constituent en principe des créances de l'associé sur la société et qu'ainsi les rémunérations minimales obligatoires auxquelles M. X... auraient pu prétendre ne pouvaient être inscrites au débit du compte courant d'associé ; que Me Y... rappelle à bon droit les dispositions de l'article L. 223-21 du code de commerce qui interdit au gérant personne physique d'une personne morale de se faire consentir par la société un découvert en compte-courant ; que d'autre part, s'il n'est pas contestable que M. X... en sa qualité d'associé exploitant aurait pu bénéficier d'une rémunération en l'application des dispositions de l'article R. 324-3 du code rural, les pièces produites par Maître Y... démontrent qu'aucun document comptable ou juridique ne justifie les allégations de M. X... ; qu'ainsi la liasse fiscale de l'exercice clos au 31 décembre 2005 ne fait pas mention d'une rémunération de M. X... ; qu'il n'est pas davantage justifié de bulletin de salaire, du paiement de cotisations sociales, d'une délibération de l'assemblée générale de la société ayant pu accorder une rémunération à son gérant ; que M. X... ne peut donc valablement se prévaloir d'une quelconque compensation au titre d'une rémunération qui n'est pas justifiée ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision qui a justement considéré que la créance dont se prévalait Me Y..., était fondée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'EARL Domaine La Boissière, immatriculée initialement sous le nom Domaine La Mazane, a été immatriculée le 27 octobre 2000 ; que son gérant est M. Jean-Pierre X... ; qu'il a été désigné comme liquidateur amiable de la société ; que les comptes de la liquidation ont été clôturés (et déposés) ; que l'inscription modificative de radiation est en date du 13 mars 2006 ; qu'il est manifeste que le dépôt des comptes de liquidation a été opéré dans des conditions qui interpellent puisque la créance de la MSA Alpes Vaucluse, à l'origine de l'ouverture de la liquidation judiciaire, n'a pas été soldée ; que la créance de la personne morale n'a été ni recouvrée ni compensée sur la personne de son gérant ; que s'il faut constater quelque chose, comme c'est demandé, c'est que la créance de salaire ou de rémunération de la gérance n'existait pas au moment de la clôture de la liquidation amiable ; qu'aujourd'hui, il n'est toujours pas justifié de bulletins de salaire, qui fondent, après paiement des cotisations sociales, une telle créance ; qu'il n'est davantage versé une quelconque délibération ayant statué sur la rémunération de la gérance ; qu'ainsi, en l'absence de contrat de travail et de bulletin de salaire ainsi que de délibération de l'Assemblée Générale, l'attestation de l'expert-comptable n'est que pure complaisance et, à force de vouloir trop attester, avoue une négligence, la non inscription en charge et au crédit du compte courant ; que déontologiquement, la personne morale était radiée et n'a pas pu donner mission à l'expert-comptable de faire une révision des comptes par attestation ;

1) ALORS QUE les associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée ont droit du fait de leur participation aux travaux de l'exploitation à une rémunération qui ne peut être ni inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance ni supérieure à trois fois ce salaire, ou à quatre fois ce salaire pour les gérants de l'exploitation ; qu'en retenant, pour juger que M. X... ne justifiait pas du droit à une rémunération, qu'il ne produisait ni bulletins de salaire, ni contrat de travail, quand la rémunération de l'exploitant agricole d'une Earl est une obligation légale qui n'est pas subordonnée au statut de salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 324-7 et R. 324-3 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE les associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée ont droit du fait de leur participation aux travaux de l'exploitation à une rémunération qui ne peut être ni inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance ni supérieure à trois fois ce salaire, ou à quatre fois ce salaire pour les gérants de l'exploitation ; qu'en retenant, pour juger que M. X... ne justifiait pas du droit à une rémunération, qu'il ne produisait pas une délibération de l'assemblée générale de l'Earl la lui accordant, quand le versement d'une rémunération équivalente au SMIC est un droit pour le gérant exploitant agricole d'une EARL, la cour d'appel a encore violé les articles L. 324-7 et R. 324-3 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-21207
Date de la décision : 13/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 26 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 déc. 2017, pourvoi n°16-21207


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21207
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