LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme Guylaine X..., Mme Pryscillia Y..., Mme Romy Anne Z... et M. Charles-Maxence X... (les consorts X...) de ce que, en tant qu'héritiers de Philippe X..., décédé le 7 février 2017, ils reprennent l'instance introduite par lui et son épouse ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2016), qu'après avoir obtenu la condamnation de M. X... à exécuter un engagement de caution souscrit par ce dernier, la société Le Crédit lyonnais a, le 4 mars 2009, cédé sa créance à la société MCS et associés ; que celle-ci a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur divers biens dont Philippe X... était propriétaire, en indivision avec son épouse, puis a, le 16 novembre 2011, assigné les deux époux aux fins de voir prononcer le partage des biens faisant l'objet de cette inscription et, préalablement, ordonner leur vente sur licitation ; que pour s'opposer à cette action, M. et Mme X... ont, notamment, fait valoir que la société MCS et associés avait refusé de leur communiquer le montant du prix de cession de la créance, privant ainsi Philippe X... de la possibilité d'exercer son droit de retrait litigieux ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de Philippe X... tendant à l'exercice du retrait litigieux sur la créance cédée alors, selon le moyen, qu'aux termes des articles 1699 et 1700 du code civil, le retrait litigieux suppose, pour être exercé par le débiteur retrayant, un litige et une contestation sur le fond du droit cédé par le créancier à un tiers ; que, dans ces conditions, le retrait est de droit pour le débiteur qui le demande ; que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à l'exercice du retrait litigieux sur la créance cédée par le Crédit lyonnais à la société MCS et associés, la cour d'appel a retenu que la créance cédée ne pouvait être considérée comme litigieuse à la date de la cession de créance survenue le 4 mars 2009 et que, partant, elle ne pouvait faire l'objet d'un droit de retrait ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'un litige portant sur la créance cédée opposait M. X... au Crédit lyonnais depuis le 12 février 1992, et qu'à ce litige avait succédé une procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire en 2011 au cours de laquelle M. X... n'avait eu de cesse de contester le montant des créances dues auprès de son créancier, ce dont il résultait que le litige portant sur la créance cédée n'était pas achevé au jour de la cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1699 et 1700 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que le droit de retrait prévu par l'article 1699 du code civil ne peut être exercé que si les droits cédés sont encore litigieux à la date à laquelle le débiteur cédé entend user de cette faculté, l'arrêt relève que le fond du droit a été tranché par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 28 mars 1996, qui a fixé le principe et le montant de la créance de la société Le Crédit lyonnais, cédant, vis à vis de M. X..., et que la péremption de l'instance ouverte devant la Cour de cassation sur la déclaration de pourvoi formée par ce dernier le 19 juin 1996 a été constatée par une ordonnance du 19 janvier 2000, de sorte que cet arrêt est devenu irrévocable ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la créance, ainsi définitivement arrêtée en principal et intérêts, n'était plus litigieuse, au sens de l'article 1700 du code civil, à la date à laquelle elle a été cédée, le 4 mars 2009, et que le droit de retrait ne pouvait, dès lors, être exercé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Guylaine A..., veuve X..., Mme Pryscillia Y..., Mme Romy Anne Z... et M. Charles-Maxence X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société MCS et associés la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à l'exercice du retrait litigieux sur la créance cédée par le Crédit Lyonnais à la société MCS et associés ;
AUX MOTIFS QUE l'action en partage et licitation de la société MCS et associés est fondée sur l'article 815-17 du code civil selon lequel les créanciers personnels d'un indivisaire ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur, ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui ; que pour s'opposer à cette action, M. et Mme X... font en premier lieu valoir que le tribunal a refusé de faire droit à leur demande de communication du montant du prix de cession de la créance cédée par le Crédit Lyonnais à la société MCS et associés ; que M. et Mme X... ne sont pas parties à la cession de créance à la société MCS et associés, de sorte que cette dernière n'est débitrice à leur égard d'aucune obligation de faire connaître le prix de vente, sauf, comme l'a relevé le tribunal, le cas d'exercice du droit de retrait litigieux, sous réserve que les conditions en soient réunies ; que la faculté de retrait prévue par l'article 1699 du code civil ne peut être exercée qu'autant que les droits cédés sont encore litigieux à la date de l'exercice de cette faculté ; que selon l'article 1700, la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit ; qu'en l'espèce, le fond du droit a été tranché par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 28 mars 1996, qui a fixé le principe et le montant de la créance du Crédit Lyonnais, cédant, vis à vis de M. Philippe X... ; que si la société intimée a été amenée à signifier cet arrêt à M. Philippe X... par acte d'huissier du 4 octobre 2011, faute de se trouver en possession d'un précédent acte de signification antérieurement délivré par le Crédit Lyonnais, le moyen invoqué par M. Philippe X... selon lequel l'arrêt mentionné ne lui aurait pas été signifié est inopérant ; qu'il résulte en effet de l'ordonnance du conseiller délégataire du premier président de la Cour de cassation du 19 janvier 2000 ayant constaté la péremption de l'instance ouverte sur la déclaration de pourvoi formée par M. Philippe X... le 19 juin 1996 à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel susvisé, que cette décision est devenue irrévocable ; que le moyen invoqué par les appelants, tenant à la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information annuelle de la caution est également inopérant dès lors que l'article L.313-22 du code monétaire et financier ne fait cette obligation au créancier que lorsque les intérêts au taux conventionnel s'appliquent à la créance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'arrêt susvisé assortissant la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 12 février 1992 ; que la créance a été définitivement fixée tant en principal et intérêts de sorte qu'elle est déterminable ; que la question de l'actualisation de la créance relève de l'exécution de l'arrêt du 28 mars 1996 mais ne porte pas sur son principe ni sur les éléments de sa détermination lesquels ont été définitivement arrêtés, de sorte que le litige relatif à la créance était éteint à la date de constatation de la péremption de l'instance devant la Cour de cassation, soit le 19 janvier 2000 ; que dans ces conditions, la créance cédée ne saurait être considérée comme litigieuse au sens de l'article 1700 du code civil à la date de la cession de créance intervenue ensuite ; que partant, elle ne peut faire l'objet d'un droit de retrait, de sorte que la demande de M. et Mme X... de se voir communiquer le prix de cession de la créance est dépourvue de fondement ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté cette demande ;
ALORS QU' aux termes des articles 1699 et 1700 du code civil, le retrait litigieux suppose, pour être exercé par le débiteur retrayant, un litige et une contestation sur le fond du droit cédé par le créancier à un tiers ; que dans ces conditions, le retrait est de droit pour le débiteur qui le demande ; que pour rejeter la demande de M. X... tendant à l'exercice du retrait litigieux sur la créance cédée par le Crédit Lyonnais à la société MCS et associés, la cour d'appel a retenu que la créance cédée ne pouvait être considérée comme litigieuse à la date de la cession de créance survenue le 4 mars 2009 et que, partant, elle ne pouvait faire l'objet d'un droit de retrait (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 3) ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'un litige portant sur la créance cédée opposait M. X... au Crédit Lyonnais depuis le 12 février 1992 (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 1er), et qu'à ce litige avait succédé une procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire en 2011 (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 3) au cours de laquelle M. X... n'avait eu de cesse de contester le montant des créances dues auprès de son créancier, ce dont il résultait que le litige portant sur la créance cédée n'était pas achevé au jour de la cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1699 et 1700 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la créance de la société MCS et associés était de 91.469,41 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 1992 ;
AUX MOTIFS QUE le montant de la créance cédée doit être actualisé afin, le cas échéant de permettre au coïndivisaire, comme le prévoit l'article 815-17 du code civil, d'arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom du débiteur ; qu'en l'espèce, les appelants se prévalent de lettres d'information annuelles envoyées par le Crédit Lyonnais de 2003 à 2007 visant un cautionnement de 76.224,51 € ; que quand bien même il est admis par l'intimée qu'une saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la SCI Domaine du Thou le 7 juillet 1997, de même qu'une saisie des parts d'associé détenues par M. Philippe X... dans la société Immovalor Gestion, il résulte de l'article 1254 du code civil que le paiement partiel s'impute sur les intérêts ; que M. Philippe X... n'établit pas l'existence d'un accord avec son créancier permettant une imputation des sommes saisies sur le capital ; que la somme visée dans lesdits courriers résulte d'une erreur manifeste ; que la société MCS et associés a inclus dans les décomptes qu'elle soumet à l'appréciation de la cour, les règlements effectués ; que c'est à tort que les appelants prétendent que les intérêts réclamés ont fait l'objet d'une capitalisation ; que M. et Mme X... critiquent encore les décomptes produits par la société MCS et associés en soutenant que celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de la majoration des intérêts au taux légal dès lors que la signification de l'arrêt à partie faite le 4 octobre 2011, n'a pas été précédée, comme l'exige l'article 678 du code de procédure civile en matière de représentation obligatoire, par la notification à son représentant ; que sur ce point, la société MCS et associés n'est pas fondée à opposer la dispense de notification préalable à Maître B..., avoué représentant M. Philippe X..., en invoquant la cessation des fonctions de ce dernier dont elle ne justifie pas, étant en outre observé que la signification querellée, ne contient pas l'indication de cette circonstance , comme le texte l'exige ; qu'enfin, l'absence de notification au représentant constitue une nullité, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'omission a causé grief ; qu'il apparaît dans ces conditions que la société MCS et associés ne peut inclure dans le décompte de sa créance que les intérêts au taux légal, hors la majoration légale de cinq points, la signification susvisée étant entachée d'irrégularité ; qu'il lui appartiendra d'établir un nouveau décompte de sa créance, hors majoration de l'intérêt au taux légal, avec imputation des sommes versées, par priorité sur les intérêts échus et le cas échéant sur le capital ; que M. et Mme X... qui reprennent dans le dispositif de leurs conclusions leur demande en annulation de l'inscription d'hypothèque judiciaire, ne développent aucun moyen au soutien d'une telle demande, dans le corps de leurs écritures ; qu'à titre surabondant, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 28 mars 1996, sur le fondement duquel a été publiée l'inscription hypothécaire, a acquis force de chose jugée à compter de son prononcé dès lors, une hypothèque judiciaire pouvait être inscrite sur son fondement, par application de l'article 2412 du code civil, ce même s'il n'avait pas été préalablement signifié ; que cette demande doit être rejetée ; qu'en l'état de ce qui précède, et contrairement à ce que soutiennent les appelants, la créance de la société MCS et associés est déterminable et présente un caractère certain, liquide et exigible ; qu'ainsi les conditions d'application de l'article 815-17 du code civil se trouvant réunies, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision existant entre M. Philippe X... et Mme Guylaine A... son épouse et préalablement à celle-ci la vente sur licitation des biens et droits immobiliers sis à Saint-Germain-en-Laye selon les modalités qu'il a fixées ; qu'il sera ajouté au jugement en ce que la cour précisera que la créance de la société MCS et associés est de 91.469,41 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 1992, sans majoration de cinq points, dont il convient de déduire les règlements effectués par M. Philippe X..., lesquels seront imputés à leur date, par priorité sur lesdits intérêts ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé et que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, les appelants se prévalaient de lettres d'information annuelles envoyées par le Crédit Lyonnais de 2003 à 2007 visant un montant dû de 76.224,51 € ; que pour écarter ces éléments de preuve et fixer la créance de la société MCS et associés au montant de 91.469,41 €, la cour d'appel s'est bornée à relever, sans s'en expliquer, que la somme visée dans lesdits courriers résultait d'une « erreur manifeste » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5) ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile.