LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique ;
Attendu, selon ces textes, que le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui statue sur l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, entend la personne admise en soins psychiatriques, assistée ou représentée par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office ; que s'il résulte de l'avis d'un médecin que des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. Y... a été admis en soins sans consentement, sur décision du représentant de l'Etat dans le département, sous la forme d'une hospitalisation complète ; que, dans le délai de douze jours à compter de l'admission, le préfet a sollicité le maintien de la mesure ;
Attendu que, pour prolonger cette mesure sans que M. Y... ait été entendu, l'ordonnance relève que celui-ci, désormais hospitalisé à [...], n'a pu être présent à l'audience en raison de son éloignement géographique ;
Qu'en statuant ainsi, en l'absence de tout motif médical constaté dans l'avis motivé d'un médecin et sans caractériser une circonstance insurmontable empêchant l'audition de la personne admise en soins sans consentement, le premier président a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le15 mars 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète dont faisait l'objet monsieur Alain Y... ;
Aux motifs que monsieur Alain Y... poursuit l'infirmation de la décision ; que, hospitalisé, il n'a pas pu être entendu en raison de l'éloignement géographique ;
1°) Alors que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel et son exercice effectif exige que soit assuré l'accès de chacun, avec l'assistance d'un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ; que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques doit être entendue avant d'être jugée ; que les droits de monsieur Y... n'ont pas été respectés, dès lors que l'hôpital [...] où il avait été transféré, a refusé de l'accompagner devant la juridiction d'appel du fait de l'éloignement géographique ; qu'en ordonnant la poursuite de l'hospitalisation complète dont faisait l'objet monsieur Alain Y..., tout en constatant que ce dernier n'avait pas été entendu pour des motifs autres que médicaux, tenant uniquement à l'éloignement géographique, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire en violation des articles L. 3211-12-2 du code de la santé publique, 14 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) Alors que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel et son exercice effectif exige que soit assuré l'accès de chacun, avec l'assistance d'un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ; qu'en outre, en raison de cet éloignement, monsieur Y... n'a pas non plus eu de contact avec l'avocat qui lui a été commis d'office, lequel n'a reçu aucune instruction de sa part ; qu'en ordonnant néanmoins la poursuite de l'hospitalisation de monsieur Y..., qui n'ayant pas comparu n'avait pu non plus transmettre ses instructions à l'avocat qui lui était commis d'office, avec lequel il ne s'était pas entretenu, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire en violation des articles L. 3211-12-2 du code de la santé publique, 14 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète dont faisait l'objet monsieur Alain Y... ;
Aux motifs propres que l'article L. 3213-1 du code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; selon l'article L. 3211-12-1 du même code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission ; en cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine ; le certificat médical de situation du 9 mars rappelle qu'il s'agit d'un patient atteint de troubles de comportement avec véhémence puis mutisme complet dans le cadre d'une recrudescence maniaque et d'une rupture de traitement ; il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète ; le recours à l'expertise médicale est injustifié en ce que les symptômes se sont développés depuis longtemps puisque monsieur Y... a été hospitalisé à plusieurs reprises lors de phases maniaques après rupture médicamenteuse pour des troubles bipolaires à [...] et n'apporterait au niveau des soins aucun élément susceptible de faire prendre conscience au patient de son état ; s'agissant d'une maladie évolutive qui alterne des cycles de phases d'excitation intense et des phases de mutisme, il n'est pas anormal que des médecins aient pu, en 2006, noter toute absence de trouble du comportement chez monsieur Y... ; eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure, il apparaît que monsieur Y... présente des troubles importants du comportement se traduisant par des bouffées maniaques qui succèdent à des phases de silence ; le patient ne reconnait pas l'existence de ses troubles du comportement pourtant anciens puisqu'il a déjà été hospitalisé à plusieurs reprises et qu'il n'accepte pas de suivre le traitement médical ce qui occasionne des chutes dans la maladie ; au vu de ces éléments qui justifient la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, il convient de confirmer l'ordonnance querellée ;
Et aux motifs adoptés que selon l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux : 1. nécessitent des soins ; 2. et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; selon l'article L. 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission ; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement ; monsieur Y... fait l'objet, depuis une décision d'admission en date du 15 février 2017, d'une mesure de soins psychiatriques ; que par requête du 21 février 2017, le préfet de police nous saisit pour que la poursuite de cette mesure soit ordonnée ; que pour s'opposer à la poursuite de l'hospitalisation complète, le patient fait valoir que la procédure est nulle ; qu'il soulève ‘in limine litis' cette nullité ; qu'il fait état de son parcours professionnel exemplaire pour expliquer qu'il ne peut souffrir d'une pathologie psychiatrique chronique ; qu'il considère que l'arrêté du préfet est dépourvu de cause ; qu'il n'y a pas eu de trouble à l'ordre public ; qu'il s'agit d'un faux ; qu'il n'a pas de maladie, qu'il n'a pas besoin d'être hospitalisé ; qu'il résulte cependant de l'avis motivé rendu par un psychiatre de l'établissement en date du 23 février 2017 que monsieur Y... a connu plusieurs antécédents d'hospitalisation sous contrainte à [...] ; qu'il est actuellement hospitalisé à la suite de troubles du comportement dans le cadre d'une exaltation de l'humeur et d'une recrudescence délirante ; que persiste une activité délirante mégalomaniaque avec ludisme, absence totale de critique des troubles ; que son maintien en hospitalisation complète est nécessaire ; que l'audition n'a pas permis de faire un constat différent du positionnement du patient relativement à ses troubles et à la nécessité de soins ; qu'il apparaît nécessaire de maintenir les soins en la forme actuelle ; que la requête sera dès lors accueillie et la poursuite de l'hospitalisation complète ordonnée ;
1°) Alors qu'une mesure d'hospitalisation d'office ne peut être maintenue que si, au jour où le juge statue, les troubles mentaux de la personne qui en fait l'objet nécessitent des soins psychiatriques et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public ; qu'en se bornant, pour ordonner la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte de monsieur Y..., à énoncer que celui-ci présentait des troubles du comportement se traduisant par des bouffées maniaques qui succédaient à des phases de silence, qu'il ne reconnaissait pas l'existence de ses troubles du comportement et n'acceptait pas de suivre le traitement médical, ce qui occasionnait des chutes dans la maladie, sans caractériser précisément un danger actuel pour lui-même ou autrui ou une menace grave et actuelle pour l'ordre public, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-12 et L. 3213-1 du code de la santé publique ;
2°) Alors que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sécurité des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; qu'en se bornant à énoncer que, par arrêté du 16 février 2017, le préfet de police de Paris a ordonné l'admission en soins psychiatriques de monsieur Y... sur le fondement des articles L. 3213-1 et suivants du code de la santé publique et que le certificat du 9 mars rappelle qu'il s'agit d'un patient qui est atteint de troubles de comportement avec véhémence puis mutisme complet dans le cadre d'une recrudescence maniaque et d'une rupture de traitement, sans vérifier si ce certificat médical émanait d'un psychiatre exerçant ailleurs que dans l'établissement d'accueil, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 213-1 I du code de la santé publique ;
3°) Alors que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'étaient versés aux débats de nombreux certificats médicaux établis entre 2006 et 2016 attestant, tous, de l'absence de troubles de comportement permettant de révéler à l'encontre de monsieur Y... des symptômes d'une quelconque pathologie mentale ; qu'en se bornant à retenir que, s'agissant d'une maladie évolutive qui alternait des cycles de phases d'excitation intense et des phases de mutisme, il n'était pas anormal que des médecins aient pu, en 2006, noter toute absence de trouble de comportement chez monsieur Y..., sans examiner tous les certificats médicaux, dressés par des praticiens de plusieurs disciplines, de nature à établir que le maintien de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, prise à l'encontre de monsieur Y..., ne se justifiait pas, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) Alors que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; qu'en se contentant d'affirmer qu'eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure, il apparaissait que monsieur Y... présentait des troubles importants du comportement se traduisant par des bouffées maniaques qui succédaient à des phases de silence et que ces éléments justifiaient la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, sans indiquer précisément sur quels éléments de preuve il se fondait, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) Alors que l'expertise doit être ordonnée lorsque l'élément déterminant de la solution du litige ne peut être établi que par les recherches d'informations auxquelles le demandeur ne peut procéder par lui-même ; que seuls peuvent être admis en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; qu'en présence d'avis médicaux divergents sur l'existence ou non de troubles de comportement de monsieur Y..., l'expertise sollicitée par le conseil de ce dernier devait être ordonnée, aux fins d'éclairer les parties et le juge sur l'existence ou non d'une pathologie mentale chez monsieur Y... ; qu'en refusant néanmoins d'ordonner l'expertise sollicitée de ce chef au motif inopérant que l'expertise n'apporterait au niveau des soins aucun élément susceptible de faire prendre conscience au patient de son état, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, ensemble l'article 143 du code de procédure civile.