La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2017 | FRANCE | N°16-21664

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 novembre 2017, 16-21664


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2016), que Jean-Marie Y... est décédé des suites d'un accident de la circulation impliquant, d'une part, son véhicule, d'autre part, un ensemble routier conduit par M. A..., composé d'un tracteur appartenant à son employeur, M. B..., assuré par la société Estrella seguros, et d'une remorque appartenant à la société Ewals cargo care BV, assurée par la société Amlin corporate insurance NV (la société Amlin) ; qu'un tribunal correctionnel a déclaré

M. A... coupable d'homicide involontaire et, statuant sur les intérêts civi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2016), que Jean-Marie Y... est décédé des suites d'un accident de la circulation impliquant, d'une part, son véhicule, d'autre part, un ensemble routier conduit par M. A..., composé d'un tracteur appartenant à son employeur, M. B..., assuré par la société Estrella seguros, et d'une remorque appartenant à la société Ewals cargo care BV, assurée par la société Amlin corporate insurance NV (la société Amlin) ; qu'un tribunal correctionnel a déclaré M. A... coupable d'homicide involontaire et, statuant sur les intérêts civils, l'a condamné à indemniser la veuve et les enfants de Jean-Marie Y... ; qu'ayant réglé à ces derniers les sommes qui leur étaient dues, la société Estrella seguros a assigné l'association Bureau central français (le Bureau central français) et la société Amlin en paiement de la moitié de ces sommes, sur le fondement de l'article R. 211-4-1 du code des assurances ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Estrella seguros fait grief à l'arrêt de la débouter de son recours contre le Bureau central français et la société Amlin alors, selon le moyen, que l'assureur d'une composante d'un ensemble routier ayant indemnisé la victime d'un accident de la circulation dispose d'un recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble articulé ; que ce recours est soumis à un régime propre ; qu'en décidant cependant qu'il est soumis au droit commun du recours entre coresponsables, la cour d'appel a violé l'article R. 211-4-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article R. 211-4-1 du code des assurances a uniquement pour but de faciliter l'indemnisation des personnes lésées en leur offrant la possibilité de réclamer l'intégralité de celle-ci, soit à l'assureur du véhicule à moteur, soit à celui de la remorque, la cour d'appel a exactement retenu que le recours que ce texte ouvre à l'assureur qui a pris en charge cette indemnisation pour le compte de qui il appartiendra contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble routier n'est pas soumis à un régime propre de responsabilité de plein droit et pour moitié, mais renvoie au droit commun de la responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Estrella seguros fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le tracteur et la remorque constituent un ensemble routier unique sous la maîtrise d'un seul conducteur ; que le contrôle par un conducteur unique fait obstacle à ce que l'assureur d'une composante de l'ensemble oppose la faute du conducteur à l'assureur d'une autre composante ; qu'en considérant que la faute du conducteur privait l'assureur de la remorque de son recours contre l'assureur du tracteur, les juges du fond ont violé l'article 1384, devenu 1242, du code civil ;

Mais attendu que l'assureur de la remorque d'un ensemble routier impliqué dans un accident de la circulation peut opposer à l'assureur du véhicule tracteur, qui a indemnisé les tiers lésés pour le compte de qui il appartiendra, la faute du conducteur de cet ensemble ; qu'ayant relevé que M. A... avait reconnu avoir perdu le contrôle de l'ensemble routier impliqué dans l'accident, dont il avait la garde, la cour d'appel retient à bon droit que la responsabilité de son employeur, assuré auprès de la société Estrella seguros, pouvait être recherchée sur le fondement de l'article 1384, alinéas 1 et 5, du code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Estrella seguros aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à l'association Bureau central français et à la société Amlin corporate insurance NV la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Estrella seguros.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a débouté la société Estrella seguros de son recours contre le bureau central français et la société Amlin corporate insurance ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'application de l'article R 211-4-1 du code des assurances, les appelants, pour estimer ne rien devoir, mettent en avant la faute exclusive du conducteur et l'absence de comportement anormal ou de défaillance de la remorque et font valoir que le balancement de celle-ci et de tout l'ensemble routier n'a été que la conséquence de la faute du conducteur, qui a perdu le contrôle du véhicule ; qu'ils ajoutent qu'en vertu du principe de l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil, l'existence d'une faute pénale – et donc également civile – du conducteur ne saurait être remise en cause ; qu'ils estiment donc que la responsabilité de monsieur Raul B... C... peut être engagée en sa qualité d'employeur du conducteur mais aussi de gardien de l'ensemble routier, à savoir du tracteur et de la remorque ; qu'il en résulte que la société Estrella ne saurait exercer un recours contre la société Amlin ; que la société Estrella réplique qu'en application de l'article R 211-4-1 alinéa 1er du code des assurances, elle et bien fondée à réclamer à l'assureur de la remorque ainsi qu'au bureau central français, la moitié des sommes qu'elle a versées, soit la somme de 234 578,62 euros ; qu'il est clair, selon elle, que l'article R 211-4-1 alinéa 2 du code des assurances lui confère un recours automatique contre la société Amlin corporate insurance NV venant dans les droits de la société Fortis ; que par ailleurs, la société Amlin corporate insurance NV est mal fondée à lui opposer les limites de sa police d'assurance puisqu'il résulte très précisément de l'article L 211-4-1 alinéa 1er du code des assurances, lequel figure dans un chapitre consacré à l'obligation d'assurance, que l'assureur du tracteur ou de la remorque doit être considéré comme tenu pour l'ensemble routier au-delà des strictes limites de leur police d'assurance respective et que l'article R 211-7 du code des assurances exige que la garantie responsabilité civile, s'agissant de dommages corporels, soit en ce cas illimitée ; qu'elle ajoute que la loi de 1985 n'a pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre l'assureur du tracteur et l'assureur de la remorque ; qu'enfin, les articles 1384 alinéa 1er et alinéa 5 du code civil n'ont pas plus à s'appliquer en l'espèce puisqu'un texte spécifique confère un droit à recours automatique à l'assuré de la partie de l'ensemble routier ayant indemnisé, sans avoir à établir la responsabilité du propriétaire de l'autre partie, en l'occurrence la société Ewals cargo care, propriétaire de la remorque ; que suivant les dispositions de l'article R 211-4-1 du code des assurances, "lorsqu'un train routier, tel que défini à l'article R 311-1 du code de la route, est impliqué dans un accident de la circulation, la personne lésée peut exercer l'action directe au choix contre l'assureur du véhicule tracteur ou contre l'assureur de la remorque. L'assureur saisi de l'action doit garantir la responsabilité de l'ensemble du véhicule articulé à l'égard de la personne lésée, pour le compte de qui il appartiendra et dans les limites du contrat." ; "l'assureur qui aurai pris en charge l'indemnisation des personnes lésées, que ce soit l'assureur du véhicule à moteur ou celui de la remorque ou de la semi-remorque, disposera, le cas échéant, d'un droit de recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble articulé, ou contre toute autre partie qui porterait finalement la responsabilité des dommages" ; que ces dispositions ont uniquement pour but de faciliter l'indemnisation des personnes lésées en leur offrant la possibilité de réclamer l'intégralité de celle-ci soit à l'assureur du véhicule à moteur, soit à celui de la remorque et ouvrir à l'assureur, qui a pris en charge cette indemnisation, un recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble routier ; que s'agissant de la responsabilité, elles ne créent pas un régime de responsabilité de plein droit et pour moitié de cet autre assureur mais renvoient au droit commun de la responsabilité ainsi que le démontre l'utilisation des expression "pour le compte de qui il appartiendra", "disposera le cas échéant" et "contre toute autre partie qui porterait finalement la responsabilité des dommages" ; qu'en outre, la loi du 5 juillet 1985 est inapplicable à l'espèce, s'agissant de l'action de l'assureur du tracteur contre l'assureur de la remorque, cette dernière n'étant pas un véhicule à moteur et, au surplus, cette loi n'étant pas plus applicable au recours entre co-responsables ; qu'en revanche, la responsabilité peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 et 5 du code civil et qu'à cet égard, prenant acte de ce que le chauffeur de l'ensemble routier a reconnu, par procès-verbal de gendarmerie, avoir perdu le contrôle de celui-ci, dont il avait la garde, la remorque ayant été confiée à l'entreprise de transport, dont il était le salarié, il y a lieu de constater que cette responsabilité incombe entièrement à cette société, assurée auprès de la société Estrella seguros ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement et de débouter celle-ci de son recours à l'égard des appelants » ;

ALORS QUE l'assureur d'une composante d'un ensemble routier ayant indemnisé la victime d'un accident de la circulation dispose d'un recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble articulé ; que ce recours est soumis à un régime propre ; qu'en décidant cependant qu'il est soumis au droit commun du recours entre co-responsables, la cour d'appel de Paris a violé l'article R 211-4-1 du code des assurances.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a débouté la société Estrella seguros de son recours contre le bureau central français et la société Amlin corporate insurance ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'application de l'article R 211-4-1 du code des assurances, les appelants, pour estimer ne rien devoir, mettent en avant la faute exclusive du conducteur et l'absence de comportement anormal ou de défaillance de la remorque et font valoir que le balancement de celle-ci et de tout l'ensemble routier n'a été que la conséquence de la faute du conducteur, qui a perdu le contrôle du véhicule ; qu'ils ajoutent qu'en vertu du principe de l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil, l'existence d'une faute pénale – et donc également civile – du conducteur ne saurait être remise en cause ; qu'ils estiment donc que la responsabilité de monsieur Raul B... C... peut être engagée en sa qualité d'employeur du conducteur mais aussi de gardien de l'ensemble routier, à savoir du tracteur et de la remorque ; qu'il en résulte que la société Estrella ne saurait exercer un recours contre la société Amlin ; que la société Estrella réplique qu'en application de l'article R 211-4-1 alinéa 1er du code des assurances, elle et bien fondée à réclamer à l'assureur de la remorque ainsi qu'au bureau central français, la moitié des sommes qu'elle a versées, soit la somme de 234 578,62 euros ; qu'il est clair, selon elle, que l'article R 211-4-1 alinéa 2 du code des assurances lui confère un recours automatique contre la société Amlin corporate insurance NV venant dans les droits de la société Fortis ; que par ailleurs, la société Amlin corporate insurance NV est mal fondée à lui opposer les limites de sa police d'assurance puisqu'il résulte très précisément de l'article L 211-4-1 alinéa 1er du code des assurances, lequel figure dans un chapitre consacré à l'obligation d'assurance, que l'assureur du tracteur ou de la remorque doit être considéré comme tenu pour l'ensemble routier au-delà des strictes limites de leur police d'assurance respective et que l'article R 211-7 du code des assurances exige que la garantie responsabilité civile, s'agissant de dommages corporels, soit en ce cas illimitée ; qu'elle ajoute que la loi de 1985 n'a pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre l'assureur du tracteur et l'assureur de la remorque ; qu'enfin, les articles 1384 alinéa 1er et alinéa 5 du code civil n'ont pas plus à s'appliquer en l'espèce puisqu'un texte spécifique confère un droit à recours automatique à l'assuré de la partie de l'ensemble routier ayant indemnisé, sans avoir à établir la responsabilité du propriétaire de l'autre partie, en l'occurrence la société Ewals cargo care, propriétaire de la remorque ; que suivant les dispositions de l'article R 211-4-1 du code des assurances, "lorsqu'un train routier, tel que défini à l'article R 311-1 du code de la route, est impliqué dans un accident de la circulation, la personne lésée peut exercer l'action directe au choix contre l'assureur du véhicule tracteur ou contre l'assureur de la remorque. L'assureur saisi de l'action doit garantir la responsabilité de l'ensemble du véhicule articulé à l'égard de la personne lésée, pour le compte de qui il appartiendra et dans les limites du contrat." ; "l'assureur qui aurai pris en charge l'indemnisation des personnes lésées, que ce soit l'assureur du véhicule à moteur ou celui de la remorque ou de la semi-remorque, disposera, le cas échéant, d'un droit de recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble articulé, ou contre toute autre partie qui porterait finalement la responsabilité des dommages" ; que ces dispositions ont uniquement pour but de faciliter l'indemnisation des personnes lésées en leur offrant la possibilité de réclamer l'intégralité de celle-ci soit à l'assureur du véhicule à moteur, soit à celui de la remorque et ouvrir à l'assureur, qui a pris en charge cette indemnisation, un recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble routier ; que s'agissant de la responsabilité, elles ne créent pas un régime de responsabilité de plein droit et pour moitié de cet autre assureur mais renvoient au droit commun de la responsabilité ainsi que le démontre l'utilisation des expression "pour le compte de qui il appartiendra", "disposera le cas échéant" et "contre toute autre partie qui porterait finalement la responsabilité des dommages" ; qu'en outre, la loi du 5 juillet 1985 est inapplicable à l'espèce, s'agissant de l'action de l'assureur du tracteur contre l'assureur de la remorque, cette dernière n'étant pas un véhicule à moteur et, au surplus, cette loi n'étant pas plus applicable au recours entre co-responsables ; qu'en revanche, la responsabilité peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 et 5 du code civil et qu'à cet égard, prenant acte de ce que le chauffeur de l'ensemble routier a reconnu, par procès-verbal de gendarmerie, avoir perdu le contrôle de celui-ci, dont il avait la garde, la remorque ayant été confiée à l'entreprise de transport, dont il était le salarié, il y a lieu de constater que cette responsabilité incombe entièrement à cette société, assurée auprès de la société Estrella seguros ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement et de débouter celle-ci de son recours à l'égard des appelants » ;

ALORS QUE le tracteur et la remorque constituent un ensemble routier unique sous la maîtrise d'un seul conducteur ; que le contrôle par un conducteur unique fait obstacle à ce que l'assureur d'une composante de l'ensemble oppose la faute du conducteur à l'assureur d'une autre composante ; qu'en considérant que la faute du conducteur privait l'assureur de la remorque de son recours contre l'assureur du tracteur, les juges du fond ont violé l'article 1384 ancien du code civil devenu article 1242 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-21664
Date de la décision : 23/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Tiers payeur - Recours - Ensemble routier - Recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble routier - Recours de l'assureur du véhicule tracteur contre l'assureur de la remorque - Faute du conducteur - Opposabilité

ASSURANCE RESPONSABILITE - Assurance obligatoire - Véhicule terrestre à moteur - Indemnisation - Ensemble routier - Recours de l'assureur - Recours contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble routier - Recours de l'assureur du véhicule tracteur contre l'assureur de la remorque - Faute du conducteur - Opposabilité

L'assureur de la remorque d'un ensemble routier impliqué dans un accident de la circulation peut opposer à l'assureur du véhicule tracteur, qui a indemnisé les personnes lésées pour le compte de qui il appartiendra, la faute du conducteur de cet ensemble


Références :

Sur le numéro 1 : ARTICLE R. 211-4-1 DU CODE DES ASSURANCES
Sur le numéro 2 : article 1384, alinéas 1 et 5, du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 nov. 2017, pourvoi n°16-21664, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21664
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award