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08/11/2017 | FRANCE | N°16-18235

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 novembre 2017, 16-18235


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er avril 2016), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,8 juillet 2014, pourvoi n° 13-19.903), qu'à la suite d'un différend portant sur les conditions d'exécution d'un contrat et de son avenant par lequel elle avait confié à la société Lacroix Electronique, devenue la société Lacroix Electronics (la société Lacroix), l'étude et la fabrication d'un appareil électron

ique dénommé Eliot 100, la société Eliot l'a assignée pour obtenir la résolution...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er avril 2016), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,8 juillet 2014, pourvoi n° 13-19.903), qu'à la suite d'un différend portant sur les conditions d'exécution d'un contrat et de son avenant par lequel elle avait confié à la société Lacroix Electronique, devenue la société Lacroix Electronics (la société Lacroix), l'étude et la fabrication d'un appareil électronique dénommé Eliot 100, la société Eliot l'a assignée pour obtenir la résolution du contrat et le paiement de dommages-intérêts ; que la société Lacroix Electronics Solutions, cessionnaire de la branche d'activité de bureau d'études de la société Lacroix, est intervenue volontairement à l'instance ;

Attendu que la société Eliot fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts formées contre les sociétés Lacroix et Lacroix Electronics Solutions alors, selon le moyen :

1°/ que la résolution judiciaire est prononcée lorsque l'inexécution est d'une gravité suffisante pour priver le contrat de sa raison d'être ; qu'elle opère rétroactivement au jour de la formation du contrat dès lors que l'inexécution est constatée dès son origine ; que le préjudice né de la résolution donne lieu à réparation pour le cocontractant ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que les manquements de la société Lacroix justifiaient de prononcer la résolution du contrat la liant à la société Eliot dès son origine ; qu'en refusant de réparer le préjudice subi par la société Eliot du fait de la résolution du contrat au motif que cette société aurait pu faire ensuite appel à un autre prestataire et qu'elle ne l'a pas fait, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ que la victime n'est pas tenue de limiter son dommage ; qu'en refusant en l'espèce de réparer le préjudice lié au retard pris dans le développement du boîtier « Eliot 100 » au motif que la société Eliot aurait pu diminuer son préjudice si elle avait poursuivi ses investissements avec un autre fournisseur, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

3°/ que le fait de la victime n'est pas de nature à exonérer l'auteur du dommage de sa responsabilité lorsqu'il a été déterminé par ce dernier ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la société Eliot avait abandonné le développement de son boîtier « Eliot 100 » à raison du retard pris dans sa commercialisation du fait des manquements reprochés à la société Lacroix et des frais déjà engagés dans ce projet ; qu'en excluant tout droit à réparation de la société Eliot pour cette raison que celle-ci avait abandonné le projet par suite du retard causé par les manquements de la société Lacroix, la cour d'appel a encore violé les articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

4°/ que le fait de la victime n'est une cause d'exonération totale de responsabilité que lorsqu'il est à l'origine exclusive du dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société Lacroix avait commis de nombreux manquements à l'origine du retard pris dans le développement du boîtier « Eliot 100 » et que ceux-ci justifiaient de prononcer la résolution judiciaire du contrat pour inexécution ; qu'en excluant néanmoins tout droit à réparation de la société Eliot, quand il s'évinçait à tout le moins de leurs constatations que la décision de la société Eliot d'abandonner le projet n'était pas la seule cause de son préjudice, les juges du second degré ont à nouveau violé les articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

5°/ que tout préjudice causé par la faute de son auteur appelle réparation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les manquements de la société Lacroix auraient été à l'origine d'un retard certain de production de six mois si la société Eliot avait poursuivi le projet avec un autre prestataire ; qu'en refusant de réparer le préjudice lié à cette perte d'exploitation de six mois, la cour d'appel a encore violé les articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

6°/ que la perte de chance de profiter d'une éventualité favorable ouvre droit à réparation ; que les manquements d'un fournisseur à l'origine du retard de fabrication d'un produit sont la cause directe et certaine du préjudice tenant dans la perte du chiffre d'affaires attendu de la commercialisation de ce produit pour la période considérée, ou à tout le moins dans la perte de chance de réaliser ce chiffre d'affaires ; qu'en affirmant en l'espèce que les fautes de conception de la société Lacroix, bien qu'à l'origine d'un retard d'exploitation de six mois, n'étaient pas la cause certaine du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains liés à la commercialisation du boîtier « Eliot 100 », la cour d'appel, une nouvelle fois, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

7°/ que le débiteur est tenu des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat ; que la société Eliot exposait, pour déterminer « le préjudice que les parties ont pu prévoir lors du contrat », que « le contrat du 10 juillet 2007 mentionne (…) un volume de 5 000 cartes pour l'année 2008 et 10 000 cartes pour l'année 2009, soit un total de 15 000 cartes », soulignait que « ces volumes ne sont pas remis en cause par Lacroix Electronique (bien au contraire d'ailleurs, puisque Lacroix Electronique avait proposé à Eliot d'amortir le surcoût des prestations complémentaires de 2007 sur les 10 000 premiers boîtiers en mars 2008 et, ensuite, sur les 5 000 premiers boîtiers en septembre 2008 afin que ces fabrications soient comptabilisées dans l'exercice en cours de Lacroix) », que « ces volumes n'ont pas davantage été remis en cause par l'expert (cf rapport d'expertise, page 27) » et que « c'est donc sur la base de ces volumes et de ce rythme qu'Eliot entend fonder sa demande indemnitaire » ; qu'en déboutant la société Eliot de sa demande au titre de la perte d'une chance de commercialiser son produit au motif que « l'appelante prétend à tort que les parties étaient contractuellement convenues de la fourniture de 15 000 cartes électroniques sur deux ans, alors que, si l'offre commerciale de la société Lacroix du 10 juillet 2007 portait bien sur une perspective de ce volume de ventes, la société Eliot n'a passé commande le 7 septembre 2007 que d'une prestation recherche et de développement du produit incluant la fourniture de sept prototype », sans vérifier, comme il lui était demandé, si les manquements de la société Lacroix n'avaient pas fait perdre à la société Eliot une chance prévisible de commercialiser à terme son produit sur la base d'un volume de 15 000 cartes électroniques sur deux années, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1150 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

8°/ que l'inexécution d'une obligation contractuelle donne lieu à réparation du dommage qui en résulte pour le cocontractant ; qu'en l'espèce, la société Eliot indiquait qu'après avoir vendu les 75 premiers boîtiers « Eliot 100 » à l'un de ses meilleurs clients, elle avait dû, du fait de l'impossibilité de fournir ce boîtier à ce client, y substituer son boîtier haut de gamme pour le même prix ; qu'elle soulignait ce faisant que les manquements de la société Lacroix l'avaient contrainte à vendre à perte 75 de ses boîtiers « Eliot 300 », pour un manque à gagner de 23 743 euros ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les manquements de la société Lacroix avaient empêché la commercialisation du boîtier « Eliot 100 » dans les délais prévus et qu'ils justifiaient de prononcer la résolution du contrat du jour de sa formation ; qu'en opposant néanmoins, sur cette demande indemnitaire de la société Eliot, qu'il n'existait pas de lien causal certain entre les fautes de la société Lacroix et ce préjudice de la société Eliot, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

9°/ qu'en n'expliquant pas de quelle façon les manquements à l'origine d'un retard de six mois dans la fabrication d'un produit d'entrée de gamme pouvaient ne pas être à l'origine directe du préjudice ayant consisté pour la société Eliot à vendre au même prix les produits haut de gamme disponibles afin d'honorer la commande d'un client important, la cour d'appel a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Eliot n'avait passé commande, le 7 septembre 2007, que d'une prestation de recherche et de développement du produit, incluant la fourniture de sept prototypes, l'arrêt relève que, consciente des aléas inhérents aux risques de développement, elle attendait d'évaluer la faisabilité industrielle et les performances de son nouveau produit avant de rouvrir des pourparlers en vue de s'engager dans la phase de fabrication ; qu'il ajoute qu'elle a, d'ailleurs, abandonné la mise au point de l'Eliot 100, sans chercher à confier la conception et la réalisation des cartes électroniques à un autre prestataire, bien que l'expert ait souligné, aux termes d'une argumentation techniquement étayée, que son projet n'aurait souffert que d'un retard de six mois et que le savoir-faire qu'elle avait déjà acquis, notamment l'identification des problèmes-clefs et de leurs solutions possibles, aurait permis un succès quasi-assuré pour une dépense du même ordre que ce qui avait été dépensé avec la société Lacroix ; qu'elle en déduit que les fautes commises par la société Lacroix dans sa prestation de recherche et de développement d'une carte électronique ne sont pas la cause certaine du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer, grâce à la conclusion d'une éventuelle commande de fourniture de cartes électroniques, la commercialisation de l'Eliot 100, ni du préjudice que lui aurait occasionné le rabais consenti pour la vente de l'Eliot 300 afin de fidéliser un client ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, excluant toute disparition certaine d'une éventualité favorable pour la société Eliot par suite des manquements de la société Lacroix, et rendant inopérants les griefs des six premières branches, la cour d'appel, qui a effectué la recherche invoquée par la septième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eliot aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Eliot

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes de dommages-intérêts formulée par la société ELIOT à l'encontre des sociétés LACROIX ELECTRONICS et LACROIX ELECTRONICS SOLUTIONS, notamment en ce qui concerne la perte du chiffre d'affaires escompté de la commercialisation du boîtier « Eliot 100 » ;

AUX MOTIFS QUE « la société Eliot sollicite par ailleurs la condamnation de la société Lacroix à la réparation de son préjudice consistant selon elle, d'une part, dans la perte de chance de commercialiser son produit, qu'elle chiffre à 9.191.417 euros, et, d'autre part, dans la perte de marge sur les ventes de produits de substitution évaluées à 23.743 euros ; que toutefois, l'appelante prétend à tort que les parties étaient contractuellement convenues de la fourniture de 15.000 cartes électroniques sur deux ans, alors que, si l'offre commerciale de la société Lacroix du 10 juillet 2007 portait bien sur une perspective de ce volume de ventes, la société Eliot n'a passé commande le 7 septembre 2007 que d'une prestation recherche et de développement du produit incluant la fourniture de sept prototypes ; qu'il en résulte que, consciente des aléas inhérents aux risques de développement, elle attendait d'évaluer la faisabilité industrielle et les performances de son nouveau produit avant de rouvrir des pourparlers en vue de s'engager dans la phase de fabrication et la commercialisation du produit ; qu'au demeurant, elle expose elle-même qu'elle a abandonné la mise au point de l'Eliot 100 sans chercher à confier la conception et la réalisation des cartes électroniques à un autre prestataire, alors pourtant que l'expert X... a souligné, aux termes d'une argumentation techniquement étayée, que son projet n'aurait souffert que d'un retard de six mois et que le savoir-faire qu'elle avait déjà acquis, notamment l'identification des problèmes-clefs et de leurs solutions possibles, aurait permis un succès quasi-assuré pour une dépense du même ordre que ce qui avait été dépensé avec la société Lacroix et dont la restitution vient d'être ordonnée ; que dès lors, le préjudice indemnisable de la société Eliot ne peut consister que dans les efforts et les investissements vainement consacrés au développement de son projet, mais il doit être observé qu'elle a renoncé à former une demande au titre de ce poste de préjudice devant la cour de renvoi ; qu'en revanche, les fautes commises par la société Lacroix dans sa prestation de recherche et de développement d'une carte électronique ne sont pas la cause certaine du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer, grâce à la conclusion d'une éventuelle commande de fourniture de cartes électroniques, la commercialisation de l'Eliot 100 ; que de même, il n'y a pas de lien causal certain entre les fautes commises par la société Lacroix dans sa prestation de développement des cartes électroniques pour son projet Eliot 100 et le surcoût qui lui aurait été occasionné par la commercialisation à perte de l'Eliot 300 afin de fidéliser un client ; qu'il convient donc de débouter la société Eliot de ses demandes en paiement de dommages-intérêts » (arrêt, p. 7) ;

ALORS QUE, premièrement, la résolution judiciaire est prononcée lorsque l'inexécution est d'une gravité suffisante pour priver le contrat de sa raison d'être ; qu'elle opère rétroactivement au jour de la formation du contrat dès lors que l'inexécution est constatée dès son origine ; que le préjudice né de la résolution donne lieu à réparation pour le cocontractant ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que les manquements de la société LACROIX ELECTRONIQUE justifiaient de prononcer la résolution du contrat la liant à la société ELIOT dès son origine ; qu'en refusant de réparer le préjudice subi par la société ELIOT du fait de la résolution du contrat au motif que cette société aurait pu faire ensuite appel à un autre prestataire et qu'elle ne l'a pas fait, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, deuxièmement, la victime n'est pas tenue de limiter son dommage ; qu'en refusant en l'espèce de réparer le préjudice lié au retard pris dans le développement du boîtier « Eliot 100 » au motif que la société ELIOT aurait pu diminuer son préjudice si elle avait poursuivi ses investissements avec un autre fournisseur, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, troisièmement, le fait de la victime n'est pas de nature à exonérer l'auteur du dommage de sa responsabilité lorsqu'il a été déterminé par ce dernier ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la société ELIOT avait abandonné le développement de son boîtier « Eliot 100 » à raison du retard pris dans sa commercialisation du fait des manquements reprochés à la société LACROIX ELECTRONIQUE et des frais déjà engagés dans ce projet ; qu'en excluant tout droit à réparation de la société ELIOT pour cette raison que celle-ci avait abandonné le projet par suite du retard causé par les manquements de la société LACROIX ELECTRONIQUE, la cour d'appel a encore violé les articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, quatrièmement, et en tout cas, le fait de la victime n'est une cause d'exonération totale de responsabilité que lorsqu'il est à l'origine exclusive du dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société LACROIX ELECTRONIQUE avait commis de nombreux manquements à l'origine du retard pris dans le développement du boîtier « Eliot 100 » et que ceux-ci justifiaient de prononcer la résolution judiciaire du contrat pour inexécution ; qu'en excluant néanmoins tout droit à réparation de la société ELIOT, quand il s'évinçait à tout le moins de leurs constatations que la décision de la société d'ELIOT d'abandonner le projet n'était pas la seule cause de son préjudice, les juges du second degré ont à nouveau violé les articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, cinquièmement, tout préjudice causé par la faute de son auteur appelle réparation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les manquements de la société LACROIX ELECTRONIQUE auraient été à l'origine d'un retard certain de production de six mois si la société ELIOT avait poursuivi le projet avec un autre prestataire ; qu'en refusant de réparer le préjudice lié à cette perte d'exploitation de six mois, la cour d'appel a encore violé les articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, sixièmement, la perte de chance de profiter d'une éventualité favorable ouvre droit à réparation ; que les manquements d'un fournisseur à l'origine du retard de fabrication d'un produit sont la cause directe et certaine du préjudice tenant dans la perte du chiffre d'affaires attendu de la commercialisation de ce produit pour la période considérée, ou à tout le moins dans la perte de chance de réaliser ce chiffre d'affaires ; qu'en affirmant en l'espèce que les fautes de conception de la société LACROIX ELECTRONIQUE, bien qu'à l'origine d'un retard d'exploitation de six mois, n'étaient pas la cause certaine du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains liés à la commercialisation du boîtier « Eliot 100 », la cour d'appel, une nouvelle fois, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ET ALORS QUE, septièmement, le débiteur est tenu des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat ; que la société ELIOT exposait, pour déterminer « le préjudice que les parties ont pu prévoir lors du contrat » (conclusions, p.20, pt III.3), que « le contrat du 10 juillet 2007 mentionne (…) un volume de 5.000 cartes pour l'année 2008 et 10.000 cartes pour l'année 2009, soit un total de 15.000 cartes », soulignait que « ces volumes ne sont pas remis en cause par Lacroix Electronique (bien au contraire d'ailleurs, puisque Lacroix Electronique avait proposé à Eliot d'amortir le surcoût des prestations complémentaires de 2007 sur les premiers boîtiers en septembre 2008 afin que ces fabrications soient comptabilisées dans l'exercice en cours de Lacroix) » (ibid. p.21), que « ces volumes n'ont pas davantage été remis en cause par l'expert (cf. rapport d'expertise, page 27) » et que « c'est donc sur la base de ces volumes et de ce rythme qu'Eliot entend fonder sa demande indemnitaire » (ibid) ; qu'en déboutant la société ELIOT de sa demande au titre de la perte d'une chance de commercialiser son produit au motif que « l'appelante prétend à tort que les parties étaient contractuellement convenues de la fourniture de 15.000 cartes électroniques sur deux ans, alors que, si l'offre commerciale de la société Lacroix du 10 juillet 2007 portait bien sur une perspective de ce volume de ventes, la société Eliot n'a passé commande le 7 septembre 2007 que d'une prestation recherche et de développement du produit incluant la fourniture de sept prototype » (arrêt, p.7), sans vérifier, comme il lui était demandé, si les manquements de la société LACROIX ELECTRONIQUE n'avaient pas fait perdre à la société ELIOT une chance prévisible de commercialiser à terme son produit sur la base d'un volume de 15.000 cartes électroniques sur deux années, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1150 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par la société ELIOT à l'encontre des sociétés LACROIX ELECTRONICS et LACROIX ELECTRONICS SOLUTIONS, notamment en ce qui concerne le préjudice lié à la perte de marge consécutive à la commercialisation d'un produit haut de gamme au tarif de celui dont la société LACROIX ELECTRONIQUE devait permettre la fabrication ;

AUX MOTIFS QUE « la société Eliot sollicite par ailleurs la condamnation de la société Lacroix à la réparation de son préjudice consistant selon elle, d'une part, dans la perte de chance de commercialiser son produit, qu'elle chiffre à 9.191.417 euros, et, d'autre part, dans la perte de marge sur les ventes de produits de substitution évaluées à 23.743 euros ; que toutefois, l'appelante prétend à tort que les parties étaient contractuellement convenues de la fourniture de 15.000 cartes électroniques sur deux ans, alors que, si l'offre commerciale de la société Lacroix du 10 juillet 2007 portait bien sur une perspective de ce volume de ventes, la société Eliot n'a passé commande le 7 septembre 2007 que d'une prestation recherche et de développement du produit incluant la fourniture de sept prototypes ; qu'il en résulte que, consciente des aléas inhérents aux risques de développement, elle attendait d'évaluer la faisabilité industrielle et les performances de son nouveau produit avant de rouvrir des pourparlers en vue de s'engager dans la phase de fabrication et la commercialisation du produit ; qu'au demeurant, elle expose elle-même qu'elle a abandonné la mise au point de l'Eliot 100 sans chercher à confier la conception et la réalisation des cartes électroniques à un autre prestataire, alors pourtant que l'expert X... a souligné, aux termes d'une argumentation techniquement étayée, que son projet n'aurait souffert que d'un retard de six mois et que le savoir-faire qu'elle avait déjà acquis, notamment l'identification des problèmes-clefs et de leurs solutions possibles, aurait permis un succès quasi-assuré pour une dépense du même ordre que ce qui avait été dépensé avec la société Lacroix et dont la restitution vient d'être ordonnée ; que dès lors, le préjudice indemnisable de la société Eliot ne peut consister que dans les efforts et les investissements vainement consacrés au développement de son projet, mais il doit être observé qu'elle a renoncé à former une demande au titre de ce poste de préjudice devant la cour de renvoi ; qu'en revanche, les fautes commises par la société Lacroix dans sa prestation de recherche et de développement d'une carte électronique ne sont pas la cause certaine du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer, grâce à la conclusion d'une éventuelle commande de fourniture de cartes électroniques, la commercialisation de l'Eliot 100 ; que de même, il n'y a pas de lien causal certain entre les fautes commises par la société Lacroix dans sa prestation de développement des cartes électroniques pour son projet Eliot 100 et le surcoût qui lui aurait été occasionné par la commercialisation à perte de l'Eliot 300 afin de fidéliser un client ; qu'il convient donc de débouter la société Eliot de ses demandes en paiement de dommages-intérêts » (arrêt, p. 7) ;

ALORS QUE, premièrement, l'inexécution d'une obligation contractuelle donne lieu à réparation du dommage qui en résulte pour le cocontractant ; qu'en l'espèce, la société ELIOT indiquait qu'après avoir vendu les 75 premiers boîtiers « Eliot 100 » à l'un de ses meilleurs clients, elle avait dû, du fait de l'impossibilité de fournir ce boîtier à ce client, y substituer son boîtier haut de gamme pour le même prix ; qu'elle soulignait ce faisant que les manquements de la société LACROIX ELECTRONIQUE l'avaient contrainte à vendre à perte 75 de ses boîtiers « Eliot 300 », pour un manque à gagner de 23.743 euros ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les manquements de la société LACROIX ELECTRONIQUE avaient empêché la commercialisation du boîtier « Eliot 100 » dans les délais prévus et qu'ils justifiaient de prononcer la résolution du contrat du jour de sa formation ; qu'en opposant néanmoins, sur cette demande indemnitaire de la société ELIOT, qu'il n'existait pas de lien causal certain entre les fautes de la société LACROIX ELECTRONIQUE et ce préjudice de la société ELIOT, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en n'expliquant pas de quelle façon les manquements à l'origine d'un retard de six mois dans la fabrication d'un produit d'entrée de gamme pouvaient ne pas être à l'origine directe du préjudice ayant consisté pour la société ELIOT à vendre au même prix les produits haut de gamme disponibles afin d'honorer la commande d'un client important, la cour d'appel a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-18235
Date de la décision : 08/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 01 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 nov. 2017, pourvoi n°16-18235


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.18235
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