LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alsace Pro :
Attendu que le pourvoi est dirigé contre M. X... et la société Alsace Pro ; que le mémoire remis au greffe de la Cour de cassation ne contient aucun moyen contre les dispositions relatives à cette dernière ; qu'il en résulte la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 septembre 2016), que, par contrat du 23 août 2004, la société Alsace Pro a donné à bail à la société X... et fils, dont M. X... est le gérant, un terrain à des fins d'entreposage de déblais de démolition ; que, la société X... et fils ayant été placée en redressement judiciaire, son fonds de commerce a été cédé à la société Lingenheld démolition, aux droits de laquelle est venue la société Lingenheld travaux spéciaux (la société) ; que, par lettre du 16 juillet 2009, la société a informé la société Alsace Pro de son intention de procéder à la résiliation du contrat de bail, conformément à ce que prévoyait l'offre de reprise homologuée par le tribunal ; que, le 21 juillet 2010, la société Alsace Pro a notifié à la société un congé à effet du 31 août 2010, ainsi qu'une sommation de payer les loyers, puis, le 3 janvier 2011, l'a assignée en paiement de ces derniers ainsi que des frais de dépollution des déchets présents sur le site ; que, le 14 mars suivant, un acte de cession d'actions a été signé entre M. X... et la société, stipulant que le premier s'engageait à prendre en charge 100 % des indemnités d'occupation réclamées par la société Alsace Pro, et que le second s'engageait, dans les meilleurs délais, à enlever les sacs de plâtre stockés sur son terrain, ainsi qu'à mettre à la disposition de la société Alsace Pro, dès sa première demande, un engin destiné à niveler la terre pour une certaine durée ; que la société a appelé en garantie M. X... ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 11 du protocole de cession, en date du 14 mars 2011, stipule que « le cédant (M. X...) s'engage à prendre en charge 100 % des indemnités d'occupation réclamées par société Alsace Pro » et que « le cessionnaire (la société) s'engage à débarrasser le terrain des sacs de plâtre dans les meilleurs délais et à première demande de la société Alsace Pro SARL, à mettre à disposition un bull pour niveler les 4 000 tonnes de terres stockées pour une durée maximum de 7 jours ouvrables » ; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis de cette stipulation qu'aucun des engagements qui y sont pris, et certainement pas celui de M. X..., n'est soumis à condition ; qu'en décidant que l'engagement de M. X... était soumis à une condition purement potestative, la cour d'appel a dénaturé la stipulation susvisée, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, l'article 1170 du code civil dispose que « la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher », et l'article 1174 du code civil que « toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige » ; que la cour d'appel a considéré que l'obligation de M. X... de payer les indemnités d'occupation était nécessairement tributaire de l'engagement de la société, son créancier, de débarrasser et remettre en état le terrain loué ; qu'en en déduisant, pour rejeter le recours en garantie de la société à l'encontre de M. X..., que l'engagement de M. X... serait purement potestatif, quand il résultait de ses constatations que l'obligation de M. X..., n'étant pas soumise à son pouvoir, était valable, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
3°/ que la cour d'appel a constaté que par l'article 11 du protocole de cession, lequel a été conclu le 14 mars 2011, M. X... s'était engagé à prendre en charge 100 % des indemnités d'occupation réclamées par la société Alsace Pro et que la société, qui s'était engagée à débarrasser le terrain des sacs de plâtre dans les meilleurs délais et à première demande de la société Alsace Pro, n'avait pas respecté cet engagement dès après la signature du protocole ; qu'en décidant que ce dernier manquement avait nécessairement aggravé la charge de M. X..., pour rejeter le recours en garantie de la société à l'encontre de M. X... relativement aux indemnités d'occupation mises à sa charge à compter du 1er septembre 2009, quand il résultait de ses propres constatations que l'engagement pris par M. X... était quoi qu'il en soit valable pour les indemnités d'occupation ayant couru antérieurement au protocole du 14 mars 2011, la cour d'appel a violé l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu que, selon les articles 1170 et 1174 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution d'une convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher, et que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ;
Et attendu qu'après avoir constaté, d'une part, qu'en vertu de l'article 11 de l'acte de cession conclu entre M. X... et la société, le premier s'était engagé à prendre en charge 100 % des indemnités d'occupation réclamées par la société Alsace Pro, tandis que la seconde s'était engagée à débarrasser le terrain des sacs de plâtre et à niveler la terre stockée, d'autre part, que la libération effective des lieux par la société n'était intervenue que le 28 février 2015, cette dernière n'ayant pas respecté son engagement dès la signature de l'acte de cession, l'arrêt retient que l'obligation de M. X... de payer les indemnités d'occupation était nécessairement tributaire de l'engagement de la cessionnaire de débarrasser et remettre en état le terrain loué ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'exécution de la convention dépendait d'un événement qu'il était au pouvoir de la société de faire arriver ou d'empêcher, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que l'engagement souscrit par M. X... avait été conclu sous une condition potestative ; que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alsace Pro ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;
Condamne la société Lingenheld travaux spéciaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Alsace Pro la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Lingenheld travaux spéciaux
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SAS Lingenheld Démolition travaux Spéciaux de ses fins, prétentions et moyens à l'encontre de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... fait valoir que son engagement issu du protocole de cession est potestatif et encourt, de ce fait, la nullité, en application de l'article 1174 du Code civil ; qu'il doit être rappelé qu'en application de l'article 11 du protocole de cession, le cédant, Monsieur X... s'est engagé à prendre en charge 100 % des indemnités d'occupation réclamées par la SARL Alsace Pro; qu'à l'opposé, le cessionnaire, la société Lingenheld Démolition, s'est engagée à débarrasser le terrain des sacs de plâtre dans les meilleurs délais et à première demande de la SARL ALSACE PRO, à mettre à disposition un bull pour niveler les 4000 t de terre stockée pour une durée maximum de 7 jours ouvrables ; qu'en l'espèce le montant des indemnités d'occupation obtenues par la SARL Alsace Pro a été fixé en considération de la libération effective des lieux loués par la SARL Lingenheld Démolition , celle-ci n'étant intervenue que le 28 février 2015 ; que l'obligation de Monsieur X... de payer les indemnités d'occupation était nécessairement tributaire de l'engagement du cessionnaire de débarrasser et remettre en état le terrain loué ; qu'à l'opposé, en ne respectant pas son engagement dès après la signature du protocole, le cessionnaire a nécessairement aggravé la charge de ce dernier, rendant ainsi son engagement purement potestatif » (arrêt p. 5 et 6) ;
1/ ALORS QUE l'article 11 du protocole de cession en date du 14 mars 2011 stipule que « le cédant (Monsieur X...) s'engage à prendre en charge 100 % des indemnités d'occupation réclamées par ALSACE PRO SARL » et que « le cessionnaire (la Société LINGENHELD DEMOLITION) s'engage à débarrasser le terrain des sacs de plâtre dans les meilleurs délais et à première demande de la Société ALSACE PRO SARL, à mettre à disposition un bull pour niveler les 4 000 tonnes de terres stockées pour une durée maximum de 7 jours ouvrables » ; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis de cette stipulation qu'aucun des engagements qui y sont pris, et certainement pas celui de Monsieur X..., n'est soumis à condition ; qu'en décidant que l'engagement de Monsieur X... était soumis à une condition purement potestative, la Cour d'appel a dénaturé la stipulation susvisée, en violation de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2/ ALORS QUE dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, l'article 1170 du Code civil dispose que « la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un évènement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher », et l'article 1174 du Code civil que « Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige » ; que la Cour d'appel a considéré que l'obligation de Monsieur X... de payer les indemnités d'occupation était nécessairement tributaire de l'engagement de la Société LINGENHELD DEMOLITION, son créancier, de débarrasser et remettre en état le terrain loué ; qu'en en déduisant, pour rejeter le recours en garantie de la Société LINGENHELD TRAVAUX SPECIAUX à l'encontre de Monsieur X..., que l'engagement de Monsieur X... serait purement potestatif, quand il résultait de ses constatations que l'obligation de Monsieur X..., n'étant pas soumise à son pouvoir, était valable, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
3/ ALORS QU'en toute hypothèse, la Cour d'appel a constaté que par l'article 11 du protocole de cession, lequel a été conclu le 14 mars 2011, Monsieur X... s'était engagé à prendre en charge 100% des indemnités d'occupation réclamées par la Société ALSACE PRO et que la Société LINGENHELD DEMOLITION, qui s'était engagée à débarrasser le terrain des sacs de plâtre dans les meilleurs délais et à première demande de la Société ALSACE PRO, n'avait pas respecté cet engagement dès après la signature du protocole ; qu'en décidant que ce dernier manquement avait nécessairement aggravé la charge de Monsieur X..., pour rejeter le recours en garantie de la Société LINGENHELD TRAVAUX SPECIAUX à l'encontre de Monsieur X... relativement aux indemnités d'occupation mises à sa charge à compter du 1er septembre 2009, quand il résultait de ses propres constatations que l'engagement pris par Monsieur X... était quoi qu'il en soit valable pour les indemnités d'occupation ayant couru antérieurement au protocole du 14 mars 2011, la Cour d'appel a violé l'article 1174 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.