LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 juin 2016), que, le 29 mars 2001, la société Foncière des Immeubles du 26 cours de l'intendance et du 5 rue Guillaume Brochon (la société foncière) a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société d'architectes X...(la société X...) pour la restructuration du groupe d'immeubles ; que, par acte du 24 février 2005, la société foncière a vendu ces biens à la société Groupe Thierry Oldak (la société Oldak), avec l'obligation pour celle-ci de « prendre à sa charge tous les droits et obligations dans le contrat de maîtrise d'oeuvre signé le 29 mars 2001 avec la société X...» ; que, le 16 mai 2005, la société Oldak a conclu avec la société X...un nouveau contrat de maîtrise d'oeuvre ne portant que sur le parc de stationnement et le local commercial pour des honoraires réduits, ce contrat prévoyant que l'opération relative à l'ensemble des logements ferait l'objet d'un contrat à venir avec les propriétaires et que, si l'ensemble des copropriétaires ne contractait pas avec la société X..., la société Oldak s'engagerait à en assurer la charge ; que les acquéreurs des lots se sont constitués en association foncière urbaine libre des Intendants de Guyenne (l'AFUL) ; que, se plaignant de n'avoir pas été payée de ses honoraires pour des travaux relatifs aux logements, la société X...a assigné en paiement la société Oldak, l'AFUL et ses membres ;
Attendu que la société Oldak fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société X...une somme au titre de la garantie due par elle pour le cas où les acquéreurs des lots ne concluraient pas de contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société X...;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'AFUL et ses membres avaient fait appel à un architecte autre que la société X...pour assurer la maîtrise d'oeuvre des lots d'habitation, la cour d'appel, qui a ainsi examiné, pour les écarter, les éléments de preuve qui lui étaient soumis pour établir que les propriétaires auraient contracté avec la société X...et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire, par une interprétation du contrat exclusive de dénaturation, qu'au titre de l'engagement pris dans le contrat du 16 mai 2005, la société Oldak devait supporter la charge des honoraires prévus dans le contrat de maîtrise d'oeuvre initial ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Thierry Oldak aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Thierry Oldak
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Groupe Thierry Oldak à payer à la société X... la somme de 95 760 €, outres intérêts légaux, au titre de la garantie due par la société Groupe Thierry Oldak, en application de l'article 1er du contrat de maîtrise d'oeuvre du 16 mai 2005, pour le cas où les acquéreurs des lots de copropriété de l'immeuble situé au 26 Cours de l'Intendance et 5 rue Guillaume Brochon, à Bordeaux, ne concluraient pas de contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société X... ;
AUX MOTIFS QU'« il ressort des pièces produites que par contrat d'architecte du 29 mars 2001, signé des deux parties, la société Foncière des Immeubles du 26 Cours de L'intendance et du 5 Rue Guillaume Brochon, maître de l'ouvrage, a confié à la société X..., maître d'oeuvre, une mission de restructuration d'un ensemble immobilier à usage de logements, commerces et/ ou bureaux avec stationnement en sous-sol et aménagement des communs ; qu'il s'agissait d'une mission complète avec conception architecturale de l'oeuvre, APS, APD, études de projet, assistance passation des contrats de travaux, direction des travaux, réception et décompte des travaux ; que le montant convenu des honoraires s'élevait à 2 124 000, 00 € HT (sic, il s'agit de 2 124 000 francs, soit 323 800 €) ; que le contrat pourrait être résilié par le maître de l'ouvrage en cas de renonciation par ce dernier à la réalisation en cours d'opération ; que dans ce cas, les honoraires dus devraient être réglés à concurrence de 30 % des honoraires correspondant à la mission non exécutée ; que par ailleurs, le maître de l'ouvrage se réservait la faculté de se substituer toute personne de son choix, mais resterait garante de l'exécution du contrat et s'obligerait à faire reprendre par le nouveau maître de l'ouvrage toutes les obligations résultant du présent contrat passé avec la société X... ;
QU'il est par ailleurs établi que par acte authentique du 24 février 2005, la société Foncière des Immeubles du 26 Cours de L'intendance et du 5 Rue Guillaume Brochon a vendu l'ensemble immobilier à la société Groupe Thierry Oldak.
QUE cet acte comporte la condition particulière selon laquelle « l'acquéreur prendra à sa charge tous les droits et obligations du vendeur dans le contrat de maîtrise d'oeuvre signé le 29 mars 2001 avec la Sa d'architectes X..., dont un exemplaire a été remis à l'acquéreur. Dans le cas où il ne donnerait pas suite à ce contrat, il s'engage à garantir le vendeur des indemnités que ce dernier devrait éventuellement régler à la Sa d'architectes s'il y avait lieu à application des clauses de son contrat soit 30 % du montant des honoraires correspondant à la mission non exécutée » ;
QUE par contrat d'architecte du 16 mai 2005, signé des deux parties, la société Groupe Thierry Oldak a confié à la société X... une mission complète d'architecte s'appliquant uniquement à la conception et la construction du parc de stationnement et du local commercial situés 26 Cours de L'intendance et du 5 Rue Guillaume Brochon, pour un montant total d'honoraires de 182 360, 00 € HT.
QUE l'article 1er de ce contrat précise : « L'opération concernant l'ensemble des logements fera l'objet d'un contrat à venir avec le représentant des personnes intéressées par lesdites propriétés. Si l'ensemble des copropriétaires ne contractaient pas avec la SA d'Architectes X..., la SARL Thierry Oldak s'engage à en assurer la charge.
Le présent contrat se substitue au contrat déjà établi pour cette opération le 29 mars 2001 entre la Société Foncière des Immeubles 26 Cours de L'intendance et du 5 Rue Guillaume Brochon, représentée par M. Philippe Y..., et la SA d'Architectes X... » ;
QU'en application des articles 1271 et 1273 du code civil, le contrat d'architecte du 16 mai 2005 constitue bien une novation par rapport au contrat initial du 29 mars 2001, dès lors que d'une part, l'objet de l'obligation a changé, en ce qu'elle porte désormais sur une partie seulement des prestations convenues à l'origine, et d'autre part que la volonté de nover résulte clairement de l'acte, les parties ayant pris soin de spécifier qu'il se substituait au précédent.
QU'il en résulte que la société X... ne peut être admise à solliciter le paiement de son solde d'honoraires sur le fondement du contrat du 29 mars 2001, qui a pris fin par l'effet novatoire de la convention du 16 mai 2005.
QU'en revanche, l'article 1er de ce dernier mentionne que l'opération concernant l'ensemble des logements fera l'objet d'un contrat à venir avec le représentant des personnes intéressées par lesdites propriétés, et que si l'ensemble des copropriétaires ne contractaient pas avec la société X..., la société Groupe Thierry Oldak s'engageait à en assurer la charge.
Qu'or en l'espèce, force est de constater qu'il n'existe aucune preuve selon laquelle l'Aful des Intendants de Guyenne, représentant les copropriétaires acquéreurs de lots, ait signé un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société X.... En effet, la seule production par la société Groupe Thierry Oldak du dossier bancaire de monsieur Z..., ne permet pas de retenir que l'ensemble des copropriétaires aient contracté avec la société X....
QU'il ressort au contraire d'autres éléments du dossier que l'Aful des Intendants de Guyenne a en réalité fait appel à un autre architecte pour assurer la maîtrise d'oeuvre des lots d'habitation :
- procès-verbal d'assemblée générale de l'Aful en date du 8 octobre 2005, dont la résolution n° 5 indique : « l'assemblée générale donne mission à son président de lancer un appel d'offres d'architecte pour l'étude de la réhabilitation des immeubles 26 Cours de L'intendance et du 5 Rue Guillaume Brochon (…) »,
- lettre de monsieur Thierry A..., architecte DPLG, adressée à son confrère X...et l'informant de ce que son dossier avait été retenu dans le cadre d'une consultation restreinte de maîtres d'oeuvre lancée par l'Aful, courrier proposant à monsieur X...de le rencontrer dans le cadre de l'organisation des travaux dont la société X... réalisait la maître d'oeuvre, travaux relatifs aux seuls parking, rez-de-chaussée et étages des immeubles,
- dépôts par monsieur A...de demandes d'Autorisation Spéciale de Travaux après établissement des plans relatifs aux lots d'habitation et aux parties communes.
QUE dans ces conditions, la société Groupe Thierry Oldak est tenue d'indemniser la société X... dans le cadre de la garantie souscrite en application de l'article 1er du contrat du 16 mai 2005, ce qui implique d'infirmer le jugement déféré.
QUE les sommes réclamées par la société X... n'ont pas à être scindées, mais seront dues en leur entier à hauteur de la somme de 95 440, 80 € TTC pour tenir compte du préjudice réellement subi par la société X..., équivalent aux honoraires qui auraient dû lui être versés au titre des missions réellement accomplies, conformément au contrat du 16 mai 2005 qui se réfère expressément au contrat du 29 mars 2001 pour leur détermination, le fait que ce dernier ait été anéanti suite à la novation intervenue étant indifférent, les parties étant libres d'en reprendre certains éléments pour l'élaboration de leur nouvelle convention » ;
1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'exposante soulignait que la société X... s'était elle-même « prévalue de ces contrats (de maîtrise d'oeuvre) devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux pour en obtenir l'exécution par les copropriétaires » (conclusions, p. 15 pénultième §) ; qu'elle ajoutait que la société X... avait, dans son assignation du 9 mars 2011 à l'encontre de l'AFUL et de ses membres, reconnu l'existence d'un contrat conclu entre elle et l'ensemble des acquéreurs des lots (conclusions, p. 20) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que la société Groupe Thierry Oldak faisait expressément valoir devant la cour d'appel que l'envoi d'une facture par la société d'architecte au Président de l'AFUL constituait « un aveu au sens des articles 1354 et suivants du Code Civil de l'existence du contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la Sa X...et L'aful Des Intendants De Guyenne et/ ou de ses membres copropriétaires. Sinon, comment justifier l'exigibilité de cette dette ? » (conclusions, p. 23, § 1) ; qu'en se bornant à retenir « qu'il n'existe aucune preuve selon laquelle l'Aful des Intendants de Guyenne, représentant les copropriétaires acquéreurs de lots, ait signé un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société X... » (arrêt, p. 7 § 5), sans répondre, même sommairement, à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en fixant le montant de la garantie due par la société Groupe Thierry Oldak à la somme de 95 440, 80 € TTC au motif que cette somme « équival (ait) aux honoraires qui auraient dû être versés (à la société X...) au titre des missions réellement accomplies, conformément au contrat du 16 mai 2005 qui se réfère expressément au contrat du 29 mars 2001 pour leur détermination » (arrêt, p. 8 § 1), alors que le contrat de maitrise d'oeuvre du 16 mai 2005, qui s'est substitué à celui du 29 mars 2001, ne mentionne nullement le contrat précédent pour la détermination des honoraires de la société d'architecte, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.