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06/12/2017 | FRANCE | N°16-23972

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 décembre 2017, 16-23972


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches, qui est recevable :

Vu l'article 2270-1 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de la loi du 17 juin 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI du Lac, dont la gérante était Mme X..., avait pour expert-comptable la Société fiduciaire mosellane ; qu'à la suite de contrôles, l'administration fiscale a notifié à la SCI du Lac deux pro

positions de rectification, le 10 septembre 1991 et le 29 août 1996 ; que la SCI ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches, qui est recevable :

Vu l'article 2270-1 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de la loi du 17 juin 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI du Lac, dont la gérante était Mme X..., avait pour expert-comptable la Société fiduciaire mosellane ; qu'à la suite de contrôles, l'administration fiscale a notifié à la SCI du Lac deux propositions de rectification, le 10 septembre 1991 et le 29 août 1996 ; que la SCI du Lac a engagé des recours contentieux pour contester les dettes fiscales mises à sa charge et deux jugements d'un tribunal administratif ont été rendus le 16 mai 2000 et notifiés les 27 juin et 7 juillet 2000 ; qu'estimant que les redressements étaient la conséquence de fautes commises par la Société fiduciaire mosellane dans l'exercice de sa mission, la SCI du Lac et Mme X... l'ont assignée, ainsi que son assureur, la société MMA Iard, en réparation de leurs préjudices les 7 et 8 janvier 2008 ; que la Société fiduciaire mosellane leur a opposé la prescription de leurs actions ;

Attendu que pour déclarer irrecevables, comme prescrites, les actions de la SCI du Lac et Mme X..., l'arrêt retient que le point de départ de la prescription décennale doit être fixé à la date des redressements susvisés ou à tout le moins à celles des réponses et précisions apportées par l'administration fiscale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage de la SCI du Lac et Mme X..., consistant dans des impositions supplémentaires mises à leur charge à raison des manquements supposés de la Société fiduciaire mosellane, n'était pas réalisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la Société fiduciaire mosellane et la société MMA Iard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la SCI du Lac et à Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X... et la société du Lac

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SCI du lac et Liliane Yvette X... irrecevables en leurs actions ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant ici d'une action en responsabilité contractuelle mise en oeuvre par la SCI du lac contre son expert-comptable et d'une action extra contractuelle introduite par la gérante de la SCI du lac contre ce même expert-comptable, soumises au tribunal de grande instance de Sarreguemines par actes d'huissier des 2 juillet et 7 janvier 2008, il convient de remarquer que les dispositions de la loi numéro de 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ne sont pas applicables au litige puisqu'en application de l'article 26 III de cette loi lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, celle-ci s'appliquant également en appel et en cassation ; que dès lors sont applicables au litige les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi susvisée, et qui énonce que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 10 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que par ailleurs s'agissant des actions en responsabilité civile extra contractuelle l'article 2270-1 ancien du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1985, dispose que les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'il s'agisse de l'un ou l'autre de ces textes, la prescription décennale encourue a pour point de départ la réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, mais ce point de départ ne peut être reporté comme le voudraient les appelantes au jour où le préjudice est certain et établi, c'est-à-dire fixé judiciairement de façon définitive ; qu'or en l'espèce un premier redressement faisant suite à la vérification de la comptabilité de la SCI du lac pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 concernant la TVA et l'impôt sur les sociétés a été notifié à « Madame la gérante de la SCI du lac » le 10 septembre 1991 ; que l'examen de ce document fait apparaître qu'il retrace les données recueillies à la suite des constatations effectuées par les agents de l'administration fiscale, qu'il y est exposé notamment que l'activité de la SCI se range dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, que les personnes qui n'ont pas déposé leurs déclarations de résultats dans le délai de 30 jours de la mise en demeure font l'objet d'une taxation d'office, ce qui a été le cas en l'espèce, que aucune recette n'a été comptabilisée en 1988 au titre de l'impôt sur les sociétés, que divers frais et charges n'ont pas été considérés comme déductibles faute de présenter les caractères de dettes certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant, que les dépenses inscrites en comptabilité qui ne sont pas appuyées de justification suffisante permettent le contrôle de la réalité et de leur montant, que les amortissements ne sont déductibles pour l'assiette de l'impôt que dans la mesure où ils satisfont à différentes conditions en particulier la passation dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration de ses résultats ; que ce document mentionne également les modes de calcul du redressement opéré à la suite des constatations ci-dessus évoquées ; qu'ainsi à cette date la SCI du lac en la personne de sa gérante disposait de tous les éléments de renseignements pour se convaincre des manquements qu'elle impute à présent à la Société Fiduciaire Mosellane et pour déterminer le montant de son préjudice, puisque la nature des redressements et leur montant a été précisé pour chacune des rubriques concernées ; qu'en outre cette notification de redressement a été complétée par un courrier du 24 octobre 1991 pareillement adressé à Madame la gérante de la SCI du lac en réponse à ses observations du 11 octobre 1991, présentant de façon circonstanciée la position de l'administration fiscale ; que la gérante de la SCI du lac a également été rendue destinataire par courrier du 16 décembre 1995 d'une notification de redressement complémentaire au titre de l'impôt sur les sociétés, notification également motivée ; que le 29 août 1996 une nouvelle notification de redressement a été adressée à la gérante de la SCI du lac à la suite d'une nouvelle d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 1993 su 31 décembre 1995 concernant principalement la TVA et spécialement l'année 1994, l'administration fiscale ayant reproché à cette société que certaines des factures pour lesquelles un remboursement de TVA a été demandé n'ont pas été libellées au nom de la SCI du lac, mais au nom de la SARL Loch Ness dont Mme X... est également la gérante, ainsi qu'à son nom et à son adresse personnelle ; que par ailleurs il est rappelé que le remboursement de TVA ne peut être admis dans le cas de factures laissées impayées par la SCI du lac, puisque l'exigibilité prouvant le cas d'une prestation de services se situe au niveau de l'encaissement ; que le redressement a également porté sur l'impôt sur les sociétés sous les mentions profit sur le trésor, passif fictif, charges non déductibles, intérêts financiers non déductibles, créances acquises non comptabilisées ; que ce second redressement s'est donc composé d'un rappel sur la TVA année 1994 (135 838 fr.) d'un rappel en matière d'impôt sur les sociétés (95 372 fr.) de pénalités en matière de TVA (25 469 fr.) et de pénalités en matière d'impôt sur les sociétés (11 445 fr.) ; qu'à cette date du 29 août 1996 la SCI du lac était donc également en mesure de déterminer les irrégularités relevées par l'administration fiscale et le montant du redressement opéré et par suite du préjudice découlant des manquements déclaratifs selon elle commis en son nom par le cabinet d'expertise comptable chargé de ses intérêts ; qu'à la suite des observations qu'elle a adressées à l'administration fiscale le 29 septembre 1996 la gérante de la SOI Du Lac a régulièrement reçu la réponse de l'administration fiscale, réponse datée du 21 octobre 1986 lui faisant connaître de façon argumentée les motifs pour lesquels certains postes de redressement étaient abandonnés, et d'autres, pour la plupart, maintenus, le rédacteur de ce courrier prenant en outre acte de l'accord de la société en cause au sujet de certains postes de redressement en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et d'impôt sur les sociétés ; qu'il s'en déduit que le point de départ de la prescription décennale doit être fixé respectivement à la date des redressements susvisés ou à tout le moins à celles des réponses et précisions apportées par l'administration fiscale et que la SCI du Lac ainsi que Mme X... ne sont pas fondées à prétendre que les parties adverses auraient ignoré le point de départ de la prescription issu de la découverte du dommage et de son aggravation (par son caractère définitif) et d'avoir ignoré les mécanismes de la règle « contra non valentem agere non currit praecriptio » compte tenu de ce que la SCI du lac et Mme X... n'auraient recouvré la possibilité d'agir qu'après l'expiration des délais de recours et après la prise de conscience par elles des fautes commises par leur prestataire ; qu'au soutien de cette argumentation la SCI du lac et Mme X... avancent de façon indue que le point de départ de la prescription décennale ne pourrait être défini que par la date de notification du jugement rendu le 16 mai 2000 par le tribunal administratif de Strasbourg à la suite du recours qu'elles ont introduit pour contester le redressement litigieux ; qu'il est indifférent à cet égard que les courriers adressés à l'administration fiscale dans le délai de 30 jours de la notification des redressements pour présenter les observations du contribuable redressé aient été rédigés et émis par un membre ou un employé de la Société Fiduciaire Mosellane, cette circonstance n'ayant pas pour effet de placer le SCI du lac et Mme X... dans une situation telle que, parallèlement au recours mis en oeuvre devant la juridiction administrative, elles auraient été effectivement empêchées d'engager une action en responsabilité contractuelle et/ ou délictuelle à l'encontre de cet expert-comptable ; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement dont appel en ce que les demandes et prétentions de la SCI du lac et de Liliane X... ont été jugées irrecevables comme prescrites ;

1°) ALORS QU'en cas de recours contentieux exercé contre le redressement, la prescription de l'action en responsabilité ne court pas tant que la juridiction ne s'est pas définitivement prononcée sur ce recours ; qu'en décidant le contraire, pour juger irrecevable l'action de la SCI du lac, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

2°) ALORS subsidiairement QU'en cas de redressement fiscal, le dommage n'est constitué ni par la notification de redressement ni par la réponse de l'administration aux observations du contribuable, mais la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action de la SCI du lac, que le point de départ de la prescription décennale devait être fixé à la date des redressements ou à tout le moins à celles des réponses et précisions apportées par l'administration fiscale, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

3°) ALORS QU'en cas de recours contentieux exercé contre le redressement, la prescription de l'action en responsabilité ne court pas tant que la juridiction ne s'est pas définitivement prononcée sur ce recours ; qu'en décidant le contraire, pour juger irrecevable l'action de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 2270-1 du code civil dans rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

4°) ALORS subsidiairement QU'en cas de redressement fiscal, le dommage n'est constitué ni par la notification de redressement ni par la réponse de l'administration aux observations du contribuable, mais la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action de Mme X..., que le point de départ de la prescription décennale devait être fixé à la date des redressements ou à tout le moins à celles des réponses et précisions apportées par l'administration fiscale, la cour d'appel a violé l'article 2270-1 du code civil dans rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-23972
Date de la décision : 06/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 23 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 déc. 2017, pourvoi n°16-23972


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.23972
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