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19/10/2017 | FRANCE | N°16-21597

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 octobre 2017, 16-21597


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 février 2016), rendu en référé, que la société Habitat du Nord, propriétaire d'un immeuble donné à bail à l'association Maison d'accueil pour les jeunes travailleurs (l'association), l'a assignée en paiement d'une provision au titre d'un arriéré de loyers ;

Attendu que la société Habitat du Nord fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant de sa provision ;

Mais atte

ndu qu'ayant relevé que des désordres importants affectant les réseaux d'eau, d'électricité et ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 février 2016), rendu en référé, que la société Habitat du Nord, propriétaire d'un immeuble donné à bail à l'association Maison d'accueil pour les jeunes travailleurs (l'association), l'a assignée en paiement d'une provision au titre d'un arriéré de loyers ;

Attendu que la société Habitat du Nord fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant de sa provision ;

Mais attendu qu'ayant relevé que des désordres importants affectant les réseaux d'eau, d'électricité et de chauffage de l'immeuble privaient l'association de la jouissance paisible des lieux conformément à leur destination de logement collectif et présentaient des risques pour la santé et la sécurité des occupants, la cour d'appel a pu déduire, de ces seuls motifs, que la créance de la bailleresse se heurtait à une contestation sérieuse quant à son quantum et a souverainement fixé le montant de la provision due par la locataire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Habitat du Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Habitat du Nord et la condamne à payer à l'association Maison d'accueil pour les jeunes travailleurs la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Habitat du Nord

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association MAJT à payer à la société Habitat du Nord une provision limitée à 100.000 € ;

AUX MOTIFS QUE par conclusions notifiées le 21 septembre 2015, l'association MAJT demande à la cour de (…) ; que l'association MAJT se réfère expressément aux conclusions notifiées et pièces communiquées à l'occasion des précédentes procédures dont le président du tribunal de grande instance de Lille a été saisi et à ses conclusions de première instance dont elle reprend intégralement le contenu ;

ALORS QUE les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ; qu'à défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées ; qu'au cas d'espèce, en statuant non seulement sur les conclusions d'appel signifiées par l'association MAJT le 21 septembre 2015, mais encore sur les « conclusions (…) notifiées à l'occasion des précédentes procédures dont le président du tribunal de grande instance de Lille a été saisi », la cour d'appel a violé l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association MAJT à payer à la société Habitat du Nord une provision limitée à 100.000 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE cependant, pour limiter le montant de la provision mise à la charge de l'association locataire, le premier juge a retenu qu'en l'état des pièces qu'elle produisait celle-ci démontrait qu'elle ne pouvait jouir que partiellement des locaux donnés à bail ; qu'il résulte en effet des pièces produites et analysées par l'ordonnance déférée que l'ensemble immobilier présente de nombreuses défectuosités empêchant une jouissance paisible ; qu'ainsi, le rapport daté du 12 novembre 2014 du bureau d'études Maquarie mandaté par l'association a relevé des problèmes d'assainissement du bâtiment C liés à la section insuffisante de la canalisation, des difficultés pour la distribution de l'eau chaude à raison de l'insuffisance de la section des canalisations, le non-fonctionnement du réseau photovoltaïque alors qu'il devait assurer la production d'eau chaude, ce qui a généré des surcoûts importants, des dysfonctionnements de certains radiateurs, des défauts du système de ventilation, notamment dans la zone des bureaux, une insuffisance de la puissance électrique et l'absence de liaison par un téléphone urbain entre la centrale incendie de l'établissement et les sapeurs-pompiers, une performance énergétique largement dépassée par rapport aux prévisions ; que de même, des correspondances des sociétés Chronobat et Mille datées des 25 septembre 2014 et 13 novembre 2014 font état de problèmes de fuites dans les douches et de phénomènes de contre-pente dans les canalisations sous bâtiment et le collecteur central pouvant être à l'origine de bouchons et d'odeurs à répétition ; que devant la Cour, l'association intimée produit un nouveau rapport établi par le bureau d'études Maquarie faisant état de risques de légionellose à raison des non-conformités du réseau de distribution d'eau chaude ; que par ailleurs, il est établi que des déclarations de sinistre ont été effectuées par la société Habitat du Nord et que des experts ont été mandatés sur les lieux par l'assureur dommages ouvrage ; que les pièces produites par l'association démontrent suffisamment qu'elle est elle-même titulaire d'une créance de dommages et intérêts certaine dans son principe, tant au titre des troubles de jouissance que des surcoûts générés par les désordres et non-conformités affectant les locaux donnés à bail, ce qui caractérise une contestation sérieuse s'opposant à ce que soit majoré le montant de la provision accordée à la société Habitat du Nord par le premier juge, celui-ci l'ayant exactement apprécié à 100.000 euros ; qu'il convient par conséquent de confirmer l'ordonnance sans qu'il soit nécessaire ni juridiquement justifié de donner acte à l'association de son offre de recourir à une médiation ou de demander à l'expert judiciaire désigné d'établir une note permettant de fixer l'ordre de grandeur de son préjudice ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la société Habitat du Nord a fait édifier un ensemble immobilier, 11 et 13 rue Abélard à Lille comprenant 266 chambres, destiné à la location à l'association MAJT pour l'accueil de jeunes actifs en mobilité et de jeunes travailleurs ; qu'il a été jugé par ordonnance de référé du 29 octobre 2013 que la convention du 1er janvier 2012 définissant les conditions du bail portant sur cet ensemble immobilier consenti à l'association MAJT faisait la loi entre les parties, celle-ci étant alors condamnée sous astreinte à la signer ; que cette disposition à laquelle est attachée l'autorité de chose jugée au provisoire ne peut être ici remise en cause par l'association MAJT, étant d'ailleurs précisé que celle-ci a exécuté la décision en régularisant par sa signature la convention le 3 décembre 2013 ; que pour s'opposer à la demande en paiement des loyers prévus par cette convention, l'association MAJT invoque un défaut de jouissance paisible et entière des lieux loués dû à des non-conformités contractuelles et à des dysfonctionnements entraînant pour elle l'impossibilité d'exploiter la totalité des appartements destinés à la location, avec des pertes financières correspondantes auxquelles s'ajoutent des surcoûts d'exploitation ; que l'association MAJT produit notamment aux débats un audit technique réalisé le 12 novembre 2014 par la société Maquarie qui relève que : la section de la canalisation du réseau d'assainissement du bâtiment C correspond à une évacuation de 3 logements alors qu'il existe 44 logements raccordés : des engorgements répétitifs sont à prévoir ; la section des canalisations du réseau d'eau chaude et le circuit de bouclage ne sont pas conformes : les logements les plus éloignés doivent laisser couler l'eau plus de 30 min avant d'avoir de l'eau chaude ; le réseau photovoltaïque ne fonctionne pas depuis plus de deux ans alors qu'il devait assurer 40 % de la production d'eau chaude ; une surconsommation de gaz pour compenser est constatée ; estimation à 1.291 € par mois avec 60 % d'occupation des lieux ; certains radiateurs des chambres sont raccordés en série au lieu d'être raccordés aux colonnes montantes ; si un logement ferme son robinet thermostatique ou est inoccupé, le voisin n'a pas de chauffage ; la zone de bureaux est raccordée en simple flux sur le système de ventilation double flux ; les moteurs se mettent en surchauffage et les bureaux ne sont plus ventilés ; les locaux poubelles sont raccordés sur le réseau VMC des logements ce qui représente un risque en cas d'incendie ; les sections des conduits verticaux sont mal dimensionnés ; ce sont des non-conformités importantes qui entraînent des traces de moisissures, des sensations d'étouffement, des surconsommations, etc. ; la puissance électrique installée ne permet pas de couvrir tous les besoins ; en mars 2012, la commission de sécurité d'ouverture de la partie ERP avait demandé une liaison de téléphone urbain entre la centrale incendie de l'établissement et les sapeurs-pompiers qui n'a toujours pas été installée ; la performance énergétique attendues (65 kWh/m2) est largement dépassée (environ 180 à 200 kWh/m2) ; que la société Maquarie en tire la conclusion que les éléments constructifs présentent de telles non-conformités qu'elles empêchent une jouissance paisible des lieux et que l'usage de la totalité de la capacité d'accueil va conduire à des surcoûts importants d'exploitation ; que l'association MAJT produit également un courrier de la société Chronobat chargé de l'entretien et de la maintenance de l'immeuble qui met en avant des problèmes de conception et/ou de mise en oeuvre non conforme affectant notamment les douches dans lesquelles sont régulièrement constatées des fuites par suite de manque de serrage des siphons et manque d'étanchéité entre le bac à douche et le carrelage, ainsi qu'un courrier de l'entreprise Mille qui a réalisé une inspection vidéo révélant des contre-pentes à l'origine de risque de bouchon et d'odeurs à répétition nécessitant, à défaut de travaux pour y remédier, un curage au moins trois fois par an ; que ces dysfonctionnements ne sont pas formellement contestés par la société Habitat du Nord qui a, à une date non précisée, effectué une déclaration de sinistre dommages-ouvrage pour laquelle a été programmée une expertise portant sur le dysfonctionnement chauffage et distribution ECS ; que l'association MAJT justifie ainsi qu'elle ne peut jouir que partiellement des locaux donnés à bail ainsi que de surcoûts pour l'exploitation de ceux-ci ; que dans cette situation, la demande en paiement de loyers sera admise dans la limite de 100.000 € et il sera fait droit à la demande d'expertise ;

1°) ALORS QUE dans le cadre des règles de fond du bail, le preneur ne peut refuser de régler le loyer stipulé dans le contrat que lorsqu'il est totalement privé de la jouissance des lieux ; qu'aussi, dans le cadre du référé, ne peut constituer une contestation sérieuse opposée à une demande du bailleur en paiement d'une créance de loyers certaine, liquide et exigible fondée sur le bail, l'allégation par le preneur d'une créance de dommages-intérêts fondée sur des troubles de jouissance qui, quelle qu'en soit l'importance, ne le privent pas totalement de la jouissance du local ; qu'au cas d'espèce, en retenant au contraire que si la créance de loyers dont se prévalait le bailleur était certaine, liquide et exigible, la provision allouée devait être limitée en raison de la créance de dommages-intérêts dont pouvait se prévaloir le preneur au titre de troubles de jouissance, laquelle constituait une contestation sérieuse, quand il était constaté par ailleurs que le preneur n'était pas totalement privé de la jouissance des lieux, la cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble l'article 1728 du code civil ;

2°) ALORS QUE le locataire ne peut, pour refuser le paiement de loyers échus, qui constituent une créance certaine, opposer au bailleur l'inexécution par lui de travaux qui représentent une créance indéterminée ; qu'en limitant le montant de la provision allouée au titre des loyers échus en considération d'une créance de dommages et intérêts certaine dans son principe, tant au titre des troubles de jouissance que des surcoûts générés par les désordres et non-conformités affectant les locaux donnés à bail, la a cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble l'article 1728 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-21597
Date de la décision : 19/10/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 11 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 oct. 2017, pourvoi n°16-21597


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21597
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