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13/12/2017 | FRANCE | N°15-13098

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2017, 15-13098


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,11 décembre 2014), que M. Y..., cadre à la Banque de France, a été détaché auprès de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) en qualité de directeur adjoint de la formation à compter du 16 janvier 1993, avant d'être engagé directement par la BEAC, au moment où il a fait valoir ses droits à la retraite auprès de la Banque de France, en qualité de directeur de service au siège central à compter du 1er octobre 1999, selon un contrat à durée déterm

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,11 décembre 2014), que M. Y..., cadre à la Banque de France, a été détaché auprès de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) en qualité de directeur adjoint de la formation à compter du 16 janvier 1993, avant d'être engagé directement par la BEAC, au moment où il a fait valoir ses droits à la retraite auprès de la Banque de France, en qualité de directeur de service au siège central à compter du 1er octobre 1999, selon un contrat à durée déterminée d'une durée d'un an renouvelé à plusieurs reprises ; qu'il a été mis fin à son contrat le 31 mars 2004 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence qu'il a soulevée et, en conséquence, de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du salarié en contrat à durée indéterminée à compter du 16 janvier 1994, de dire la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les termes du statut de la Banque des Etats d'Afrique Centrale et l'article 8 de l'accord de siège, établissaient clairement l'existence, au profit de la Banque des Etats d'Afrique Centrale d'une immunité de juridiction, et que l'article 16 de l'accord de siège prévoyait, après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères (Minrex), la possibilité d'un recours à un tribunal arbitral, à condition que la banque renonce à son immunité ; que pour estimer cependant que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait en l'espèce se prévaloir de son immunité, et pour retenir ainsi la compétence du conseil de prud'hommes de Paris, la cour d'appel a déclaré que, si la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne renonçait pas à son immunité, elle ne pourrait être attraite devant aucune juridiction ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel qu'un recours devant un tribunal arbitral, dont elle ne contestait pas l'indépendance et l'impartialité, était bien prévu par l'accord de siège instituant l'immunité de la banque, peu important à cet égard qu'il soit prévu que l'exercice de ce recours suppose la renonciation de la banque à son immunité, dans la mesure où il n'était nullement constaté que l'exercice de ce recours, par M. Y..., qui avait saisi le conseil de prud'hommes sans même attendre la décision préalable obligatoire du Minrex, se serait avéré impossible en raison d'un refus effectif quelconque de la banque de renoncer à son immunité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les termes du statut de la Banque des Etats d'Afrique Centrale et l'article 8 de l'accord de siège, établissaient clairement l'existence, au profit de la Banque des Etats d'Afrique Centrale d'une immunité de juridiction, et que l'article 16 de l'accord de siège prévoyait, après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères (Minrex), la possibilité d'un recours à un tribunal arbitral, à condition que la banque renonce à son immunité ; que dès lors en déclarant « qu'il ressortait du dossier que, pendant au moins 3 ans, la BEAC avait refusé de lever son immunité de juridiction », et que ce refus privait M. Y... de toute « garantie de voir sa cause entendue par une juridiction camerounaise » et que la Banque des Etats d'Afrique Centrale n'avait pas renoncé au bénéfice de l'immunité de juridiction, de sorte qu'il existait pour M. Y... un risque de déni de justice fondant la compétence des juridictions françaises, sans expliquer en quoi la banque devait justifier a priori de sa renonciation à son immunité, avant qu'ait même été rendue la décision du Minrex devant obligatoirement être saisi avant tout recours devant le tribunal arbitral, la cour d'appel, qui ne contestait pas que M. Y... avait, comme souligné par la banque, saisi le conseil de prud'hommes de Paris sans attendre la réponse du Minrex qu'il avait dans un premier temps saisi, a, en statuant comme elle l'a fait, privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la Banque des Etats d'Afrique Centrale faisait à cet égard valoir que la cour de justice de la Cemac, non soumise à l'immunité de juridiction imposée par les accords de siège aux Etats membres, était compétente pour trancher les litiges entre elle et ses agents, la cour d'appel, ayant elle-même relevé que la cour de justice de la Cemac était « une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la Cemac qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle » ; que pour estimer néanmoins que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, la cour d'appel a déclaré que la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac disposait en son article 4 qu'elle « est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la Cemac et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local », et que « le contrat de travail à durée déterminée que Charles Y... avait conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne faisait aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la Cemac et excluait, au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat », et que s'« il ne précisait pas la loi applicable à son exécution [...], les parties s'accordaient pour reconnaître que cette loi [était] la loi camerounaise », de sorte que le contrat relevait du droit local et que M. Y... ne pouvait saisir la cour de justice de la Cemac de son différend avec la Banque des Etats d'Afrique Centrale ; qu'en statuant ainsi, cependant que la seule circonstance que M. Y... n'ait, pour l'essentiel, pas relevé du statut des « agents d'encadrement supérieur », ne permettait pas ipso facto d'exclure sa qualité d'agent de la Banque des Etats d'Afrique Centrale, au sens de l'article 4 de la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la Banque des Etats d'Afrique Centrale faisait à cet égard valoir que la cour de justice de la Cemac, non soumise à l'immunité de juridiction imposée par les accords de siège aux Etats membres, était compétente pour trancher les litiges entre elle et ses agents, la cour d'appel, ayant elle-même relevé que la cour de justice de la Cemac était « une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la Cemac qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle » ; que pour estimer néanmoins que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, la cour d'appel a déclaré que la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac disposait en son article 4 qu'elle « est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la Cemac et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local », et que « le contrat de travail à durée déterminée que Charles Y... a[vait] conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne faisait aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la Cemac et excluait, au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat », et que s'« il ne précisait pas la loi applicable à son exécution [...], les parties s'accordaient pour reconnaître que cette loi était la loi camerounaise », de sorte que le contrat relevait du droit local et que M. Y... ne pouvait saisir la cour de justice de la Cemac de son différend avec la Banque des Etats d'Afrique Centrale ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait elle-même que le contrat n'était pas expressément régi par le droit local camerounais, les parties s'étant simplement accordées pour admettre son application, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé qu'en application de l'accord de siège, la BEAC ne pouvait être attraite devant le tribunal arbitral institué par ses statuts que si elle renonçait explicitement à son immunité de juridiction, ce qu'elle n'avait pas fait en l'espèce, et que la Cour de justice de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale n'était pas compétente pour un litige sur un contrat de travail régi par le droit local, a fait ressortir que l'accord de siège entre le gouvernement de la République du Cameroun et la BEAC ne prévoyait pas de recours de nature juridictionnelle présentant des garanties d'impartialité et d'équité, en sorte que la BEAC ne pouvait pas valablement faire valoir l'exception d'immunité de juridiction ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen que suivant les dispositions de l'article 25-1) du code du travail camerounais, applicable au litige, « le contrat de travail à durée déterminée [...] dont le terme est fixé à l'avance par la volonté des deux parties [...] ne peut être conclu pour une durée supérieure à deux ans et peut être renouvelé pour la même durée » ; que l'article 25-2) prévoit que « le renouvellement du contrat des travailleurs de nationalité étrangère ne peut intervenir qu'après visa du Ministre chargé du Travail », et que l'article 25-3) dispose que « le contrat à durée déterminée des travailleurs de nationalité camerounaise ne peut être renouvelé qu'une fois avec la même entreprise [,et qu'] au terme de ce renouvellement et si les relations de travail se poursuivent, le contrat se transforme en contrat à durée indéterminée », l'article 27-3) ajoutant que la demande de visa incombe à l'employeur et que, si le visa est refusé, le contrat est nul de plein droit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat à durée déterminée consenti à M. Y... le 27 janvier 1993 pour 12 mois, avait été renouvelé le 3 octobre 1994 pour une nouvelle période s'achevant au 30 septembre 1995 et que ce renouvellement, signé par le gouverneur de la Banque des Etats d'Afrique Centrale, était irrégulier, faute de visa du ministre chargé du travail ; qu'en affirmant purement et simplement que cette irrégularité avait pour effet de priver le renouvellement de son terme et donc de transformer le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, cependant qu'il résulte des dispositions applicables susvisées que les seuls contrats de travail à durée déterminée susceptibles de faire l'objet d'une requalification en contrat à durée indéterminée étaient les contrats consentis à des salariés de nationalité camerounaise, et que la sanction de l'absence de visa, expressément prévue par les dispositions susvisées, résidait dans la seule nullité de plein droit du contrat, la cour d'appel a violé les articles 25-1), 25-2), 25-3), et 27-3) du code du travail camerounais ;

Mais attendu que s'il incombe au juge français, qui applique une loi étrangère, de rechercher et de justifier la solution donnée à la question litigieuse par le droit positif de l'Etat concerné, l'application qu'il fait de ce droit étranger, quelle qu'en soit la source, légale ou jurisprudentielle, échappe, sauf dénaturation non invoquée en l'espèce, au contrôle de la Cour de cassation ; que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Banque des Etats de l'Afrique Centrale aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Banque des Etats de l'Afrique Centrale à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me C... , avocat aux Conseils, pour la société Banque des Etats de l'Afrique Centrale.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Banque des Etats d'Afrique Centrale et D'AVOIR en conséquence, requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. Y... en contrat à durée indéterminée à compter du 16 janvier 1994, dit que la rupture du contrat de travail de M. Y... est dépourvue de cause réelle et sérieuse, et condamné la Banque des Etats d'Afrique Centrale à lui payer diverses sommes ;

AUX MOTIFS QUE, « sur l'immunité de juridiction et l'exception d'incompétence opposées par la BANQUE DES ETATS D'AFRIQUE CENTRALE, l'immunité de juridiction, dès lors qu'elle est formellement reconnue par les Etats et instituée par un accord, a pour effet de faire échapper l'organisation internationale qui en bénéficie à la compétence d'une juridiction nationale devant laquelle elle est assignée à comparaître ; qu'ainsi, par principe, la juridiction nationale doit se déclarer incompétente pour connaître du litige impliquant l'organisation bénéficiaire de l'immunité ; que le privilège de l'immunité de juridiction, destiné à préserver l'indépendance de l'organisation à l'égard des Etats, ne doit pas pour autant lui permettre d'échapper à tout contrôle juridictionnel ; qu'aussi doit-il s'accompagner de moyens pour éviter tout déni de justice afin que soit respecté le principe proclamé par l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme reconnaissant à toute personne le droit " à ce que sa cause soit entendue " ; qu'il en résulte qu'une organisation internationale ne peut se prévaloir de son immunité de juridiction que si l'accord l'instituant prévoit un recours de nature juridictionnelle, comportant des garanties d'impartialité et d'équité ; que dans le cas contraire, l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge et d'exercer un droit qui relève de l'ordre public international constitue un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France ; que l'immunité de juridiction dont se prévaut la BEAC lui est accordée par l'Accord de siège qu'elle a conclu le 30 mars 2004 avec la république du Cameroun et lui est reconnue par ses statuts, les traités constitutifs de la banque et le décret du 19 octobre 1989 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la république française et la BEAC signé le 20 avril 1988 ; que disposant du pouvoir de renoncer expressément et par écrit au bénéfice de l'immunité pour une opération particulière ou lorsque des intérêts d'ordre privé sont en cause, la BEAC n'a pas exercé ce pouvoir à l'occasion du différend l'opposant à Charles Y... ; que l'article 16 de l'Accord de siège, intitulé " règlement des différends " prévoit après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères, la possibilité d'un recours à l'arbitrage, à condition toutefois que la banque renonce à son immunité ; qu'il en résulte que si la BEAC n'y renonce pas, elle ne peut être attraite devant aucune juridiction ; qu'elle soutient cependant que Charles Y..., cadre contractuel, disposait d'un recours devant la cour de justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) ; que la CEMAC instituée par traité entre les 6 Etats membres comporte en effet 4 institutions et plusieurs organes dont la BANQUE DES ETATS D'AFRIQUE CENTRALE ; que la Cour de justice de la CEMAC est une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la CEMAC qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle ; que la convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de justice de la CEMAC dispose en son article 4 qu'elle " est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la CEMAC et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local" ; que le contrat de travail à durée déterminée que Charles Y... a conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne fait aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la CEMAC et exclut, au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat relatif aux grilles de traitement, à la couverture médico-sociale de la banque, aux hypothèses d'accident ou de maladie et au régime de mission hors du lieu d'affectation ; qu'il ne précise pas la loi applicable à son exécution mais les parties s'accordent pour reconnaître que cette loi est la loi camerounaise ; que dès lors que le contrat relevait du droit local, il apparaît que par application de l'article 4 de la Convention du 5 juillet 1996, Charles Y... ne pouvait saisir la cour de justice de la CEMAC pour faire juger le litige l'opposant à la BANQUE DES ETATS D'AFRIQUE CENTRALE ; que celle-ci n'ayant pas renoncé au bénéfice de l'immunité de juridiction, il existe pour Charles Y... un risque de déni de justice qui fonde la compétence des juridictions françaises ; que le lien de rattachement du salarié avec lesdites juridictions est constitué par sa nationalité française, dès lors qu'il n'a pas renoncé au bénéfice de l'article 14 du code civil attribuant compétence aux juridictions françaises lorsqu'il s'agit de l'exécution d'obligations contractées en pays étranger envers des Français ; que la saisine du Ministre d'Etat chargé des Relations Extérieures et la saisine de l'inspection du travail du Cameroun ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article 14 du Code civil, ces institutions n'étant pas juridictionnelles ; que le rejet de l'exception d'incompétence par le conseil de prud'hommes doit en conséquence être confirmé ; que sur le droit applicable au litige, les parties s'accordent pour reconnaître que le droit applicable à leur différend est le droit camerounais ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « tant les termes du statut de la BEAC que ceux de l'Accord de Siège, et notamment son article 8, sont parfaitement explicites, et établissent clairement l'existence au profit de la BEAC d'une immunité de juridiction, qu'il appartient au seul organisme concerné d'accepter éventuellement de lever, de façon tout-à- fait discrétionnaire ; que dès lors qu'il ressort du dossier que, pendant au moins 3 ans, la BEAC avait refusé de lever cette immunité de juridiction, il est incontestable que Charles Y... n'avait aucune garantie de voir sa cause entendue par une juridiction camerounaise, et le demandeur était tout à fait recevable et fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; que par ailleurs, c'est vainement que la BEAC avance que Charles Y... aurait renoncé à se prévaloir de son privilège de juridiction par le simple fait qu'il aurait saisi les autorités, a fortiori simplement administratives, camerounaises ; que dès lors encore, en sa qualité de citoyen français, Charles Y... est tout-à-fait recevable et fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 14 du Code Civil qui lui donnent la possibilité d'attraire son employeur, même de nationalité camerounaise, devant les juridictions françaises ; que l'exception d'incompétence serra donc rejetée ; que sur la litispendance, la BEAC ne produit strictement aucun élément de nature à laisser penser qu'une action juridictionnelle serait actuellement en cours au Cameroun ; que l'argument ne peut d'ailleurs être avancé qu'avec beaucoup d'audace par la défenderesse, dès lors que le dossier démontre qu'elle a mis une remarquable obstination à empêcher précisément la saisine des juridictions camerounaises ; que sur la prescription et le droit applicable, les parties sont parfaitement d'accord pour considérer que le droit applicable, au fond, est le seul droit camerounais, et que, dès lois, c'est une prescription de trois ans qui est applicable ; »

1°) ALORS QU'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les termes du statut de la Banque des Etats d'Afrique Centrale et l'article 8 de l'accord de siège, établissaient clairement l'existence, au profit de la Banque des Etats d'Afrique Centrale d'une immunité de juridiction, et que l'article 16 de l'accord de siège prévoyait, après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères (Minrex), la possibilité d'un recours à un tribunal arbitral, à condition que la banque renonce à son immunité ; que pour estimer cependant que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait en l'espèce se prévaloir de son immunité, et pour retenir ainsi la compétence du conseil de prud'hommes de Paris, la cour d'appel a déclaré que, si la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne renonçait pas à son immunité, elle ne pourrait être attraite devant aucune juridiction ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel qu'un recours devant un tribunal arbitral, dont elle ne contestait pas l'indépendance et l'impartialité, était bien prévu par l'accord de siège instituant l'immunité de la banque, peu important à cet égard qu'il soit prévu que l'exercice de ce recours suppose la renonciation de la banque à son immunité, dans la mesure où il n'était nullement constaté que l'exercice de ce recours, par M. Y..., qui avait saisi le conseil de prud'hommes sans même attendre la décision préalable obligatoire du Minrex, se serait avéré impossible en raison d'un refus effectif quelconque de la banque de renoncer à son immunité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°) ALORS de surcroît QU'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les termes du statut de la Banque des Etats d'Afrique Centrale et l'article 8 de l'accord de siège, établissaient clairement l'existence, au profit de la Banque des Etats d'Afrique Centrale d'une immunité de juridiction, et que l'article 16 de l'accord de siège prévoyait, après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères (Minrex), la possibilité d'un recours à un tribunal arbitral, à condition que la banque renonce à son immunité ; que dès lors en déclarant « qu'il ressort[ait] du dossier que, pendant au moins 3 ans, la BEAC avait refusé de lever [son] immunité de juridiction », et que ce refus privait M. Y... de toute « garantie de voir sa cause entendue par une juridiction camerounaise » et que la Banque des Etats d'Afrique Centrale n'avait pas renoncé au bénéfice de l'immunité de juridiction, de sorte qu'il existait pour M. Y... un risque de déni de justice fondant la compétence des juridictions françaises, sans expliquer en quoi la banque devait justifier a priori de sa renonciation à son immunité, avant qu'ait même été rendue la décision du Minrex devant obligatoirement être saisi avant tout recours devant le tribunal arbitral, la cour d'appel, qui ne contestait pas que M. Y... avait, comme souligné par la banque, saisi le conseil de prud'hommes de Paris sans attendre la réponse du Minrex qu'il avait dans un premier temps saisi, a, en statuant comme elle l'a fait, privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

3°) ALORS en toute hypothèse QU'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la Banque des Etats d'Afrique Centrale faisait à cet égard valoir que la cour de justice de la Cemac, non soumise à l'immunité de juridiction imposée par les accords de siège aux Etats membres, était compétente pour trancher les litiges entre elle et ses agents, la cour d'appel, ayant elle-même relevé que la cour de justice de la Cemac était « une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la CEMAC qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle » ; que pour estimer néanmoins que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, la cour d'appel a déclaré que la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac disposait en son article 4 qu'elle « est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la CEMAC et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local », et que « le contrat de travail à durée déterminée que Charles Y... a[vait] conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne fai[sait] aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la CEMAC et exclu[ait], au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat », et que s'« il ne précis[ait] pas la loi applicable à son exécution [
], les parties s'accord[ai]ent pour reconnaître que cette loi [était] la loi camerounaise », de sorte que le contrat relevait du droit local et que M. Y... ne pouvait saisir la cour de justice de la Cemac de son différend avec la Banque des Etats d'Afrique Centrale ; qu'en statuant ainsi, cependant que la seule circonstance que M. Y... n'ait, pour l'essentiel, pas relevé du statut des « agents d'encadrement supérieur », ne permettait pas ipso facto d'exclure sa qualité d'agent de la Banque des Etats d'Afrique Centrale, au sens de l'article 4 de la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

4°) ALORS en outre QU'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la Banque des Etats d'Afrique Centrale faisait à cet égard valoir que la cour de justice de la Cemac, non soumise à l'immunité de juridiction imposée par les accords de siège aux Etats membres, était compétente pour trancher les litiges entre elle et ses agents, la cour d'appel, ayant elle-même relevé que la cour de justice de la Cemac était « une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la CEMAC qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle » ; que pour estimer néanmoins que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, la cour d'appel a déclaré que la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac disposait en son article 4 qu'elle « est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la CEMAC et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local », et que « le contrat de travail à durée déterminée que Charles Y... a[vait] conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne fai[sait] aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la CEMAC et exclu[ait], au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat », et que s'« il ne précis[ait] pas la loi applicable à son exécution [
], les parties s'accord[ai]ent pour reconnaître que cette loi [était] la loi camerounaise », de sorte que le contrat relevait du droit local et que M. Y... ne pouvait saisir la cour de justice de la Cemac de son différend avec la Banque des Etats d'Afrique Centrale ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait ellemême que le contrat n'était pas expressément régi par le droit local camerounais, les parties s'étant simplement accordées pour admettre son application, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR, ayant confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Banque des Etats d'Afrique Centrale, requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. Y... en contrat à durée indéterminée à compter du 16 janvier 1994, et en conséquence, D'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. Y... est dépourvue de cause réelle et sérieuse, et condamné la Banque des Etats d'Afrique Centrale à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, notamment au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE, « sur le droit applicable au litige, les parties s'accordent pour reconnaître que le droit applicable à leur différend est le droit camerounais ;
que sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 16 janvier 1993 en contrat à durée indéterminée, l'article 25.-1) a et 2) du code du travail camerounais dispose d'une part, que contrat de travail à durée déterminée "ne peut être conclu pour une durée supérieure à deux ans et peut être renouvelé pour la même durée", d'autre part, que "le renouvellement du contrat des travailleurs de nationalité étrangère ne peut intervenir qu'après visa du ministre chargé du Travail" ; que le contrat à durée indéterminée consenti à Charles Y..., de nationalité française, le 27 janvier 1993 pour une période de 12 mois a été renouvelé le 3 octobre 1994 pour une nouvelle période s'achevant le 30 septembre 1995 ; que ce renouvellement, signé par le vice gouverneur de la BEAC sans visa du ministre chargé du travail est irrégulier ; que la sanction de cette irrégularité n'est pas la nullité du contrat prévue par l'article 27.-3) du même code du travail qui ne s'applique qu'au refus de visa et non à l'absence de demande de visa ; que l'absence de visa ministériel faute d'avoir été sollicité ne peut avoir pour effet que de priver le renouvellement de son terme et en conséquence, de transformer le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; que les premiers juges ont donc justement prononcé la requalification. Toutefois, celle-ci doit intervenir, non pas à compter de 1995, ainsi qu'ils l'ont décidé, mais le 16 janvier 1994, au terme du contrat initial à durée déterminée qui n'a pas été régulièrement renouvelé ;
que sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences, par lettre du 18 juin 2003, le gouverneur de la BEAC a informé Charles Y... que son contrat de travail s'achèverait le 30 septembre 2003 en raison de l'atteinte à la limite d'âge de la retraite et du terme de la période de renouvellement en cours ; qu'aucun texte n'a été invoqué s'appliquant à la situation du salarié et fixant une limite d'âge, pour exercer ses fonctions. Par ailleurs, l'employeur ne peut faire valoir le terme de la période de renouvellement du contrat en cours dès lors que ce contrat, signé le 5 novembre 1999, n'a pas fait l'objet d'un renouvellement ; qu'en l'absence de toute demande précise de prestation au salarié, l'inexécution ou la mauvaise exécution de cette prestation n'est pas démontrée ; qu'aucune insuffisance professionnelle, ni aucune faute n'est en conséquence établie à son encontre ; que les deux motifs de rupture invoqués par l'employeur se révélant injustifiés, c'est à raison que le conseil de prud'hommes a considéré qu'il s'agissait d'une rupture sans cause réelle et sérieuse ; qu'il n'est pas contesté qu'au moment de la rupture, Charles Y... occupait les fonctions de directeur de service au siège central de la BEAC situé à YAOUNDÉ et percevait en francs Cfa une rémunération mensuelle, hors gratification et prime spécifique, correspondant à 8 690,46 € comprenant son traitement de base, une indemnité d'expatriation (40%), une indemnité spéciale, une indemnité de salaire unique, une prime de voiture, une prime de domesticité et une indemnité de représentation ;
[
]
que sur la demande en paiement de la prime d'ancienneté depuis 2001 (39 847 €, subsidiairement 37 383,40 €), la prime d'ancienneté est prévue par les dispositions du statut des agents d'encadrement supérieur de la BANQUE DES ETATS D'AFRIQUE CENTRALE ; que Charles Y... la revendique en application du principe d'égalité des salaires, subsidiairement en application du droit du travail camerounais (arrêté du 20 avril 1971) ; que l'arrêté n° 010/MTPS/DT du 20 avril 1971 dont les dispositions abrogent et remplacent toutes clauses relatives aux primes d'ancienneté dans les conventions collectives, les accords d'établissement ou les accords particuliers existants et sont de plein droit applicables au moment de la négociation de nouvelles conventions ou de nouveaux accords, institue une prime d'ancienneté calculée sur le salaire minimum de la catégorie professionnelle dans laquelle le travailleur est classé ; que l'intimé a dressé le décompte des primes d'ancienneté qui auraient dû lui être versées de 1995 à 2004. Cependant, compte tenu de la prescription triennale prévue par l'article 74 du code du travail camerounais, sa réclamation ne peut être admise que pour la période de février et mars 2004 qui n'a pas été chiffrée ;
que sur la demande au titre de la part variable de la prime de bilan (2 891,60 €), cette prime prévue par le contrat de travail comporte une gratification fixe qui a été versée en décembre et une partie variable, d'un taux variant de 0 à 150% selon la décision du gouverneur de la BEAC, qui doit être versée en mars ; que par lettre du 23 mars 2004, le directeur des ressources humaines de la BEAC a informé Charles Y... que le taux de gratification complémentaire qui lui avait été accordée par le gouverneur au titre du mois de mars 2004 était de 120% ; qu'il sera fait droit à la réclamation formulée à ce titre qui n'a pas été contestée dans son montant ;
que sur la demande en remboursement des frais de fin de contrat (10 021 €), le contrat de travail prévoit expressément et sans conditions de départ effectif la prise en charge par l'employeur du rapatriement du salarié par le règlement de son titre de transport et des frais de déménagement de ses effets personnels ; que le montant réclamé étant justifié par la photocopie d'un billet d'avion et un devis de transport maritime des effets personnels, il sera fait droit à ce chef de demande ;
que sur la demande en paiement du reliquat du solde de tout compte demeuré entre les mains de la BEAC pour le règlement du mobilier garnissant le logement de fonction (16 007,14 €), Charles Y..., souhaitant acquérir de la BEAC les meubles garnissant le logement dont il est locataire, déclare avoir abandonné à son employeur la somme de 16 007,14 € sur son solde de tout compte en vue du paiement du mobilier ; que le gouverneur de la BEAC, après avoir donné son accord verbal pour la vente du mobilier, serait revenu sur cet accord et aurait exigé la restitution des meubles ; qu'il résulte d'un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice, le 29 juin 2004, qu'à cette date à 12h10, divers biens mobiliers ont été sortis de la villa de Charles Y... et rangés dans un gros camion de marque Mercedes dans lequel s'activaient une vingtaine de personnes et qu'au moment de se retirer, l'huissier instrumentaire qui était sur place pour en dresser l'inventaire n'a laissé aucun exploit consignant ses opérations ; que la BEAC, sans contester la somme qui serait restée à sa disposition pour l'achat du mobilier, s'oppose à sa restitution en raison de ses difficultés pour récupérer les meubles et le logement que le salarié continue à occuper ; qu'il appartiendra à la BEAC de faire valoir ses droits éventuels sur le logement et le mobilier le garnissant mis à la disposition du salarié ; qu'en l'état, rien ne justifie sa rétention au préjudice de ce dernier de la somme de 16 007,14 € de nature salariale dont elle doit le paiement ;
que sur les indemnités de rupture, les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis ainsi que l'indemnité de licenciement réclamées n'étant pas contestées dans leur montant seront accordées au salarié ; qu'en considération des circonstances de la rupture, de l'ancienneté et de l'âge de Charles Y... lors du licenciement, et au vu des éléments de préjudice versés au dossier, la cour estime devoir fixer à 90 000 € la réparation du dommage que lui a causé son licenciement injustifié ; que les violences et voies de fait commises à l'occasion de la rupture, notamment pour obtenir la récupération du mobilier ont causé au salarié un préjudice moral important dont la réparation doit être portée à 30 000 € ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la prescription et le droit applicable, les parties sont parfaitement d'accord pour considérer que le droit applicable, au fond, est le seul droit camerounais, et que, dès lois, c'est une prescription de trois ans qui est applicable ;
que les parties sont parfaitement d'accord pour considérer que le droit applicable, au fond, est le seul droit camerounais, et que, dès lors, c'est une prescription de trois ans qui est applicable ;
que sur l'exécution du contrat de travail ;
sur la requalification, l'article 25 du code du Travail Camerounais, définissant le régime juridique du contrat à durée déterminée, n'introduit qu'une seule dérogation propre au cas du salarié étranger, à savoir que le renouvellement du contrat à durée déterminée d'un salarié étranger est soumis au visa du Ministre du Travail ; que dès lors, Charles Y... peut se prévaloir des dispositions de droit commun relatives au régime du contrat à durée déterminée, à savoir, notamment, que ce contrat ne peut être renouvelé qu'une fois ; que Charles Y... ayant bénéficié d'un contrat à durée déterminée annuel à compter de 1993, il y a donc lieu de juger que son contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à compter de 1995 ;
que sur la qualification de la rupture, contrairement à ce qu'avance la BEAC, la lettre de "rupture" évoque bien à la fois l'atteinte de l'âge de la retraite et la survenance du terme du contrat à durée déterminée ; qu'il sera alors considéré que la survenance du terme est inopérante dès lors que le contrat est requalifié en contrat à durée indéterminée ; que la BEAC ne peut utilement se prévaloir de l'atteinte de l'âge de la retraite par Charles Y..., âge d'ailleurs nullement explicité, dès lors que l'employeur se réfère à cet égard aux dispositions du statut des agents d'encadrement, dont il vient d'être jugé qu'il n'était pas opposable aux parties hors certaines clauses, en l'occurrence sans rapport avec l'âge de la retraite ; qu'il sera donc jugé que le non renouvellement de la relation contractuelle entre les parties s'analyse comme une rupture abusive imputable à l'employeur ;
que sur l'indemnisation de la rupture, sur l'indemnité de préavis, sans être aucunement contredit, Charles Y... expose qu'il est en droit de bénéficier, compte tenu de son niveau indiciaire, d'un préavis de 4 mois ; qu'il sera donc fait droit à la demande présentée sur la base de la rémunération moyenne en euros tel qu'elle semble ressortir du dossier, 9 638,65 €, soit un total de 38 554,60 €, sur le fondement des articles 34 à 36 du CT camerounais, outre les congés payés afférents dont le mode de calcul présenté par Charles Y... n'a pas été contesté par la défenderesse ;
que sur l'indemnité de licenciement, si Charles Y... ne peut prétendre à une requalification qu'à compter de 1995, son ancienneté dans la fonction remonte bien à 1993, dès lors que la BEAC n'établit pas qu'il y aurait eu une période d'interruption ou que les fonctions de Charles Y... auraient sensiblement évolué entre 93 et 95 ; que le mode de calcul n'a pas été contesté, même subsidiairement, par la BEAC, et apparaît conforme pour se référer, apparemment, au salaire de base réel et non "revalorisé" ; qu'il sera donc fait droit à la demande présentée sur le fondement de l'article 37 du CT camerounais ; »

ALORS QUE, suivant les dispositions de l'article 25-1) du code du travail camerounais, applicable au litige, « le contrat de travail à durée déterminée [
] dont le terme est fixé à l'avance par la volonté des deux parties [
] ne peut être conclu pour une durée supérieure à deux ans et peut être renouvelé pour la même durée » ; que l'article 25-2) prévoit que « le renouvellement du contrat des travailleurs de nationalité étrangère ne peut intervenir qu'après visa du Ministre chargé du Travail », et que l'article 25-3) dispose que « le contrat à durée déterminée des travailleurs de nationalité camerounaise ne peut être renouvelé qu'une fois avec la même entreprise[, et qu']au terme de ce renouvellement et si les relations de travail se poursuivent, le contrat se transforme en contrat à durée indéterminée », l'article 27-3) ajoutant que la demande de visa incombe à l'employeur et que, si le visa est refusé, le contrat est nul de plein droit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat à durée déterminée consenti à M. Y... le 27 janvier 1993 pour 12 mois, avait été renouvelé le 3 octobre 1994 pour une nouvelle période s'achevant au 30 septembre 1995 et que ce renouvellement, signé par le gouverneur de la Banque des Etats d'Afrique Centrale, était irrégulier, faute de visa du ministre chargé du travail ; qu'en affirmant purement et simplement que cette irrégularité avait pour effet de priver le renouvellement de son terme et donc de transformer le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, cependant qu'il résulte des dispositions applicables susvisées que les seuls contrats de travail à durée déterminée susceptibles de faire l'objet d'une requalification en contrat à durée indéterminée étaient les contrats consentis à des salariés de nationalité camerounaise, et que la sanction de l'absence de visa, expressément prévue par les dispositions susvisées, résidait dans la seule nullité de plein droit du contrat, la cour d'appel a violé les articles 25-1), 25-2), 25-3), et 27-3) du code du travail camerounais.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-13098
Date de la décision : 13/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Contrôle de la Cour de cassation (non)

LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi étrangère - Contrôle par la Cour de cassation (non)

L'application que le juge français fait du droit étranger, quelle qu'en soit la source, légale ou jurisprudentielle, échappe, sauf dénaturation, au contrôle de la Cour de cassation


Références :

Sur le numéro 1 : article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la République du Cameroun et la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC)

article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondam
Sur le numéro 1 : entales

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 décembre 2014

N1 Sur la nécessité, pour qu'une organisation internationale puisse bénéficier de l'immunité de juridiction, de l'existence, pour le règlement d'un conflit prud'homal, d'un recours juridictionnel comportant des garanties d'impartialité et d'équité répondant aux exigences de la conception française de l'ordre public international, à rapprocher :Soc., 13 mai 2014, pourvoi n° 12-23805, Bull. 2014, V, n° 117 (1) (rejet), et les arrêts cités.N2 Sur le contrôle exercé par la Cour de cassation sur l'application du droit étranger par le juge du fond, à rapprocher :1re Civ., 4 janvier 2017, pourvoi n° 16-10754, Bull. 2017, I, n° 1 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 déc. 2017, pourvoi n°15-13098, Bull. civ.Bull. 2017, V, n° 218
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2017, V, n° 218

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : Me Le Prado, Me Haas

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.13098
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