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07/12/2017 | FRANCE | N°16-18669;16-18670

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2017, 16-18669 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-18.669 et 16-18.670 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Sycalie, gérée par Mme Y... et M. Z..., a conclu, le 15 septembre 1997 un contrat d'exploitation de station service avec la société Shell, aux droits de laquelle vient la société Picoty ; que les gérants ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui, aux termes de l'article L. 7321-3 du code du travail, deva

it, sans être liée par le seul contenu des dispositions contractuelles, déterminer si l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-18.669 et 16-18.670 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Sycalie, gérée par Mme Y... et M. Z..., a conclu, le 15 septembre 1997 un contrat d'exploitation de station service avec la société Shell, aux droits de laquelle vient la société Picoty ; que les gérants ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui, aux termes de l'article L. 7321-3 du code du travail, devait, sans être liée par le seul contenu des dispositions contractuelles, déterminer si les sociétés Shell et Picoty avaient fixé dans les faits les conditions de travail de santé et de sécurité au travail dans la station-service a, par une appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties ni de s'expliquer sur ceux qu'elle écartait, constaté que les gérants ne démontraient pas que l'exécution concrète des clauses contractuelles leur avait fait perdre, du fait des contraintes d'exploitation, la maîtrise de l'organisation interne du travail et de la définition des règles de santé, d'hygiène et de sécurité au profit de la société Shell et de la société Picoty et estimé que les conditions d'application de l'article L. 7321-3 précité étaient satisfaites ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que les gérants n'ayant pas été dans l'impossibilité d'agir en requalification de ces contrats, lesquels ne présentaient pas de caractère frauduleux, et ne justifiant pas d'une cause juridiquement admise de suspension du délai de prescription, c'est sans méconnaître les dispositions des articles 6, § 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a appliqué la règle légale prévoyant une prescription quinquennale des actions en justice relatives à des créances de nature salariale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que les gérants font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à se voir reconnaître le bénéfice du coefficient 230 de la convention collective de l'industrie pétrolière et condamner les sociétés Shell et Picoty au paiement des salaires correspondants, alors, selon le moyen, que les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du code du travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V du livre II de la deuxième partie relatif aux conventions collectives, que par suite ils relèvent de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie ; qu'ils sont donc en droit de revendiquer le bénéfice de la classification conventionnelle et le coefficient correspondant aux fonctions réellement exercées ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé l'absence de tout lien de subordination existant entre les gérants et les sociétés Shell et Picoty en a exactement déduit qu'ils ne pouvaient se voir appliquer la qualification conventionnelle et le salaire minimum en découlant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'articles 1289 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail ;

Attendu que pour débouter les gérants de leurs demandes tendant à voir dire qu'aucune compensation ne saurait être opérée au profit des sociétés Shell et Picoty, l'arrêt retient qu'il n'est pas sérieusement contesté que pour leur mission de mandataires sociaux et l'exécution des tâches imposées par les contrats d'exploitation et de gérance passés avec les sociétés Shell et Picoty, les consorts Y... et Z... ont reçu de la société Sycalie des rémunérations, que cependant ils ne peuvent obtenir au cours de la même période et pour la même prestation le cumul de ces sommes et des sommes qui leur étaient dues à titre de salaire par les sociétés Shell et Picoty ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties et que les sociétés Shell et Picoty n'étaient titulaires envers les consorts Y... et Z..., d'aucune créance susceptible de se compenser avec leur propre dette de salaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y... et M. Z... de leur demande tendant à voir dire qu'aucune compensation ne saurait être opérée au profit des sociétés Shell et Picoty, les arrêts rendus le 14 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elle se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés Shell et Picoty aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des Sociétés Shell et Picoty et les condamne à payer à Mme Y... et M. Z... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et M. Z..., demandeurs aux pourvois n° Y 16-18.669 et Z 16-18.670

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Nathalie Y... de ses demandes tendant à voir juger qu'il devait bénéficier des dispositions du Code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, à la santé et à la sécurité au travail, et de ses demandes en rappel de salaires pour heures supplémentaires, pour travail des dimanches et jours fériés, de "celles relatives à la prime d'ancienneté, [de ses] demandes de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs, pour non respect des congés annuels, pour non respect du repos hebdomadaire, pour non respect de la journée du 1er mai, pour non respect du temps de travail autorisé, pour non respect du temps de pause et pour non respect des conditions d'hygiène et sécurité" ;

AUX MOTIFS QUE " En application de l'article L.7321-3 du code du travail, le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord. Dans le cas contraire, ces gérants sont assimilés à des chefs d'établissement. Leur sont applicables, dans la mesure où elles s'appliquent aux chefs d'établissement, directeurs ou gérants salariés, les dispositions relatives : 1° Aux relations individuelles de travail prévues à la première partie ; 2° A la négociation collective et aux conventions et accords collectifs de travail prévues au livre II de la deuxième partie ; 3° A la durée du travail, aux repos et aux congés prévus au livre Ier de la troisième partie ; 4° Aux salaires prévus au livre II de la troisième partie ; 5° A la santé et à la sécurité au travail prévues à la quatrième partie ;

QU'en l'espèce, les contrats d'exploitation passés entre la société Sycalie représentée par les consorts Y... et Z... et la société Shell en 1997 puis en 2001 prévoient, à l'article relatif à l'exploitation du fonds de commerce (article 10 pour le premier contrat et 12 pour le second), que la société, ''seule responsable de la bonne exploitation du fonds de commerce en aura la pleine et entière liberté de direction'' et qu'elle sera ''responsable de l'application des règles de sécurité, organisera elle-même les modalités de son exploitation : choix de son personnel, hygiène et sécurité dans la station, etc.'' ;

QU'il résulte du corps des contrats d'exploitation et de leurs annexes que la société Sycalie était astreinte un certain nombre d'obligations pouvant interférer sur le pouvoir de direction des consorts Y... et Z... relativement aux conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, au rang desquelles notamment : l'obligation d'ouverture du lundi au dimanche à des horaires contraints (6 h à 23 h du lundi au samedi, 7h30 à 23 h le dimanche, puis de 6h30 à 22 h du lundi au dimanche à compter de 2001), l'impossibilité de s'opposer à la réalisation de travaux décidés par Shell sur le site, l'obligation de respecter les conditions de réapprovisionnement du stock définies par Shell, l'obligation d'utiliser les moyens de communication préconisés par Shell, l'obligation de suivre les préconisations des guides remis par Shell dont le Manuel ''qualité produits contrôles'', le guide ''espace qualité la référence'', le ''registre réglementaire de sécurité pour les postes de distribution de carburant'', l'interdiction de porter atteinte à l'aménagement de la boutique Shell et l'obligation corrélative de ne modifier ni remplacer sans l'accord écrit de Shell les matériels destinés à faciliter l'exercice des activités hors distribution de carburant ;

QUE ces conditions se sont poursuivies au moment de la cession intervenue entre la société Shell et la société Picoty avec laquelle les consorts Y... et Z... es qualités ont signé un contrat de mandat et de gérance, conclu pour une durée de trois années au mois de mars 2007, qui prévoit au titre des modalités d'exploitation, à l'instar des contrats passés avec la société Shell, que la société Sycalie avait le libre choix de son personnel, mais qu'elle avait en revanche la possibilité de ''fixer librement ses jours et heures d'ouverture dans le cas d'une exploitation commerciale normale'' ; que pour le surplus ce contrat stipule des conditions similaires aux contrats d'exploitation précédents puisque la société Sycalie devait notamment : s'efforcer d'accroître la clientèle existante et de gérer le fonds en bon commerçant, s'interdire toute action pouvant altérer l'image de la marque d'AVIA ou diminuer la clientèle qui lui a été confiée ou modifier la présentation du fonds, respecter la réglementation relative à ses activités et les éventuels cahiers des charges et servitudes attachés à la station, appliquer les consignes du registre de sécurité et le tenir à jour, procéder aux contrôles réglementaires des équipements de la station et supporter les travaux importants d'investissements nouveaux décidés par la société Picoty ;

QUE s'il n'est plus discuté que les conditions d'exploitation de la station-service, définies tant par la société Shell que par la société Picoty, emportaient sur le plan commercial de nombreuses obligations caractérisant la dépendance économique générant l'application du statut de gérant de succursale, il ressort des clauses des contrats d'exploitation ou de mandat et de gérance qu'en revanche la société Sycalie, restait maître : d'embaucher des salariés, faculté dont elle ne conteste pas avoir usé, de fixer librement l'organisation interne du travail, y compris celui des consorts Y... et Z... qui ont exécuté personnellement les obligations de cette dernière, de définir les règles d'hygiène et de sécurité au sein de l'établissement, étant tenue de tenir un registre de sécurité dans le cadre des contraintes réglementaires liées au stockage et à la manipulation de produits pétroliers qu'elle ne pouvait ignorer, sans être tenue d'en informer les sociétés Shell et Picoty ni de soumettre les modalités d'organisation du travail et les règles HS à leur agrément ;

QUE la circonstance que les contrats passés avec la société Shell prévoient l'amplitude des horaires d'ouverture de la station service n'est pas de nature à anéantir le pouvoir de direction de la société Sycalie, et partant des consorts Y... et Z... dès lors que dans ce cadre elle gardait la maîtrise de la répartition des tâches nécessaires à la bonne exploitation du fonds, du temps de travail nécessaire à la satisfaction de l'engagement pris relativement à l'ouverture de la station-service, et par conséquent de l'organisation des temps de pause, des temps de repos et des jours de congés, qu'elle avait la possibilité d'en demander la modification, faculté dont elle a usé en juillet 2000, et qu'elle recevait en contrepartie une commission fixe tenant compte notamment des jours et heures d'ouverture de la station (article 6-5 du premier contrat et 11-5 du second) ;

QUE les consorts Y... et Z... sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne démontrent par les pièces qu'ils produisent aux débats, constituées essentiellement des pièces contractuelles et de nombreuses décisions judiciaires dans d'autres cas d'espèce, que l'exécution concrète des clauses contractuelles sus analysées leur a fait perdre, du fait des contraintes d'exploitation, la maîtrise de l'organisation interne du travail et de la définition des règles de santé, d'hygiène et de sécurité au profit de la société Shell et de la société Picoty ;

QU'il s'en déduit qu'il n'est pas démontré que les conditions fixées par l'article L7321-3 du code du travail, pour l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail, sont réunies ;

QUE dans ces conditions, Madame Y... devra être déboutée des demandes suivantes : la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, les demandes relatives aux dimanches et jours fériés et celles relatives à la prime d'ancienneté, les demandes de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs, pour non respect des congés annuels, pour non respect du repos hebdomadaire, pour non respect de la journée du 1er mai, pour non respect du temps de travail autorisé, pour non respect du temps de pause et pour non respect des conditions d'hygiène et sécurité ; que le jugement déféré sera infirmé sur ces points et la cour statuera à nouveau en ce sens" ;

1°) ALORS QUE l'application des dispositions de l'article L. 7321-3 du code du travail dépendait uniquement du point de savoir si la société Shell avait fixé dans les faits les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans la station-service ; qu'en l'espèce, les consorts Z... Y... avaient fait valoir dans leurs écritures objectivement étayées que les conditions particulières d'exploitation du fonds de commerce étaient structurellement déficitaires, de sorte qu'ils n'avaient jamais eu la faculté d'employer le personnel nécessaire au respect des engagements contractuels, ce dont il résultait que, les gérants ne disposant, en fait d'aucune liberté d'embauche et d'emploi, ni davantage de la possibilité effective de fixer leurs propres horaires de travail et leurs périodes de repos ou de congés, les conditions de travail dans la station, déterminées par ces contingences économiques contraignantes, ne dépendaient pas de leur volonté mais uniquement de celle de la Société Shell puis de la Société Picoty ; qu'en se déterminant, pour affirmer que les gérants avaient conservé la maîtrise de ces conditions, en considération exclusivement des stipulations des contrats conclus entre les entreprises fournissant les carburants distribués et la SARL Sycalie, sans examiner la réalité des conditions de fait de l'exploitation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2°) ALORS subsidiairement QU' en statuant de la sorte quand il ressortait de ses propres constatations que les contrats d'exploitation successifs mettaient à la charge des gérants "
l'obligation d'ouverture du lundi au dimanche à des horaires contraints (6 h à 23 h du lundi au samedi, 7h30 à 23 h le dimanche, puis de 6h30 à 22 h du lundi au dimanche à compter de 2001), l'impossibilité de s'opposer à la réalisation de travaux décidés par Shell sur le site, l'obligation de respecter les conditions de réapprovisionnement du stock définies par Shell, l'obligation d'utiliser les moyens de communication préconisés par Shell, l'obligation de suivre les préconisations des guides remis par Shell dont le Manuel ''qualité produits contrôles'', le guide ''espace qualité la référence'', le ''registre réglementaire de sécurité pour les postes de distribution de carburant'', l'interdiction de porter atteinte à l'aménagement de la boutique Shell et l'obligation corrélative de ne modifier ni remplacer sans l'accord écrit de Shell les matériels destinés à faciliter l'exercice des activités hors distribution de carburant", ce dont il résultait que l'entreprise fournissant les produits distribués avait conservé la maîtrise des conditions de travail, des règles d'hygiène et sécurité dans la station service gérée, la Cour d'appel a violé l'article L.7321-3 du Code du travail ;

3°) ALORS très subsidiairement QU'en ne répondant pas aux conclusions des consorts Z... Y... faisant valoir qu'en leur qualité de propriétaires d'une installation classée, les Sociétés Shell, puis Picoty, étaient débitrices du respect des règles de sécurité, et ne démontraient pas leur avoir délégué cette obligation, ni les avoir investis de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement au respect de dispositions ayant une incidence directe sur la sécurité des travailleurs sur le site la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré soumises à la prescription quinquennale les demandes en paiement de créances de nature salariale présentées par Madame Y... pour la période antérieure au 22 octobre 2005 ;

AUX MOTIFS QUE " Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date d'introduction de l'instance, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil, lequel dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

QU'en l'espèce, le paiement de créances salariales est subordonné à la reconnaissance préalable du statut de gérant de succursale et la revendication de ces créances est donc indissociable de celle du statut dont s'agit ; que néanmoins la revendication du statut n'est que le moyen de tendre à l'application des dispositions du code du travail visées par l'article L.7321-3 du code du travail et que la prescription attachée aux créances salariales ne peut commencer à courir à compter du jour où le statut est reconnu ou acquis mais à compter du jour où le titulaire du droit de le revendiquer a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de le revendiquer ; que pour avoir été depuis 1997 cogérants de la société Sycalie, les consorts Y... et Z... ne pouvaient ignorer les caractéristiques des contrats passés entre la société Sycalie et la société Shell, d'une part, et la société Picoty, d'autre part, ni les conditions dans lesquelles ils les ont personnellement exécutés, alors que celles-ci structurent précisément les motifs de leur revendication ; qu'il sera également observé, à l'instar du conseil des prud'hommes, que les premières décisions judiciaires reconnaissant aux gérants de station-service le bénéfice de la protection de la législation du droit du travail sont antérieures à la signature du premier contrat d'exploitation des consorts Y... et Z... avec la société Shell ;

QUE de plus, les consorts Y... et Z... ne démontrent pas avoir été dans l'impossibilité d'agir à l'encontre de la société Shell et de la société Picoty avant la saisine du conseil des prud'hommes de Bordeaux, le 22 octobre 2010, en requalification de ces contrats dont il n'est pas soutenu du reste qu'ils présentaient un caractère frauduleux, même si l'interposition de la personne morale est aujourd'hui invoquée comme fautive par les consorts Y... et Z..., lesquels ne justifient pas par ailleurs d'une cause juridiquement admise de suspension du délai de prescription autre que cette saisine ;

QUE celle-ci doit par conséquent constituer le point de départ du délai de prescription quinquennal qui a commencé à courir, de sorte que les demandes dirigées contre la société Shell antérieures au 22 octobre 2005 sont atteintes par la prescription" ;

1°) ALORS QUE le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du jour où le travailleur a eu connaissance de ses droits lorsque l'employeur a, par sa faute, mis obstacle à cette connaissance ; qu'en déclarant prescrite l'action des consorts Z... Y... au motif inopérant "
que pour avoir été depuis 1997 cogérants de la société Sycalie, les consorts Y... et Z... ne pouvaient ignorer les caractéristiques des contrats passés entre la société Sycalie et la société Shell, d'une part, et la société Picoty, d'autre part, ni les conditions dans lesquelles ils les ont personnellement exécutés" quand les compagnies distributrices, en interposant entre elle et ses gérants de station service une personne morale de façade à seule fin de les priver du statut de gérant de succursale que devaient leur valoir les conditions de fait d'exercice de leur activité, avaient fautivement mis obstacle à la connaissance de leurs droits dans des conditions justifiant le report, à cette date, du point de départ de la prescription quinquennale, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 2224 du Code civil dans leur rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS subsidiairement QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que n'est pas de nature à assurer l'effectivité de ce droit la législation nationale qui édicte une prescription quinquennale de l'action en paiement des créances afférentes à la reconnaissance d'un statut protecteur, privant ainsi de facto le bénéficiaire de ce statut de la possibilité de faire utilement valoir ces droits devant un tribunal ; que n'assure pas davantage le respect de ces droits fondamentaux l'unique réserve d'une impossibilité absolue d'agir ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 6 §.1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice du coefficient 230 de la convention collective de l'industrie pétrolière et condamner les sociétés Shell et Picoty au paiement des salaires correspondants ; d'AVOIR condamné la société Shell et la société Picoty à payer à Madame Y... les dividendes issus des résultats de l'entreprise calculés sur la base de ce qu'a perçu pour chaque période un salarié payé au SMIC ; enfin d'AVOIR fixé à 3 807,34 €, 2 687,54 € et 14 000 € le montant respectif des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dus à Madame Y...;

AUX MOTIFS QUE "Si le bénéfice du statut de gérants de succursales emporte celui de certaines dispositions du code du travail et l'application de principe de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie, il n'en demeure pas moins que les consorts Y... et Z... restaient commerçants indépendants et qu'en l'absence de tout lien de subordination existant entre eux et les sociétés Shell et Picoty, ils n'étaient pas placés dans la même situation que des cadres salariés de l'entreprise et ne pouvaient, de ce fait, prétendre à la même rémunération ; qu'ils ne peuvent pour les mêmes raisons prétendre être assimilés à d'autres catégories de salariés ; qu'ainsi, à défaut de pouvoir se voir appliquer des dispositions catégorielles, notamment s'agissant des minima salariaux, seul le SMIC peut être revendiqué par les consorts Y... et Z... ; que le jugement sera donc infirmé de ce chef et la cour statuera à nouveau en ce sens" ;

1°) ALORS QUE les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du code du travail devenu les articles L.7321-1 et L.7321-3 bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V du livre II de la deuxième partie relatif aux conventions collectives, que par suite ils relèvent de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie ; qu'ils sont donc en droit de revendiquer le bénéfice de la classification conventionnelle et le coefficient correspondant aux fonctions réellement exercées ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

ET AUX MOTIFS QUE "
il n'est pas sérieusement contesté que pour leur mission de mandataires sociaux et l'exécution des tâches imposées par les contrats d'exploitation et de gérance passés avec les sociétés Shell et Picoty, les consorts Y... et Z... ont reçu de la société Sycalie des rémunérations ; que cependant ils ne peuvent obtenir au cours de la même période et pour la même prestation le cumul de ces sommes et des sommes qui leur étaient dues à titre de salaire par les sociétés Shell et Picoty ; qu'il s'ensuit que Monsieur Z... doit être débouté de sa demande de rappel de salaire qui n'est pas fondée (
)" ;

2°) ALORS QUE la compensation implique l'existence de dettes réciproques entre les parties ; qu'en l'espèce, les Sociétés Shell et Picoty n'étaient titulaires, envers les consorts Z... Y..., d'aucune créance susceptible de se compenser avec leur propre dette de salaire ; qu'en les exonérant cependant de cette dette au motif que les gérants de succursale, ayant "reçu de la Société Sycalie des rémunérations
ne pouvaient obtenir au cours de la même période et pour la même prestation le cumul de ces sommes avec les salaires dus par les Sociétés Shell et Picoty" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1289 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18669;16-18670
Date de la décision : 07/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant - Gérant non salarié - Dispositions relatives aux conventions et accords collectifs de travail - Bénéfice - Limites - Portée

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant - Gérant non salarié - Dispositions relatives aux conventions et accords collectifs de travail - Bénéfice - Conditions - Lien de subordination - Défaut - Portée

Ne peuvent revendiquer une qualification conventionnelle ni le salaire minimum en découlant, les gérants de succursale qui ne sont pas dans un lien de subordination à l'égard de la société qui leur fournit les marchandises


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 14 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2017, pourvoi n°16-18669;16-18670, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.18669
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