LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de son désistement ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que par lettre du 16 juin 2016, le syndicat national des industries agro-alimentaires (SNI2A) a désigné M. X... en qualité de représentant de section syndicale au sein de l'établissement de Haguenau de la société Mars chocolat France ; que contestant l'existence d'une section syndicale, la société a saisi le tribunal d'instance aux fins d'annulation de cette désignation ;
Sur le premier moyen :
Vu l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande du syndicat et de M. X... tendant à constater l'existence d'une section syndicale et pour annuler la désignation, le jugement retient qu'à elle seule la manifestation de volonté d'un salarié ne suffit pas à caractériser une adhésion au syndicat, que celle-ci suppose une acceptation, ne serait-ce qu'au titre des vérifications élémentaires des conditions statutaires de l'adhésion, que seule la date à laquelle cette adhésion est acceptée par le syndicat peut être prise en considération, et que la preuve de cette date n'est pas rapportée ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si aux termes des statuts, la seule manifestation de volonté d'adhérer au syndicat ne suffisait pas à caractériser cette adhésion, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles L. 2142-1-2 et R. 2143-5 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes de ces textes, le tribunal statue sans frais sur les contestations relatives aux conditions de désignation des représentants de section syndicale ;
Qu'en condamnant in solidum M. X... et le syndicat SNC2A aux dépens, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 juillet 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Haguenau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Schiltigheim ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mars chocolat France à payer au Syndicat national des industries agro-alimentaires et activités connexes CFE-CGC- SNI2A la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X... et le Syndicat national des industries agro-alimentaires et activités connexes CFE-CGC- SNI2A
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir annulé la désignation de Monsieur Karim X... en qualité de représentant de section syndicale du syndicat SNI2A au sein de l'établissement de la société MARS CHOCOLAT France d'HAGUENAU et débouté les exposants de leur demande tendant à voir constater l'existence d'une section syndicale dans l'établissement ainsi que de les avoir condamnés à payer à la société MARS CHOCOLAT France la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la société MARS CHOCOLAT France fait valoir que le syndicat doit démontrer qu'il répond aux conditions fixées par l'article L. 2142-1 du Code du travail et avoir au moins deux adhérents dans l'établissement concerné, ce qui n'est pas le cas ; qu'elle conteste la valeur et la portée des éléments de preuve produits par les défendeurs ; que de leur côté, Monsieur Karim X... et le syndicat CFE CGC SNI2A expliquent que les conditions de l'article L. 2142-1 du Code du travail sont remplies puisque le syndicat est affilié à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel ; qu'ils ajoutent qu'à la date de la notification de la désignation de Monsieur X... comme représentant de la section syndicale, le syndicat comptait au moins deux adhérents dans l'établissement ; que l'article L. 2142-1 du Code du travail (dispose) que « dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 2131-1 » ; que s'agissant du syndicat lui-même, il convient de tenir pour établi au vu de la lettre de la présidente du SNI2A du 5 juillet 2016 et de l'organigramme qui y est joint, que celui-ci est affilié à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel ; que quant à la condition de l'existence de « plusieurs adhérents »- ce qui suppose qu'il y ait au moins deux adhérents au jour de la notification de la création de la section syndicale et de la désignation du représentant – il convient de rappeler que la preuve en incombe au syndicat, dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents, dont seul le juge peut prendre connaissance ; qu'en l'espèce, les défendeurs produisent :- une copie de l'annuaire du syndicat portant le nom de deux adhérents salariés de l'établissement Mars de Haguenau sans aucune mention de date (seule a été communiquée à l'entreprise une version sur laquelle est biffé le nom du second salarié, comme l'exige le principe de la protection de la vie privée du salarié concerné),- la fiche portant le numéro d'adhérent de Monsieur X... (1000090854) indiquant une date de prise d'effet de l'adhésion au 1er janvier 2016, cette date étant dénuée d'effet juridiques notamment à l'égard des tiers,- le chèque de 120 euros établi le 15 juin 2016 à l'ordre du syndicat,- la fiche d'adhérent du second salarié portant le nom de ce salarié et le numéro 1000092230, et la date d'effet de l'adhésion au 1er janvier 2016 (une copie anonymisée a été communiquée à l'entreprise),- la fiche signalétique de ce second salarié remplie par ce dernier le 15 juin 2016 ainsi que le chèque de l'intéressé établi le 15 juin 2016, tous éléments communiqués à l'entreprise sous forme anonymisée mais dont le tribunal dispose avec le nom de l'intéressé,- la fiche signalétique de Monsieur X... établie le 15 juin 2016 ; que ces éléments permettent de tenir pour établi que ces deux salariés ont manifesté leur intention d'adhérer au syndicat le 15 juin 2016, ce qui a été accepté par ce dernier qui les a inscrits sur la liste de ses adhérents ; que pour autant, aucune des pièces versées aux débats, dans le respect du contradictoire, tel qu'aménagé dans le but de respecter la vie privée des salariés tiers au procès, ne permet de constater que l'adhésion des deux salariés a été enregistrée et validée au plus tard à la date du 16 juin 2016 ; qu'à elle seule en effet, la manifestation de volonté d'un salarié ne suffit pas à caractériser une adhésion ; que cette adhésion, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, suppose une acceptation du syndicat, ne serait-ce qu'au titre des vérifications élémentaires des conditions statutaires de l'adhésion et que seule la date à laquelle est acceptée cette adhésion peut être prise en considération ; que par suite et indépendamment du contentieux opposant Monsieur X... et l'un des témoins, Madame Y..., à propos de l'attestation qu'elle a établie, faute par les défendeurs de démontrer à quelle date les deux adhésions ont été acceptées par le syndicat, la requête de la SAS MARS CHOCOLAT France doit être accueillie, et la désignation de Monsieur X... doit être annulée ; que la demande reconventionnelle des défendeurs tendant à voir constater l'existence d'une section syndicale sera, en revanche, rejetée ;
ALORS D'UNE PART QU'en retenant, pour annuler la désignation de Monsieur X... en qualité de représentant de la section syndicale SNI2A, qu'aucune pièce versée au débat ne permet de constater que l'adhésion des deux salariés établissant l'existence d'une section syndicale a été acceptée par le syndicat et validée au plus tard à la date du 16 avril, cependant qu'il n'était pas soutenu par la société MARS CHOCOLAT France que la date d'acceptation de l'adhésion des salariés n'était pas démontrée mais seulement que l'établissement par les deux salariés d'un chèque, en règlement de leur cotisation, ne démontrait pas que les salariés avaient adhéré à la date indiquée compte tenu du nécessaire décalage entre la rédaction des chèques et leur réception par le syndicat, le Tribunal d'instance a violé l'article 4 du Code procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE s'il résulte des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail que pour constituer une section syndicale et désigner un représentant de cette section, un syndicat doit établir la présence d'au moins deux adhérents à la date de cette désignation, aucune disposition légale ne subordonne la reconnaissance de la qualité d'adhérent à l'existence d'une décision syndicale entérinant l'adhésion d'un salarié ; qu'ayant constaté que la preuve était rapportée, par la production de copies de chèques établis en règlement de leurs cotisations par deux salariés ayant adhéré au SNI2A, de fiches signalétiques remplies par les intéressés et d'une liste des adhérents du syndicat, d'une part que deux salariés avaient manifesté à la date du 15 juin 2016 leur volonté d'adhérer au syndicat, d'autre part que ce dernier les avaient admis, le Tribunal d'instance qui a néanmoins annulé la désignation de Monsieur X... au motif que les défendeurs ne démontraient pas à quelle date les deux adhésions avaient été acceptées par le syndicat, a violé, en ajoutant à la loi, les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail, ensemble l'article 9 du Code de procédure civile ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE le principe de la liberté syndicale affirmé par les articles 2 et 3 de la convention 87 de l'OIT, 11 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article L. 2141-1 du Code du travail interdit à l'employeur tout comme au juge de s'immiscer dans l'organisation et le fonctionnement interne d'une organisation syndicale ; qu'en retenant, pour accueillir la demande d'annulation de la désignation de Monsieur X..., qu'est insuffisante à caractériser une adhésion syndicale la manifestation de volonté de deux salariés de devenir membre du SNI2A, exprimée le 15 juin 2016, en ce que seule la date à laquelle ces adhésions ont été acceptées par le syndicat pourrait être prise en considération, quand la détermination des conditions éventuelles ainsi que de la procédure d'admission des membres et celle de la date d'effectivité de leur adhésion relèvent du seul pouvoir du syndicat SNI2A, le Tribunal d'instance a violé le principe de la liberté syndicale garanti par les textes susvisés ;
ET ALORS ENFIN, et en tout état de cause, QU'en statuant par ces motifs généraux et inopérants sans qu'il résulte de ses énonciations qu'une disposition des statuts du syndicat SNI2A aurait fait obstacle à la prise en compte de l'adhésion des nouveaux membres du syndicat, dès la formalisation de la demande d'adhésion et le paiement des cotisations syndicales par les salariés, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(très subsidiaire)Ce moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... et le syndicat SNI2A aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE parties perdantes à titre principal, Monsieur Karim X... et le syndicat CFE CGC SNI2A seront condamnés aux dépens et à payer à l'entreprise 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE selon l'article R. 2143-5 du code du travail applicable aux contestations relatives à la désignation des représentants de la section syndicale, le tribunal d'instance statue sans frais ; qu'en condamnant aux dépens le syndicat SNI2A et Monsieur X..., le tribunal d'instance a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 2142-1-2 du Code du travail.