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15/11/2017 | FRANCE | N°16-13330

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2017, 16-13330


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2016), que Mme X..., engagée à compter du 1er septembre 2009 en qualité de chef d'établissement par l'association Ogec Louis Pasteur selon lettres de mission de la direction diocésaine et de l'évêque pour diriger trois établissements, a, après convocation le 30 novembre 2011 à un entretien préalable pour le 7 décembre et mise à pied conservatoire, été licenciée par lettre du 14 décembre 2011 pour faute grave de harcèlemen

t moral ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de dire le licenciemen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2016), que Mme X..., engagée à compter du 1er septembre 2009 en qualité de chef d'établissement par l'association Ogec Louis Pasteur selon lettres de mission de la direction diocésaine et de l'évêque pour diriger trois établissements, a, après convocation le 30 novembre 2011 à un entretien préalable pour le 7 décembre et mise à pied conservatoire, été licenciée par lettre du 14 décembre 2011 pour faute grave de harcèlement moral ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer en conséquence des dommages-intérêts à ce titre ainsi que les indemnités de rupture, le rappel de salaire sur mise à pied et à rembourser Pôle emploi de six mois d'indemnité de chômage, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en l'espèce, l'association Ogec Louis Pasteur avait fait valoir et démontré, dans ses écritures oralement reprises, qu'à la rentrée scolaire 2011/2012, la salariée avait « continué son management désastreux et son comportement volontairement vexatoire et humiliant auprès de bon nombre de salariés et, en particulier, de Mme Y... » ; qu'elle avait produit à l'appui de ce moyen un courrier du conseil de Mme Y... en date du 19 septembre 2011, invoquant expressément la reprise, par la salariée, du comportement de harcèlement moral à l'origine de son arrêt de travail antérieur et indiquant « … subir au quotidien, de nouveau, les insultes, humiliations et comportements inadmissibles de la directrice », citant à l'appui de cette dénonciation des faits très précisément datés de la fin du mois d'août ou de septembre 2011 ; qu'en retenant, pour déclarer prescrits les faits de harcèlement moral invoqués à l'appui du licenciement, que « … la lettre de licenciement fait expressément référence à des événements survenus au premier semestre 2011 et il n'est établi aucun fait survenu par la suite» la cour d'appel, qui a dénaturé par omission le courrier du conseil de Mme Y... en date du 19 septembre 2011, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2°/ que l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que « …les faits reprochés concernant Mme Y... étaient largement prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement… » dès lors que « …la lettre de licenciement [faisait] référence à des évènements survenus au premier semestre 2011 et il n'est établi aucun fait survenu par la suite », quand il était ainsi démontré que le comportement de harcèlement moral de la directrice s'était poursuivi pendant la période non prescrite, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1332-4 du code du travail ;

3°/ que l'attestation du comptable M. Z..., délivrée à l'employeur le 6 décembre 2011, faisait état de faits commis par la salariée en septembre 2011 : « Je subissais des interrogatoires quand quelqu'un venait dans le bureau : après la visite de M. A..., prof. d'espagnol – septembre 2011 …elle me donnait des tâches qui ne relevaient pas de ma fonction – janvier à septembre 2011 … » ; qu'en retenant à l'appui de sa décision « … que l'attestation de M. Z... en date du 6 décembre 2011 fait état selon l'employeur lui-même de faits se situant au premier semestre 2011 », la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits qui leur sont soumis ;

4°/ que l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que « …les faits reprochés étaient largement prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement… » et « … que si l'employeur entendait se fonder uniquement sur les déclarations de Mme Y... les faits dénoncés par cette dernière étaient largement prescrits lors de l'engagement des poursuites disciplinaires », quand il ressortait tant de la lettre de licenciement que de ses propres constatations que l'association Ogec Louis Pasteur invoquait également et démontrait la révélation, par les témoignages recueillis lors de l'expertise du CHSCT ouverte le 4 novembre 2011 mais également par la réception de convocations à des procédures prud'homales pour harcèlement moral en octobre 2011, par le procès-verbal du CHSCT extraordinaire du 29 novembre 2011 et par le courrier du médecin du travail du 7 décembre 2011, que le comportement délétère et inadapté de la directrice touchait d'autres salariés que Mme Y... et s'était poursuivi à l'intérieur du délai de deux mois précédant l'engagement des poursuites, la cour d'appel a violé derechef le texte susvisé, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;

5°/ que le juge ne doit pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, le courrier de Mme Y... du 20 mai 2011, qui fixait le point de départ du harcèlement moral souffert « à la fin de l'année 2010 », donc antérieurement à l'entrée en vigueur de la nouvelle classification conventionnelle, accusait expressément la directrice de lui « faire vivre un enfer », de la confiner dans des tâches secondaires quand elle ne se contentait pas de la placer devant une table vide et de lui dire : « occupez-vous ! », de ne pas lui permettre d'accéder au bureau où elle l'avait affectée, de ne pas lui transmettre les codes informatiques de son ordinateur, de l'isoler de ses collègues, de l'accabler de directives contradictoires, tous faits ayant engendré une grave détérioration de son état de santé ; qu'en retenant à l'appui de sa décision « … que Mme Y... axait son motif de mécontentement sur le fait qu'elle avait dû changer de bureau et d'affectation alors qu'il n'est pas contesté qu'en application de la nouvelle convention collective elle passait du statut de cadre à celui d'agent de maîtrise… » la cour d'appel, qui a dénaturé le courrier du 20 mai 2011, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

6°/ qu'aux termes du courrier de son conseil du 19 septembre 2011, Mme Y... avait précisé que depuis la reprise de son activité, le 22 août 2011, elle « vivait une situation encore plus dramatique que précédemment » ; qu'elle se trouvait « …mise au placard de manière particulièrement traumatisante et humiliante après vingt-six années dévouées au collège. Pour exemple, le lundi 29 août 2011, la directrice a convoqué un conseil de direction en excluant uniquement Mme Y..., alors qu'étaient invités les comptables et l'aide comptable. Mme Y... s'est ainsi retrouvée toute seule au sein de l'établissement Pasteur pendant le conseil de direction. Elle subit au quotidien, de nouveau, les insultes, humiliations et comportements inadmissibles de la directrice. Celle-ci n'hésite pas à lui donner ordres et contre-ordres, à la faire courir d'un établissement à l'autre pour multiplier les reproches (…) » ; que ce comportement engendrait « des répercussions plus qu'alarmantes sur son état de santé » ; que les faits ainsi allégués caractérisaient un comportement de harcèlement moral ; qu'en retenant à l'appui de sa décision « … que pour ne pas pénaliser Mme Y... qui devait prendre sa retraite trois ans plus tard, il avait été convenu de maintenir les deux postes de secrétaire de direction (…) en réorganisant leurs tâches ; que Mme Y... a bénéficié par la suite d'un arrêt de travail de février à juin 2011 au cours duquel elle ne peut faire état d'un quelconque harcèlement ; qu'il ne peut donc être retenu un harcèlement moral de la part de la directrice au préjudice de Mme Y... d'une part en raison de la prescription des faits et d'autre part en l'absence de toute responsabilité de la part de la directrice dans les griefs exprimés par Mme Y... », la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

7°/ que dans l'attestation qu'il avait délivrée à l'association Ogec Louis Pasteur le 6 décembre 2011 après avoir été entendu par l'expert désigné à la requête du CHSCT, M. Z..., décrivant le comportement de la directrice et précisant des faits qui s'étaient déroulés en 2010 et 2011, certains datés de septembre 2011 : énonçait « …elle me donnait des directives qu'elle niait m'avoir données par la suite…j'étais accusé de perdre des documents qu'elle finissait par retrouver en mettant de l'ordre dans son bureau et me les remettait comme si de rien n'était dans ma bannette…je subissais des interrogatoires quand quelqu'un venait dans le bureau ou qu'elle surprenait une conversation téléphonique…elle me donnait des tâches qui ne relevaient pas de ma fonction et qui me prenaient beaucoup de temps, au détriment de mon poste de comptable… » ; qu'en retenant, pour écarter tout harcèlement moral imputable à la directrice, « qu'en réalité, celui-ci se plaint également d'avoir été " sanctionné " lors de sa reclassification ce qui confirme le malaise social constaté au sein de l'OGEC » quand les faits ainsi imputés à la directrice dans l'exercice de ses fonctions caractérisaient le harcèlement moral pratiqué sur son subordonné, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 1152-1 du code du travail ;

8°/ que constitue une faute grave le comportement managérial d'un cadre à l'origine de la souffrance au travail et d'une altération de la santé de plusieurs salariés, peu important que ce comportement ait pu être favorisé ou ait révélé une organisation du travail défectueuse ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que, selon l'expert nommé par le CHSCT en l'état d'un risque grave, le « choix de management que [la directrice] a exercé s'est révélé inadapté au groupe scolaire Louis Pasteur, que des pratiques problématiques ont été révélées par l'expertise, et ont généré des souffrances et des impacts sur la santé du personnel » ; que sa personnalité a été qualifiée « d'autoritaire » par les salariés et « son management [de]…pas humain » ; qu'en retenant cependant à l'appui de sa décision qu'aucune faute grave ne pouvait être reprochée à la directrice et « que les difficultés d'ordre social rencontrées ne sont pas imputables à celle-ci « la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la source des difficultés rencontrées avec la plupart du personnel tient à la mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle convention collective en janvier 2011, que c'est sur la demande du président de l'Ogec, le 15 janvier 2011, qu'il a été décidé de ne conserver qu'une secrétaire de direction et qu'ainsi l'Ogec fait supporter à la salariée son propre choix à l'origine de l'amertume exprimée par une des deux anciennes secrétaires de direction, que les difficultés d'ordre social rencontrées par l'Ogec qui a connu quinze chefs d'établissements en dix ans, ne sont pas imputables à la salariée et que, sur les deux actions judiciaires en cours, l'une a fait l'objet d'un protocole d'accord transactionnel en juillet 2012, l'autre n'a pas été poursuivie, et qu'ainsi les difficultés constatées dans les relations sociales au sein de l'Ogec sont récurrentes pour avoir existé préalablement à l'arrivée de la salariée dans l'établissement et pour avoir subsisté après son départ, en sorte qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la situation, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants tenant à la prescription de certains des faits reprochés qu'elle a néanmoins examinés, a pu décider que la preuve de la faute grave n'était pas rapportée ; que le moyen, inopérant en ses quatre premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Ogec Louis Pasteur aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Ogec Louis Pasteur à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président et Mme Slove, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour l'association Ogec Louis Pasteur.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné l'Association Ogec Louis Pasteur à payer à cette salariée les sommes de 60 000 € à titre de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 28 500 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 502,50 € à titre de rappel de salaires pendant la période de mise à pied conservatoire, 67 687 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 6 768,70 € au titre des congés payés y afférents, 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonné le remboursement par l'Association Ogec Louis Pasteur aux organismes d'assurance chômage des indemnités de privation d'emploi servies à Madame X... dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE " La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige fait état de deux séries de faits, pratiques de harcèlement moral et abus de fonction, dont Madame X... soutient qu'ils seraient atteints par la prescription ;

QUE la lettre de Madame Y... par laquelle elle se plaignait de ses conditions de travail est en date du 20 mai 2011, le courrier de l'inspecteur du travail est en date du 26 mai 2011, l'avis rendu par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail suite au courrier de l'inspecteur du travail est en date du 24 juin 2011, la convocation de Madame X... à l'entretien préalable est intervenue le 30 novembre 2011 en sorte que les faits reprochés concernant Madame Y... étaient largement prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'à cet égard la lettre de licenciement fait expressément référence à des événements survenus au premier semestre 2011 et il n'est établi aucun fait survenu par la suite étant observé que l'attestation de Monsieur Z... en date du 6 décembre 2011 fait état selon l'employeur lui-même de faits se situant au premier semestre 2011 et qu'il n'est pas contesté que le rapport établi par l'organisme Catéis, expert désigné par le CHSCT, n'a été porté à la connaissance de l'employeur que postérieurement au licenciement de la salariée ; qu'en effet la convocation de celle-ci est en date du 30 novembre 2011 alors que le rapport Catéis mentionne : « à partir du 21 novembre 2011 : prise de rendez-vous pour les entretiens individuels et collectifs … soit un jour et demi par semaine jusqu'aux vacances de Noël » ;

QUE l'employeur dans ses écritures admet qu'il a été prévenu du comportement inadapté qu'elle employait dès le mois de Février 2011 par Madame Y... ainsi que par Monsieur Z... ;

QU'il en résulte que si l'employeur entendait se fonder uniquement sur les déclarations de Madame Y... les faits dénoncés par cette dernière étaient largement prescrits lors de l'engagement des poursuites disciplinaires ;

ET AUX MOTIFS QU'en tout état de cause, le courrier de Madame Y... est particulièrement explicite sur les causes de son mécontentement puisqu'elle en situe l'origine au mois de février 2011 en précisant : « nous vous avions alors fait part de notre désaccord quant à notre déclassement imposé du statut de cadre administratif à celui d'agent de maîtrise » ; qu'ainsi, comme le précise l'appelante, la source des difficultés rencontrées avec la plupart du personnel tient à la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la nouvelle convention collective en janvier 2011 ; que Madame Y... axait son motif de mécontentement sur le fait qu'elle avait dû changer de bureau et d'affectation alors qu'il n'est pas contesté qu'en application de la nouvelle convention collective elle passait du statut de cadre à celui d'agent de maîtrise, sans réduction de sa rémunération, et que c'est sur la demande de Monsieur Jean-François B..., président de l'Ogec, le 15 janvier 2011 qu'à été décidé de ne conserver qu'une secrétaire de direction ce qui devait intervenir au détriment de Madame Y... qui s'en plaignait dans son courrier du 20 mai 2011 ; qu'ainsi l'Ogec fait supporter à Madame X... son propre choix à l'origine de l'amertume exprimée par Madame Y... ; qu'au demeurant Madame X... précise que pour ne pas pénaliser Madame Y... qui devait prendre sa retraite trois ans plus tard, il avait été convenu de maintenir les deux postes de secrétaire de direction (Madame C... et Madame Y...) en réorganisant leurs tâches ; que Madame Y... a bénéficié par la suite d'un arrêt de travail de février à juin 2011 au cours duquel elle ne peut faire état d'un quelconque harcèlement ; qu'il ne peut donc être retenu un harcèlement moral de la part de Madame X... au préjudice de Madame Y... d'une part en raison de la prescription des faits et d'autre part en l'absence de toute responsabilité de la part de Madame X... dans les griefs exprimés par Madame Y... ;

QUE par ailleurs l'OGEC produit aux débats une attestation rédigée par Monsieur Z..., comptable, se plaignant du comportement de Madame X... à son égard et plus particulièrement de son autoritarisme ; qu'en réalité, celui-ci se plaint également d'avoir été « sanctionné » lors de sa reclassification ce qui confirme le malaise social constaté au sein de l'OGEC ;

QU'en effet, le rapport Catéis pointe essentiellement un mal-être de certains salariés dont deux seulement se plaignent de harcèlement pour les raisons évoquées ci-avant ; qu'à cet égard il est symptomatique de relever que le malaise existant a été aggravé et que les tensions avec la direction ce sont intensifiées au sujet du Parking ; que le nombre de places a été restreint afin de permettre un accès aux pompiers... un élément aggravant cette situation a été la réservation de cinq places de parking pour la direction générant un sentiment d'injustice et la colère du personnel (cf. Rapport Catéis) ; que pour le reste le rapport Catéis, dont les conclusions ont été établies en janvier 2012, met en exergue l'action de la direction en vue de redéfinir son autorité ce que le rapport résume ainsi : « précisons que l'ensemble de ces points peuvent relever du jugement subjectif, et ne pas être le reflet de la réalité. Toutefois, il s'agit de ressentis qui ont eu des conséquences réelles sur le fonctionnement, l'organisation, le collectif et la santé » ; qu'à cet égard le rapport ajoute : « on pourra donc retenir que la direction est un poste impactant mais également impacté, que le choix de management qu'elle a exercé s'est révélé inadapté au groupe scolaire Louis Pasteur, que des pratiques problématiques ont été révélées par l'expertise, et ont généré des souffrances et des impacts sur la santé du personnel. Mais cette situation a été révélatrice de problèmes plus profonds, touchant au fonctionnement organisationnel de la structure. Il ne s'agit pas simplement d'une personnalité qualifiée d'"autoritaire" par les salariés, et d'un mode de management "pas humain". Il y a en jeu des phénomènes plus complexes qui, s'ils ne sont pas réglés, permettront à ce genre de situation de se représenter à l'avenir ;

QUE ce constat établi après le départ de Madame X... confirme que les difficultés d'ordre social rencontrées par l'Ogec ne sont pas imputables à l'appelante ; que cette dernière fait par ailleurs observer que l'Ogec a connu 15 chefs d'établissements en dix ans (le rapport Catéis énonce : en dix ans le groupe scolaire a connu cinq directeurs de lycées, quatre directeurs de collèges, trois directrices d'école et deux coordonnateurs) et que les difficultés étaient préexistantes à sa venue (la lettre du médecin du travail du 7 décembre 2011 indique : « je… certifie avoir suivi en visite médicale l'ensemble des salariés de l'établissement scolaire Louis Pasteur (OGEC)
depuis 2006. Depuis cette date, cet établissement a été dirigé par plusieurs directeurs et directrices successifs. Des problèmes d'organisation et de management m'ont été rapportés depuis le début avec un retentissement sur la santé de quelques salariés... » ;

QUE Madame X... rappelle qu'elle s'était vu confier la mission suivante :
- une véritable structuration du groupe scolaire ayant pour objectif :
- de définir et communiquer l'organigramme organisationnel et fonctionnel du groupe,
- d'enclencher une démarche d'actualisation d'un projet d'établissement global rassemblant et associant toutes les composantes de la communauté éducative actuelle,
- de redonner au collège Saint-Michel ses lettres de noblesse dans le paysage vauclusien et avignonnais...
- restaurer l'autorité du chef d'établissement et le respect des règles ;

QU'il ne peut lui être sérieusement reproché d'avoir tenté de restaurer cette autorité de chef d'établissement conformément à sa lettre de mission ;

QUE la lettre de licenciement fait état également de [ce que] "Deux actions judiciaires sont actuellement en cours" ; que l'une concerne Monsieur D..., qui a saisi la juridiction prud'homale le 30 septembre 2011, cette instance s'étant soldée par un protocole d'accord transactionnel en juillet 2012 dans lequel il est fait état d'un harcèlement moral de la part de Madame E... sans que soit justifiée l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il n'est fourni aucune précision sur le sort de la plainte pénale déposée par le plaignant ; que l'autre émane de Monsieur F..., qui a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon le 31 octobre 2011, sans qu'il soit justifié du sort de cette procédure, en sorte que dans l'un comme dans l'autre cas on ne se trouve qu'en présence d'allégations ;

QU'enfin, un rapport d'évaluation des risques psychosociaux établi en octobre 2014 par le service de santé au travail fait le constat qu'après le départ de Madame X..., aucune action n'a été mise en place et que les difficultés relationnelles évoquées par les salariés ont persisté, le rapport mentionnant "l'existence d'un dialogue social très difficile entre la direction et le représentant du personnel, un clivage entre les salariés, une organisation du travail défaillante… ces éléments ont contribué à altérer le rapport au travail et à dégrader la santé de certains salariés"; qu'ainsi les difficultés constatées dans les relations inter personnelles et sociales au sein de l'Ogec sont récurrentes pour avoir existé préalablement à l'arrivée de Madame X... dans l'établissement et pour avoir subsisté après son départ en sorte qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la situation (…)" ;

1°) ALORS QUE l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en l'espèce, l'Association Ogec Louis Pasteur avait fait valoir et démontré, dans ses écritures oralement reprises, qu'à la rentrée scolaire 2011/2012, Madame X... avait "continué son management désastreux et son comportement volontairement vexatoire et humiliant auprès de bon nombre de salariés et, en particulier, de Madame Y..." (ses conclusions p.15) ; qu'elle avait produit à l'appui de ce moyen un courrier du conseil de Madame Y... en date du 19 septembre 2011, invoquant expressément la reprise, par Madame X..., du comportement de harcèlement moral à l'origine de son arrêt de travail antérieur et indiquant "… subir au quotidien, de nouveau, les insultes, humiliations et comportements inadmissibles de Madame X...", citant à l'appui de cette dénonciation des faits très précisément datés de la fin du mois d'août ou de septembre 2011 ; qu'en retenant, pour déclarer prescrits les faits de harcèlement moral invoqués à l'appui du licenciement, que "… la lettre de licenciement fait expressément référence à des événements survenus au premier semestre 2011 et il n'est établi aucun fait survenu par la suite" la Cour d'appel, qui a dénaturé par omission le courrier du conseil de Madame Y... en date du 19 septembre 2011, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2°) ALORS QUE l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "…les faits reprochés concernant Madame Y... étaient largement prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement…" dès lors que "…la lettre de licenciement [faisait] référence à des évènements survenus au premier semestre 2011 et il n'est établi aucun fait survenu par la suite", quand il était ainsi démontré que le comportement de harcèlement moral de Madame X... s'était poursuivi pendant la période non prescrite, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article L.1332-4 du Code du travail ;

3°) ALORS en outre QUE l'attestation du comptable Frédéric Z..., délivrée à l'employeur le 6 décembre 2011, faisait état de faits commis par Madame X... en septembre 2011 : "Je subissais des interrogatoires quand quelqu'un venait dans le bureau : après la visite de Monsieur A..., prof. d'espagnol – septembre 2011 …elle me donnait des tâches qui ne relevaient pas de ma fonction – janvier à septembre 2011 …" ; qu'en retenant à l'appui de sa décision "… que l'attestation de Monsieur Z... en date du 6 décembre 2011 fait état selon l'employeur lui-même de faits se situant au premier semestre 2011", la Cour d'appel a méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits qui leur sont soumis ;

4°) ALORS en toute hypothèse QUE l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "…les faits reprochés concernant Madame Y... étaient largement prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement…" et "… que si l'employeur entendait se fonder uniquement sur les déclarations de Madame Y... les faits dénoncés par cette dernière étaient largement prescrits lors de l'engagement des poursuites disciplinaires", quand il ressortait tant de la lettre de licenciement que de ses propres constatations que l'Association Ogec Louis Pasteur invoquait également et démontrait la révélation, par les témoignages recueillis lors de l'expertise du CHSCT ouverte le 4 novembre 2011 mais également par la réception de convocations à des procédures prud'homales pour harcèlement moral en octobre 2011, par le procès-verbal du CHSCT extraordinaire du 29 novembre 2011 et par le courrier du médecin du travail du 7 décembre 2011, que le comportement délétère et inadapté de Madame X... touchait d'autres salariés que Madame Y... et s'était poursuivi à l'intérieur du délai de deux mois précédant l'engagement des poursuites, la Cour d'appel a violé derechef le texte susvisé, ensemble l'article L.1232-6 du Code du travail ;

5°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, le courrier de Madame Y... du 20 mai 2011, qui fixait le point de départ du harcèlement moral souffert "à la fin de l'année 2010", donc antérieurement à l'entrée en vigueur de la nouvelle classification conventionnelle, accusait expressément la directrice de lui "faire vivre un enfer", de la confiner dans des tâches secondaires quand elle ne se contentait pas de la placer devant une table vide et de lui dire : "occupez-vous !", de ne pas lui permettre d'accéder au bureau où elle l'avait affectée, de ne pas lui transmettre les codes informatiques de son ordinateur, de l'isoler de ses collègues, de l'accabler de directives contradictoires, tous faits ayant engendré une grave détérioration de son état de santé ; qu'en retenant à l'appui de sa décision "… que Madame Y... axait son motif de mécontentement sur le fait qu'elle avait dû changer de bureau et d'affectation alors qu'il n'est pas contesté qu'en application de la nouvelle convention collective elle passait du statut de cadre à celui d'agent de maîtrise…" la Cour d'appel, qui a dénaturé le courrier du 20 mai 2011, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

6°) ALORS en outre QU'aux termes du courrier de son conseil du 19 septembre 2011, Madame Y... avait précisé que depuis la reprise de son activité, le 22 août 2011, elle "vivait une situation encore plus dramatique que précédemment" ; qu'elle se trouvait "…mise au placard de manière particulièrement traumatisante et humiliante après 26 années dévouées au collège. Pour exemple, le lundi 29 août 2011, Madame X... a convoqué un conseil de direction en excluant uniquement Madame Y..., alors qu'étaient invités les comptables et l'aide comptable. Madame Y... s'est ainsi retrouvée toute seule au sein de l'établissement Pasteur pendant le conseil de direction. Elle subit au quotidien, de nouveau, les insultes, humiliations et comportements inadmissibles de Madame X.... Celle-ci n'hésite pas à lui donner ordres et contre-ordres, à la faire courir d'un établissement à l'autre pour multiplier les reproches (…)" ; que ce comportement engendrait "des répercussions plus qu'alarmantes sur son état de santé" ; que les faits ainsi allégués caractérisaient un comportement de harcèlement moral ; qu'en retenant à l'appui de sa décision "… que pour ne pas pénaliser Madame Y... qui devait prendre sa retraite trois ans plus tard, il avait été convenu de maintenir les deux postes de secrétaire de direction (…) en réorganisant leurs tâches ; que Madame Y... a bénéficié par la suite d'un arrêt de travail de février à juin 2011 au cours duquel elle ne peut faire état d'un quelconque harcèlement ; qu'il ne peut donc être retenu un harcèlement moral de la part de Madame X... au préjudice de Madame Y... d'une part en raison de la prescription des faits et d'autre part en l'absence de toute responsabilité de la part de Madame X... dans les griefs exprimés par Madame Y...", la Cour d'appel a violé l'article L.1152-1 du Code du travail ;

7°) ALORS QUE dans l'attestation qu'il avait délivrée à l'Association Ogec Louis Pasteur le 6 décembre 2011 après avoir été entendu par l'expert désigné à la requête du CHSCT, Monsieur Z..., décrivant le comportement de Madame X... et précisant des faits qui s'étaient déroulés en 2010 et 2011, certains datés de septembre 2011 : énonçait "…elle me donnait des directives qu'elle niait m'avoir données par la suite…j'étais accusé de perdre des documents qu'elle finissait par retrouver en mettant de l'ordre dans son bureau et me les remettait comme si de rien n'était dans ma bannette…je subissais des interrogatoires quand quelqu'un venait dans le bureau ou qu'elle surprenait une conversation téléphonique…elle me donnait des tâches qui ne relevaient pas de ma fonction et qui me prenaient beaucoup de temps, au détriment de mon poste de comptable…" ; qu'en retenant, pour écarter tout harcèlement moral imputable à Madame X..., "qu'en réalité, celui-ci se plaint également d'avoir été « sanctionné » lors de sa reclassification ce qui confirme le malaise social constaté au sein de l'OGEC" quand les faits ainsi imputés à Madame X... dans l'exercice de ses fonctions caractérisaient le harcèlement moral pratiqué sur son subordonné, la Cour d'appel a violé derechef l'article L.1152-1 du Code du travail ;

8°) ALORS QUE constitue une faute grave le comportement managérial d'un cadre à l'origine de la souffrance au travail et d'une altération de la santé de plusieurs salariés, peu important que ce comportement ait pu être favorisé ou ait révélé une organisation du travail défectueuse ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que, selon l'expert nommé par le CHSCT en l'état d'un risque grave, le "choix de management que [Madame X...] a exercé s'est révélé inadapté au groupe scolaire Louis Pasteur, que des pratiques problématiques ont été révélées par l'expertise, et ont généré des souffrances et des impacts sur la santé du personnel" ; que sa personnalité a été qualifiée "d'autoritaire" par les salariés et "son management [de]…pas humain" ; qu'en retenant cependant à l'appui de sa décision qu'aucune faute grave ne pouvait être reprochée à Madame X... et "que les difficultés d'ordre social rencontrées ne sont pas imputables à l'appelante" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-13330
Date de la décision : 15/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 12 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 nov. 2017, pourvoi n°16-13330


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13330
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