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22/11/2017 | FRANCE | N°16-26169

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 novembre 2017, 16-26169


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 septembre 2016), que, par testament du 7 décembre 2000, Claude X...a légué à Mme Y...la quotité disponible de ses biens ; qu'il a épousé celle-ci le 2 octobre 2004, après avoir adopté le régime de la séparation de biens ; que, le 25 janvier 2005, il lui a fait donation, par préciput et hors part, de la nue-propriété de son immeuble d'habitation et de divers avoirs ; qu'il est décédé le 19 janvier 2006 en laissant pour lui succéder, outre sa veuve,

trois enfants nés d'un précédent mariage ; que, le 5 juillet 2006, M. Z...,...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 septembre 2016), que, par testament du 7 décembre 2000, Claude X...a légué à Mme Y...la quotité disponible de ses biens ; qu'il a épousé celle-ci le 2 octobre 2004, après avoir adopté le régime de la séparation de biens ; que, le 25 janvier 2005, il lui a fait donation, par préciput et hors part, de la nue-propriété de son immeuble d'habitation et de divers avoirs ; qu'il est décédé le 19 janvier 2006 en laissant pour lui succéder, outre sa veuve, trois enfants nés d'un précédent mariage ; que, le 5 juillet 2006, M. Z..., notaire associé au sein de la SCP Z... (le notaire), a dressé un acte de notoriété faisant état de ce que Mme Y..., légataire de la quotité disponible, recueillait le quart des biens en pleine propriété, chacun des enfants recueillant également un quart ; que la déclaration de succession a été établie par le notaire conformément à cette répartition ; que les parties ont signé en janvier 2008, sous le contrôle de leurs avocats, Mme A...étant le conseil de Mme Y..., un acte sous seing privé reprenant cette répartition et prévoyant le rapport à la succession d'une somme représentant la valeur de la donation consentie à l'épouse ; qu'en exécution de cet acte, l'actif successoral a été réalisé ; que, le 15 avril 2008, Mme Y...a établi une déclaration successorale modificative, puis a assigné ses cohéritiers pour se voir reconnaître vocation à obtenir un quart en pleine propriété et trois-quarts en usufruit de la succession ; que sa demande a été rejetée par décision devenue irrévocable après le rejet d'un pourvoi en cassation (1re Civ., 11 mai 2012, pourvoi n° 11-12. 306) ; qu'elle a assigné M. Z...et Mme B..., notaire des enfants de Claude X..., en responsabilité civile professionnelle et indemnisation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z...fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué, ainsi que Mme B..., à son obligation d'information et de conseil à l'égard de Mme Y...et que sa responsabilité civile professionnelle est engagée, de fixer le dommage subi par Mme Y...à une certaine somme au titre de la perte de chance de pouvoir valablement
opter pour un quart en pleine propriété et trois-quarts en usufruit de la succession de Claude X..., ainsi qu'à une autre somme au titre de la perte de chance d'éviter les frais de procédure exposés dans l'affaire l'ayant opposé aux enfants de Claude X..., et de le condamner au paiement de ces sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que les conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable ; qu'en se bornant à retenir que le notaire ne pouvait se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant retenu la validité de la transaction par laquelle Mme Y...avait renoncé en toute connaissance de cause à une partie de ses droits dans la succession de Claude X...au profit des enfants de ce dernier, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que cette transaction ait été définitivement jugée valable, car conclue en toute connaissance de cause, n'empêchait pas la demanderesse à l'action d'en imputer les conséquences au notaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que seul le préjudice causé par la faute invoquée peut faire l'objet d'une indemnisation ; qu'en retenant qu'en s'abstenant, lors de la rédaction de l'acte de notoriété du 5 juillet 2006 et de la déclaration de succession du 27 juillet 2006, d'informer Mme Y...de l'incertitude entachant l'étendue de ses droits successoraux induite par la loi du 3 décembre 2001, le notaire lui avait fait perdre une chance d'opter pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit des biens de la succession, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice subi par l'épouse n'avait pas pour seule cause la conclusion, de façon libre et éclairée, début 2008, d'une transaction avec les enfants du défunt, par laquelle elle avait renoncé à une partie de ses droits et à laquelle le notaire n'avait pas participé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, le notaire soutenait que, même en l'absence de conclusion d'une transaction, les enfants de Claude X...auraient en toute hypothèse pu utilement s'opposer à ce que Mme Y...bénéficie de droits successoraux étendus, en faisant valoir que la libéralité qui lui avait été consentie n'était pas une donation entre époux, mais un simple legs antérieur au mariage, qui ne pouvait dès lors se cumuler avec ses droits légaux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que le notaire a manqué à son devoir de conseil et d'information à l'égard de sa cliente, conjointe survivante, bénéficiaire d'un legs consenti antérieurement au mariage, l'arrêt constate que, dès qu'elle a eu connaissance du droit applicable, et notamment de l'avis de la Cour de cassation du 25 septembre 2006, elle a tenté, sans succès, de revenir sur l'option par elle exercée en 2006 pour bénéficier du cumul du legs de la quotité disponible à elle accordé par le testament du 7 septembre 2000 avec la vocation légale du conjoint survivant ; qu'ayant déduit de ces énonciations que, si elle avait été informée en temps utile par le notaire, Mme Y...aurait eu la possibilité en 2006 de choisir cette option plus favorable pour elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches prétendument omises ni de répondre à des conclusions que ses propres constatations rendaient inopérantes, a ainsi caractérisé l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la faute commise et le préjudice subi ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. Z...fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de Mme A..., alors, selon le moyen, que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel est caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; qu'en se bornant à retenir, pour juger irrecevable l'intervention forcée de Mme A...en cause d'appel, que M. Z...n'ignorait pas que cette dernière intervenait dans l'intérêt de Mme Y..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Z...n'avait pas appris à la lecture du jugement que cette dernière avait commis une faute en s'abstenant d'informer sa cliente de l'incertitude affectant l'étendue de ses droits successoraux induite par l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, ce dont il résultait une évolution du litige autorisant son appel en la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le notaire avait eu connaissance de l'intervention de Mme A...en qualité d'avocat de Mme Y...au moins quatre ans avant d'être assigné en responsabilité civile professionnelle et indemnisation, la cour d'appel, qui en a déduit, sans avoir à procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, que Mme A...ne pouvait être appelée en intervention forcée pour la première fois en appel, a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme Y...la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. Z...et Mme B...avaient manqué à leur obligation d'information et de conseil à l'égard de Mme Y..., d'AVOIR dit que la responsabilité civile professionnelle de M. Z...était engagée, d'AVOIR fixé le dommage subi par Mme Y...veuve X...aux sommes suivantes : 2 067 750 euros au titre de la perte de chance de pouvoir valablement opter pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit de la succession de Claude X..., et 29 850 euros au titre de la perte de chance d'éviter les frais de procédure exposés dans l'affaire l'ayant opposée aux enfants de Claude X...et d'AVOIR condamné M. Z...à payer à Mme Y...veuve X...la somme de 2 067 750 euros avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, capitalisés par année entière à compter de cette même date, ainsi que la somme de 29 850 euros avec intérêts légaux à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal a déclaré recevable l'action de Mme Arlette Y...au motif que les notaires n'étaient pas parties à l'instance ayant opposé celle-ci aux enfants de Claude X...et qu'ils ne pouvaient en conséquence se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions rendues ; que M. Bernard Z...conteste s'être prévalu de l'autorité de la chose jugée à son égard, mais soutient que la force de chose jugée attachée à ces décisions interdit à Mme Arlette Y...de demander à la cour de dire qu'elle n'a pas transigé " en pleine connaissance de cause ", alors que dans l'instance l'ayant opposée aux enfants de Claude X...elle estimait déjà n'avoir pas été complètement renseignée par ses conseils et qu'il a été jugé l'inverse ; que Mme Arlette Y...réplique qu'il a seulement été dit qu'elle avait eu conscience de transiger et avait donc renoncé à une partie de ses droits successoraux en pleine connaissance de cause, mais non qu'elle avait été renseignée sur la consistance de ceux-ci ; que la validité de la transaction n'exclut pas d'engager la responsabilité de celui dont le comportement a vicié son consentement ; que l'action en responsabilité engagée par Mme Arlette Y...à l'encontre de M. Bernard Z...n'a pas le même objet et ne concerne pas le même défendeur que son action en validité de l'option successorale qui a été rejetée par jugement du tribunal de grande instance de Dax en date 3 février 2010, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Agen du 19 janvier 2011 devenu définitif ; qu'au surplus, la prise en considération dans les motifs de l'arrêt d'une renonciation à une partie de ses droits successoraux faite par Mme Arlette Y...en pleine connaissance de cause, ou dans les motifs du jugement des conseils donnés à ce magistrat de profession par M. Bernard Z..., n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard de celle-ci ; que la recevabilité de l'action engagée par Mme Arlette Y...à l'encontre de M. Bernard Z...sera en conséquence confirmée ; que le notaire est soumis à un devoir de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte, qui engage sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 code civil ; qu'il est constant que la succession de Claude X...est régie par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 pour avoir été ouverte le 19 janvier 2006 ; que la période au cours de laquelle ont été successivement établis par M. Bernard Z...l'acte de notoriété et la déclaration de succession de Claude X...à la requête de Mme Arlette Y..., est postérieure à la promulgation de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 d'où est issu le nouvel article 758-6 du code civil stipulant l'imputation des libéralités reçues du défunt sur les droits du conjoint survivant, et antérieure à l'avis donné le 25 septembre 2006 par la Cour de cassation en faveur du cumul des droits successoraux prévus aux articles 757, 757-1 et 757-2 du code civil avec une ou plusieurs libéralités consenties en application de l'article 1094 ou de l'article 1094-1 du même code ; que le silence de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 sur le sort des libéralités consenties par le défunt au conjoint survivant est à l'origine d'une controverse sur l'étendue des droits de ce dernier en présence d'enfants issus d'une autre union ; qu'il n'est pas reproché à M. Bernard Z...d'avoir ignoré la solution juridique proposée par la Cour de cassation, ou de ne pas avoir conseillé à Mme Arlette Y...d'opter pour le quart des biens en pleine propriété et l'usufruit des trois quarts, mais seulement de ne pas l'avoir informée de l'incertitude juridique existant sur le cumul ou non de ses droits légaux de conjoint survivant avec les libéralités consenties par Claude X...; que la décision de Mme Arlette Y...d'opter pour le quart des biens en pleine propriété a été prise par elle au plus tard le 27 juillet 2006, date de signature de la déclaration de succession ; qu'à cette date, M. Bernard Z...n'avait pas encore consulté le Cridon sur la question juridique du cumul, le courrier du notaire étant daté du 17 avril 2008, et la réponse favorable à cette thèse lui a été transmise par le centre de recherches le 3 juin 2008, postérieurement à la transaction conclue en janvier-2008 par Mme Arlette Y...et les enfants de Claude X...; que le devoir de conseil du notaire instrumentaire comprenant l'obligation d'informer et d'éclairer les parties au regard du but poursuivi par elles et conformément au droit positif en vigueur, il appartenait à M. Bernard Z..., avant de recevoir l'acte authentique de notoriété le 5 juillet 2006 à la requête de Mme Arlette Y..., puis de faire signer à celle-ci la déclaration de succession du 27 juillet 2006, d'informer sa cliente, non seulement de l'abrogation par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 de la règle de l'imputabilité prescrite par l'ancien article 767 du code civil en son 6° alinéa, de la réintroduction de cette règle par l'article 758-6 issu de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, mais aussi de la controverse née du silence du législateur de 2001 sur le cumul des libéralités entre époux avec la vocation légale du conjoint survivant, et de l'incertitude en résultant sur l'étendue de ses droits dans la succession de Claude X...; que M. Bernard Z...qui ne prétend pas avoir informé sa cliente de l'incertitude juridique existant en juillet 2006 sur le cumul des libéralités entre époux avec la vocation légale du conjoint survivant, et qui reconnaît avoir tardivement interrogé le Cridon à ce sujet, a en conséquence manqué à son devoir de conseil et d'information à l'égard de Mme Arlette Y...; que M. Bernard Z...conclut à un partage de responsabilité avec Mme Arlette Y..., considérant qu'il appartenait à celle-ci, magistrat de profession, de se renseigner sur l'étendue de ses droits ; que la compétence professionnelle de Mme Arlette Y...n'est pas de nature à décharger M. Bernard Z...de son devoir de conseil et d'information à l'égard de celle-ci ; qu'ayant confié à titre personnel à M. Bernard Z...la mission d'établir l'acte de notoriété et la déclaration de succession après le décès de son mari, Mme Arlette Y...n'était pas tenue de vérifier l'étendue de ses droits successoraux ; qu'il n'y a donc pas lieu à partage de responsabilité ; que M. Bernard Z...qui conteste à titre subsidiaire tout lien de causalité avec la faute reprochée, soutient que les actes qu'il a établis ne sont pas directement à l'origine du préjudice allégué, et fait valoir qu'il n'est pas certain que Mme Arlette Y..., dûment informée, aurait décidé de prétendre aux trois quarts en usufruit en sus du quart en pleine propriété ; qu'il est constant que le 15 avril 2008, Mme Arlette Y...a déclaré opter pour un quart des biens successoraux en pleine propriété et trois quarts en usufruit, cette déclaration visant les dispositions de l'article 1094-1 du code civil issues de l'article 6 de la loi n° 73-3 du 3 janvier 1972, ainsi que l'avis de la Cour de cassation du 25 septembre 2006 ; que cette déclaration a été faite le lendemain du courrier électronique adressé par M. A..., avocat de Mme Arlette Y..., à Mme Brigitte B..., notaire, pour lui faire part de sa décision d'informer sa cliente de l'étendue de ses droits successoraux au regard de l'avis de la Cour de cassation du 25 septembre 2006 ; qu'il est ainsi établi que dès qu'elle a eu connaissance de cet avis, Mme Arlette Y...a choisi l'option lui permettant de cumuler le bénéfice du legs de la quotité disponible par testament olographe du 7 septembre 2000 avec la vocation légale du conjoint survivant ; que si elle avait été informée en temps utile par le notaire, Mme Arlette Y...aurait eu la possibilité de choisir cette même option, plus favorable pour elle que celle limitant ses droits au quart des biens en pleine propriété ; que l'opposition des enfants du défunt à l'option déclarée le 15 avril 2008 par Mme Arlette Y...était fondée sur l'existence d'une transaction antérieure entre les parties, et non sur la contestation du cumul des libéralités avec la vocation légale du conjoint survivant ; que la conversion en capital étant plus favorable aux enfants de Claude X...que le maintien de l'usufruit jusqu'au décès du conjoint survivant, il n'y a pas lieu d'évaluer le préjudice résultant de la faute commise par le notaire en considération d'une opposition des cohéritiers à cette première solution retenue par Mme Arlette Y...; que la masse active nette de la succession étant composée de la valeur de cession du camping-caravaning situé à Bidart (7 000 000 euros), du rapport de la donation consentie le 25 janvier 2005 (1 001 870 euros), et du compte d'administration de M. Bernard Z..., moins les impôts sur la plus-value réalisée, frais et droits, et Mme Arlette Y...étant âgée de 54 ans au jour du décès de son mari, la conversion en capital de son usufruit sur les trois-quarts des biens du défunt représente une somme d'au moins 2 757 000 euros ; que du fait du litige l'ayant opposée aux enfants de Claude X...suite à l'option exercée par elle le 15 avril 2008, Mme Arlette Y...a exposé la somme totale de 39 798, 90 euros au titre des frais et dépens ; que le manquement de M. Bernard Z...à son devoir de conseil et d'information a fait perdre à Mme Arlette Y...la chance d'ajouter au quart des biens en pleine propriété, les trois-quarts de ceux-ci en usufruit, ainsi que celle d'éviter des frais de procédure ; que la probabilité de la chance perdue par Mme Arlette Y...étant évaluée à 75 %, l'entier préjudice résultant de la faute commise par M. Bernard Z...sera réparé par le versement des indemnités suivantes : 2 067 750 euros au titre de la perte de chance de pouvoir valablement opter pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit concernant la succession de Claude X...et 29 850 euros au titre de la perte de chance d'éviter les frais de procédure exposés dans l'affaire l'ayant opposée Arlette aux enfants de Claude X...; que le jugement étant infirmé en ce sens, M. Bernard Z...sera condamné à payer ces sommes à Mme Arlette Y..., avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, ceux dus sur l'indemnité de 2 067 750 euros étant capitalisés par année entière à compter de cette même date ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE tout notaire est redevable d'une obligation d'information et de conseil concernant les actes qu'il instrumente ou auxquels il participe ; qu'il appartient au débiteur de cette obligation de rapporter la preuve qu'elle a été remplie ; qu'en l'espèce, le règlement de la succession de M. X...est intervenu dans un contexte de controverse relative à l'application de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 sur la question du cumul éventuel des droits que le conjoint survivant tient de sa vocation légale (un quart en pleine propriété) avec le bénéfice d'une libéralité lui octroyant un droit plus étendu ; qu'un début de réponse est venu d'un avis n° 006-0009 de la Cour de cassation du 25 septembre 2006 (dans le sens du cumul) tandis que l'acte de notoriété remonte au 5 juillet 2006 et la déclaration de succession au 27 juillet 2006 ; qu'il ne peut être reproché à M. Z...et Mme B...d'avoir considéré que les droits de Mme Y...se limitaient à un quart seulement en pleine propriété alors qu'elle pouvait en fait prétendre aussi à l'usufruit sur le surplus ; qu'une telle erreur est en effet excusable puisque la jurisprudence n'était pas encore fixée ; que cela étant dit, en tant que spécialistes de cette matière, les notaires ne pouvaient ignorer l'incertitude juridique, au demeurant assez ancienne, affectant le règlement de la succession qui leur était confiée ; qu'il leur appartenait en conséquence de signaler cette difficulté à Mme Y...afin qu'elle puisse vraiment décider, " en pleine connaissance de cause ",... de se contenter de droits limités à un quart en pleine propriété ; que les défendeurs ne démontrent nullement avoir rempli leur obligation d'information et de conseil à ce sujet ; que la qualité de magistrat exercée par Mme Y...n'a aucune influence sur l'obligation pesant sur les notaires ; que l'information et le conseil sont en effet dus à toute personne concernée par le règlement d'une succession quelles que soient ses compétences juridiques ; que de surcroît, il n'est pas établi que Mme Y...connaissait, compte tenu de ses différentes affectations au cours de sa carrière, particulièrement le droit des successions et a fortiori la réforme législative de 2001 ; qu'il convient au contraire de souligner que cette matière était compliquée même pour des notaires habituellement chargés de l'appliquer puisque M. Z...a estimé nécessaire de consulter le Cridon (centre de recherches, d'informations et de documentation notariales) pour l'éclairer sur l'étendue des droits du conjoint survivant ; que la consultation du Cridon était de surcroît tardive ; qu'en effet, cet organisme n'a été saisi qu'en avril 2008 soit postérieurement à la signature de l'acte de notoriété, de la déclaration de succession mais aussi de l'acte de janvier 2008 qualifié de transaction par les différentes juridictions chargées du litige opposant Mme Y...aux enfants Gelos ; que l'intéressée n'a ainsi pu bénéficier des lumières du Cridon avant de prendre position ; que la présence d'un avocat censé conseiller Mme Y...au cours du règlement de la succession est également indifférente ; qu'en effet, malgré la motivation des précédentes décisions rendues, Mme Y...n'a pas reçu en temps utile de son avocate l'information qui devait lui être fournie sur la controverse doctrinale ainsi qu'il ressort d'un message électronique en date dit 14 avril 2008 adressé par cette avocate à Mme B...: " nous sommes tous partis du principe que la part revenant à ma cliente était d'un quart de la succession, or il s'avère qu'elle est d'un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit. Vous comprendrez mon embarras devant une telle situation que je ne peux mettre sous silence n l'égard de ma cliente " ; que quoiqu'il en soit, chaque professionnel du droit était tenu d'informer Mme Y...sur le risque juridique encouru de sorte que l'éventuel défaut de conseil imputable à l'un des intervenants ne dispense pas les autres de leur propre obligation ; que par conséquent, il sera retenu que M. Z...et Mme B...ont manqué à leur obligation d'information et de conseil en omettant d'aviser Mme Y..., dès le début du règlement de la succession de M. X..., de l'incertitude juridique relative à l'étendue de ses droits successoraux ; que Mme Y...a perdu une chance sérieuse de pouvoir valablement opter pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit sachant que les précédentes juridictions en charge du litige avec les enfants Gelos ont toutes reconnu, conformément à l'avis de la Cour de cassation du 25 septembre 2006, la possibilité pour le conjoint survivant de cumuler ses droits légaux et les libéralités qui lui ont été consenties ;

1°) ALORS QUE les conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable ; qu'en se bornant à retenir que M. Z...ne pouvait se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant retenu la validité de la transaction par laquelle Mme Y...avait renoncé en toute connaissance de cause à une partie de ses droits dans la succession de Claude X...au profit des enfants de ce dernier, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que cette transaction ait été définitivement jugée valable, car conclue en toute connaissance de cause, n'empêchait pas la demanderesse à l'action d'en imputer les conséquences au notaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE seul le préjudice causé par la faute invoquée peut faire l'objet d'une indemnisation ; qu'en retenant qu'en s'abstenant, lors de la rédaction de l'acte de notoriété du 5 juillet 2006 et de la déclaration de succession du 27 juillet 2006, d'informer Mme Y...de l'incertitude entachant l'étendue de ses droits successoraux induite par la loi du 3 décembre 2001, M. Z...lui avait fait perdre une chance d'opter pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit des biens de la succession, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice subi par l'épouse n'avait pas pour seule cause la conclusion, de façon libre et éclairée, début 2008, d'une transaction avec les enfants du défunt, par laquelle elle avait renoncé à une partie de ses droits et à laquelle le notaire n'avait pas participé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, le notaire soutenait que, même en l'absence de conclusion d'une transaction, les enfants de Claude X...auraient en toute hypothèse pu utilement s'opposer à ce que Mme Y...bénéficie de droits successoraux étendus, en faisant valoir que la libéralité qui lui avait été consentie n'était pas une donation entre époux, mais un simple legs antérieur au mariage, qui ne pouvait dès lors se cumuler avec ses droits légaux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de Mme A...par M. Z...;

AUX MOTIFS QU'il est constant qu'aucun appel en garantie n'a été exercé en première instance par M. Bernard Z...à l'encontre de Mme Catherine A..., avocat de Mme Arlette Y...; que M. Bernard Z...justifie l'intervention forcée de Mme Catherine A...en cause d'appel par l'évolution du litige dont il prétend n'avoir eu conscience qu'à la lecture du jugement entrepris, et soutient qu'il appartenait à l'avocat d'avertir sa cliente des avantages qu'elle pouvait tirer de la loi du 3 décembre 2001 ainsi que de l'avis de la Cour de cassation du 25 septembre 2006 ; que Mme Catherine A...réplique que sa mise en cause devant la cour est irrecevable, à défaut de révélation en appel d'une circonstance de fait ou de droit modifiant les données juridiques du litige et du fait de la prescription quinquennale ayant commencé à courir le 12 avril 2010, date de l'assignation délivrée au notaire à la requête de sa cliente ; que dans le courrier électronique adressé le 14 avril 2008 par M. A...à M. Brigitte B..., notaire des enfants de Claude X..., il est fait état de la consultation demandée par M. Z...au Cridon ainsi que de l'acceptation par celui-ci de l'avis de la Cour de cassation en date du 25 septembre 2006 ; il est ainsi établi que M. Z...a eu connaissance de l'intervention de Mme Catherine A...au dossier avant d'être assigné à comparaître devant le tribunal de Grande Instance de Bayonne par exploit du 12 avril 2012. La défense par Mme Catherine A...des intérêts de Mme Arlette Y...étant antérieure à l'action en responsabilité engagée à l'encontre de M. Z..., et étant connue de celui-ci au moins depuis le 14 avril 2008, l'intervention forcée de cette avocate en cause d'appel est irrecevable ;

ALORS QUE l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel est caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; qu'en se bornant à retenir, pour juger irrecevable l'intervention forcée de Mme A...en cause d'appel, que M. Z...n'ignorait pas que cette dernière intervenait dans l'intérêt de Mme Y..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Z...n'avait pas appris à la lecture du jugement que cette dernière avait commis une faute en s'abstenant d'informer sa cliente de l'incertitude affectant l'étendue de ses droits successoraux induite par l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, ce dont il résultait une évolution du litige autorisant son appel en la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-26169
Date de la décision : 22/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 21 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 nov. 2017, pourvoi n°16-26169


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.26169
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