LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2016), que M. X... a été engagé par la société Lombard Odier Darier Hentsch gestion (devenue société Lombard Odier gestion France) le 15 septembre 2008 ; qu'il a démissionné le 15 juillet 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en nullité de la clause de non-sollicitation de clientèle et en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une clause de non-concurrence, illicite car dépourvue de contrepartie financière, la stipulation selon laquelle le salarié s'interdit, en cas de rupture du contrat de travail, d'entretenir directement ou indirectement des relations d'affaires avec les clients de l'employeur ou de les démarcher pendant une durée déterminée qu'en jugeant dès lors, pour débouter M. X... de ses demandes en nullité de la clause de non sollicitation et en paiement de dommages-intérêts à ce titre, que la clause du contrat de travail de M. X... selon laquelle « Vous devrez, pour une durée d'une année et sauf autorisation expresse de notre part, vous abstenir d'entretenir des relations d'affaires avec les clients privés de la société au sein de l'Union européenne et en Suisse. Vous acceptez également d'ores et déjà de renoncer à faire tout démarchage direct ou indirect auprès de la clientèle privée de la société au sein de l'Union européenne et en Suisse, dans le but de leur proposer toutes prestations bancaires ou financières. Cet engagement est valable (...) pour une durée d'une année après la fin du contrat, quelle que soit la partie qui a résilié et sans égard au motif ayant donné lieu à la résiliation » ne constituait pas une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la stipulation d'une clause de non-concurrence illicite, car dépourvue de contrepartie financière, cause nécessairement un préjudice que, sauf à priver la victime d'un procès équitable en lui interdisant l'accès au juge, un revirement de jurisprudence ne peut s'appliquer à une situation déjà jugée et à un arrêt passé en force de chose jugée que pour débouter lors M. X... de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il ne justifiait pas d'un préjudice né de l'interdiction de solliciter son ancienne clientèle qu'en statuant ainsi, sans que puisse s'appliquer à la situation des parties la jurisprudence nouvelle imposant au salarié de justifier l'existence et l'étendue de son préjudice intervenu par arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2016 (pourvoi n° 14-20578), la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ subsidiairement, que M. X... faisait expressément valoir que la relation de confiance entretenue entre le conseiller de fortune privée et son client était essentielle à l'exercice de ses fonctions et qu'elle impliquait une certaine fidélité entre ceux-ci, les clients changeant d'établissement au besoin pour conserver cette relation de confiance que le salarié ajoutait qu'à son arrivée au sein de la société Lombard Odier Darier Hentsch gestion il avait apporté avec lui son portefeuille-client et la fortune de Mme Y...estimée à plusieurs millions de dollars américains, mais qu'il n'avait pu, en raison de la clause de non-sollicitation qui le liait, l'emporter avec lui au sein de la société Masséna Partners à l'issue du contrat de travail, ce dont il résultait pour lui un préjudice financier important ; qu'en retenant dès lors, par motifs adoptés, que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice résultant de la stipulation de la clause de non-sollicitation de clientèle, sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions du salarié assorti d'offre de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que le droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit ;
Attendu, d'autre part, qu'abstraction faite des motifs de l'arrêt qui sont justement critiqués par la première branche du moyen mais surabondants, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait, a, par motifs adoptés des premiers juges, souverainement retenu que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice résultant de la stipulation de la clause en litige ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes en nullité de la clause de non-sollicitation et en paiement de dommages et intérêts à ce titre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... a été engagé par la société Lombard Odier Darier Hentsch Gestion (ci-après la société LODH) par contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2008 en qualité de sous-directeur de l'unité clientèle privée, niveau cadre confirmé, coefficient 625 de la convention collective des sociétés financières ; que ses fonctions consistaient notamment dans le développement d'une clientèle privée pour le compte de son employeur ; que le contrat de travail prévoyait en son article 7. 1 une clause de non sollicitation de la clientèle libellée comme suit : « Vous devrez, pour une durée d'une année et sauf autorisation expresse de notre part, vous abstenir d'entretenir des relations d'affaires avec les clients privés de la société au sein de l'union européenne et en Suisse. Vous acceptez également d'ores et déjà de renoncer à faire tout démarchage direct ou indirect auprès de la clientèle privée de la société au sein de l'Union européenne et en Suisse. Dans le but de leur proposer toutes prestations bancaires ou financières. Cet engagement est valable (...) Pour une durée d'une année après la fin du contrat, quelle que soit la partie qui a résilié et sans égard au motif ayant donné lieu à la résiliation. » ; que la clause de non sollicitation de la clientèle dont l'objet est d'interdire tout démarchage de la clientèle de la société par le salarié après la rupture de son contrat de travail est licite et ne s'analyse pas en une clause de non-concurrence, dès lors qu'elle ne conduit pas à priver le salarié de toute possibilité d'exercer son activité professionnelle ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'en effet, le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence que la société a levée au départ de M. X..., lui permettant d'exercer les mêmes fonctions de commercial chargé de gestion privée chez Masséna Partners, société directement concurrente de la société Lombard Odier Darier Hentsch Gestion ; que le non suivi de la clientèle développée par M. X... dans le cadre de son contrat de travail, imposé par la clause de non sollicitation, ne constitue pas une entrave à sa liberté de travail dans le secteur très concurrentiel de la gestion de fortunes privées ; qu'il y a lieu dans ces conditions de le débouter de sa demande d'indemnisation et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions : que l'issue du litige conduit à confirmer le jugement qui a condamné M. X... aux dépens ; que succombant en cause d'appel, M. X... sera condamné aux dépens et au paiement d'une somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le contrat de travail conclu le 18 avril 2008 comportait une clause dite de « non sollicitation de la clientèle » rédigée : « 7. 1 clause de non sollicitation de la clientèle : Vous devrez pour une durée d'une année et sauf autorisation expresse de notre part, vous abstenir d'entretenir des relations d'affaires avec les clients privés de la société, au sein de l'union européenne et en Suisse. Vous acceptez également d'ores et déjà de renoncer à faire tout démarchage direct ou indirect auprès de la clientèle privée de la société au sein de l'union européenne et en Suisse dans le but de leur proposer toute prestation bancaire ou financière. Cet engagement est valable :- tant que dure ce contrat,- pour une durée d'une année après la fin du contrat, quelle que soit la partie qui l'ait résilié et sans égard aux motifs ayant donné lieu à la résiliation ;- pendant la première année de votre retraite » ; que les parties convenaient certes dans le même contrat de travail d'une clause de non concurrence ; mais que la société LODH qui renonçait régulièrement par courrier en date du 19 juillet 2010 à demander l'application des dispositions prévues par cette clause de non concurrence, entendait bien que M. X... respectât les dispositions de l'article 7. 1 de son contrat de travail ; qu'or à la suite de sa démission, M. X... a su retrouver un emploi dans une société concurrente et n'apporte en aucune manière la preuve que la clause litigieuse figurant à l'article 7. 1 de son contrat de travail a pu l'empêcher de prendre une fonction commerciale dans une société concurrente à un titre quelconque ; que le fait qu'il ait retrouvé sans délai un emploi laisse plutôt présumer du contraire ; que la clause de non sollicitation de clientèle étant régulière elle ne peut pas être annulée et M. X... ne justifiant d'aucun préjudice se voit débouter de sa demande de dommages et intérêts ; que par ailleurs, il n'est pas établi que M. X... soit en possession d'un dossier appartenant à son employeur et la société LODH est par conséquent déboutée de sa demande reconventionnelle en restitution dudit dossier ; qu'enfin, il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais de toute nature qu'elles ont exposés dans le cadre de cette instance et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
1°) ALORS QUE constitue une clause de non-concurrence, illicite car dépourvue de contrepartie financière, la stipulation selon laquelle le salarié s'interdit, en cas de rupture du contrat de travail, d'entretenir directement ou indirectement des relations d'affaires avec les clients de l'employeur ou de les démarcher pendant une durée déterminée ; qu'en jugeant dès lors, pour débouter M. X... de ses demandes en nullité de la clause de non-sollicitation et en paiement de dommages et intérêts à ce titre, que la clause du contrat de travail de M. X... selon laquelle « Vous devrez, pour une durée d'une année et sauf autorisation expresse de notre part, vous abstenir d'entretenir des relations d'affaires avec les clients privés de la société au sein de l'Union Européenne et en Suisse. Vous acceptez également d'ores et déjà de renoncer à faire tout démarchage direct ou indirect auprès de la clientèle privée de la société au sein de l'Union Européenne et en Suisse, dans le but de leur proposer toutes prestations bancaires ou financières. Cet engagement est valable (...) pour une durée d'une année après la fin du contrat, quelle que soit la partie qui a résilié et sans égard au motif ayant donné lieu à la résiliation » ne constituait pas une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE la stipulation d'une clause de non-concurrence illicite, car dépourvue de contrepartie financière, cause nécessairement un préjudice ; que, sauf à priver la victime d'un procès équitable en lui interdisant l'accès au juge, un revirement de jurisprudence ne peut s'appliquer à une situation déjà jugée et à un arrêt passé en force de chose jugée ; que pour débouter lors M. X... de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il ne justifiait pas d'un préjudice né de l'interdiction de solliciter son ancienne clientèle ; qu'en statuant ainsi, sans que puisse s'appliquer à la situation des parties la jurisprudence nouvelle imposant au salarié de justifier l'existence et l'étendue de son préjudice intervenu par arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2016 (pourvoi n° 14-20578), la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ET ALORS, subsidiairement, QUE M. X... faisait expressément valoir que la relation de confiance entretenue entre le conseiller de fortune privée et son client était essentielle à l'exercice de ses fonctions et qu'elle impliquait une certaine fidélité entre ceux-ci, les clients changeant d'établissement au besoin pour conserver cette relation de confiance ; que le salarié ajoutait qu'à son arrivée au sein de la société Lombard Odier Darier Hentsch Gestion il avait apporté avec lui son portefeuille-client et la fortune de Mme Y...estimée à plusieurs millions de dollars américains, mais qu'il n'avait pu, en raison de la clause de non-sollicitation qui le liait, l'emporter avec lui au sein de la société Masséna Partners à l'issue du contrat de travail, ce dont il résultait pour lui un préjudice financier important (cf. conclusions d'appel p. 7) ; qu'en retenant dès lors, par motifs adoptés, que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice résultant de la stipulation de la clause de non-sollicitation de clientèle, sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions du salarié assorti d'offre de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.