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18/10/2017 | FRANCE | N°16-19909

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 octobre 2017, 16-19909


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale (la banque) a consenti à M. et Mme X... deux prêts immobiliers, dont la société Crédit logement (la caution) s'est portée caution ; qu'à la suite d'échéances demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et sollicité le paiement de sa créance auprès de la caution ; que celle-ci a assigné M. et Mme X... en paiement, lesquels, en cause d'appel, ont attrait la banque en intervention forcée ;

Sur le moyen uniqu

e du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pa...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale (la banque) a consenti à M. et Mme X... deux prêts immobiliers, dont la société Crédit logement (la caution) s'est portée caution ; qu'à la suite d'échéances demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et sollicité le paiement de sa créance auprès de la caution ; que celle-ci a assigné M. et Mme X... en paiement, lesquels, en cause d'appel, ont attrait la banque en intervention forcée ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 555 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer recevable en cause d'appel l'intervention forcée de la banque, l'arrêt énonce qu'il y a eu évolution du litige, dès lors que M. et Mme X... ont appris, en première instance, que l'accord de la caution pour l'établissement de nouveaux échéanciers, dont les assurait la banque, n'existait pas et ne pouvait donc pas lui être opposé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'y a pas d'évolution du litige de nature à faire échec au principe du double degré de juridiction lorsque l'élément modifiant les données de ce litige est intervenu au cours de la procédure devant la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société générale à payer à M. et Mme X... deux sommes de 50 000 euros en réparation de la perte de chance de poursuivre l'exécution de chacun des prêts ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il partage les dépens de l'instance d'appel, l'arrêt rendu le 3 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la mise en cause de la Société générale ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens comprenant ceux exposés devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

- Sur la recevabilité de l'intervention forcée en appel de la SOCIETE GENERALE -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à payer à M. Hervé X... et Mme Stéphanie Y... épouse X... une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de poursuivre l'exécution du prêt immobilier à eux consenti le 12 mai 2005, d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à payer à M. Hervé X... et Mme Stéphanie Y... épouse X... une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de poursuivre l'exécution du prêt immobilier à eux consenti le 18 Août 2009, et d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à verser à M. Hervé X... et Mme Y... épouse X... une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE : « S'agissant des personnes qui n'étaient pas dans la procédure engagée devant les premiers juges, l'article 555 du code de procédure civile dispose que celles-ci « peuvent être appelées devant la cour même aux fins de condamnation quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ». En l'espèce, contrairement aux allégations de la société CRÉDIT LOGEMENT, il y a eu évolution du litige, puisque M. et Mme X... ont appris en première instance que l'accord du CRÉDIT LOGEMENT pour l'établissement de nouveaux échéanciers, dont les assurait la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, n'existait pas et ne pouvait donc être opposé à la société demanderesse. L'assignation en intervention forcée de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en appel est donc recevable » ;

ET QUE : « Il résulte de la rédaction même du jugement entrepris que des pourparlers avaient été engagés entre les époux X... et la banque, qui avaient abouti à l'acceptation par celle-ci, selon courrier du 9 novembre 2011, d'une reprise des paiements contractuels interrompus depuis trois mois, en ces termes : "Comme convenu, après entretien téléphonique et après entente avec le Crédit Logement garant dans vos dossiers de prêt, nous vous adressons ci-joint les échéanciers". Ce courrier de la banque, particulièrement précis dans sa teneur a été immédiatement exécuté par les époux X.... Or, alors que les appelants démontrent avoir organisé le prélèvement sur leur compte bancaire, et opéré un premier paiement du montant exact des échéances convenues le 2 décembre 2011, ils ont reçu dès le 19 décembre 2011 une mise en demeure de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE leur enjoignant de payer la totalité des sommes dues, sans référence à l'accord intervenu. En revenant sans explication sur son engagement, alors que la déchéance du terme ne pouvait être prononcée que par elle , et en assurant mensongèrement les débiteurs d'un accord de la société CRÉDIT LOGEMENT, sa contractante, qu'elle n'ignorait pas avoir saisie à deux reprises en septembre et octobre 2011, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans les relations contractuelles au sens de l'article 1134 du code civil. Elle a fait perdre aux époux X... une chance de rembourser leurs prêts dans des termes contractuels, qui ne peut être réparée que par des dommages-intérêts et non par le biais d'une action en garantie. La cour saisie dans le cadre de sa compétence d'une demande en responsabilité de la banque dispose des éléments suffisants pour apprécier le montant de la réparation due au titre de la perte de chance à la somme de 50.000 € pour chacun des deux prêts » ;

1°) ALORS QUE l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, et modifiant les données du litige (Ass. plén., 11 mars 2005, Bull. ass. plén., n°4) ; qu'en déclarant recevable l'intervention forcée en appel de la SOCIETE GENERALE au seul motif que M. et Mme X... avaient appris « en première instance » que l' « accord du CREDIT LOGEMENT pour l'établissement de nouveaux échéanciers n'existait pas et [qu'il] ne pouvait donc être opposé au CREDIT LOGEMENT », la Cour d'appel, qui n'a pas établi que l'évolution du litige justifiant l'intervention forcée de la banque résultait de la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;

2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU' il n'y a pas d'évolution du litige justifiant l'intervention forcée d'un tiers en appel lorsque les parties avaient connaissance, en première instance, des éléments de fait suffisants pour mettre ce tiers en cause, ces faits furent-ils contestés ; qu'en déclarant l'intervention forcée de la SOCIETE GENERALE recevable, sans répondre aux conclusions (conclusions, p.4) par lesquelles la SOCIETE GENERALE faisait valoir qu'en première instance, le CREDIT LOGEMENT avait confirmé aux époux X... qu'il n'avait pas donné son accord à l'échéancier évoqué par la banque, de sorte que les époux X... savaient que l'opposabilité de cet échéancier était contesté et que dès la première instance ils étaient en mesure, fût-ce à titre subsidiaire, d'agir en garantie contre la banque, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

- sur le fond -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à payer à M. Hervé X... et Mme Stéphanie Y... épouse X... une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de poursuivre l'exécution du prêt immobilier à eux consenti le 12 mai 2005, d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à payer à M. Hervé X... et Mme Stéphanie Y... épouse X... une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de poursuivre l'exécution du prêt immobilier à eux consenti le 18 Août 2009, et d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à verser à M. Hervé X... et Mme Y... épouse X... une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE : « Il résulte de la rédaction même du jugement entrepris que des pourparlers avaient été engagés entre les époux X... et la banque, qui avaient abouti à l'acceptation par celle-ci, selon courrier du 9 novembre 2011, d'une reprise des paiements contractuels interrompus depuis trois mois, en ces termes : "Comme convenu, après entretien téléphonique et après entente avec le Crédit Logement garant dans vos dossiers de prêt, nous vous adressons ci-joint les échéanciers". Ce courrier de la banque, particulièrement précis dans sa teneur a été immédiatement exécuté par les époux X.... Or, alors que les appelants démontrent avoir organisé le prélèvement sur leur compte bancaire, et opéré un premier paiement du montant exact des échéances convenues le 2 décembre 2011, ils ont reçu dès le 19 décembre 2011 une mise en demeure de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE leur enjoignant de payer la totalité des sommes dues, sans référence à l'accord intervenu. En revenant sans explication sur son engagement, alors que la déchéance du terme ne pouvait être prononcée que par elle , et en assurant mensongèrement les débiteurs d'un accord de la société CRÉDIT LOGEMENT, sa contractante, qu'elle n'ignorait pas avoir saisie à deux reprises en septembre et octobre 2011, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans les relations contractuelles au sens de l'article 1134 du code civil. Elle a fait perdre aux époux X... une chance de rembourser leurs prêts dans des termes contractuels, qui ne peut être réparée que par des dommages-intérêts et non par le biais d'une action en garantie. La cour saisie dans le cadre de sa compétence d'une demande en responsabilité de la banque dispose des éléments suffisants pour apprécier le montant de la réparation due au titre de la perte de chance à la somme de 50.000 € pour chacun des deux prêts » ;

1°) ALORS QUE le juge doit respecter les termes du litige tels que définis par les parties ; qu'en l'espèce, les époux X... demandaient uniquement à la Cour d'appel de condamner la SOCIETE GENERALE à les « garantir » des condamnations qui pourraient le cas échéant être prononcées à leur encontre ; qu'en condamnant cependant la SOCIETE GENERALE à indemniser les époux X... d'un préjudice correspondant à « la perte d'une chance de rembourser [les] prêts dans des termes contractuels », la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, les époux X... ne sollicitaient pas l'indemnisation d'un préjudice correspondant à « la perte d'une chance de rembourser leurs prêts dans des termes contractuels » ; qu'en indemnisant un tel préjudice, sans même inviter la SOCIETE GENERALE à s'expliquer sur celui-ci, et tout particulièrement sur les chances dont disposaient les époux X... d'éviter la déchéance du terme, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'avant d'indemniser un préjudice de perte d'une chance, il appartient aux juges du fond de déterminer le préjudice final supporté par la victime, la probabilité que présentait l'événement de se réaliser –ou de ne pas se réaliser-, et de n'indemniser le préjudice que dans la proportion de cette probabilité ; qu'en se bornant à relever qu'elle disposait des éléments suffisants pour apprécier le montant de la réparation due au titre de la perte de chance à la somme totale de 100.000 euros, sans s'expliquer sur les chances qu'avaient les époux X... d'échapper à la déchéance du terme ni préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour retenir une telle probabilité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1149 du code civil dans sa version applicable en l'espèce.
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X..., demandeurs au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. et Mme X... à payer au Crédit Logement les sommes de 158 155,22 € et de 150 883,33 € au titre des deux prêts remboursés par celui-ci à la Société Générale ;

AUX MOTIFS QUE « le Crédit Logement, avisé par la Banque de ce que la déchéance du terme avait joué, a procédé au paiement du capital après avoir, pour le premier prêt, d'abord remboursé les échéances échues ; que le Crédit Logement, exerçant le recours personnel de l'article 2305 du code civil, sur le fondement de son paiement pour le compte d'autrui, et non sur celui des droits du créancier, ne peut se voir opposer par les époux X... les fautes de la banque dans l'octroi ou pendant la durée du prêt ; qu'il est fondé à alléguer sa qualité de tiers au contrat passé entre la société générale et ses clients M. et Mme X... ; (…) qu'il résulte de la rédaction même du jugement entrepris que les pourparlers avaient été engagés entre les époux X... et la banque, qui avaient abouti à l'acceptation par celle-ci, selon courrier du 9 novembre 2011, d'une reprise des paiements contractuels interrompus depuis trois mois en ces termes : « comme convenu, après entretien téléphonique et après entente avec le Crédit Logement garant dans vos dossiers de prêt, nous vous adressons ci-joint les échéanciers » ; que ce courrier de la banque, particulièrement précis dans sa teneur, a été immédiatement exécuté par les époux X... ; que les appelants démontrent avoir organisé le prélèvement sur leur compte bancaire et opéré un premier paiement du montant exact des échéances convenues le 2 décembre 2011 ; qu'ils ont reçu dès le 19 décembre 2011 une mise en demeure de la société Générale leur enjoignant de payer la totalité des sommes dues, sans référence à l'accord intervenu » ;

ALORS QUE la caution qui a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal n'a point de recours contre celui-ci dans les cas où, au moment de ce paiement, le débiteur aurait eu les moyens de faire déclarer la dette éteinte ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que le Crédit Logement a spontanément payé le la banque, qui l'avait informée de la déchéance du terme, sans en avertir les débiteurs principaux et ce, alors que la dette de ces derniers venait d'être réaménagée par la banque dans des conditions qui permettaient à ces derniers de la rembourser ; qu'en condamnant néanmoins M. et Mme X... à payer la caution, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il s'évinçait que la caution était privée de tout recours contre les époux X..., a violé l'article 2308 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-19909
Date de la décision : 18/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 oct. 2017, pourvoi n°16-19909


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19909
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