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18/10/2017 | FRANCE | N°16-11655

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 octobre 2017, 16-11655


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2015), que M. X...a été engagé, le 2 septembre 2002, par la société Bati conseil immobilier, aux droits de laquelle vient la société Nacarat ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur général, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable ; qu'ayant été licencié pour faute grave, le 28 septembre 2009, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur f

ait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2015), que M. X...a été engagé, le 2 septembre 2002, par la société Bati conseil immobilier, aux droits de laquelle vient la société Nacarat ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur général, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable ; qu'ayant été licencié pour faute grave, le 28 septembre 2009, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à lui verser diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que les manoeuvres et la fraude du salarié lui interdisent de se prévaloir des dispositions relatives à la prescription ; qu'en l'espèce, l'employeur avait fait valoir qu'en 2009, la société n'avait pas juridiquement une exacte connaissance des fautes commises par le salarié, et de la nature précise du rôle qu'il avait pu jouer à l'occasion des faits litigieux, qu'elle n'avait en réalité que des soupçons, insuffisants à faire courir la prescription, compte tenu de l'ignorance dans laquelle elle était alors de l'imputabilité certaine de ces faits au salarié ; que la société n'a en réalité eu une connaissance exacte et certaine de la réalité des faits et de leur imputabilité au salarié que dans le cadre de la présente instance, essentiellement lorsqu'elle a pu prendre connaissance :
- de l'attestation de Mme Y...(pièce n° 8 du salarié), établissant formellement la participation active et personnelle du salarié à l'approbation irrégulièrement intervenue le 29 avril 2009 (par la connaissance qu'il avait de la nécessité de rectifier les comptes, et par la décision qu'il a prise de ne pas les rectifier) ;
- de la pièce n° 39 du salarié, qui fait également état du rôle actif et délibéré joué par le salarié (« le salarié avait eu connaissance de telles velléités et avait refusé d'y prêter main forte, de même que la DAF, Mme Y...») ;
- de l'attestation de M. Z...(pièce n° 53 du salarié), dont les termes confirment avec toute l'évidence nécessaire la réalité d'une action de concert impliquant le salarié ;
- et des conclusions d'appel du salarié, articulant une argumentation grossièrement mensongère, ayant pour objectif de tenter de dissimuler le rôle actif joué, par lui, dans l'approbation irrégulière intervenue le 29 avril 2009, en contradiction avec la teneur de ses propres pièces (conclusions p. 39) ; qu'en écartant cette argumentation sans se prononcer sur l'allégation de fraude du salarié fondée sur les propres pièces et écritures du salarié, la cour d'appel a privé de motifs sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que l'employeur ne verse aucun document pour établir une collusion frauduleuse entre le salarié et M. Z..., quand cette collusion, ressortant des propres pièces versées aux débats par le salarié, (pièces n° 8, 39 et 53), était invoquée par l'employeur dans ses conclusions sur le fondement de ces mêmes pièces, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

3°/ que le délai de prescription de deux mois ne court que lorsque l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité et de l'imputabilité des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, la seule connaissance par l'employeur en mai 2009 de l'irrégularité de la rémunération variable payée au salarié le 29 avril 2009, comme la décision prise en juin 2009 de rectifier les comptes, ne suffisaient pas à établir, ainsi que le soutenait l'employeur, qu'à cette date il avait une connaissance exacte de l'imputabilité des faits au salarié, cette imputabilité certaine n'ayant été établie qu'au cours de l'instance, notamment en appel ; qu'en retenant cependant que la prescription était acquise, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

4°/ que la lettre de licenciement expose qu'il est reproché au salarié de s'être octroyé, sans le visa de sa hiérarchie, une rémunération variable sur la base de chiffres « non conformes au bilan définitivement validé » ; qu'il est constant que la validation de ce bilan n'est intervenue que le 31 août 2009 ; qu'en retenant que l'employeur pouvait antérieurement à cette date avoir connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert des griefs non fondés de dénaturation et de violation de la loi, la critique ne vise qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve versés aux débats au terme de laquelle ils ont d'une part, écarté l'existence d'une fraude, et d'autre part, retenu que la prescription était acquise ;

Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'allouer au salarié des rappels de rémunération variable pour l'année 2009 et les congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le contrat de travail n'a pas prévu de dispositions particulières pour le salarié arrivant ou quittant l'entreprise en cours d'exercice, c'est-à-dire lorsque le contrat de travail n'a pas explicitement conditionné le versement de la prime à une condition de présence du salarié à la clôture de l'exercice, le juge doit nécessairement rechercher si le droit au paiement prorata temporis de la prime annuelle d'objectif à l'intéressé étant entré ou ayant quitté l'entreprise en cours d'exercice, résultait d'une convention ou d'un usage ; qu'en l'espèce, s'agissant de la seconde partie de la rémunération variable calculée en pourcentage des résultats de la société Bati conseil immobilier, le salarié n'ayant pas rapporté cette preuve, tout versement de rémunération variable était nécessairement exclu ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;

2°/ qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel, qu'au titre de la première partie de la rémunération variable, que seules devaient être prises en compte pour le calcul de l'intéressement les affaires « développées » mentionnées dans l'avenant, et ce jusqu'à ce que la production des opérations immobilières figurant dans la liste soit terminée ; qu'ainsi l'octroi d'une rémunération variable sur des opérations « apportées et développées » suppose, par nature, la présence du salarié pendant la période de développement-sans quoi, en cas de rupture du contrat de travail avant l'achèvement du développement des opérations, la rémunération devient un intéressement sur les opérations « simplement apportées », ce qui n'est pas conforme aux prévisions des parties lesquelles avaient d'ailleurs précisément mis fin en 2006, et pour l'avenir, au dispositif de rémunération variable initialement assis sur les opérations apportées, ce que le conseil de prud'hommes et la cour d'appel ont admis ; qu'en accordant dès lors au salarié le bénéfice d'un intéressement contractuel au titre des opérations « Ephad La Guyonnerie » et « Touzet Gaillard », dont la production avait pris fin postérieurement à la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les dispositions contractuelles applicables en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant estimé, par motifs adoptés, que l'ouverture du droit à la partie variable de la rémunération contractuellement due jusqu'à la fin de l'année 2009, au titre du développement des opérations immobilières apportées devait être appréciée en fonction, non pas de la date de vente des lots, mais de l'achèvement des programmes de construction, et fait ressortir qu'à l'exception de l'opération Saint-Cyr-l'Ecole, les sommes réclamées à ce titre par le salarié étaient la contrepartie du travail effectué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nacarat aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X..., la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Nacarat.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et en conséquence d'avoir condamné l'employeur à lui verser diverses sommes

AUX MOTIFS QUE

Sur l'attribution d'une rémunération variable 2009 sur la base de chiffres non conformes au bilan définitivement validé,
S'agissant de ce grief dont les parties s'accordent à dire qu'il est au coeur du licenciement pour faute grave, il ressort des pièces produites, et il n'est pas contesté que cet intéressement concernait une opération immobilière dénommée Le Vitalys, portée par une filiale du groupe, la société Touzet Gaillard, opération que monsieur X...avait apportée et développée et qui figurait parmi celles pour lesquelles il bénéficiait du maintien de son intéressement en pourcentage de cash flow ; que les travaux de construction de l'immeuble, commercialisé en VEFA, ont été confiés à la société Rabot A...Construction ; que suite à des défaillances de cette société, la société Touzet Gaillard devait percevoir des pénalités contractuelles à hauteur de 2. 398. 492 Euros, que la direction financière de Rabot A...Investissement, par une décision du 24 mars 2009, avait décidé de limiter à celles dues par la société Touzet Gaillard à l'investisseur (Horizon), soit 1. 200. 000 Euros ; que, néanmoins, le 29 avril 2009, le bilan 2008 de la société Touzet Gaillard a été approuvé par la société Bati Conseil Immobilier en la personne de son président, monsieur Z..., avec intégration de la totalité des pénalités de retard, et donc sans tenir compte de la décision du 24 mars, et ce sur la base d'un rapport de gestion de la société Touzet Gaillard établi par le même monsieur Z..., en sa qualité de Président non associé de ladite société ;
Il résulte des courriers échangés en cours de procédure versés aux débats que, contrairement à ce qui est indiqué dans les documents ci-dessus, (PV d'approbation des comptes et rapport de gestion) les comptes n'ont pas été approuvés par le commissaire aux comptes, la société KPMG, laquelle atteste ne pas avoir été convoquée, et n'avoir établi aucun rapport général en vue d'une approbation des comptes, lequel avait été émis seulement le 20 août 2009 ;
Monsieur X...qui prétend n'avoir jamais été informé de la décision du 24 mars 2009 de limiter les pénalités, invoque d'abord la prescription de deux ans prévue à l'article L 1332-4 du code du travail, faisant valoir qu'il a perçu son avance sur intéressement fin avril 2009, que l'employeur indique, dans la lettre de licenciement, que c'est lors des vérifications effectuées à l'occasion de la création de la société Nacarat qu'elle a découvert le grief, création formalisée le 28 mai 2009 soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure ; que contrairement à ce qu'a décidé le Conseil de Prud'hommes, les dirigeants ne pouvaient ignorer que son intéressement avait été établi sur la base d'un bilan valablement arrêté au 31 décembre 2008 ; que si l'audit de madame B...fait apparaître une éventuelle réduction de marge, celle-ci restait conditionnelle ; que les dirigeants du groupe lui ont néanmoins laissé percevoir son intéressement, sans aucune vérification, alors même que les flux financiers générés par cet intéressement, représentant plus du double de la moyenne standard, ne pouvaient leur avoir échappé, et figuraient sur sa fiche de paie et celle de monsieur C..., bénéficiaire exactement du même intéressement sans avoir fait l'objet d'aucun reproche ni, a fortiori, d'un licenciement ; il ajoute que dès lors que la décision de rectification des comptes avait été prise, en juin 2009, elle entraînait de facto connaissance par l'employeur que les intéressements avaient été calculés sur des bases erronées ;
La société Nacarat réplique que la prescription est inapplicable en cas de fraude et prétend que tel était bien le cas en l'espèce, dès lors que les comptes n'ont pas été modifiés en violation de la décision prise par le directoire le 24 mars 2009, ni a fortiori approuvés, que les commissaires aux comptes n'ont pas été convoqués, en dépit de fausses affirmations contraires ;
Toutefois, il appartient à celui qui invoque la fraude d'en apporter la preuve ; or en l'espèce, il est constant que si le procès-verbal du 29 avril 2009 contient des mentions erronées sur la convocation et le rapport des commissaires aux comptes, il reste que comme l'explique la société elle-même dans ses écritures, " l'approbation irrégulière intervenue le 29 avril était formellement imputable à monsieur Z..., monsieur X...n'ayant apposé sa signature sur ce document que pour accepter, pour l'avenir, les fonctions de Président de la société Touzet Gaillard " ; monsieur Z...explique, dans son attestation du 15 juillet 2011, qu'il avait dû signer plusieurs dizaines de procès-verbaux d'assemblée du fait de sa démission et de la fusion des sociétés si bien qu'il n'avait pas nécessairement porté attention à aux dites mentions ; et force est de constater que si la société Nacarat évoque des complicités entre monsieur X...et monsieur Z..., celui-ci les conteste formellement expliquant n'avoir jamais été contacté par aucun membre du groupe à ce sujet ; la société Nacarat fait valoir que monsieur Z...était présent lorsque la décision du 24 mars a été prise, mais il est constant que monsieur X...lui, ne l'était pas et que la société ne verse aucun document pour établir une collusion frauduleuse entre les deux intéressés ; enfin, à supposer que la responsabilité de la publication des comptes incombait à monsieur X..., la société Nacarat n'explique pas en quoi cette absence de publication procédait d'une volonté de dissimulation de l'intéressé, elle-même n'ayant publié ses comptes que 13 mois après qu'ils ont été approuvés, comme le fait observer l'appelant ;
La société Nacarat prétend qu'elle n'a eu une connaissance exacte des faits reprochés à monsieur X...qu'au cours de la présente instance, à la lecture de l'attestation de madame Y...établissant selon elle, la participation active de monsieur X...à l'approbation irrégulièrement intervenue le 29 avril, de celle de monsieur X...lui-même expliquant qu'il avait refusé de prêter main forte aux velléités de minorer les pénalités, de l'attestation de monsieur Z...et des conclusions d'appel ;
Elle affirme qu'en 2009, elle n'avait en réalité que de simples soupçons, insuffisants à faire courir la prescription compte tenu de l'ignorance dans laquelle elle était de cette imputabilité certaines des faits à monsieur X...; cependant, force est de constater d'abord que cette argumentation est pour le moins contradictoire avec la motivation d'un licenciement pour faute grave du directeur général d'une société, difficilement compatible avec de simples soupçons ; ensuite, et comme le souligne monsieur X..., la société date elle-même, dans la lettre de licenciement, sa connaissance des faits de vérifications effectuées dans le cadre de sa création, soit au cours des mois d'avril et mai 2009 ; en outre, il est expressément mentionné, dans le contrat de travail de monsieur X...que le paiement de la partie variable de l'année N s'effectuera au plus tard le 30 avril de l'année N + 1, et il n'est fait aucune référence à des comptes " définitivement validés " ; or, " le rapport d'audit des rémunérations variables BCIM ", adressé le 17 avril 2009 à messieurs A...et D... fait expressément mention, pour les deux codirecteurs (messieurs X...et Marechal) de la base perçue en 2008, en évoquant la réduction éventuelle d'1 million d'Euros, préconisant de revoir le mode de rémunération de monsieur X...et d'" auminimum actualiser la base de calcul de l'intéressement en 2008, compte tenu de la marge définitive comptabilisée sur Touzet Gaillard, qui pèse de manière très significative sur les produits " " ; or monsieur X...a été payé de son intéressement 2008 conformément à son contrat 10 jours après cette note, soit le 28 avril 2009 ; ainsi, dès la fin du mois d'avril, monsieur A..., président du groupe Rabot A...dont faisait partie la société Bati Conseil Immobilier et monsieur D..., devenu Président de la société Nacarat en mai 2009, étaient parfaitement informés de la problématique de la base d'intéressement par ce rapport d'audit ; aussi, les soupçons qu'ils avaient pu concevoir pouvaient aisément être vérifiés en sollicitant le bulletin de paie de l'intéressé dès la fin du mois d'avril, dont ils ne pouvaient ignorer que, conformément au contrat de travail, il incluait l'intéressement au titre de l'année 2008 et étaient ainsi en mesure d'avoir, dès cette date, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés ; enfin, et comme le fait valoir à juste titre monsieur X..., la décision de " rectifier " les comptes prise par monsieur D...le 25 juin 2009 impliquait qu'il connaissait l'existence de comptes antérieurs erronés et donc la base de calcul de l'intéressement de monsieur X...payé le 29 avril ;
En conséquence, le grief tiré de l'octroi d'une rémunération variable 2009 de plus de 200. 000 €, sur la base de chiffres non conformes au bilan définitivement validé est prescrit ;

ALORS QUE les manoeuvres et la fraude du salarié lui interdisent de se prévaloir des dispositions relatives à la prescription ; qu'en l'espèce, l'employeur avait fait valoir qu'en 2009, la société n'avait pas juridiquement une exacte connaissance des fautes commises par Monsieur X..., et de la nature précise du rôle qu'il avait pu jouer à l'occasion des faits litigieux, qu'elle n'avait en réalité que des soupçons, insuffisants à faire courir la prescription, compte tenu de l'ignorance dans laquelle elle était alors de l'imputabilité certaine de ces faits à Monsieur X...; que la société n'a en réalité eu une connaissance exacte et certaine de la réalité des faits et de leur imputabilité à Monsieur X...que dans le cadre de la présente instance, essentiellement lorsqu'elle a pu prendre connaissance :- de l'attestation de Madame Y...(Pièce n° 8 de Monsieur X...), établissant formellement la participation active et personnelle de Monsieur X...à l'approbation irrégulièrement intervenue le 29 avril 2009 (par la connaissance qu'il avait de la nécessité de rectifier les comptes, et par la décision qu'il a prise de ne pas les rectifier) ;- de la pièce n° 39 de Monsieur X..., qui fait également état du rôle actif et délibéré joué par Monsieur X...(« Monsieur X...avait eu connaissance de telles velléités et avait refusé d'y prêter main forte, de même que la DAF, Madame Y...») ;- de l'attestation de Monsieur Z...(Pièce n° 53 de Monsieur X...), dont les termes confirment avec toute l'évidence nécessaire la réalité d'une action de concert impliquant Monsieur X...;- et des conclusions d'appel de Monsieur X..., articulant une argumentation grossièrement mensongère, ayant pour objectif de tenter de dissimuler le rôle actif joué, par lui, dans l'approbation irrégulière intervenue le 29 avril 2009, en contradiction avec la teneur de ses propres pièces (conclusions p. 39) ; qu'en écartant cette argumentation sans se prononcer sur l'allégation de fraude du salarié fondée sur les propres pièces et écritures du salarié, la cour d'appel a privé de motifs sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que l'employeur ne verse aucun document pour établir une collusion frauduleuse entre le salarié et M. Z..., quand cette collusion, ressortant des propres pièces versées aux débats par le salarié, (pièces n° 8, 39 et 53), était invoquée par l'employeur dans ses conclusions sur le fondement de ces mêmes pièces, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

ALORS QUE le délai de prescription de deux mois ne court que lorsque l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité et de l'imputabilité des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, la seule connaissance par l'employeur en mai 2009 de l'irrégularité de la rémunération variable payée au salarié le 29 avril 2009, comme la décision prise en juin 2009 de rectifier les comptes, ne suffisaient pas à établir, ainsi que le soutenait l'employeur, qu'à cette date il avait une connaissance exacte de l'imputabilité des faits au salarié, cette imputabilité certaine n'ayant été établie qu'au cours de l'instance, notamment en appel ; qu'en retenant cependant que la prescription était acquise, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

ALORS QUE la lettre de licenciement expose qu'il est reproché à monsieur X...de s'être octroyé, sans le visa de sa hiérarchie, une rémunération variable sur la base de chiffres « non conformes au bilan définitivement validé » ; qu'il est constant que la validation de ce bilan n'est intervenue que le 31 août 2009 ; qu'en retenant que l'employeur pouvait antérieurement à cette date avoir connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et en conséquence d'avoir condamné l'employeur à lui verser diverses sommes

AUX MOTIFS QUE

Sur la mauvaise volonté dans l'application des instructions et directives données dans le cadre de la fusion
Pour étayer ce grief, la société Nacarat verse aux débats une attestation de monsieur E..., directeur financier du groupe, selon laquelle monsieur X...dès la création de la société en mai 2009 se serait constamment opposé à la mise en place d'une direction financière unique, contestant son rattachement hiérarchique avec lui, transmettant avec réticence les informations sur les opérations, se traduisant par une grande opacité sur les chiffres de ses agences ; il ajoute que l'intéressé lui a indiqué, lors de la revue trimestrielle des opérations fin juin 2009, qu'il ne souhaitait pas sa présence et qu'à défaut, il interdirait à ses collaborateurs de participer à la réunion ;
La société Nacarat prétend que ce comportement de monsieur X...s'est poursuivi après le mois de juin si bien que la prescription n'est pas encourue ; toutefois, force est de constater qu'à l'exception de l'attestation de monsieur E..., aucune autre pièce n'est versée aux débats par la société Nacarat si bien qu'à supposer qu'en effet, monsieur X...se soit montré hostile à la création d'une direction financière unique à l'époque de la fusion, et qu'il ait manifesté cette hostilité lors de la réunion du 29 juin, il n'est aucunement démontré un refus d'appliquer des instructions et directive après cette date, sur lesquelles la société ne donne d'ailleurs aucune précision, se bornant à contester les éléments que monsieur X...faisait valoir pour démontrer son implication ; de même, elle ne donne ni dans ses écritures ni oralement, aucune explication sur un prétendu refus de l'intéressé de mettre en place l'organigramme de l'équipe Ile de France ;
Ce premier grief sera donc écarté comme étant prescrit

ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que pour justifier du refus du salarié de mettre en place l'organigramme de l'équipe Ile de France, l'employeur avait fait valoir (conclusions p. 14) que le 3 septembre 2009, Monsieur X...a ainsi transmis à Madame F...un projet d'organigramme dans lequel il avait ajouté à la main le maintien d'un rattachement hiérarchique de Mme Y..., D. A. F. Ile de France à lui-même (Pièce n° 23 de Monsieur X...), quand il avait toujours été clairement affirmé que Madame Y...devait uniquement être rattachée à Monsieur D...; qu'en affirmant dès lors que la société Nacarat ne donne ni dans ses écritures ni oralement, aucune explication sur un prétendu refus de l'intéressé de mettre en place l'organigramme de l'équipe Ile de France, la cour d'appel a dénaturé les écritures de l'employeur, en violation de l'article 1134 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué au salarié la somme de 350. 843 € et à titre de rappel de rémunération variable de l'année 2009 et 35. 084 Euros au titre des congés payés afférents

AUX MOTIFS QUE
Sur les intéressements
Aux termes de l'avenant de 2005 [lire 2006], la seconde partie de la rémunération variable de monsieur X...était calculée en pourcentage des résultats de la société Bati Conseil Immobilier et il est constant que, du fait de son licenciement, cette seconde partie variable n'a pas été payée à monsieur X...; l'argumentation de la société selon laquelle monsieur X...ayant quitté l'entreprise avant la date de versement de cette partie variable, elle ne serait pas due, est inopérante dès lors que précisément cet intéressement était expressément prévu par son contrat et ne comportait aucune clause subordonnant le paiement à la présence du salarié dans l'entreprise lors du règlement ;

En ce qui concerne la première partie de la rémunération variable, elle est calculée, selon l'avenant de 2005 [lire 2006], " conformément à la définition donnée dans son contrat de travail initial pour les affaires développées par Bruno X...antérieurement au 29 mars 2006 et dont la liste figure en annexe. Cette première partie s'éteindra à l'expiration de la production de ces opérations immobilières prévisible fin 2009. Cette partie de rémunération variable sera due quelle que soit l'évolution du contexte des opérations ou du périmètre de Bati Conseil Immobilier ».
La disposition du contrat de travail initial à laquelle il est fait expressément référence dans l'avenant distingue l'intéressement selon que les affaires ont seulement été " apportées " ou apportées et développées par monsieur X...(jusqu'à la vente) avec des barèmes et pourcentages différents selon l'un ou l'autre cas de figure ;
Le juge départiteur a considéré, par de justes motifs, qu'il résultait de l'analyse de ces deux dispositions que seules devaient être prises en compte pour le calcul de l'intéressement les affaires " développées " mentionnées dans l'avenant, et ce jusqu'à ce que la production des opérations immobilières figurant dans la liste soit terminée et non pas " jusqu'à leur vente " comme le prétend la société Nacarat alors que cette précision n'a pas été reprise par l'avenant ; il a donc à juste titre retenu l'intégralité des opérations développées par monsieur X..., à l'exclusion de celle celles de Saint Cyr l'Ecole seulement apportée ; il n'y a pas lieu de modifier le montant retenu par le premier juge s'agissant de l'opération Ephad Guyonnerie, laquelle est fondée sur un bilan définitif, et les observations de monsieur X...à cet égard dans ses écritures ne sont pas étayées autrement que par le bilan prévisionnel, alors que son contrat de travail comme l'avenant stipulent expressément que l'intéressement se calcule après IS ;

ALORS QUE lorsque le contrat de travail n'a pas prévu de dispositions particulières pour le salarié arrivant ou quittant l'entreprise en cours d'exercice, c'est-à-dire lorsque le contrat de travail n'a pas explicitement conditionné le versement de la prime à une condition de présence du salarié à la clôture de l'exercice, le juge doit nécessairement rechercher si le droit au paiement prorata temporis de la prime annuelle d'objectif au salarié étant entré ou ayant quitté l'entreprise en cours d'exercice, résultait d'une convention ou d'un usage ; qu'en l'espèce, s'agissant de la seconde partie de la rémunération variable calculée en pourcentage des résultats de la société Bati Conseil Immobilier, le salarié n'ayant pas rapporté cette preuve, tout versement de rémunération variable était nécessairement exclu ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;

ALORS QU'il résulte des propres constatations de la cour d'appel, qu'au titre de la première partie de la rémunération variable, que seules devaient être prises en compte pour le calcul de l'intéressement les affaires " développées "
mentionnées dans l'avenant, et ce jusqu'à ce que la production des opérations immobilières figurant dans la liste soit terminée ; qu'ainsi l'octroi d'une rémunération variable sur des opérations « apportées et développées » suppose, par nature, la présence du salarié pendant la période de développement-sans quoi, en cas de rupture du contrat de travail avant l'achèvement du développement des opérations, la rémunération devient un intéressement sur les opérations « simplement apportées », ce qui n'est pas conforme aux prévisions des parties lesquelles avaient d'ailleurs précisément mis fin en 2006, et pour l'avenir, au dispositif de rémunération variable initialement assis sur les opérations apportées, ce que le Conseil de prud'hommes et la Cour d'appel ont admis ; qu'en accordant dès lors au salarié le bénéfice d'un intéressement contractuel au titre des opérations « Ephad La Guyonnerie » et « Touzet Gaillard », dont la production avait pris fin postérieurement à la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les dispositions contractuelles applicables en violation de l'article 1134 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué au salarié une indemnité de 250. 000 € à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

AUX MOTIFS QUE

L'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois évalués en tenant compte des primes et avantages dont le salarié est bénéficiaire en sus de son salaire de base ;
Monsieur X...sollicite une somme de 299. 017, 89 Euros correspondant au salaire qu'il a perçu pendant ses six derniers mois d'activité ; la société Nacarat considère qu'il convient de " retraiter " la rémunération de monsieur X...en excluant sa rémunération variable se rapportant à des opérations immobilières de 2008, argumentation inopérante dès lors que les commissions sur les opérations faisaient partie intégrante de la rémunération de monsieur X...; qu'elles ont bien été payées au cours de la période de référence et qu'il convient dès lors d'en tenir compte pour apprécier le montant minimal de l'indemnité due en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ;
En revanche, le salaire de référence doit être diminué de la somme de 54. 152 Euros correspondant à la partie de la rémunération variable indue, ainsi qu'il a été vu ci-dessus ;

Compte tenu de ces éléments, de l'ancienneté de monsieur X...dans l'entreprise, il convient de lui allouer une somme de 250. 000 Euros en réparation de son préjudice ;

ALORS QUE la rémunération brute des six derniers mois servant au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évaluée en prenant exclusivement en compte les sommes se rapportant à cette même période de référence, soit en l'espèce de mars 2009 à août 2009 ; qu'en prenant en compte les rémunérations variables perçues qui se rapportaient exclusivement aux résultats 2008, soit à une période antérieure aux six derniers mois, la cour d'appel a violé l'article L 1235-3 du code du travail

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'employeur à verser au salarié une somme de 50. 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'une attribution gratuite d'actions

AUX MOTIFS QUE

Par lettre du 3 février 2009, 1000 actions gratuites, d'une valeur unitaire de 248, 40 Euros, ont été attribuées par la société Rabot A...Investissement (faisant partie du groupe Rabot A...entré au capital de Bati Conseil en 2003) à monsieur X...à la condition qu'il soit présent dans l'entreprise au terme des périodes d'acquisition, expirant le 16 décembre 2010 pour 500 actions et le 16 décembre 2011 pour les 500 autres actions, celles-ci étant incessibles pendant une période de deux ans ;

La circonstance que l'exemplaire du plan d'attribution versé aux débats ne porte pas la mention " bon pour acceptation " et la signature de monsieur X...est inopérante, l'intéressé faisant valoir que le document avait été établi en deux exemplaires dont il avait nécessairement retourné le second, avec sa signature, dès lors qu'il s'agissait d'actions gratuites qu'il n'avait aucun intérêt à refuser ; il convient d'observer au demeurant qu'il n'y avait aucune date limite de fixée pour cette acceptation ;
En revanche, il est exact d'une part que le préjudice subi du fait de la privation du bénéfice de cette attribution, subordonnée à la présence de l'intéressé dans l'entreprise, ne peut s'analyser qu'en une perte de chance ; et d'autre part que la cession des actions était soumise à contribution sociale de 2, 5 %, à une imposition forfaitaire de 30 %, outre CSG et CRDS au taux de 11 % comme mentionné dans le plan d'attribution, dont il doit nécessairement être tenu compte pour évaluer la perte de chance de monsieur X..., peu important que ces dommages et intérêts soient eux-mêmes ensuite soumis à l'impôt sur le revenu au-delà d'un certain seuil ;
Le préjudice causé à monsieur X...par la privation de ces actions gratuites due à son licenciement injustifié sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 50. 000 Euros ;

ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ;
qu'en l'espèce le salarié n'étant plus présent dans l'entreprise pour avoir été licencié, se prévalant d'un plan d'attribution ne portant ni la mention " bon pour acceptation " ni sa signature, la cour d'appel n'a pu faire droit à sa demande qu'en violation de l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-11655
Date de la décision : 18/10/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 oct. 2017, pourvoi n°16-11655


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Coutard et Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11655
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