LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 15-20. 506 à D 15-20. 510 ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les salariés demandeurs aux pourvois ont été engagés par Mme X...; qu'ils ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail et ont saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire que le contrat de travail est rompu aux torts exclusifs de l'employeur et le condamner à verser diverses sommes aux salariés, les arrêts retiennent qu'il résulte des débats que les droits à rémunération de ceux-ci, concernant les congés payés, ont été méconnus de façon significative s'agissant de la contrepartie essentielle du contrat de travail pour l'employeur, de sorte que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à réparation ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le manquement relevé était susceptible d'empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que les contrats de travail de MM. Frédéric Y..., Z..., Jean-Noël Y..., Médard A...et Edmond A...sont rompus aux torts exclusifs de l'employeur pour défaut de paiement des congés payés, condamnent Mme X...à leur payer diverses sommes ainsi qu'aux dépens et ordonnent la remise d'une attestation Pôle emploi conforme, les arrêts rendus le 24 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne MM. Frédéric Y..., Z..., Jean-Noël Y..., Médard A...et Edmond A...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse aux pourvois n° Z 15-20. 506 à D 15-20. 510
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le contrat de travail de Monsieur Y...était rompu aux torts exclusifs de l'employeur, Madame X..., pour défaut de paiement des congés payés et, en conséquence, d'AVOIR condamné cette dernière à payer à l'intéressé les sommes de 1. 296, 77 € de dommages-intérêts pour non-paiement de congés payés, 2. 881, 72 € d'indemnité de préavis et 288, 17 € d'indemnité de congés payés sur préavis, 2. 420, 64 € d'indemnité de licenciement et 20. 000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et d'AVOIR ordonné la remise d'une attestation POLE EMPLOI conforme visant une rupture du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE, sur la prise d'acte de la rupture et ses conséquences indemnitaires, la prise d'acte de la rupture, alternative au licenciement et à la démission, se définit comme la situation de fait, dans laquelle l'une des parties au contrat considère que le comportement de l'autre rend impossible le maintien du contrat de travail ; que la prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié, qui n'est soumise à aucun formalisme, est motivée généralement par le non-paiement des salaires et accessoires ; qu'en l'espèce, Monsieur Y...soutient que l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles en étant défaillant dans le paiement des salaires et accessoires ; qu'il est constant que des retards de paiement des salaires ont existé, mais le salarié demandeur ne peut faire grief d'avoir sciemment refusé de payer ses ouvriers à Madame X...qui invoque, sans être sérieusement démentie, les circonstances décrites ci-après pour expliquer ces retards :- d'une part, le contexte économique qui a conduit à partir de 2009 à une baisse générale d'activité dans le secteur du BTP et à des retards de paiement de la part de ses clients,- d'autre part et surtout à des difficultés, en tant que femme ayant dû suppléer à la défaillance de son époux gravement malade, à communiquer avec ses employés, qui n'ont pas fait preuve de la conscience professionnelle qu'ils manifestaient auparavant, ce qui a engendré des erreurs techniques, qui ont fait l'objet d'un procès-verbal de constat par huissier de justice le 12 avril 2010, et d'un compte-rendu de Monsieur B..., conseiller technique de la CHAMBRE DES METIERS en date du 2 juillet 2010 qui a mis en évidence à partir du mois d'avril 2010 un comportement inapproprié des salariés caractérisé par les événements suivants qui ont eu pour conséquence l'arrêt définitif d'un chantier à SAINT-GILLES, le blocage du paiement des sommes dues par l'armée dans le cadre de la réhabilitation d'un centre de vacances, des pénalités de retard, et la perte d'un chantier concernant l'hôpital de SAINT-PIERRE, en attente de livraison lors du dépôt de bilan de l'entreprise :- des difficultés de management ont été constatées entre le chef d'entreprise et son équipe, se traduisant par une incompréhension des consignes données,- de grosses difficultés ont entravé également la bonne marche de l'action du conseiller lors de sa mise en place ; qu'en effet, l'incapacité de certains membres de l'entreprise d'accepter la critique et par conséquent de remettre en question leurs habitudes professionnelles parfois inadaptées à certaines phases de réalisation, a fortement ralenti l'action de formation,- le refus de certains membres de l'équipe à assumer leurs responsabilités en matière de management, de prévisions d'approvisionnement en matériel et matériaux et petits accessoires, ce qui affecte les délais de réalisation et la qualité des ouvrages réalisés,- l'entrepreneur souhaitant modifier le mode d'intervention de son équipe afin de répondre au planning établi, s'est heurté au refus de son équipe,- le refus de certains membres de l'équipe de faire remonter ce type d'informations à l'employeur a pénalisé l'avancement des travaux,- les aciers prévus sur le plan de ferraillage n'ont pas été posés correctement malgré les remarques du chef d'entreprise qui se heurta une nouvelle fois au refus de certains membres de l'équipe,- il est bien question d'un manque d'organisation et de dysfonctionnements dont la cause principale résulte du manque de dialogue entre le chef d'entreprise et son chef d'équipe ; qu'une solution simple a été proposée pour pallier le problème, à savoir la mise en place d'un suivi administratif sous forme d'un rapport journalier rempli par le chef d'équipe permettant au chef d'entreprise de visualiser l'avancement des travaux et de réaliser les approvisionnements nécessaires, dispositif qui a accusé le refus catégorique du chef d'équipe ; que toutes les consignes émises par l'employeur ont été immédiatement interprétées comme des critiques par l'équipe, ce qui provoqua des discussions plutôt houleuses sur le chantier ; que malgré toutes les mesures prises et envisagées, le climat est devenu insupportable ; que par ailleurs, il est établi que ce salarié a manqué à ses obligations, ce qui a fait l'objet d'un courrier adressé à Monsieur Y..., dont celui-ci ne conteste pas les termes, en date du 20 mai 2010 qui indique que « vous avez été absent à plusieurs reprises ce mois-ci et cela depuis le 4 mai 2010. A ce jour, je n'ai aucune pièce justificative de ces absences. Je vous rappelle que vous avez l'obligation d'informer l'employeur en cas d'arrêt maladie et cela dans les 48 heures. A ce jour, je n'ai toujours rien reçu. Aujourd'hui, je constate à nouveau que vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail » ; que toutefois, il résulte des débats que les droits de ce salarié à rémunération concernant les congés payés ont été méconnus de façon significative, s'agissant de la contrepartie essentielle du contrat de travail pour l'employeur, de sorte que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à réparation ; qu'il convient donc d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes de Monsieur Y...de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, d'indemnité de licenciement, de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; que Monsieur Y...avait une ancienneté de huit années et un salaire brut de 1. 427, 21 € ; qu'en considération de ces éléments et du préjudice subi, l'indemnité de licenciement abusif est fixée à la somme de 20. 000 € ; que, sur la remise de l'attestation POLE EMPLOI, dès lors qu'il a été jugé que la rupture des relations contractuelles entre Monsieur Y...et Madame X...s'analyse en un licenciement, il y a lieu de faire droit à la demande de remise d'une attestation POLE EMPLOI visant une rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur pour défaut de paiement des congés payés (arrêt, p. 5 à 7) ;
1°) ALORS QUE tout jugement devant être motivé à peine de nullité, le motif général équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, pour dire que le contrat de travail de Monsieur Y...était rompu aux torts exclusifs de Madame X...pour défaut de paiement des congés payés et condamner celle-ci à payer diverses indemnités subséquentes, outre à lui remettre une attestation POLE EMPLOI conforme, que la prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié, qui n'était soumise à aucun formalisme, était motivée généralement par le non-paiement des salaires et accessoires, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire, et le seul non-paiement, par l'employeur, des congés payés ne peut justifier une rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur équivalant à un licenciement abusif ouvrant droit à réparation ; qu'au demeurant, en constatant de très nombreux manquements de Monsieur Y..., comme de ses collègues, à ses obligations contractuelles, puis en retenant le seul défaut par Madame X...de paiement des congés payés pour en conclure que les droits du salarié à rémunération concernant lesdits congés payés avaient été méconnus de façon significative, de sorte que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à réparation, quand le seul défaut de paiement, par l'employeur, des congés payés, de surcroît au regard des nombreux manquements du salarié à ses obligations contractuelles, ne justifiait pas de faire produire à la prise d'acte litigieuse les effets d'un licenciement abusif, la Cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE seul un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et de faire produire à cette prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à réparation ; que de même, en se bornant à considérer que les droits du salarié à rémunération concernant les congés payés, contrepartie essentielle du contrat de travail pour l'employeur, avaient été méconnus de façon significative, de sorte que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à réparation, sans constater que ce manquement de l'employeur était suffisamment grave et empêchait la poursuite du contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE seul un manquement suffisamment grave de l'employeur permet au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, cette prise d'acte produisant alors les effets d'un licenciement abusif ouvrant droit à réparation ; qui plus est, en estimant que les droits de Monsieur Y...à rémunération concernant les congés payés, contrepartie essentielle du contrat de travail pour l'employeur, avaient été méconnus de façon significative, de sorte que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher si le salarié n'était pas, avec ses quatre autres collègues, à l'origine de la situation qu'il dénonçait, et s'il n'avait pas contribué à l'aggravation de la situation financière de l'entreprise de Madame X..., de sorte que le fait pour celle-ci de ne pas avoir pu honorer les congés payés ne pouvait constituer un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ni faire, en conséquence, produire à la rupture litigieuse les effets d'un licenciement abusif ouvrant droit à réparation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du Code du travail ;
5°) ALORS QUE tout jugement devant être motivé à peine de nullité, le juge doit donner des motifs au soutien de sa décision ; qu'en toute occurrence, en condamnant Madame X...à verser à Monsieur Y...la somme de 2. 420, 64 € au titre de l'indemnité de licenciement, sans motiver sa décision de ce chef, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.