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06/12/2017 | FRANCE | N°16-18187

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 décembre 2017, 16-18187


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 1er mars 2013, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Thionville a refusé d'inscrire au tableau M. X..., avocat au barreau de Luxembourg ; que cette décision a été confirmée par arrêt du 26 juin 2013 ; que, par ordonnance du 12 août 2013, rendue sur la requête du bâtonnier de cet ordre, il a été fait injonction à M. X...de procéder au démontage de la plaque professionnelle qu'il avait fixée sur la façade d'un immeuble situé à Thionville ; que M

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 1er mars 2013, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Thionville a refusé d'inscrire au tableau M. X..., avocat au barreau de Luxembourg ; que cette décision a été confirmée par arrêt du 26 juin 2013 ; que, par ordonnance du 12 août 2013, rendue sur la requête du bâtonnier de cet ordre, il a été fait injonction à M. X...de procéder au démontage de la plaque professionnelle qu'il avait fixée sur la façade d'un immeuble situé à Thionville ; que M. X...a saisi un juge des référés d'une demande de rétractation de cette ordonnance ;

Sur le deuxième moyen, dont l'examen est préalable, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 493 et 494 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance, l'arrêt retient que le requérant a satisfait à l'obligation d'indiquer les circonstances qui l'ont fondé à ne pas appeler de partie adverse, dès lors que la requête mentionne la décision de refus d'inscription prise par le conseil de l'ordre ainsi que l'arrêt confirmatif, en dépit duquel M. X...a apposé sa plaque professionnelle ; qu'il ajoute que l'apposition de la plaque litigieuse, nonobstant ces décisions, a justifié le recours à la procédure de requête, au regard tant de l'atteinte à l'ordre public commise par celui-ci que du fait que l'installation de la plaque a été postérieure à ces décisions ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence, dans la requête ou dans l'ordonnance, de circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 12 août 2013 et en ce qu'il définit diverses modalités relatives à la plaque apposée par M. X..., l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne l'ordre des avocats au barreau de Thionville aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Jean-Philippe X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Me X...de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la requête ayant donné lieu à l'ordonnance du 12 août 2013, pour violation de l'article 493 du code de procédure civile, et de sa demande de rétractation de cette ordonnance ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 493 du code de procédure civile : « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » ; que Me X...soutient que l'absence du contradictoire est injustifiée dans le cas d'espèce dès lors qu'il s'agissait simplement du démontage d'une plaque professionnelle, démarche par ailleurs contraire à l'article 21. 5. 9 du code de déontologie des barreaux européens ;
S'agissant du premier moyen soutenu par Me X...: la requête de l'ordre des avocats du barreau de Thionville satisfait à l'obligation pour le requérant d'indiquer les circonstances qui le fondent à ne pas appeler Me X...; qu'en effet, il est expressément mentionné dans la requête contestée que le conseil de l'ordre du barreau de Thionville a rejeté la demande d'inscription de Me X...le 1er mars 2013 et que cette décision a été confirmée par cette cour par un arrêt rendu le 26 juin 2013 ; que, malgré cette décision judiciaire devenue définitive, il a été constaté par procès-verbal établi par huissier en date du 29 juillet 2013, que Me X...a décidé d'apposer sa plaque à l'adresse sise ...(pièce n° 2 de l'appelant) ; que le président du tribunal de grande instance de Thionville, en indiquant que l'apposition de la plaque litigieuse a pu révéler l'ouverture d'un cabinet d'avocat, nonobstant le rejet de la demande d'inscription sollicitée par Me X...auprès du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Thionville, confirmé par cette cour d'appel, a justifié le recours à la procédure de requête (pièce n° 3 de l'appelant) ; que dans ces conditions, le moyen soulevé par Me X...sur l'absence de bien-fondé du recours à une ordonnance sur requête doit être écarté tant au regard de l'atteinte à l'ordre public commis par Me X...résidant dans le refus de prendre en compte la décision de justice à caractère définitif rendue par cette cour le 26 juin 2013, qu'au fait non contesté que c'est postérieurement à la décision de rejet d'inscription rappelée que Me X...a fait apposer ladite plaque et non avant, alors même qu'il avait déjà la qualité d'avocat ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DE L'ORDONNANCE SUR REQUÊTE DU 12 AOÛT 2013 QUE l'apposition de la plaque litigieuse révèle l'ouverture par Maître X...d'un cabinet d'avocat à Thionville alors qu'en l'état, il ne justifie pas pour ce faire d'une autorisation de l'ordre du barreau de cette même ville ; en conséquence, compte tenu du trouble manifestement illicite qui en découle au regard des décisions susvisées (…) ;

1°) ALORS QUE l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que pour rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 12 août 2013, la cour d'appel a relevé que la dérogation au principe du contradictoire était justifiée, tant au regard de l'atteinte à l'ordre public commis par Me X...résidant dans le refus de prendre en compte la décision de justice à caractère définitif rendue par un arrêt de la même cour d'appel le 26 juin 2013, qu'au regard du fait non contesté que c'est postérieurement à la décision de rejet d'inscription que Me X...a fait apposer ladite plaque et non avant, alors même qu'il avait déjà la qualité d'avocat ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence, dans la requête ou dans l'ordonnance, de circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 493 du code de procédure civile ;

2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE tout avocat ressortissant d'un État membre a le droit d'exercer sa profession à titre temporaire dans un autre État membre, en vertu du principe de libre prestation de services, sans avoir à s'inscrire dans un barreau de l'État d'accueil ; qu'il n'en va autrement qu'en cas d'exercice à titre permanent de la profession d'avocat ; que le caractère temporaire de la prestation n'exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l'État membre d'accueil, d'une certaine infrastructure, y compris un bureau, cabinet ou étude, dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en cause (CJCE, Gebhard, 30 novembre 1995, aff. C-55/ 94, § 27 ; CJCE, Schnitzer 11 décembre 2003, aff. C-215/ 01, § 28) ; qu'en déduisant l'atteinte à l'ordre public, justifiant la dérogation au principe de la contradiction, de la circonstance que Me X...avait ouvert un cabinet d'avocat et apposé une plaque professionnelle, après que la cour d'appel de Metz lui eut refusé son inscription au barreau de Thionville, quand une absence d'inscription à ce barreau ne faisait pas obstacle à l'ouverture d'un cabinet afin de permettre à Me X...d'exercer une activité d'avocat sous le régime de la libre prestation de services, la cour d'appel a violé les articles 56 et 57 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ensemble l'article 493 du code de procédure civile ;

3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en déduisant l'atteinte à l'ordre public, justifiant la dérogation au principe de la contradiction, de la circonstance que Me X...avait ouvert un cabinet d'avocat et apposé une plaque professionnelle après que la cour d'appel de Metz lui eut refusé son inscription au barreau de Thionville, tout en admettant que, moyennant certaines modifications du contenu des mentions apposées sur cette plaque, Me X...pouvait exercer une activité d'avocat et disposer d'un cabinet à Thionville sous le régime de la libre prestation de services, en indiquant sur la plaque « prestataire de services », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé les articles 56 et 57 du TFUE, ensemble l'article 493 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir de l'action de l'ordre des avocats du barreau de Thionville, soulevée par Me X..., tirée de l'absence de mise en oeuvre des articles 21. 5. 9 et suivants du règlement intérieur national de la profession d'avocat (intégrant le code de déontologie des barreaux européens), et d'avoir débouté Me X...de sa demande de rétractation de cette ordonnance ;

AUX MOTIFS QUE l'article 21. 5. 9 du code de déontologie des barreaux européens dispose :

« Litiges entre avocats de plusieurs États membres

21. 5. 9. 1 Lorsqu'un avocat est d'avis qu'un confrère d'un autre État membre a violé une règle déontologique, il doit attirer l'attention de son confrère sur ce point.

21. 5. 9. 2 Lorsqu'un quelconque différend personnel de nature professionnelle surgit entre avocats de plusieurs États membres, ils doivent d'abord tenter de le régler à l'amiable.

21. 5. 9. 3 Avant d'engager une procédure contre un confrère d'un autre État membre au sujet d'un différend visé aux paragraphes 21. 5. 9. 1 et 21. 5. 9. 2, l'avocat doit en informer les barreaux dont dépendent les deux avocats, afin de permettre aux barreaux concernés de prêter leur concours en vue d'un règlement amiable. » ;

que cette disposition doit être rapprochée de la compétence légale du bâtonnier prévue par la loi du 31 décembre 1971 modifiée et des textes qui déterminent les modalités de cette procédure d'arbitrage, qui sont fixées par décret en Conseil d'État pris après avis du Conseil National des Barreaux, notamment l'article 6 du décret n° 2009-1 544 du 11 décembre 2009 portant rédaction des articles 179-1 à 7 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'il résulte de ces dispositions que cette compétence est prévue pour le Bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits lorsque les parties au différend sont inscrites au même barreau ; que notamment le décret ne fixe pas la règle de compétence applicable dans l'hypothèse où l'une ou plusieurs des parties à l'arbitrage n'appartiendrait pas à un barreau français ;

que pour autant l'article 21. 5. 9 du code de déontologie des barreaux européens invoqué par Me X...n'a pas davantage vocation à s'appliquer au cas d'espèce puisque n'est pas visée par l'ordre des avocats du barreau de Thionville une faute déontologique pour laquelle les règles du code évoqué seraient nécessairement applicables mais un trouble manifestement illicite résultant du refus de se soumettre à une décision de justice ; qu'ainsi, compte tenu de l'autonomie consacrée de la déontologie par rapport au droit pénal comme au droit civil, c'est de manière appropriée que l'ordre des avocats du barreau de Thionville a saisi directement le juge de droit commun ; que d'ailleurs, Me X...l'admet implicitement dans la mesure où il revendique en outre l'application de l'article 47 du code de procédure civile relative à la saisine d'une juridiction limitrophe, disposition qui par nature est incompatible avec la procédure spéciale de règlement des différends entre avocats à l'occasion de l'exercice de leur profession (Cass. Avis 23 mai 2011) ; qu'en conséquence, le moyen soulevé par Me X...pour démontrer l'irrecevabilité de la demande de l'ordre des avocats du barreau de Thionville et fondé sur l'absence de mise en oeuvre de l'article 21. 5. 9 du code de déontologie des barreaux européens doit être écarté ;

1°) ALORS QU'il ne résulte pas des conclusions d'appel de l'ordre des avocats du barreau de Thionville que ce dernier ait soulevé le moyen de défense selon lequel les dispositions des articles 21. 5. 9 et suivants du règlement intérieur national de la profession d'avocat, intégrant le code de déontologie des barreaux européens, ne s'appliqueraient qu'en cas de faute déontologique, compte tenu de l'autonomie de la déontologie par rapport au droit civil et au droit pénal, et non en cas de refus de se soumettre à une décision de justice ; qu'en soulevant d'office un tel moyen, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE lorsqu'un quelconque différend personnel de nature professionnelle surgit entre avocats de plusieurs États membres, ils doivent d'abord tenter de le régler à l'amiable ; qu'avant d'engager une procédure contre un confrère d'un autre État membre au sujet d'un tel différend, l'avocat doit en informer les barreaux dont dépendent les deux avocats, afin de permettre aux barreaux concernés de prêter leur concours en vue d'un règlement amiable ; qu'en retenant que les dispositions des articles 21. 5. 9 et suivants du règlement intérieur national de la profession d'avocat ne s'appliquent qu'en cas de faute déontologique, et non en cas de refus de se soumettre à une décision de justice, la cour d'appel a distingué là ou ce texte ne distinguait pas, en sorte qu'elle a violé les articles 21. 5. 9. 2 et 21. 5. 9. 3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

3°) ALORS QU'il résulte des conclusions d'appel de Me X...(p. 12, alinéas 1-3), que la demande d'application de l'article 47 du code de procédure civile relative à la saisine d'une juridiction limitrophe était invoquée à titre subsidiaire, au cas où la fin de non-recevoir tirée de l'application des dispositions des articles 21. 5. 9 et suivants du règlement intérieur national de la profession d'avocat ne serait pas accueillie ; qu'en retenant que Me X...avait admis l'inapplicabilité de la procédure de règlement amiable prévue par les textes précités du règlement intérieur national au regard de la circonstance qu'il avait invoqué l'article 47 du code de procédure civile, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Me X..., et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 9, in fine ; p. 10), Me X...invoquait clairement le défaut de mise en oeuvre des articles 21. 5. 9 et suivants du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; qu'en déduisant de l'invocation de l'article 47 du code de procédure civile l'admission par ce dernier de l'inapplicabilité des dispositions du règlement intérieur, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Me X..., et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
subsidiaire

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à soumettre les questions préjudicielles proposées par Me X...ou toute autre question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, d'avoir rejeté, en conséquence, les demandes corrélatives de sursis à statuer, débouté Me X...de sa demande de rétractation de cette ordonnance, et de lui avoir enjoint de :

- déplacer la plaque professionnelle qu'il a apposée au ...sur la façade opposée de celle où se trouve actuellement fixée la plaque professionnelle de Me Pascal Y... et, en cas d'impossibilité matérielle de déplacer sa plaque professionnelle, vers le bas de la façade sur laquelle elle est apposée de telle façon qu'entre les deux plaques il y ait un espacement minimum de 15 centimètres ;

- de rajouter sur sa plaque professionnelle située ..., sous le nom « JEAN-PHILIPPE X...» et à la mention « AVOCAT », la formule : « Inscrit au Barreau de LUXEMBOURG » ;

- de faire inscrire, sous la mention « AVOCAT inscrit au Barreau de LUXEMBOURG », l'indication suivante : « Prestataire de services » ;

- de procéder à la suppression de la mention « INTERVENTION FRANCE et LUXEMBOURG » de la plaque professionnelle en question ;

- de faire précéder ou suivre les numéros téléphoniques indiqués sur la plaque professionnelle située ..., de la mention « SKYPE » ;

d'avoir dit que la mise en conformité de la plaque professionnelle de Me X...devra intervenir dans les 10 jours suivant la signification de cet arrêt, enjoint à Me X...de procéder au démontage de la plaque professionnelle litigieuse à défaut d'exécution de la présente décision dans le délai requis, et autorisé l'ordre des avocats du barreau de Thionville à commettre un huissier afin de procéder au retrait de la plaque litigieuse à défaut de mise en conformité suivie de la carence de Me X...quant à son démontage ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient de rappeler que par acte du 28 mars 2014, Me X...a saisi le conseiller de la mise en état de cette cour d'un incident tendant à voir poser à titre préjudiciel la question ci-après à la Cour de justice de l'Union européenne : « L'ouverture d'un cabinet d'Avocat ainsi que l'apposition d'une plaque professionnelle sur sa devanture dans un État Membre autre que celui où est inscrit l'Avocat en cause constitue-t-il un trouble manifestement illicite au regard des dispositions de la directive Services 77/ 249/ CEE modifiée du conseil si l'avocat en cause n'est pas inscrit au barreau de cet autre État membre » ; que suivant ordonnance du 18 septembre 2014, le conseiller de la mise en état de cette Cour a pris acte du désistement de cet incident par Me X...sollicité par conclusions du 30 avril 2014 mais explicité par aucune explication ; que, cependant, en cause d'appel, Me X...réactive cette demande en termes strictement identiques sauf à ajouter une autre question préjudicielle ainsi rédigée : « Une mesure d'un juge national visant à restreindre la liberté de prestation de service d'un avocat communautaire (directive 77/ 249/ CE modifiée) ne peut être entreprise que si cette mesure est proportionnée et strictement nécessaire à l'objectif recherché. En cas de réponse positive, est-ce que, dans le cadre du débat d'espèce, l'ordre des avocats du barreau de Thionville ne peut être fondé à solliciter le retrait de la plaque litigieuse, si la modification de celle-ci est nécessaire pour parvenir à l'objectif recherché » ; que la première question soulevée évoque la thématique de l'appréciation du trouble manifestement illicite résultant de l'apposition d'une plaque professionnelle par un avocat dans la commune d'un Etat-membre dans laquelle il n'est pas inscrit au barreau local et ce, au regard de la directive Services ; qu'il faut comprendre le trouble manifestement illicite comme un état constitué par la violation flagrante d'une règle de droit, proche de la voie de fait ou « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » (Cour d'appel de Paris, Pôle 1, chambre 3, 10 février 2015, n° 14/ 02110) : que l'article 4 de la directive 77/ 249/ CEE prévoit que :
« 1. Les activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque État membre d'accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État, à l'exclusion de toute condition de résidence ou d'inscription à une organisation professionnelle dans ledit État.
2. Dans l'exercice de ces activités, l'avocat respecte les règles professionnelles de l'État membre d'accueil, sans préjudice des obligations qui lui incombent dans l'État membre de provenance. » ;
qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de l'arrêt rendu le 3 février 2011, Ebert c/ Budapesti Ügyvedi Kamara, qu'aux termes de l'article 6 de la directive 89/ 48, lu à la lumière du dixième considérant de cette directive, qu'une personne accédant à une profession réglementée dans un État membre d'accueil sur le fondement d'une reconnaissance d'un diplôme ou d'un titre au sens de l'article 1er, sous a) de cette directive doit se conformer aux règles professionnelles dudit État membre ;
qu'il ressort également de l'article 6 § 1er de la directive 98/ 5 que même l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine dans un État membre d'accueil est soumis aux mêmes règles professionnelles et déontologiques que les avocats exerçant sous le titre professionnel de cet État membre (cf. arrêt CJUE, 2 décembre 2010, Jakubowska) ;
qu'ainsi, il convient de constater que ni la directive 89/ 48, ni la directive 98/ 5 ne s'opposent à l'application à toute personne exerçant la profession d'avocat sur le territoire d'un État membre, notamment en ce qui concerne l'accès ou l'exercice de celle-ci, des dispositions nationales, qu'elles soient législatives, réglementaires ou administratives, justifiées par l'intérêt général telles que des règles d'organisation, de déontologie, de contrôle et de responsabilité ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a rappelé, s'agissant de la directive 89/ 48, le 30 novembre 1995 dans son arrêt Gebhard ;
que selon l'article 15. 1 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat tel qu'issu de l'article 165 du décret du 27 novembre 1991 que « l'avocat inscrit au tableau de l'Ordre doit disposer dans le ressort de son barreau d'un cabinet conforme aux usages et permettant l'exercice professionnel dans le respect des principes essentiels de la profession. Il doit aussi veiller au strict respect du secret professionnel et justifier d'une adresse électronique » ;
qu'ainsi, il s'évince de la combinaison des exigences posées par le droit communautaire et de celles relevant du droit national que l'exercice de la profession d'avocat auprès d'un barreau donné nécessite que l'avocat soit inscrit auprès dudit barreau, cette mesure correspondant à une règle de droit garantie tant par le droit français que par le droit européen ;
qu'il est constant que la demande d'inscription de Me X...auprès du barreau de Thionville a été refusée par le conseil de l'ordre de ce barreau, décision confirmée par cette cour le 26 juin 2013 et donc revêtue d'un caractère définitif et que, dès lors, le simple fait pour Me X...d'apposer une plaque en bas d'un immeuble du ...constitue une violation évidente de la règle de droit de nature à induire en erreur les justiciables sur la capacité juridique de l'appelant à les défendre directement devant les juridictions du ressort et participe par là-même d'un trouble manifeste à l'ordre public ; que dans ces conditions, pour que l'incompatibilité possible de la réglementation française avec les règles du droit européen, interdise à cette juridiction de faire application de textes purement internes, la question préjudicielle soulevée doit présenter un caractère suffisamment sérieux ; qu'en constatant que la réglementation française relative à l'exercice de la profession d'avocat s'applique indistinctement aux nationaux et aux ressortissants de l'Union européenne et qu'elle vise à protéger tant les justiciables en les assurant du contrôle par le conseil de l'ordre de l'exercice de la profession d'avocat par des professionnels compétents et disponibles que les avocats eux-mêmes et donc à la fois l'intérêt général et l'intérêt légitime de la profession, la cour considère n'y avoir lieu à poser la question préjudicielle proposée par Me X...à la Cour de justice de l'Union européenne lequel, en outre, n'est pas privé de la faculté de soumettre à l'appréciation des juges qu'il peut saisir de la procédure au fond du bien-fondé de cette question préjudicielle ;
que la seconde question préjudicielle émise par Me X..., incomplètement formulée dans ses dernières écritures, pose comme postulat que la décision du juge des référés d'ordonner le retrait de la plaque professionnelle apposée au ...a pu restreindre sa liberté de prestation de services en tant qu'avocat communautaire ; qu'ensuite, à supposer ce caractère restrictif admis, il importait de savoir si cette mesure était proportionnée et strictement nécessaire à l'objectif recherché et, dans l'affirmative, si l'ordre des avocats du barreau de Thionville demandait le retrait de la plaque professionnelle litigieuse celui-ci s'imposait « si la modification de celle-ci est nécessaire » ; qu'il importe de rappeler à nouveau que la question préjudicielle, pour être transmise à l'instance destinataire, requiert un caractère suffisamment sérieux ; qu'il apparaît en l'espèce que Me X...de faire trancher par le juge européen un point de droit qui relève de la compétence du juge national ; qu'en effet, la décision de retrait de la plaque professionnelle se fonde sur le risque de confusion résultant de son emplacement situé immédiatement sous la plaque de Me Pascal Y... qui a fait l'objet de plusieurs mesures de suspension par le conseil de l'ordre du barreau de Thionville (pièce n° 4 de l'intimé), de l'absence de précision quant au barreau de rattachement dont peut se prévaloir Me X...et d'une partie du contenu de la plaque professionnelle afférente à une capacité d'intervention en France et au Luxembourg et de numéros téléphoniques non localement référencés ;
que le principe posé par la directive Services 77/ 249/ CEE du 22 mars 1977 a pour objectif de « faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats » de sorte que les restrictions à cet exercice ne sauraient aller jusqu'à l'interdiction si l'avocat de l'État membre non inscrit auprès du barreau de l'État d'accueil où il a décidé de s'installer se soumet aux dispositions légales en vigueur dans ledit État d'accueil, ce que rappelle d'ailleurs l'article 3 de la directive lorsqu'elle énonce que l'avocat-candidat « fait usage de son titre professionnel exprimé dans la ou l'une des langues de l'État membre de provenance, avec indication de l'organisation professionnelle dont elle relève ou de la juridiction auprès de laquelle elle est admise en application de la législation de cet État » ; que, dans ces conditions, l'objectif recherché étant d'éviter la confusion sur les conditions d'exercice de l'activité d'avocat de Me X...à Thionville, il convient afin d'en éviter le retrait, d'ordonner au préalable des modifications substantielles de la plaque professionnelle de l'intéressé qui, si elles ne sont pas exécutées, rendront nécessaire le retrait de sa plaque professionnelle située ...;
qu'ainsi, en premier lieu, la plaque professionnelle de Me X...devra être située sur l'emplacement opposé de celui où se trouve la plaque professionnelle de Me Pascal Y... ou, en cas d'impossibilité matérielle, être déplacée vers le bas du support de telle façon qu'entre les deux plaques il y ait un espacement minimum de 15 centimètres ; qu'en deuxième lieu et quant au contenu de la plaque elle-même, sous le nom « JEAN-PHILIPPE X...», à la mention « AVOCAT » sera ajouté « Inscrit au Barreau de LUXEMBOURG » ; qu'en troisième lieu, sous la mention « AVOCAT inscrit au Barreau de LUXEMBOURG » devra être portée l'indication suivante : « Prestataire de services » et que la mention « INTERVENTION FRANCE et LUXEMBOURG » sera purement et simplement supprimée ; qu'enfin, les numéros téléphoniques indiqués sur la plaque professionnelle litigieuse devront être précédés ou suivis de la mention « SKYPE » ; qu'il y a lieu de préciser qu'à défaut de mise en conformité de la plaque litigieuse suivant les critères précédemment rappelés dans les 10 jours qui suivront la signification du présent arrêt, il est enjoint à Me X...de procéder au démontage de la plaque professionnelle qu'il a apposée au ...et qu'à défaut de mise en conformité de ladite plaque professionnelle et de son démontage, l'ordre des avocats du barreau de Thionville sera autorisé à commettre Me Z..., huissier de justice à Thionville, ou tel autre huissier de son choix, afin de procéder au retrait de ladite plaque avec le concours de la force publique en tant que de besoin et de tout professionnel si nécessaire ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Me X...justifie être avocat à la cour de Luxembourg ; que par décision du 1er mars 2013, l'ordre des avocats du barreau de Thionville a rejeté sa demande d'inscription ; que cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Metz en date du 26 juin 2013 ; qu'en application de cet arrêt, Me X...ne peut, dès lors, exercer en qualité d'avocat au barreau de Thionville ; que la plaque professionnelle litigieuse est apposée ...; qu'elle se trouve placée directement sous la plaque de Me Pascal Y..., avocat ayant été suspendu à 2 reprises pour une durée de 4 mois, selon décisions du conseil de l'ordre du barreau de Thionville des 2 mai et 2 septembre 2013 (attestation du bâtonnier/ pièce n° 7 communiquée par l'ordre des avocats) ; que ladite plaque porte la mention suivante :
« JEAN-PHILIPPE X...

AVOCAT
INTERVENTION FRANCE et LUXEMBOURG
Tel : 03 44 85 34 45
Tel 2 : 03 82 58 90 40
Sur Rendez-vous » ;
qu'en France, la profession d'avocat est strictement réglementée dans un objectif d'intérêt général tendant notamment à la garantie du respect des règles d'organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle de la responsabilité ; que ladite réglementation s'impose à Me X...s'il entend user du droit d'établissement communautaire sur lequel il indique se fonder ; qu'en l'espèce, la plaque litigieuse méconnaît incontestablement et de manière grave les exigences posées par la réglementation française de la profession d'avocat ; qu'ainsi, elle ne permet pas de savoir à quel barreau Me X...est rattaché ; qu'il s'agit là d'une information essentielle pour tout justiciable recourant aux services d'un avocat ; qu'aucune indication ne permet de déterminer qu'il n'est pas membre du barreau de Thionville est du reste de nature à induire le public en erreur ; que la formule « Intervention en France et Luxembourg » ne saurait utilement suppléer cette carence ; qu'elle ne fait que rajouter à la confusion en laissant entendre qu'il est habilité à « intervenir » dans les deux pays ; que par ailleurs, l'indication de deux numéros de téléphone, dont l'un hors du département, sans mention d'une adresse, ne permet pas au public de localiser le lieu exact du cabinet de Me X...; qu'enfin, Me X...ne saurait sérieusement soutenir, après avoir entamé des démarches pour s'inscrire au barreau de Thionville, y compris un recours devant la cour d'appel pour contester le refus auquel il s'est heurté de la part de l'ordre, que sa seule volonté est aujourd'hui « de recevoir et de stocker des dossiers de clients français pour des procédures dans l'arrondissement judiciaire de Thionville » ; que les mentions incomplètes, confuses et pour le moins ambiguës figurant sur la plaque querellée, alliées au choix de son emplacement, sont incontestablement destinées à attirer une clientèle potentielle en laissant celle-ci dans l'ignorance de la réalité de sa situation actuelle ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que l'apposition de ladite plaque constitue un trouble manifestement illicite ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DE L'ORDONNANCE SUR REQUÊTE DU 12 AOÛT 2013 QUE l'apposition de la plaque litigieuse révèle l'ouverture par Maître X...d'un cabinet d'avocat à Thionville alors qu'en l'état, il ne justifie pas pour ce faire d'une autorisation de l'ordre du barreau de cette même ville ;

1°) ALORS QU'il résulte de l'article 202-1 du décret du 27 novembre 1991, interprété à la lumière de l'article 4. 1 de la directive 77/ 249/ CEE du Conseil du 22 mars 1977, que l'avocat ressortissant d'un État membre de l'Union qui exerce son activité, sous le régime de la libre prestation de service, dans un autre État membre, n'est pas tenu de s'inscrire à un barreau relevant de l'État d'accueil ; qu'en retenant qu'il s'évince de la combinaison des exigences posées par le droit communautaire et de celles relevant du droit national que l'exercice de la profession d'avocat auprès d'un barreau donné nécessite que l'avocat soit inscrit auprès dudit barreau, cette mesure correspondant à une règle de droit garantie tant par le droit français que par le droit européen, sans distinguer selon que l'activité de l'avocat s'exerce, à titre permanent, sous le régime de la liberté d'établissement ou, à titre temporaire, sous le régime de la libre prestation de services, la cour d'appel a violé les articles 4. 1 de la directive 77/ 249/ CEE du Conseil du 22 mars 1977, 6 de la directive 89/ 48/ CEE du Conseil du 21 décembre 1988, 6. 1 de la directive 98/ 5/ CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998, 202-1 et 203 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

2°) ALORS QU'à supposer que la cour d'appel ait dénié à Me X...le droit d'exercer son activité d'avocat en France, faute d'être inscrit au barreau de Thionville, elle ne pouvait statuer ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Me X...n'exerçait pas cette activité à titre temporaire dans le cadre du principe de libre prestation de services ; que faute d'avoir procédé à cette recherche, la cour d'appel a violé les articles 4. 1 de la directive 77/ 249/ CEE du Conseil du 22 mars 1977, 6 de la directive 89/ 48/ CEE du Conseil du 21 décembre 1988, 6. 1 de la directive 98/ 5/ CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998, 202-1 et 203 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

3°) ALORS QUE l'ordre des avocats du barreau de Thionville ne demandait pas la modification des mentions apposées sur la plaque professionnelle de Me X..., mais la suppression pure et simple de celle-ci ; qu'en ordonnant d'office à Me X...de modifier le contenu de sa plaque professionnelle, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point et notamment sur le contenu des modifications ordonnées, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE si l'exercice de la profession d'avocat dans le cadre du principe de libre de prestation de services est aménagé par les articles 202 à 202-3 du décret du 27 novembre 1991, il n'en reste pas moins autorisé et permet d'assurer des prestations juridiques et judiciaires dès lors que l'activité présente un caractère temporaire au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; que sauf à porter une atteinte disproportionnée à ce principe, le juge ne peut imposer à un avocat ressortissant d'un autre État membre que la France et qui n'est pas inscrit à un barreau français, d'indiquer sur sa plaque professionnelle le régime sous lequel il exerce sa profession ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 4. 1 de la directive 77/ 249/ CEE du Conseil du 22 mars 1977 et 202-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-18187
Date de la décision : 06/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 19 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 déc. 2017, pourvoi n°16-18187


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.18187
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