LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses première et quatrième branches :
Vu l'article L. 123-9 du code de commerce ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que par lettre du 18 mai 2016 la confédération syndicale O OE TE OE RIMA a désigné Mme X... en qualité de déléguée syndicale au sein de l'Office polynésien de l'habitat (OPH) ; que l'employeur agissant en la personne de Mme Y..., directrice générale par intérim, a saisi le tribunal de première instance d'une demande d'annulation de cette désignation ;
Attendu que pour dire la demande irrecevable, le jugement retient que les textes imposent la mention du président du conseil d'administration au registre du commerce et des sociétés , que tel n'est pas le cas en l'espèce, et que Mme Y... tient son pouvoir d'agir en justice d'une délégation du président du conseil d'administration dont la désignation est inopposable aux défenderesses ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations et des pièces de la procédure que par acte du 27 octobre 2014 publié au journal officiel de la Polynésie française en date du 11 novembre 2014, le président du conseil d'administration de l'office polynésien de l'habitat déléguait au directeur général de l'office polynésien de l'habitat sa compétence en matière d'actions juridictionnelles tant en demande qu'en défense, à charge de lui en rendre compte de sorte que Mme Y..., directrice générale par intérim, justifiait de son pouvoir pour agir, peu important le défaut d'inscription au registre du commerce de la désignation du président du conseil d'administration, le tribunal de première instance a violé par fausse application le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 juillet 2016, entre les parties, par le tribunal de première instance de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de première instance de Papeete, autrement composé ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour l'Office polynésien de l'habitat.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable la requête de l'OPH aux fins d'annulation de la désignation de Mme X... en qualité de déléguée syndicale au sein de l'établissement ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.123-9 du code de commerce dans sa version applicable en Polynésie française dispose que « La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations, que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou les administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces. Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux faits ou actes sujets à mention ou à dépôt même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale. Ne peuvent toutefois s'en prévaloir les tiers et administrations qui avaient personnellement connaissance de ces faits et actes » ; qu'il n'est pas contesté que l'OPH est assujetti à cette disposition et que la nomination de Vaiani Y... en qualité de directrice par intérim n'a pas été mentionnée au registre du commerce en violation de l'article 13 de la délibération 2004-55 du 11 mars 2004 ; que si la publication de l'arrêté désignant Mme Y... comme directrice par intérim a certes été faite au journal officiel de la Polynésie française, l'article L. 123-9 du code de commerce écarte expressément la possibilité de se prévaloir « d'une autre publicité légale » ; que, cependant, ce même texte réserve l'hypothèse où les tiers avaient personnellement connaissance des faits et actes ; qu'en l'espèce, Mme X... ne pouvait ignorer la désignation de Mme Y... en qualité de directrice par intérim puisque c'est en cette qualité qu'elle lui adresse son courrier du 17 mai 2016 produit en pièce 3 par la requérante ; que c'est aussi en cette qualité que O OE TO OE RIMA lui a notifié la désignation de Mme X... comme déléguée syndicale ; que les défenderesses ne peuvent donc pas se prévaloir de l'inopposabilité de cette désignation ; que le non-respect de l'article 9-1-1-2 de l'arrêté 807 CM du 11 mai 2004 ne prévoit pas la sanction de l'inopposabilité de la désignation ; que, cependant, les textes imposent aussi la mention du président du conseil d'administration au registre du commerce et des sociétés alors que l'extrait Kbis produit est muet sur ce point ; que Mme Y... ne tient son pouvoir d'agir en justice que d'une délégation du président du conseil d'administration ; que la désignation du président du conseil d'administration de l'OPH étant inopposable aux défenderesses, il convient de déclarer la requête irrecevable ;
1°) ALORS QU'une demande en justice introduite pour le compte d'une personne morale demeure régulière et saisit valablement la juridiction concernée, alors même que l'auteur de la demande tiendrait son pouvoir d'un représentant légal de cette personne morale dont la nomination n'aurait pas été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en jugeant que la requête en annulation de la désignation de Mme X... était irrecevable, dans la mesure où la nomination du président du conseil d'administration de l'OPH, dont Mme Y... tenait son pouvoir, n'avait pas été publiée au registre du commerce et des sociétés, cependant que la requête avait valablement saisi la juridiction malgré cette absence de publication, le tribunal civil de première instance de Papeete a violé l'article L. 123-9 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le dispositif d'inopposabilité des faits et actes non publiés au registre du commerce et des sociétés prévu par l'article L.123-9 du code de commerce dans sa version applicable en Polynésie française n'est susceptible de bénéficier qu'aux tiers et aux administrations publiques ; qu'en faisant application du dispositif d'inopposabilité en question à l'égard de Mme X... cependant que celle-ci, dès lors qu'elle était salariée de l'OPH, ne pouvait être considérée comme un tiers au sens de l'article L. 123-9 du code de commerce, le tribunal civil de première instance a violé ce texte ;
3°) ALORS QU'en faisant application du dispositif d'inopposabilité prévu par l'article L. 123-9 du code de commerce à l'égard de la confédération syndicale O OE TO OE RIMA cependant que celle-ci, qui était un partenaire social régulier de l'établissement de l'OPH, ne pouvait être considérée comme un tiers au sens de l'article L. 123-9 du code de commerce, le tribunal civil de première instance a violé ce texte ;
4°) ALORS QU'une délégation de pouvoir, à l'inverse d'une simple délégation de signature, revêt un caractère fonctionnel et impersonnel, en sorte qu'elle n'est nullement affectée par les changements susceptibles de se produire dans la personne du délégant ou du délégataire ; qu'au cas présent, la délégation consentie par le président du conseil d'administration de l'OPH au directeur général de l'office, pour représenter l'établissement en justice, produite par l'OPH, constituait une délégation de pouvoir et était donc indifférente aux aspects et caractéristiques intéressant la personne du président du conseil d'administration et du directeur général ; qu'en opposant à l'OPH le défaut de mention du nom du président du conseil d'administration au registre du commerce et des sociétés, après avoir relevé que la directrice générale ne tenait son pouvoir d'agir que d'une délégation dudit président, cependant qu'une telle mention était sans influence sur la validité comme sur l'opposabilité de la délégation de pouvoir, le tribunal civil de première instance a méconnu le principe selon lequel une délégation de pouvoir revêt un caractère fonctionnel et impersonnel ;
5°) ALORS QUE l'absence de mention d'un acte au registre du commerce et des sociétés ne peut être opposée par les tiers ou administrations qui avaient personnellement connaissance de l'acte ; qu'en déclarant inopposable à Mme X... et à la confédération syndicale O OE TO OE RIMA la désignation du président du conseil d'administration de l'OPH, sans rechercher, au besoin d'office, si les parties avaient personnellement connaissance de cette désignation, le tribunal civil de première instance de Papeete a méconnu son office et violé le dernier alinéa de l'article L. 123-9 du code de commerce.