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13/12/2017 | FRANCE | N°16-10373

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2017, 16-10373


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 1er septembre 1989 par l'Association de formation aux métiers de l'audiovisuel (l'AFOMAV) en qualité de formateur ; qu'il a été élu délégué du personnel titulaire le 21 février 2005, puis désigné délégué syndical le 27 avril 2009 ; que le 12 juin 2009, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment pour harcèlement moral et discrimination syndicale ; que le 17 septembre 2010, l'inspecteur du travail a refusé d

'autoriser son licenciement pour faute grave ; que le 22 décembre 2010, le m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 1er septembre 1989 par l'Association de formation aux métiers de l'audiovisuel (l'AFOMAV) en qualité de formateur ; qu'il a été élu délégué du personnel titulaire le 21 février 2005, puis désigné délégué syndical le 27 avril 2009 ; que le 12 juin 2009, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment pour harcèlement moral et discrimination syndicale ; que le 17 septembre 2010, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement pour faute grave ; que le 22 décembre 2010, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude au poste avec mention d'un danger immédiat et que, le 10 mai 2011, l'association a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après que l'autorisation en a été donnée par l'inspecteur du travail le 29 avril 2011 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du caractère illicite de son licenciement, alors, selon le moyen que lorsque le harcèlement moral subi est à l'origine de l'inaptitude physique, le salarié peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi consécutive à son licenciement pour inaptitude ; qu'en poursuivant la réparation du préjudice né du caractère illicite de son licenciement, le salarié invoquait tous les droits auxquels il pouvait prétendre au titre de la rupture du contrat de travail ; que M. X... sollicitait le paiement de dommages et intérêts au titre du caractère illicite de son licenciement et de la violation de son statut protecteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que « compte tenu de son inaptitude définitive constatée par le médecin du travail, M. X... ne saurait reprocher à son employeur de l'avoir licencié pour ce motif, le privant ainsi d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail qui aurait produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et lui aurait procuré une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire, tant en raison du harcèlement moral qu'en raison de la violation de son statut protecteur de salarié protégé » ; qu'en déboutant ainsi l'exposant de sa demande de dommages et intérêts, par des motifs inopérants, quand elle constatait, d'une part, que le harcèlement moral subi par M. X... - qu'elle jugeait établi - se trouvait à l'origine de son licenciement inaptitude physique, d'autre part, que le salarié poursuivait la réparation de son préjudice né du caractère illicite de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'un salarié protégé, licencié pour inaptitude après autorisation de l'inspecteur du travail, ne peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur, la rupture ayant été autorisée ; qu'ayant constaté que le licenciement du salarié avait été autorisé et que le salarié demandait une indemnité de douze mois de salaire au titre non d'un licenciement illicite mais de la violation de son statut protecteur, la cour d'appel a rejeté à bon droit cette demande ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale, l'arrêt retient que le salarié ne fournit aucun élément démontrant que le harcèlement moral était motivé par ses activités syndicales et n'établit aucune discrimination à son encontre ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'inspecteur du travail avait rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée par l'employeur en raison du lien avec les mandats du salarié, et qu'il résultait de ces éléments, soutien nécessaire de la décision administrative et s'imposant au juge judiciaire, l'existence d'éléments laissant supposer une discrimination en raison des activités syndicales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 13 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'Association de formation aux métiers de l'audiovisuel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association de formation aux métiers de l'audiovisuel à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du caractère illicite de son licenciement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le harcèlement moral et la discrimination : le conseil de prud'hommes a relevé les nombreuses lettres que l'association AFOMAV a adressé à Michel X..., d'octobre 2007 à janvier 2011, pour tenter d'obtenir son accord pour modifier son contrat de travail, en dépit des observations que lui ont adressées les services de l'inspection du travail le 14 janvier 2008 puis, à nouveau, le 2 mars 2009, attirant son attention sur le fait que le contrat de travail paraissait bien être un contrat à temps partiel et qu'une modification de la durée du travail requérait un commun accord entre les parties ; qu'il a justement considéré que l'obstination de l'employeur pour tenter, de 2007 à 2009, d'obtenir la signature d'un nouveau contrat de travail, obstination qui est allée jusqu'à procéder à des modifications unilatérales d'horaires et de salaire et à engager une procédure de licenciement pour faute grave constituait des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'examen du dossier médical de Michel X... montre qu'il a consulté depuis novembre 2007 le docteur Jean Y..., psychiatre, en raison d'un état de stress lié à un conflit professionnel, qu'il s'est plaint de migraine, de troubles de sommeil et d'anxiété ayant occasionné la prise de somnifères et d'antidépresseurs ; que constatant la dégradation de son état de santé, le médecin du travail qui le recevait régulièrement a émis, le 22 décembre 2010, un avis d'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise en ayant recours à la procédure d'urgence ; qu'il est suffisamment démontré par les pièces du dossier que les pressions fautives de l'employeur, pressions constitutives de harcèlement moral, ont porté atteinte à la santé du salarié et sont à l'origine de l'inaptitude constatée, aucune affection autre que le stress n'étant signalée dans le dossier médical, à l'exception d'une entorse ayant occasionné trois jours d'incapacité temporaire totale de travail et qui ne peut être à l'origine de l'inaptitude ; que Michel X... ne fournit aucun élément démontrant que le harcèlement moral était motivé par ses activités syndicales et n'établit aucune discrimination à son encontre ; que la réparation de son préjudice a été justement évaluée par les premiers juges à 10.000 euros ; que sur la demande de dommages et intérêts pour la perte d'une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire brut (48.263,46 euros) : compte tenu de son inaptitude définitive constatée par le médecin du travail, Michel X... ne saurait reprocher à son employeur de l'avoir licencié pour ce motif, le privant ainsi d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail qui aurait produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et lui aurait procuré une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire, tant en raison du harcèlement moral qu'en raison de la violation de son statut protecteur de salarié protégé » (arrêt pages 5 et 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les demandes relatives au harcèlement et à la discrimination dont a été l'objet monsieur X... de la part de son employeur : dès lors que le licenciement de monsieur X... a été autorisé par l'inspection du travail et prononcé par l'employeur, il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire, et ce même si celle-ci était antérieure au licenciement ; qu'en revanche, le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur les dommages et intérêts demandés par le salarié en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des fautes commises par son employeur à son encontre pendant la période antérieure au licenciement ; que cependant, il ne peut faire droit à une telle demande que lorsque les manquements invoqués n'ont pas été pris en compte dans le cadre de la procédure d'autorisation ; que lorsque le salarié est licencié pour inaptitude après autorisation de l'inspecteur du travail, le juge judiciaire reste compétent pour rechercher si l'inaptitude ne résulte pas d'un comportement fautif de l'employeur ouvrant droit à réparation ; que monsieur X... soutient qu'il a fait l'objet de harcèlement et discrimination de la part de son employeur ; qu'aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que s'agissant de la discrimination, elle repose sur un fondement juridique distinct puisqu'aux ternies de l'article L1132-1, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales ; que pour en justifier, monsieur X... s'appuie sur les nombreux échanges de courriers entre lui et son employeur et ce à compter d'octobre 2007 (courriers des 25/10/2007, 16/11/2007, 15/01/2009, 02/02/2009, 16/02/2009, 02/03/2009, 27/05/2009, 12/06/2009, 03/09/2010; 17/09/2010, 04/10/2010, 05/11/2010, 14/01/2011) ; que ces courriers font apparaître que, malgré le refus de monsieur X... de voir son contrat de travail modifié, l'employeur a tenté à de multiples reprises de lui faire signer un nouveau contrat de travail afin de régulariser les modifications apportées sur les fiches de paie à compter de janvier 2009 comme exposé ci-dessus (cf 1) ; que le fait que l'inspection du travail ait adressé un courrier à l'employeur le 3 février 2009 n'a eu aucune conséquence sur la position de l'employeur ; qu'or, il ne pouvait ignorer, et notamment après l'avis de l'inspecteur du travail qu'aucune modification du contrat de travail d'un salarié protégé ne peut lui être imposée ; qu'il incombait donc à l'employeur, compte tenu du refus de monsieur X... d'accepter la modification de son contrat de travail, de procéder à son licenciement après avoir sollicité l'inspection du travail ; qu'or, l'employeur s'est obstiné à tenter d'obtenir l'accord du salarié pendant plus de deux ans, allant jusqu'à imputer à monsieur X... la responsabilité de son inaptitude (cf courrier du 14 janvier 2011) ; qu'en septembre 2010, alors que le conflit entre monsieur X... et l'AFOMAV se poursuivait, cette dernière décide de licencier monsieur X... pour faute, licenciement qui sera refusé par l'inspection du travail au motif que la demande est en lien avec l'exercice du mandat syndical de monsieur X... ; qu'à nouveau, en date des 3 septembre, 17 septembre 4 octobre, 5 novembre, l'AFOMAV tente d'obtenir la modification de son contrat de travail par monsieur X..., et ce jusqu'au licenciement pour inaptitude du salarié du 10 mai 2011 ; les pressions de l'AFOMAV sur monsieur X... pour lui faire accepter les termes de son nouveau contrat de travail sont également attestées par monsieur Z... délégué syndical suppléant qui relate les conditions dans lesquelles, lors des réunions, la direction de l'AFOMAV faisait publiquement des reproches sur la nature du contrat de travail de monsieur X... ; que pour justifier des conséquences de cette situation sur son état de santé, monsieur X... verse aux débats un certificat médical d'un psychiatre qui indique qu'il vient régulièrement en consultation depuis novembre 2007 pour parler d'un état de stress lié à un conflit professionnel ; qu'il ressort par ailleurs du courrier de l'inspectrice du travail en date du 23 mars 2011 qu'elle a considère que la procédure d'urgence prévue par l'article R4624-31 du code du travail mise en oeuvre le 22 décembre 2010 est régulière en la forme dès lors que la dégradation de l'état de santé de monsieur X... est consécutive selon elle à des relations professionnelles de plus en plus tendues avec la direction ; que par ces éléments, monsieur X... établit ainsi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement à son encontre ; qu'en effet, l'acharnement de l'employeur à lui faire signer un contrat de travail qu'il refusait pendant plus de deux années, sa tentative de licenciement pour faute au cours de l'année 2010 ont entraîné pour monsieur X... une dégradation de ses conditions de travail et ont eu des répercussions sur son état de santé comme en attestent à la fois son médecin personnel mais aussi l'inspection du travail suite à l'avis du médecin du travail qui a eu recours à la procédure d'urgence ; que pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur indique uniquement qu'il était en droit de demander à monsieur X... de modifier son contrat de travail dès lors que c'est lui qui en faisait une mauvaise interprétation ; que cependant, l'AFOMAV, en s'abstenant de licencier monsieur X... et en tentant pendant des mois de faire pression pour obtenir la régularisation de son contrat de travail, a eu un comportement fautif et a porté atteinte à la santé du salarié ; que si des faits de harcèlement moral au sens de l'article L1152-1 du code du travail sont démontrés, il en est autrement de la demande fondée sur une discrimination syndicale, dès lors qu'il n'est pas établi que le comportement de l'employeur relevait d'une discrimination en raison des mandats syndicaux détenus par monsieur X..., ce dernier n'apportant pas suffisamment d'élément pour démontrer que si son employeur n'a pas procédé à son licenciement pour motif économique comme l'ensemble des salariés qui avaient refusé la modification de leur contrat de travail c'est uniquement en raison de l'obligation de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'en conséquence, ce motif ne saurait être retenu ; que sur le préjudice de monsieur X... : l'inaptitude de monsieur X... ayant pour origine les agissements de son employeur constitutifs de harcèlement, il est bien fondé à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de ces agissements antérieurs au licenciement ; qu'en revanche, il ne saurait prétendre au bénéfice des dispositions spécifiques relatives à la nullité du licenciement d'un salarié bénéficiant d'un statut protecteur dès lors que son licenciement a été autorisé par l'inspection du travail, qu'il n'en demande pas expressément l'annulation dont l'appréciation relèverait en tout état de cause du juge administratif ; que le juge judiciaire n'est en effet pas compétent pour l'examiner, sauf à violer le principe de la séparation des pouvoirs ; qu'en conséquence, monsieur X... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts en raison de la violation de son statut protecteur ; qu'en revanche, compte tenu de ce qui précède, monsieur X... doit se voir allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des agissements de son employeur antérieurement à la rupture du contrat de travail ; qu'il a été démontré qu'entre octobre 2007 et mars 2011, l'employeur n'a eu de cesse de tenter de faire accepter à monsieur X... une modification de son contrat de travail, alors que dès le 11 novembre 2007, ce dernier répond qu'il refuse la modification du contrat ; que compte tenu de la durée des agissements de l'employeur, de l'ancienneté de monsieur X... et des répercussions de ces agissements sur son état de santé, il convient de lui allouer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice » (jugement pages 6 à 8) ;

ALORS QUE lorsque le harcèlement moral subi est à l'origine de l'inaptitude physique, le salarié peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi consécutive à son licenciement pour inaptitude ; qu'en poursuivant la réparation du préjudice né du caractère illicite de son licenciement, le salarié invoquait tous les droits auxquels il pouvait prétendre au titre de la rupture du contrat de travail ; que M. X... sollicitait le paiement de dommages et intérêts au titre du caractère illicite de son licenciement et de la violation de son statut protecteur (cf. conclusions d'appel pages 22 et 23) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que « compte tenu de son inaptitude définitive constatée par le médecin du travail, Monsieur X... ne saurait reprocher à son employeur de l'avoir licencié pour ce motif, le privant ainsi d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail qui aurait produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et lui aurait procuré une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire, tant en raison du harcèlement moral qu'en raison de la violation de son statut protecteur de salarié protégé » ; qu'en déboutant ainsi l'exposant de sa demande de dommages et intérêts, par des motifs inopérants, quand elle constatait, d'une part, que le harcèlement moral subi par M. X... - qu'elle jugeait établi - se trouvait à l'origine de son licenciement inaptitude physique, d'autre part, que le salarié poursuivait la réparation de son préjudice né du caractère illicite de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le harcèlement moral et la discrimination : le conseil de prud'hommes a relevé les nombreuses lettres que l'association AFOMAV a adressé à Michel X..., d'octobre 2007 à janvier 2011, pour tenter d'obtenir son accord pour modifier son contrat de travail, en dépit des observations que lui ont adressées les services de l'inspection du travail le 14 janvier 2008 puis, à nouveau, le 2 mars 2009, attirant son attention sur le fait que le contrat de travail paraissait bien être un contrat à temps partiel et qu'une modification de la durée du travail requérait un commun accord entre les parties ; qu'il a justement considéré que l'obstination de l'employeur pour tenter, de 2007 à 2009, d'obtenir la signature d'un nouveau contrat de travail, obstination qui est allée jusqu'à procéder à des modifications unilatérales d'horaires et de salaire et à engager une procédure de licenciement pour faute grave constituait des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'examen du dossier médical de Michel X... montre qu'il a consulté depuis novembre 2007 le docteur Jean Y..., psychiatre, en raison d'un état de stress lié à un conflit professionnel, qu'il s'est plaint de migraine, de troubles de sommeil et d'anxiété ayant occasionné la prise de somnifères et d'antidépresseurs ; que constatant la dégradation de son état de santé, le médecin du travail qui le recevait régulièrement a émis, le 22 décembre 2010, un avis d'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise en ayant recours à la procédure d'urgence ; qu'il est suffisamment démontré par les pièces du dossier que les pressions fautives de l'employeur, pressions constitutives de harcèlement moral, ont porté atteinte à la santé du salarié et sont à l'origine de l'inaptitude constatée, aucune affection autre que le stress n'étant signalée dans le dossier médical, à l'exception d'une entorse ayant occasionné trois jours d'incapacité temporaire totale de travail et qui ne peut être à l'origine de l'inaptitude ; que Michel X... ne fournit aucun élément démontrant que le harcèlement moral était motivé par ses activités syndicales et n'établit aucune discrimination à son encontre ; que la réparation de son préjudice a été justement évaluée par les premiers juges à 10.000 euros ; que sur la demande de dommages et intérêts pour la perte d'une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire brut (48.263,46 euros) : compte tenu de son inaptitude définitive constatée par le médecin du travail, Michel X... ne saurait reprocher à son employeur de l'avoir licencié pour ce motif, le privant ainsi d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail qui aurait produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et lui aurait procuré une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire, tant en raison du harcèlement moral qu'en raison de la violation de son statut protecteur de salarié protégé » (arrêt pages 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les demandes relatives au harcèlement et à la discrimination dont a été l'objet monsieur X... de la part de son employeur : dès lors que le licenciement de monsieur X... a été autorisé par l'inspection du travail et prononcé par l'employeur, il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire, et ce même si celle-ci était antérieure au licenciement ; qu'en revanche, le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur les dommages et intérêts demandés par le salarié en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des fautes commises par son employeur à son encontre pendant la période antérieure au licenciement ; que cependant, il ne peut faire droit à une telle demande que lorsque les manquements invoqués n'ont pas été pris en compte dans le cadre de la procédure d'autorisation ; que lorsque le salarié est licencié pour inaptitude après autorisation de l'inspecteur du travail, le juge judiciaire reste compétent pour rechercher si l'inaptitude ne résulte pas d'un comportement fautif de l'employeur ouvrant droit à réparation ; que monsieur X... soutient qu'il a fait l'objet de harcèlement et discrimination de la part de son employeur ; qu'aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que s'agissant de la discrimination, elle repose sur un fondement juridique distinct puisqu'aux ternies de l'article L1132-1, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales ; que pour en justifier, monsieur X... s'appuie sur les nombreux échanges de courriers entre lui et son employeur et ce à compter d'octobre 2007 (courriers des 25/10/2007, 16/11/2007, 15/01/2009, 02/02/2009, 16/02/2009, 02/03/2009, 27/05/2009, 12/06/2009, 03/09/2010; 17/09/2010, 04/10/2010, 05/11/2010, 14/01/2011) ; que ces courriers font apparaître que, malgré le refus de monsieur X... de voir son contrat de travail modifié, l'employeur a tenté à de multiples reprises de lui faire signer un nouveau contrat de travail afin de régulariser les modifications apportées sur les fiches de paie à compter de janvier 2009 comme exposé ci-dessus (cf 1) ; que le fait que l'inspection du travail ait adressé un courrier à l'employeur le 3 février 2009 n'a eu aucune conséquence sur la position de l'employeur ; qu'or, il ne pouvait ignorer, et notamment après l'avis de l'inspecteur du travail qu'aucune modification du contrat de travail d'un salarié protégé ne peut lui être imposée ; qu'il incombait donc à l'employeur, compte tenu du refus de monsieur X... d'accepter la modification de son contrat de travail, de procéder à son licenciement après avoir sollicité l'inspection du travail ; qu'or, l'employeur s'est obstiné à tenter d'obtenir l'accord du salarié pendant plus de deux ans, allant jusqu'à imputer à monsieur X... la responsabilité de son inaptitude (cf courrier du 14 janvier 2011) ; qu'en septembre 2010, alors que le conflit entre monsieur X... et l'AFOMAV se poursuivait, cette dernière décide de licencier monsieur X... pour faute, licenciement qui sera refusé par l'inspection du travail au motif que la demande est en lien avec l'exercice du mandat syndical de monsieur X... ; qu'à nouveau, en date des 3 septembre, 17 septembre octobre, 5 novembre, l'AFOMAV tente d'obtenir la modification de son contrat de travail par monsieur X..., et ce jusqu'au licenciement pour inaptitude du salarié du 10 mai 2011 ; les pressions de l'AFOMAV sur monsieur X... pour lui faire accepter les termes de son nouveau contrat de travail sont également attestées par monsieur Z... délégué syndical suppléant qui relate les conditions dans lesquelles, lors des réunions, la direction de l'AFOMAV faisait publiquement des reproches sur la nature du contrat de travail de monsieur X... ; que pour justifier des conséquences de cette situation sur son état de santé, monsieur X... verse aux débats un certificat médical d'un psychiatre qui indique qu'il vient régulièrement en consultation depuis novembre 2007 pour parler d'un état de stress lié à un conflit professionnel ; qu'il ressort par ailleurs du courrier de l'inspectrice du travail en date du 23 mars 2011 qu'elle a considère que la procédure d'urgence prévue par l'article R4624-31 du code du travail mise en oeuvre le 22 décembre 2010 est régulière en la forme dès lors que la dégradation de l'état de santé de monsieur X... est consécutive selon elle à des relations professionnelles de plus en plus tendues avec la direction ; que par ces éléments, monsieur X... établit ainsi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement à son encontre ; qu'en effet, l'acharnement de l'employeur à lui faire signer un contrat de travail qu'il refusait pendant plus de deux années, sa tentative de licenciement pour faute au cours de l'année 2010 ont entraîné pour monsieur X... une dégradation de ses conditions de travail et ont eu des répercussions sur son état de santé comme en attestent à la fois son médecin personnel mais aussi l'inspection du travail suite à l'avis du médecin du travail qui a eu recours à la procédure d'urgence ; que pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur indique uniquement qu'il était en droit de demander à monsieur X... de modifier son contrat de travail dès lors que c'est lui qui en faisait une mauvaise interprétation ; que cependant, l'AFOMAV, en s'abstenant de licencier monsieur X... et en tentant pendant des mois de faire pression pour obtenir la régularisation de son contrat de travail, a eu un comportement fautif et a porté atteinte à la santé du salarié ; que si des faits de harcèlement moral au sens de l'article L1152-1 du code du travail sont démontrés, il en est autrement de la demande fondée sur une discrimination syndicale, dès lors qu'il n'est pas établi que le comportement de l'employeur relevait d'une discrimination en raison des mandats syndicaux détenus par monsieur X..., ce dernier n'apportant pas suffisamment d'élément pour démontrer que si son employeur n'a pas procédé à son licenciement pour motif économique comme l'ensemble des salariés qui avaient refusé la modification de leur contrat de travail c'est uniquement en raison de l'obligation de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'en conséquence, ce motif ne saurait être retenu ; que sur le préjudice de monsieur X... : l'inaptitude de monsieur X... ayant pour origine les agissements de son employeur constitutifs de harcèlement, il est bien fondé à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de ces agissements antérieurs au licenciement ; qu'en revanche, il ne saurait prétendre au bénéfice des dispositions spécifiques relatives à la nullité du licenciement d'un salarié bénéficiant d'un statut protecteur dès lors que son licenciement a été autorisé par l'inspection du travail, qu'il n'en demande pas expressément l'annulation dont l'appréciation relèverait en tout état de cause du juge administratif ; que le juge judiciaire n'est en effet pas compétent pour l'examiner, sauf à violer le principe de la séparation des pouvoirs ; qu'en conséquence, monsieur X... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts en raison de la violation de son statut protecteur ; qu'en revanche, compte tenu de ce qui précède, monsieur X... doit se voir allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des agissements de son employeur antérieurement à la rupture du contrat de travail ; qu'il a été démontré qu'entre octobre 2007 et mars 2011, l'employeur n'a eu de cesse de tenter de faire accepter à monsieur X... une modification de son contrat de travail, alors que dès le 11 novembre 2007, ce dernier répond qu'il refuse la modification du contrat ; que compte tenu de la durée des agissements de l'employeur, de l'ancienneté de monsieur X... et des répercussions de ces agissements sur son état de santé, il convient de lui allouer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice » (jugement pages 6 à 8) ;

1°) ALORS, d'une part, QUE, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le harcèlement moral invoqué par M. X... était constitué et lui a alloué des dommages et intérêts à ce titre ; que le salarié ajoutait notamment que le harcèlement moral dont il avait été victime était motivé par l'exercice de son mandat syndical et sollicitait l'indemnisation de son préjudice né de la discrimination syndicale (conc. p. 24 à 26) ; qu'en retenant dès lors que « Monsieur X... ne fournit aucun élément démontrant que le harcèlement moral était motivé par ses activités syndicales et n'établit aucune discrimination à son encontre », quand il résultait de ses constatations qu'étaient établis comme constitutifs de harcèlement moral des faits laissant présumer l'existence d'une discrimination et qu'il appartenait en conséquence à l'employeur de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers au mandat syndical du salarié, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°) ET ALORS, en tout état de cause, QUE, M. X... produisait, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, la décision de l'inspecteur du travail du 17 décembre 2010 refusant à l'employeur l'autorisation de procéder à son licenciement et mentionnant expressément, d'une part, que « les faits reprochés à Monsieur Michel X... ne sont pas établis », d'autre part, que « la procédure de licenciement engagée par la Direction de l'AFOMAV à l'encontre de Monsieur Michel X... est en lien avec l'exercice de ses mandats » ; qu'en affirmant que « Monsieur X... ne fournit aucun élément démontrant que le harcèlement moral était motivé par ses activités syndicales et n'établit aucune discrimination à son encontre », sans s'expliquer sur cette décision de l'inspecteur du travail qui laissait présumer une situation de discrimination syndicale, la cour d'appel a, derechef, entaché sa décision de défaut de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-10373
Date de la décision : 13/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 déc. 2017, pourvoi n°16-10373


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10373
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