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15/11/2017 | FRANCE | N°16-19364

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2017, 16-19364


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée à compter du 17 janvier 2000 en qualité d'ingénieur d'études en informatique statut cadre, par la société Sharp Manufacturing France, a été promue à compter du 1er octobre 2005 assistante manager ; que, membre du comité d'entreprise à compter du 3 juin 2010 jusqu'au 2 juillet 2013, elle a saisi la juridiction prudhomale le 29 juillet 2013 d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'elle a été déclarée par le médecin du trav

ail à l'issue de la seconde visite médicale inapte à son poste et apte à u...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée à compter du 17 janvier 2000 en qualité d'ingénieur d'études en informatique statut cadre, par la société Sharp Manufacturing France, a été promue à compter du 1er octobre 2005 assistante manager ; que, membre du comité d'entreprise à compter du 3 juin 2010 jusqu'au 2 juillet 2013, elle a saisi la juridiction prudhomale le 29 juillet 2013 d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'elle a été déclarée par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite médicale inapte à son poste et apte à un poste sur un autre site ; que, convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 5 février 2014, elle a été licenciée par lettre du 17 février 2014 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1235-2 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société à payer des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt, après avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effets d'un licenciement nul, retient que conformément au principe de réparation intégrale du préjudice résultant d'un licenciement nul, la salariée est fondée à obtenir des dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail soit du délai de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation et la date fixée pour l'entretien préalable ;

Attendu cependant, que lorsque le contrat de travail est rompu par une résiliation judiciaire et non par un licenciement, le salarié ne peut prétendre à une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, avis ayant été donné aux parties dans le rapport ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sharp Manufacturing France à payer la somme de 3 852, 30 € à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure, l'arrêt rendu le 28 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Déboute Mme X... de sa demande au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président et Mme Slove, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sharp Manufacturing France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de l'avertissement notifié le 18 juillet 2012 à Mme Christine X..., prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Christine X... aux torts exclusifs de l'employeur et dit que la rupture du contrat de travail avait les effets d'un licenciement nul, d'AVOIR condamné la société Sharp Manufacturing France à payer à Mme Christine X... les sommes de 11 556, 90 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 155, 69 € au titre des congés payés afférents, 46 234, 68 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement nul, 5 000 € à titre de dommages et intérêts au titre des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, 3 852, 30 € au titre de l'irrégularité de procédure et 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1154-1 du code du travail prévoit que « lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. » ; que dès lors que le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il est constant que Mme Christine X... a été licenciée pour inaptitude par courrier de la société Sharp Manufacturing France en date du 17 février 2014 ; qu'à l'appui de ses prétentions relatives à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, Mme X... soutient que la société Sharp a manqué à ses obligations et qu'elle a été victime de harcèlement managérial ; que Mme X... fait valoir :
- que son employeur lui a imposé une modification de son contrat de travail en la nommant aux fonctions d'assistante manager, par courrier en date du [20] décembre 2005 entérinant une situation de fait depuis le 1er octobre 2005, que ces manquements ont perduré jusqu'à son arrêt maladie, et qu'ils étaient suffisamment actuels et sérieux pour légitimer la rupture du contrat ; Mme X... souligne qu'outre l'absence d'avenant, aucune fiche de poste précisant ses missions et ses responsabilités n'a été établie, alors qu'elle a régulièrement sollicité des précisions, notamment dans ses auto-évaluations de 2010 et de 2011 ;
- que son employeur a manqué à son obligation de formation ;
- que sa situation professionnelle s'est dégradée à partir du moment où son supérieur hiérarchique direct, M. Y..., a pris la responsabilité d'un autre service en novembre 2010 et où elle-même a vu ses tâches et responsabilités augmenter et a dès lors été placée dans une situation inconfortable ; Mme X... explique que face à ses difficultés, dont elle a fait part à son employeur au regard de ce qu'elle devenait le supérieur hiérarchique de collègues dont elle était jusqu'alors l'homologue, la réponse à sa demande de soutien qui a été donnée par sa hiérarchie a été d'engager une procédure disciplinaire dont l'issue a été un avertissement qui lui a été notifié en main propre avec une signature obtenue sous la contrainte, sanction dont elle conteste le bien fondé en demandant son annulation. Le même jour son employeur lui a fait signer un'plan de progrès';
- que ce harcèlement managérial a contribué à dégrader son état de santé.
Que l'appréciation d'ensemble de ces divers éléments, qui sont appuyés par de nombreuses pièces versées aux débats par Mme X..., permet de présumer une situation de harcèlement moral ; qu'il y a donc lieu d'examiner les explications et éléments dont se prévaut l'employeur afin d'évaluer le bien fondé des prétentions de Mme X... au titre de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, la salariée soutenant que cette situation de harcèlement moral est à l'origine de son inaptitude ; que face aux éléments avancés par Mme X... quant à la modification unilatérale des relations contractuelles et quant aux difficultés rencontrées par la salariée dès lors que son supérieur hiérarchique a été amené à diriger non seulement le service informatique mais aussi la'supply chain', la société Sharp se limite à affirmer que Mme X... ne lui a jamais adressé de griefs jusqu'à ce que son conseil lui envoie un courrier daté du 15 février 2013, alors que la salariée était en arrêt maladie ; que la cour constate que Mme Christine X... a accédé à compter du 1er octobre 2005 à des fonctions d''assistante manager'qui ont été présentées par la société Sharp, dans un courrier en date du 20 décembre 2005 à effet rétroactif au mois d'octobre, comme le pendant d'une augmentation de la rémunération mensuelle de Mme X... à hauteur de 7 % récompensant ses résultats et de la qualité de son travail, l'employeur indiquant simplement : « cette promotion est accompagnée d'une nomination en tant qu'assistante manager » ; que la cour constate également qu'en l'état des données du débat, et notamment en l'état des 29 pièces produites par la société intimée, aucune fiche de poste accompagnant cette'nomination'n'a été transmise à Mme X... qui n'est d'ailleurs pas contredite par l'employeur lorsqu'elle explique que la consistance de ce poste lui a posé problème dès lors que son supérieur hiérarchique M. Y...a cumulé sa fonction de responsable du service informatique avec celle d'un autre service à partir du mois de novembre 2010 ; que l'entretien d'évaluation de Mme X... pour l'année 2010 (annexe 16 de l'appelante) mentionne d'ailleurs, parmi les objectifs 2011, celui de « prendre la place d'assistant manager en animant l'équipe de service », ce qui laisse à comprendre que cette place d''assistante manager'n'était alors pas encore occupée par Mme X..., sans qu'aucun reproche quant à cette situation n'ait été fait à l'intéressée qui au contraire a pu bénéficier d'augmentations régulières traduisant la satisfaction de son employeur de 2005 à 2010 quant à ses prestations professionnelles ; que la cour relève que dans son auto évaluation du 27 octobre 2011 (annexe 20 de l'appelante) Mme X... a clairement indiqué que l'équipe est passée de 6 à 4 personnes tout en devant fournir le même niveau de service, et a tout aussi clairement questionné son employeur sur sa mission et souhaité faire un bilan de compétence, et ce au regard du constat suivant : « Mon poste d'assistante manager est mal défini (il est différent selon les services). J'ignore quelles sont mes responsabilités, mon rôle, du point de vue concret. J'ai une fiche de poste mais elle contient des directives qui se résument à « assurer le bon déroulement du service ». Par exemple, je peux signer des congés, mais pas participer aux assesments (même du point de vue consultatif) ni gérer le planning de développement des membres IT. L'année dernière je posais déjà la question : quel est mon métier ? J'ai déjà demandé une fiche de mission, que j'attends. » ; que la cour retient que non seulement Mme X... n'a pas trouvé réponse à ses demandes, mais que les annotations portées par son supérieur hiérarchique direct M. Y...sur l'évaluation 2011 traduisent sa parfaite conscience des difficultés rencontrées par Mme X... au regard notamment du flou de sa fonction, au point qu'il évoque « une certaine frustration », « beaucoup de difficultés à se placer au-dessus du groupe des informaticiens en tant AM », tout en mentionnant parmi les objectifs 2012 celui de « prendre la place d'assistante manager » et « savoir diriger une équipe d'ingénieurs » ; que cette évaluation 2011 mentionne par ailleurs des résultats de Mme X... conformes aux résultats attendus ; que si Mme X... fait état de la défaillance de l'employeur dans son obligation de formation de la salariée qui a expressément évoqué ses difficultés, il est à noter que la société Sharp ne fait état d'aucune réponse apportée à l'intéressée pour faire face à ses nouvelles responsabilités ; que la cour retient également que jusqu'à la première procédure disciplinaire envisageant un licenciement qui a été initiée par la société Sharp au cours du mois de juin 2012, aucune remarque écrite n'a été adressée à Mme X... concernant tant son comportement que la qualité de ses prestations de travail ; que la société Sharp se prévaut du bien fondé de l'avertissement qui a été notifié à Mme X... par lettre remise en main propre le 18 juillet 2012, et ce au terme d'une procédure disciplinaire avec convocation de la salariée à un entretien préalable fixé au 27 juin 2012 ; que cet avertissement évoque en premier lieu un projet PSI confié à Mme X... par son supérieur hiérarchique en septembre 2010, dont la réalisation devait être achevée en décembre 2011, et pour lequel Mme X... a proposé un délai supplémentaire de 6 mois qui a été accepté par son supérieur hiérarchique M. Y...qui s'est finalement ravisé et « a décidé de remanier le système existant et d'arrêter le développement du projet » en avisant Mme X... de cette décision le 20 mai 2011 ; que cette sanction vise également des griefs tenant au manque de collaboration et de disponibilité de Mme X... envers ses interlocuteurs internes, une « dégradation de l'ambiance au niveau de l'équipe informatique » et notamment « pas de passage de relais lors de votre prise de congés », « le comportement que vous pouvez avoir », et résume les reproches fait à l'assistante manager comme suit : « Les explications que nous avons recueillies, votre difficulté à mener un projet à son terme, votre difficulté à animer une équipe et votre comportement, nous amènent à vous notifier un avertissement qui figurera à votre dossier... » «... Nous vous demandons d'apporter davantage de professionnalisme dans votre travail (projets), de respecter les délais fixés aux projets qui vous sont confiés et d'adopter un comportement altruiste (être à l'écoute des interlocuteurs internes et de leurs besoins en matière informatique et restaurer un bon climat au sein de l'équipe informatique), faute de quoi vous nous verriez obligés de prendre d'autres mesures à votre encontre » ; qu'outre le constat de l'absence de toute démonstration du bien fondé des griefs, notamment quant à la responsabilité de Mme X... dans le non aboutissement du projet PSI, et l'inconsistance de griefs reprochés à Mme X... au terme de plus de dix ans d'ancienneté alors qu'elle n'avait jamais été concernée par de quelconques sanctions, la cour retient du contenu du témoignage écrit de M. Yves Z...(annexe 34 de l'intimée), conseiller du salarié qui a assisté Mme X... tant lors de l'entretien préalable que lors d'une réunion tenue le 18 juillet 2012, que la salariée a été contrainte à l'issue de cette dernière réunion de signer l'avertissement qui lui était présenté avec la mention'lu et approuvé'sous la menace d'être sanctionnée plus sévèrement ; que si la société Sharp affirme dans ses écrits que Mme X... n'a pas contesté cet avertissement, l'absence de courrier de contestation de la part de la salariée dans les jours et semaines suivant son prononcé ne peut être considérée comme étant révélatrice d'une acceptation tacite de sa part, et ce au regard des conditions dans lesquelles son acquiescement écrit a été exigé ; qu'au demeurant le conseil de Mme X... a contesté cet avertissement par courrier en date du 13 février 2013 évoquant d'ailleurs la prescription de certains faits, courrier auquel aucune réponse n'a été donnée par l'employeur ; qu'en conséquence, au regard du caractère infondé et de l'inanité des griefs retenus à l'encontre de Mme X..., cet avertissement notifié le 18 juillet 2012 à la salariée sera annulé ; que la cour relève que concomitamment à cette sanction injustifiée notifiée dans les circonstances ci-avant évoquées à la salariée, la société Sharp a notifié dans les mêmes formes à Mme X... un'plan de progrès', définissant des axes principaux et notamment « retrouver une reconnaissance et une légitimité dans l'équipe, un dialogue ave E. Bourdin, un dialogue avec mon manager » ; que le document produit par la société Sharp (sa pièce 9) comporte de façon symptomatique sur le même feuillet des objectifs concernant M. B. Y...fixés le 16 juillet 2012, soit des réunions hebdomadaires, fournir des éléments permettant au manager de préparer les entretiens 2012, « avant les congés d'été être à l'initiative d'un entretien avec E. Bourdin et faire un retour au manager », « se mettre en veille sur les projets en cours », « par le dialogue avec les membres du service informatique, établir le planning des congés d'été. Feedback au manager en cas de problème » ; que la cour retient que cette pièce 9 " plan de progrès " de l'employeur ne fait que confirmer la situation dénoncée depuis plusieurs mois par Mme X... quant à l'absence de toute définition de ses responsabilités et compétences, et notamment de ses frontières par rapport à celles de M. Y..., qui demeurait responsable du service informatique bien qu'il soit " en retrait " depuis qu'il assumait également le fonctionnement d'un autre service ; que la cour retient également que la société Sharp n'hésite pas à se prévaloir de l'entretien d'évaluation établi le 17 octobre 2012 par M. Y..., en sa qualité de supérieur hiérarchique direct de Mme X..., qui tout en étant responsable du service informatique n'hésite pas à imputer la responsabilité de l'arrêt du projet CTO PSI à Mme X..., qui évalue six objectifs sur sept atteints à 0 %, et qui n'hésite pas à conclure : « résultats insuffisants : Christine n'a pas réussi à se positionner comme « assistant manager ». Il existe un gros problème de reconnaissance de la part de l'équipe informatique, qui a été renforcé par l'échec du projet PSI. » ; que cette conclusion, qui attribue à Mme X... la responsabilité de l'intégralité des problèmes du service informatique tant en termes de prestations (projet PSI notamment) qu'en termes de relations de travail, est d'autant moins acceptable que Mme X..., à laquelle ces fonctions d'« assistant manager » étaient attribuées depuis octobre 2005 soit depuis sept années révolues, avait jusqu'alors toujours été évaluée positivement ; que si au soutien de la responsabilité de Mme X... la société Sharp se prévaut des attestations non seulement du supérieur hiérarchique direct de Mme X..., M. Y..., mais aussi de collègues membres de l'équipe informatique, y compris M. Éric A...avec lequel Mme X... était pourtant en conflit connu de l'employeur, ces témoignages ne font que confirmer la description de l'évolution contractuelle faite par l'appelante, soit que Mme X... a rencontré une dégradation de ses conditions de travail dès lors que son manager M. Y...lui a laissé « les rennes du service », sans lui céder la contrepartie des responsabilités en termes d'autorité notamment pour pouvoir s'imposer à ses collègues (ceux-ci allant dans leurs témoignages jusqu'à lui reprocher des congés ou des astreintes non prises) et manifestement sans aucun soutien de sa hiérarchie ; que M. Y...indique dans son témoignage que Mme X... est " un chef peu exemplaire ", manifestait un " manque de solidarité ", un " style autoritaire ", sans à aucun moment préciser quelles étaient les attributions concrètes de l'appelante permettant de la qualifier de " chef ", puisqu'il s'avère que Mme X... ne pouvait même pas gérer les congés de ses collègues, notamment ceux de M. A...; que le témoignage de M. B..., outre qu'il confirme la charge de travail importante du service, s'applique à faire état de l'isolement de Mme X... dès lors qu'elle a été " chef ", fonction qui selon lui servait à imposer des projets à ses collègues ; que son contenu emprunt de subjectivité n'apporte aucune indication utile aux débats ; que M. A..., que Mme X... décrit comme ayant été animé par la volonté d'obtenir sa place d'assistant manager qu'il a fini par obtenir (information non démentie par l'employeur), évoque quant à lui des « altercations » qui l'ont opposé à Mme X..., notamment à propos des congés, et mentionne « j'ai fait part à plusieurs reprises (DRH, M. Y...) de la non répartition des tâches au sein du service ainsi que du comportement de Christine qui ne semblait se préoccuper que de sa propre personne » ; qu'en l'état des pièces produites par l'employeur, la société Sharp ne justifie d'aucune diligence décidée et mise en oeuvre afin de mettre fin au conflit opposant M. A...à Mme X... et ne dément pas les indications données par cette dernière qui précise qu'elle a sollicité une médiation avec son collègue à laquelle sa hiérarchie a répondu par la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire ; qu'en conséquence les éléments dont se prévaut la société Sharp sont insuffisants pour renverser la présomption résultant de l'appréciation d'ensemble des divers éléments produits par Mme Christine X... à l'appui de faits de harcèlement dont elle a été victime dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'au soutien du lien entre les carences managériales et organisationnelles de l'employeur et la dégradation de l'état de santé puis l'inaptitude, la cour retient que Mme Christine X... se prévaut, outre de la proximité entre l'entretien annuel 2012 et son arrêt de travail, de ce que le médecin du travail a préconisé le 30 octobre 2013 lors de la visite de pré-reprise un reclassement sur un autre site, puis lors de la visite de reprise de ce qu'il a indiqué que le retour sur le site serait néfaste à la santé de Mme X... ; qu'aussi, au regard de la nature et de la gravité des manquements de la société Sharp à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de sécurité de résultat, il sera fait droit aux prétentions de Mme X... au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail qui sera prononcée aux torts exclusifs de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul en application de l'article L 1152-3 du code du travail ; que compte tenu du niveau de rémunération et de l'ancienneté de Mme X..., il lui sera alloué la somme de 46 234, 68 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; qu'il sera également fait droit aux prétentions de Mme X... visant à obtenir réparation des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ; qu'au regard de la période concernée au cours de laquelle ces manquements ont été commis, il sera alloué à Mme X... la somme de 5 000 euro à ce titre ; qu'enfin la société Sharp Manufacturing France sera condamnée à payer à Mme X... la somme de 11 526, 90 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 155, 69 euro de congés payés afférents ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel dont l'arrêt constate qu'elles ont été oralement soutenues (arrêt, p. 3), si la salariée invoquait l'absence d'avenant lors de son accession au poste d'assistante manager, c'était pour en déduire l'absence de description suffisamment précise de ses fonctions et non pour invoquer une modification unilatérale de son contrat de travail, la salariée n'ayant jamais prétendu que ce poste lui aurait été imposé ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que la salariée faisait valoir que son employeur lui avait imposé une modification de son contrat de travail en la nommant aux fonctions d'assistante manager par courrier en date du [20] décembre 2005, et en reprochant à l'employeur de ne pas répondre aux éléments avancés par la salariée quant à la modification unilatérale des relations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ALORS en tout état de cause QUE le salarié doit établir la matérialité des faits qui, selon lui, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée, après avoir énuméré les différents faits invoqués par la salariée, à énoncer que l'appréciation d'ensemble de ces divers éléments qui étaient appuyés par de nombreuses pièces versées aux débats par Mme X..., permettait de présumer une situation de harcèlement moral ; qu'en statuant de la sorte, par le simple visa de pièces non identifiées, sans analyser les pièces en cause et sans expliquer en quoi chaque fait invoqué était matériellement établi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues (p. 4), la société Sharp Manufacturing France contestait l'existence de la prétendue sollicitation de médiation alléguée par Mme X... et indiquait que cette dernière n'avait jamais fait part à son employeur des difficultés rencontrées avec son collègue M. A...; qu'en affirmant que l'employeur ne démentait pas les indications données par la salariée qui précise qu'elle a sollicité une médiation avec son collègue, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait une liste des formations suivies par Mme X... (prod. 7) ; qu'en retenant une défaillance de l'employeur dans son obligation de formation de la salariée, sans viser ni examiner cette pièce, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Sharp Manufacturing France à payer à Mme Christine X... la somme de 3 852, 30 € au titre de l'irrégularité de procédure,

AUX MOTIFS QUE conformément au principe de réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul, il sera enfin fait droit aux prétentions de Mme X... pour procédure irrégulière au regard du non-respect des dispositions de l'article L 1232-2 alinéa 3 du code du travail en vertu desquelles l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation à entretien préalable ; qu'il lui sera alloué la somme de 3 852, 30 euro à ce titre ;

1. ALORS QUE lorsque le contrat de travail est rompu par une résiliation judiciaire et non par un licenciement, le salarié ne peut prétendre à une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; qu'en particulier, lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur l'a licencié ultérieurement, le juge qui prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ne peut examiner la régularité de la procédure de licenciement ; qu'en accordant à la salariée une indemnité pour irrégularité de la procédure au prétexte du non-respect du délai de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre et la tenue de l'entretien préalable, quand le contrat avait été rompu par une résiliation judiciaire du contrat de travail et non par un licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-2 du code du travail, ensemble les articles L. 1231-1 et L. 1235-2 du même code et l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2. ALORS en toute hypothèse QU'en s'abstenant de préciser à quelle date la lettre de convocation à l'entretien préalable avait été présentée ou remise en mains propres, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19364
Date de la décision : 15/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 28 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 nov. 2017, pourvoi n°16-19364


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19364
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