La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2017 | FRANCE | N°16-83776

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 2017, 16-83776


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Rabah X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la DORDOGNE, en date du 13 mai 2016, qui, pour tentative d'assassinat, l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1

du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Castel, conseiller rapporteur, M....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Rabah X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la DORDOGNE, en date du 13 mai 2016, qui, pour tentative d'assassinat, l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Castel, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller CASTEL, les observations de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-4, 121-5, 132-72, 221-1, 221-3, 221-8, 221-9, 221-9-1 et 221-11 du code pénal, 327 du code de procédure pénale, des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que le procès-verbal des débats énonce que « Le président a présenté les faits reprochés à l'accusé tels qu'ils résultent de l'ordonnance de mise en accusation du 10 Avril 2014 et s'est conformée aux dispositions de l'article 327 du code de procédure pénale, il a également donné connaissance du sens de l'arrêt pénal rendu par la cour d'assises de la Gironde en date du 12 décembre 2014, de la motivation et de la condamnation prononcée à l'encontre de l'accusé ; qu'à l'issue de la présentation, le président a donné lecture de la qualification légale des faits objets de l'accusation ;

"alors que, selon l'article 327 du code de procédure pénale, le président de la cour d'assises est tenu d'exposer les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé, tels qu'ils sont mentionnés, conformément à l'article 184 du même code, dans la décision de renvoi ; que, dès lors qu'il ne résulte pas des énonciations susvisées que le président de la cour d'assises ait exposé les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé, tels qu'ils sont mentionnés dans l'ordonnance de mise en accusation, la cour d'assises a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il est mentionné au procès-verbal des débats que le président s'est conformé aux prescriptions de l'article 327 du code de procédure pénale ; qu'il doit donc être présumé, en l'absence d'un incident contentieux ou d'une demande de donné-acte, qu'aucune méconnaissance desdites dispositions, de nature à porter atteinte aux droits de la défense, n'a été commise ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-4, 121-5, 132-72, 221-1, 221-3, 221-8, 221-9, 221-9-1 et 221-11 du code pénal, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'assises a déclaré l'accusé coupable du crime de tentative d'assassinat avec préméditation, et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, ordonné à son encontre une mesure de cinq ans de suivi socio-judiciaire, mesure comprenant l'injonction de soins, fixé aux deux tiers la période de sûreté, lui a fait interdiction de détenir ou de porter une arme pendant une durée de dix ans et a ordonné la confiscation de l'arme saisie et placée sous scellés, avant de statuer sur les intérêts civils ;

"aux motifs que sur la tentative d'homicide volontaire : Il ressort des débats que M. Rabah X... a reconnu avoir porté trois coups de dague, dont la lame mesurait 29 centimètres, sur les parties vitales de Corinne Y... : un premier coup, avec force, dans la zone cardio-thoracique, sous le sein gauche, traversant la cage thoracique jusqu'à perforer le foie, blessure susceptible d'être létale, un second coup sur la face antérieure de l'épaule droite, enfin un troisième coup au bas du dos alors que la victime se recroquevillait ; que ces blessures, mais principalement la première, ont engagé le pronostic vital de la victime, qui serait décédée si elle n'avait immédiatement été évacuée par hélicoptère et subi une intervention chirurgicale d'urgence (laparotomie) ; qu'il ressort également des débats que les coups portés délibérément sur la victime n'ont été stoppés qu'à la suite de l'intervention d'un témoin, M. Fabrice Z... ; que si l'accusé prétend avoir asséné ces coups de couteau sous l'effet de la colère, sans intention de donner la mort, il a pourtant déclaré aux enquêteurs, dès son appel téléphonique, dont l'enregistrement a été entendu au cours de l'audience, immédiatement après les faits, avoir "poignardé son ex", qu'il avait déjà contrainte, insultée et violentée au cours de leur vie commune ; qu'en outre, l'intention homicide, évoquée au cours des débats, découle des éléments suivants : Au cours des mois précédents, et, notamment, à compter du moment où M. X... a cru, puis su que Corinne Y... avait un nouveau compagnon en la personne de M. Christophe A..., se considérant bafoué, a proféré de nombreuses insultes et menaces de mort à l'encontre de la victime, comme de ses proches, précisant à des membres de son entourage qu'il en avait assez et qu'il tuerait son épouse ; que les enfants du couple ont été témoins de ces menaces, l'aînée ayant voulu prévenir sa mère le jour des faits de la rumination de son père et de l'aggravation des menaces proférées, celui-ci ayant précisé qu'il prévoyait de se retrouver en prison, leur mère finissant "là-haut", alors qu'il avait également formulé l'intention de supprimer son compagnon ; qu'il avait, par ailleurs, indiqué aux enfants - dont il précise que les déclarations sont conformes à la réalité - se trouver face à l'alternative suivante : les emmener de force en Algérie ou bien égorger leur mère, reconnaissant toutefois à l'audience qu'il se trouvait en situation économique particulièrement précaire, n'ayant nullement les moyens d'effectuer ce voyage, de sorte que le seul projet réellement envisageable comme se trouvant effectivement à sa portée s'avère être le deuxième terme de l'alternative ; qu'au cours du week-end des faits, M. X... a exercé, par des appels téléphoniques violents, des pressions sur Corinne Y... afin qu'elle consente à une confrontation, et il a, le jour des faits, écarté les enfants de son domicile pour demeurer seul avec la victime, alors qu'il était convenu qu'elle venait, certes pour évoquer sa nouvelle situation, affective, mais, surtout, pour prendre en charge ses filles à l'issue du droit d'hébergement exercé par le père ; que la victime craignait que cette entrevue se déroule dans un climat tel qu'elle avait sollicité le concours préventif de la gendarmerie pour tenter d'échapper à la violence de son mari, qui ne s'est pas contenté de ses poings, malgré sa qualité d'ancien boxeur, choisissant de s'équiper d'un long poignard pour frapper son ex-compagne, reconnaissant avoir bénéficié d'une formation à l'utilisation de ce type d'armes ; qu'ainsi, en raison de l'utilisation d'une arme blanche, létale par nature et dissimulée, des trois coups portés dont un à proximité immédiate du coeur, des constatations médico-légales débattues à l'audience et des déclarations concordantes des témoins, il ressort que, sans l'intervention du témoin M. Z... et la prise en charge hospitalière rapide de la victime, M. X... serait parvenu à ses fins meurtrières, de sorte que la tentative d'homicide volontaire est juridiquement caractérisée ;

"1°) alors que la tentative d'assassinat est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ; qu'en se bornant à affirmer que les coups portés délibérément sur la victime par l'accusé n'auraient été stoppés qu'à la suite de l'intervention d'un témoin, sans faire connaître les circonstances précises par suite desquelles la tentative d'assassinat aurait été suspendue ou manqué son effet, la cour d'assises a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors qu'en matière criminelle, l'intention est toujours requise ; qu'en affirmant que l'intention homicide de l'accusé découlerait, d'abord, de menaces et insultes proférées à l'encontre de la victime, ensuite, des propos tenus à ses enfants quant aux termes, extrêmes, de l'alternative qui s'offrait à lui, enfin, de l'exercice de pressions sur la victime afin de parvenir à échanger avec elle sur sa situation et celle de leurs enfants, cependant qu'il se déduit de ces circonstances la seule exaspération de l'accusé à l'encontre de la victime compte tenu de la tournure de leur divorce, et non une intention homicide, la cour d'assises n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen pris de la violation des articles 121-4, 121-5, 132-72, 221-1, 221-3, 221-8, 221-9, 221-9-1 et 221-11 du code pénal, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'assises a déclaré l'accusé coupable du crime de tentative d'assassinat avec préméditation, et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, ordonné à son encontre une mesure de cinq ans de suivi socio-judiciaire, mesure comprenant l'injonction de soins, fixé aux deux tiers la période de sûreté, lui a fait interdiction de détenir ou de porter une arme pendant une durée de dix ans et a ordonné la confiscation de l'arme saisie et placée sous scellés, avant de statuer sur les intérêts civils ;

"aux motifs que sur la circonstance aggravante de préméditation : Il est établi par les débats que, si M. X... a prétendu, à l'arrivée de la victime, que les enfants qu'elle venait chercher se trouvaient dans la maison pour l'y attirer à l'intérieur, il s'était organisé pour les écarter de la scène de crime, à la fois pour se trouver seul avec Corinne Y... et épargner à ses filles la vision du crime projeté et annoncé, en les confiant à une amie du couple peu de temps avant le moment convenu pour leur remise à leur mère ; qu'il a également reconnu avoir confisqué le téléphone de sa fille pour l'empêcher de prévenir sa mère du projet, exprimé, d'attenter à ses jours ; que M. X..., qui a également tenté, le jour des faits, de déposer à la brigade de gendarmerie locale, une protestation d'adultère, selon ses propres termes, invoque une colère incontrôlée pouvant justifier les coups portés avec cette dague ; que toutefois, il a expliqué ne pas se souvenir d'avoir voulu menacer sa victime, et n'explique pas davantage comment cette colère - qu'il entretenait depuis le vendredi soir, lorsqu'il avait entr'aperçu le nouveau compagnon de son épouse au volant du camping-car qui avait transporté ses filles jusqu'à chez lui -, ne s'est pas seulement exprimée à l'aide de cris, insultes, voire coups, mais en utilisant une dague disposée de façon à être disponible, dans son dos, au moment où la victime l'a rejoint au portail de son domicile, ce qui constitue un élément de préparation ; qu'en outre, M. X... a prétendu que l'arme, habituellement rangée sur une étagère, s'était trouvée à sa disposition, sur la table du salon, car il s'en était servi le matin même pour effectuer quelques plantations de petite taille ; que toutefois, aucune trace de terre ne se trouvait sur la lame, l'accusé ayant prétendu l'avoir nettoyée, sans toutefois avoir rangé l'arme hors de portée des enfants, alors qu'une petite pelle à bout pointu, permettant également de creuser un trou, a été trouvée, à proximité des plates-bandes et portant des résidus de la même terre, de sorte que les allégations de l'accusé, prétendant avoir utilisé le poignard pour jardiner sont contradictoires avec les circonstances débattues à l'audience ; qu'il a toutefois reconnu l'avoir dissimulée sur lui dans l'intention de s'en servir contre son épouse, prétendant ensuite avoir choisi ce grand modèle pour l'impressionner, ce qui demeure également contradictoire avec le fait établi qu'il ne l'a aucunement menacé avec cette arme ; qu'ainsi, les débats ont permis de relever que M. X..., blessé dans son amour propre par la présence d'un nouveau compagnon auprès de son épouse, dont il était séparé depuis deux ans, avait depuis longtemps conçu le projet d'attenter à la vie de son épouse, et a mis en place, tout au long du week-end des faits, une organisation susceptible de faciliter son passage à l'acte, l'ensemble de ces circonstances qualifiant la circonstance de préméditation ;

"alors que la préméditation résulte du dessein formé par son auteur, avant l'action, d'attenter à la vie de la victime ; qu'en affirmant que la préméditation de l'accusé se déduisait d'une organisation qu'il aurait mise en place tout au long du week-end des faits, pour faciliter son passage à l'acte, cependant que les principales circonstances relatées, tirées de l'éloignement des enfants et le recours à une dague, reflètent le dessein non pas forcément d'attenter à la vie de la victime, mais avant tout d'impressionner celle-ci et de lui manifester son exaspération compte tenu de la tournure de leur divorce, la cour d'assises a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, et justifié sa décision, conformément à l'article 365-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83776
Date de la décision : 15/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises de la Dordogne, 13 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 nov. 2017, pourvoi n°16-83776


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83776
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award