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12/10/2017 | FRANCE | N°16-17724

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 octobre 2017, 16-17724


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu les articles L. 412-8, 8°, L. 413-12, 2° et L. 4312 du code de la sécurité sociale, les deux premiers dans leur rédaction applicable au litige et tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui a travaillé en qualité de mécanicien du 4 juillet 1992 au 31 décembre 1996 pour le compte de la société Delom, devenue Sudcargo, aux droits de

laquelle vient la société CMA-CGM (l'employeur), a, selon un certificat médical ini...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu les articles L. 412-8, 8°, L. 413-12, 2° et L. 4312 du code de la sécurité sociale, les deux premiers dans leur rédaction applicable au litige et tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui a travaillé en qualité de mécanicien du 4 juillet 1992 au 31 décembre 1996 pour le compte de la société Delom, devenue Sudcargo, aux droits de laquelle vient la société CMA-CGM (l'employeur), a, selon un certificat médical initial du 10 septembre 2008, été reconnu atteint d'une asbestose et d'épaississements pleuraux que l'Établissement national des invalides de la marine (l'ENIM) a pris en charge le 26 février 2009 au titre des tableaux n° 30 b et n° 30 a de la législation professionnelle ; que l'intéressé a saisi le 23 mars 2012 une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que, pour accueillir la demande et rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par l'employeur, l'arrêt énonce que la réserve d'interprétation des articles L. 412-8, 8° et L. 413-12, 2° du code de la sécurité sociale énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 modifie le droit existant en ouvrant aux marins le bénéfice de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable, y compris pour les maladies professionnelles survenues dans l'exécution du contrat d'engagement maritime qui leur était jusqu'alors refusé par la loi ; qu'il apparaît ainsi que M. X... a été dans l'impossibilité d'agir avant la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal officiel le 7 mai 2011 ; que la prescription n'a donc pu courir qu'à compter de cette date, de sorte que l'action de l'intéressé engagée le 2 septembre 2011 auprès de l'ENIM et celle du FIVA subrogé dans ses droits, n'est pas prescrite, sans que la société CMA-CGM puisse utilement invoquer une inégalité de traitement entre les employeurs ;

Qu'en statuant, ainsi alors, d'une part, que le salarié, informé par un certificat médical de l'origine professionnelle de sa maladie, n'avait saisi la juridiction de sécurité sociale que plus de deux ans après cette information, d'autre part, qu'une évolution de la jurisprudence ne constitue pas une impossibilité d'agir suspendant l'écoulement du délai de prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi principal ni sur les pourvois incident et provoqué :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Constate la prescription de l'action introduite par M. X... en reconnaissance de faute inexcusable et déclare ses demandes irrecevables ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société CMA-CGM, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, D'AVOIR dit que la maladie dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société CMA CGM, D'AVOIR ordonné la majoration maximum de la rente et dit qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, et que cette rente lui sera versée par l'ENIM, D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 800 € et du préjudice physique à 2 200 € D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMACGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;

AUX MOTIFS QUE c'est à tort que la société CMA-CGM et la société Zurich Assurances soulèvent le moyen de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par application des dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale au motif invoqué qu'en considération de ce que le certificat médical initial est en date du 10 septembre 2008 ou que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est intervenue le 26 février 2009, l'action aurait dû être intentée soit avant le 10 septembre 2010 soit avant le 26 février 2011 alors que M. X... a invoqué la faute inexcusable de l'employeur auprès de l'ENIM le 2 septembre 2011 avant de saisir de tribunal le 23 mars 2012 ; qu'en effet il résulte de l'article 2234 du code de procédure civile que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure » ; que selon le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale, aucune pension majorée ou indemnité complémentaire n'était prévue au profit des marins en cas de faute inexcusable de leur employeur dès lors que le dommage est survenu en mer ; que par décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve « que ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, être interprétées comme faisant, par elles-mêmes, obstacle à ce qu'un marin victime, au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime, d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale » ; que la réserve d'interprétation ainsi énoncée par le Conseil constitutionnel modifie le droit existant en ouvrant aux marins le bénéfice de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable y compris pour les maladies professionnelle survenues dans l'exécution du contrat d'engagement maritime, qui leur était jusqu'alors refusé par la loi ; qu'il apparaît ainsi que M. X... a été dans l'impossibilité d'agir avant la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal Officiel le 7 mai 2011, que la prescription n'a donc pu courir qu'à compter de cette date, de sorte que l'action de M. X... engagée le 2 septembre 2011 auprès de l'ENIM avant de saisir le tribunal le 23 mars 2012 n'est pas prescrite, sans que la société CMA CGM ne puisse utilement invoquer une inégalité de traitement entre les employeurs ;

1°) ALORS QUE la prescription n'est suspendue que lorsque l'intéressé est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; qu'il résulte de la décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 que les dispositions légales du code de la sécurité sociale ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce qu'un marin agisse en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV, y compris pour une maladie professionnelle survenue à l'occasion de l'exécution du contrat d'engagement maritime, le Conseil constitutionnel ayant émis une réserve invalidant toute interprétation contraire ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser en quoi M. X... avait été dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, la cour d'appel a violé l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2234 du code civil ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en application de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par la victime ou ses ayants droit se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; qu'à supposer que la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel ait ouvert au profit des marins victimes d'une maladie professionnelle à l'occasion de l'exécution du contrat d'engagement maritime le bénéfice de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable prévue par le chapitre 2 du Titre V du livre IV du code de la sécurité sociale jusqu'alors refusé par la loi, cette action est soumise au délai de prescription biennale posée par l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale en sorte que les demandes de M. X... étaient prescrites lorsqu'il a agi à l'encontre de la société CMA CGM ; qu'en accueillant néanmoins l'action de M. X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la maladie dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société CMA CGM, D'AVOIR ordonné la majoration maximum de la rente et dit qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, et que cette rente lui sera versée par l'ENIM, D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 800 € et du préjudice physique à 2 200 € D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;

AUX MOTIFS QUE la société CMA CGM et la société Zurich Assurances invoquent à tort que le caractère professionnel de la maladie n'est pas démontré ; qu'en effet, il résulte du certificat médical du 10 septembre 2008 que M. X... est atteint d'un épaississement pleural et d'une abestose et du compte rendu de docteur Y... du 30 janvier 2009 qu'il « présente bien des anomalies correspondant au tableau 30 des maladies professionnelles : plaques pleurales calcifiées bilatérales et épaississement pleural. On note des éléments évocateurs d'une atteinte parenchymateuse correspondant à l'alinéa A du tableau 30 : abestose », de sorte que la condition de désignation de la maladie est remplie ; que la condition de délai de prise en charge est remplie au titre du tableau n° 30 A et B ; qu'enfin la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle n° 30 A et B n'est qu'indicative ; qu'il apparaît au vu des attestations produites émanant de ses anciens collègues, plus particulièrement des pièces n° 25, 26, 27, 28 des productions de M. X... que ce dernier a été exposé à l'amiante à bord des navires de la société Delom aux droits de laquelle vient la société CMA CGM dans le cadre de ses fonctions de mécanicien ; qu'à ce titre il convient de relever que M. Z... indique que « M. X... était de toutes les interventions avec le personnel de machine … tous les circuits de réchauffage étaient protégés et enveloppés de cordons d'amiante, les brides protégées par des matelas d'amiante. Chaque démontage de ces tuyaux l'amiante était déposé puis remonté ce travail ce faisait à mains nues … M. X... était toujours présent … Les réchauffeurs étaient protégés d'amiante, ils se situaient dans le local séparateur, ce local était toujours fermé … Ce local où nous passions beaucoup de temps dans un milieu amianté avec quatre réchauffeurs d'huile … toutes les tuyauteries et les réchauffeurs étaient protégés avec de l'amiante des manipulations fréquentes à mains nues … On travaillait sans gants, ni lunettes, ni masque » ; que M ; E... mentionne que « M. X... et son personnel enlevaient la protection d'amiante qui par la ventilation devenait nuage de poussières et fibres d'amiante. Tous ces travaux étaient effectués au quotidien sans aucune protection » ; que M. A... fait mention de ce que « j'ai navigué en qualité de second mécanicien en compagnie de M ; X...chef mécanicien sur l navire « Cap Canaille » … Nous étions quatre personnes à effectuer ces travaux … démontage de plaques de protection du collecteur d'échauffement avec la présence de poussière et de fibres d'amiante lors de cette opération car le calorifugeage en amiante se disloque avec les vibrations des moteurs en marche. Puis nous procédions au démontage des tuyaux de circuit de combustible et de leur calorifugeage respectif. Finalement mise en place du cordon d'amiante sur le collecteur d'échauffement et remontage des plaques de protection » ; que M. B... indique que « X... a été très souvent en contact avec des fibres d'amiante lors des manipulations de calorifugeage, d'isolant contenant de l'amiante dans le cadre de ses fonctions de chef mécanicien sur les navires que je commandais au sein de la Cie de navigation Delom de 1992 à 1996 » ; qu'au regard des éléments sus évoqués et de la présomption d'imputabilité de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie présentée par M. X... est donc justifiée ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il résulte des articles L. 412-8 8° et L. 413-12 2° du code de la sécurité sociale, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, et de l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 que le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime, ou ses ayants droit, peuvent en cas de faute inexcusable de l'employeur, demander devant la juridiction de sécurité sociale le bénéfice du livre IV de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre ; qu'il résulte des attestations susvisées que l'exposition de M. X... à l'amiante était habituelle et que ce dernier a travaillé sans protection contre les poussières d'amiante ; que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient pas être ignorés dans une société importante comme la société CMA-CGM ou des sociétés aux droits desquelles elle vient, dont l'importance lui permettait d'avoir un personnel compétent en matière d'hygiène et de sécurité, pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie alors que ces dangers étaient connus au moins depuis 1945, date de l'inscription de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante au tableau n° 25 et surtout depuis 1950 date de la création du tableau n° 30 consacré à l'abestose professionnelle dont la liste des travaux est devenue indicative à compter de 1955 ; qu'ainsi dès 1955 tout employeur qui faisait travailler son salarié au contact de l'amiante, quel que soit le type de travail effectué, avait nécessairement conscience du risque qu'il lui faisait courir et devait le protéger contre l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'enfin les dispositions du décret du 17 août 1977 concernant les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ne pouvaient ne pas être ignorées de la société ; qu'il s'ensuit que la preuve est ainsi rapportée que M. X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de manière habituelle dans le cadre de son activité au sein de la société Delom aux droits de laquelle vient la société CMA CGM qui ne pouvait ignorer les risques encourus par son salarié et qui n'a pas pris les mesures d'une efficacité suffisante pour l'en protéger ;

1°) ALORS QUE l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger dont l'employeur doit avoir conscience, doit non seulement être habituelle mais aussi significative ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société CMA CGM faisait valoir que la réglementation relative aux risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante issue du décret n° 77-949 du 17 août 1977 fixe à l'article 2 un seuil de concentration de fibres d'amiante en deçà duquel le risque de maladie est écarté, en sorte que la seule présence d'amiante sur les lieux de travail ne suffit pas à entrainer la reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'en énonçant que la société CMA CGM aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé M. X... au motif qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions du décret du 17 août 1977 sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par ce décret, si le salarié avait été exposé de façon habituelle à un risque significatif d'inhalation à la poussière d'amiante, la cour d'appel a privé sa décision sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret n° 77-949 du décret du 17 août 1977 ;

2°) ALORS QU'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de prouver que l'employeur devait avoir conscience du danger auquel il était exposé et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société CMA CGM faisait valoir que les maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles n'ont donné lieu à une indemnisation au titre du régime d'assurance sociale des marins qu'à compter du décret n° 99-452 du 28 juin 1999 et que l'obligation faite aux armateurs d'évaluer les risques sur les navires liés à l'exposition des marins à l'inhalation de poussières provenant de l'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante ne date que du décret n° 2000-5645 du 24 juin 2000 ; qu'en retenant que la société CMA CGM, en sa qualité d'armateur, ne pouvait ignorer les risques auxquels était exposé son salarié dans le cadre de ses fonctions sur le fondement de dispositions réglementaires qui n'étaient pas applicables ou spécifiques au secteur maritime pendant la période d'emploi de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) ALORS QU'en relevant que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient être ignorés de la société CMA CGM pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la présence d'amiante stabilisé dans des éléments d'équipement exposait effectivement M. X... au risque d'inhalation de poussières d'amiante et s'il existait une quelconque restriction réglementaire d'emploi de l'amiante comme isolant pendant la période d'emploi de l'intéressé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de la société CMA CGM qui faisait valoir que, compte tenu de la période d'emploi de M. X... qui s'est achevée en 1996, elle ne pouvait avoir une quelconque conscience du danger lié à l'exposition à l'amiante en l'absence de réglementation spécifique dans le secteur maritime et en l'état d'études scientifiques, au demeurant confidentielles, qui à l'époque ne concernaient que les industries fabriquant ou transformant de l'amiante, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 800 € et du préjudice physique à 2 200 € D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;

AUX MOTIF QUE le FIVA justifie par des pièces médicales que M. X... se plaint d'une dyspnée d'effort qui n'est pas réparée déjà réparée par la rente versée, de sorte que les souffrances physiques seront réparées par la somme de 2 200 € ; que s'agissant de la réparation du préjudice moral, il apparaît que le FIVA établit que les souffrances morales subies par M. X... ne sont pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en effet les épaississements pleuraux constituent un marqueur d'exposition aux poussières d'amiante et leur diagnostic engendre de l'inquiétude dans la mesure où le malade peut craindre l'apparition d'une péjorative plus péjorative ; qu'il apparaît que cette souffrance est entretenue par l'appréhension ressentie avant chaque examen auquel M. X... doit se soumettre dans le cadre du suivi médical ; qu'il apparaît ainsi que l'angoisse ressentie est bien présente dans la vie quotidienne de M. X... ainsi qu'il résulte de l'attestation de Mme C... qui indique « cette insuffisance respiratoire et ce changement physique entraînent chez mon frère un stress permanent et une inquiétude sur l'avenir », de l'attestation de Mme X... qui indique « un effort devient très vite pénible pour lui ce qui le rend plus irritable se sentant dépendant des autres » ainsi que de l'attestation de M. D... qui mentionne « je me suis rendu compte qu'il se fatigue très vite et que ses problèmes de santé ont une grande répercussion sur son état moral » ; qu'au regard de ces éléments, il convient en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, d'allouer au FIVA subrogé dans les droits de M. X... la somme de 13 800 € au titre du préjudice moral ;

ALORS QUE la rente versée à la victime d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables en application de l'article L. 452-3 du même code les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en allouant à M. X... des dommages et intérêts au titre du préjudice moral par des motifs impropres à caractériser en quoi les souffrances physiques et morales qu'il a invoquées seraient distinctes du déficit fonctionnel permanent déjà réparé par la pension d'invalidité maladie professionnelle majorée, la cour d'appel a violé les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;

AUX MOTIFS QUE comme le soutient l'ENIM, la décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel ne concerne pas les règles d'information à la charge de la caisse prévues par les dispositions des articles R. 411-11 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'il convient de se référer aux textes en vigueur au moment de la décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle prise le 26 février 2009 ; qu'à cette date, le décret du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'ENIM à l'égard des employeurs puisque ce n'est que pas décret n° 2015-356 du 27 mars 2015 que l'article 9-1 a été inséré au décret du 17 juin 1938 prévoyant que « les dispositions relatives à la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie prévues aux articles R. 411-10 à R. 441-14 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime des marins sous réserve des adaptations suivantes … » ; que la société Generali IARD ne saurait se prévaloir des dispositions de l'instruction de l'ENIM du 19 juin 2012 qui sont postérieures à la décision de prise en charge ; que la société CMA CGM ne peut se prévaloir utilement de l'absence de tentative de conciliation, laquelle n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité de l'instance contentieuse ; que contrairement à ce que soutiennent la société CMA CGM et la société Zurich Assurances il n'est pas porté atteinte au contradictoire garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que l'employeur peut contester le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de la procédure contradictoire applicable devant les juridictions de la sécurité sociale ; qu'elles ne sauraient de plus se prévaloir utilement du principe d'égalité des employeurs devant la loi dès lors qu'il n'est pas établi que la société CMA CGM se trouvait au moment de la décision de prise en charge de la maladie dans une situation identique à celle des employeurs relevant du régime général de sécurité social ; qu'il convient de déclarer opposable à la société CMA CGM la décision de l'ENIM du 26 février 2009 de prendre en charge da maladie professionnelle déclarée par M. X... et de condamner la société à verser à l'ENIM la somme dont elle doit faire l'avance au titre de la majoration de la rente et au titre de la réparation du préjudice moral ;

1°) ALORS QUE pour les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites avant le 1er janvier 2013, le caractère non contradictoire de la procédure rend inopposable à l'égard de l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle et prive cette caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et d'indemnités versées par elle ; qu'en déclarant opposable à la société CMA CGM, qui n'a pas été associée à la procédure en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. X..., la décision de prise en charge de l'ENIM datée du 26 février 2009 et en faisant droit à l'action récursoire de la caisse au seul motif que le régime spécifique du décret-loi du 17 juin 1938 ne faisait peser sur l'ENIM, à l'époque de la déclaration, aucune obligation d'information à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2, L. 452-3 du code de la sécurité sociale et les articles R. 441-11 et suivants du même code dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes ;

2°) ALORS QUE le principe de contradiction résultant tant de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que du principe général du droit du respect des droits de la défense, s'impose aux organismes sociaux, lesquels sont investis d'une mission de service public et de prérogatives de puissance publique notamment dans les décisions qu'ils imposent unilatéralement aux employeurs ; qu'il résulte de ce principe que les décisions par lesquelles ces derniers reconnaissent le caractère professionnel de la maladie d'un salarié ne sauraient être opposées à un employeur qui n'a pas été consulté dans le cadre de la procédure d'instruction menée préalablement ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter l'inopposabilité invoquée par la société CMA CGM, que le régime spécifique issu du décret-loi du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'ENIM à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes.
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD, demanderesse au pourvoi provoqué

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la maladie dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société CMA CGM, D'AVOIR ordonné la majoration maximum de la rente et dit qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, et que cette rente lui sera versée par l'ENIM, D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 800 € et du préjudice physique à 2 200 € D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;

AUX MOTIFS QUE la société CMA CGM invoque à tort que le caractère professionnel de la maladie n'est pas démontré ; qu'en effet, il résulte du certificat médical du 10 septembre 2008 que M. X... est atteint d'un épaississement pleural et d'une asbestose et du compte rendu de docteur Y... du 30 janvier 2009 qu'il « présente bien des anomalies correspondant au tableau 30 des maladies professionnelles : plaques pleurales calcifiées bilatérales et épaississement pleural. On note des éléments évocateurs d'une atteinte parenchymateuse correspondant à l'alinéa A du tableau 30 : asbestose », de sorte que la condition de désignation de la maladie est remplie ; que la condition de délai de prise en charge est remplie au titre du tableau n° 30 A et B ; qu'enfin la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle n° 30 A et B n'est qu'indicative ; qu'il apparaît au vu des attestations produites émanant de ses anciens collègues, plus particulièrement des pièces n° 25, 26, 27, 28 des productions de M. X... que ce dernier a été exposé à l'amiante à bord des navires de la société Delom aux droits de laquelle vient la société CMA CGM dans le cadre de ses fonctions de mécanicien ; qu'à ce titre il convient de relever que M. Z... indique que « M. X... était de toutes les interventions avec le personnel de machine … tous les circuits de réchauffage étaient protégés et enveloppés de cordons d'amiante, les brides protégées par des matelas d'amiante. Chaque démontage de ces tuyaux l'amiante était déposé puis remonté ce travail se faisait à mains nues … M. X... était toujours présent … Les réchauffeurs étaient protégés d'amiante, ils se situaient dans le local séparateur, ce local était toujours fermé … Ce local où nous passions beaucoup de temps dans un milieu amianté avec quatre réchauffeurs d'huile … toutes les tuyauteries et les réchauffeurs étaient protégés avec de l'amiante des manipulations fréquentes à mains nues … On travaillait sans gants, ni lunettes, ni masque » ; que M ; E... mentionne que « M. X... et son personnel enlevaient la protection d'amiante qui par la ventilation devenait nuage de poussières et fibres d'amiante. Tous ces travaux étaient effectués au quotidien sans aucune protection » ; que M. A... fait mention de ce que « j'ai navigué en qualité de second mécanicien en compagnie de M ; X...chef mécanicien sur le navire « Cap Canaille » … Nous étions quatre personnes à effectuer ces travaux … démontage de plaques de protection du collecteur d'échauffement avec la présence de poussière et de fibres d'amiante lors de cette opération car le calorifugeage en amiante se disloque avec les vibrations des moteurs en marche. Puis nous procédions au démontage des tuyaux de circuit de combustible et de leur calorifugeage respectif. Finalement mise en place du cordon d'amiante sur le collecteur d'échauffement et remontage des plaques de protection » ; que M. B... indique que « M. X... a été très souvent en contact avec des fibres d'amiante lors des manipulations de calorifugeage, d'isolant contenant de l'amiante dans le cadre de ses fonctions de chef mécanicien sur les navires que je commandais au sein de la Cie de navigation Delom de 1992 à 1996 » ; qu'au regard des éléments sus évoqués et de la présomption d'imputabilité de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie présentée par M. X... est donc justifiée ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il résulte des articles L. 412-8 8° et L. 413-12 2° du code de la sécurité sociale, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, et de l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 que le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime, ou ses ayants droit, peuvent en cas de faute inexcusable de l'employeur, demander devant la juridiction de sécurité sociale le bénéfice du livre IV de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre ; qu'il résulte des attestations susvisées que l'exposition de M. X... à l'amiante était habituelle et que ce dernier a travaillé sans protection contre les poussières d'amiante ; que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient pas être ignorés dans une société importante comme la société CMA-CGM ou des sociétés aux droits desquelles elle vient, dont l'importance lui permettait d'avoir un personnel compétent en matière d'hygiène et de sécurité, pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie alors que ces dangers étaient connus au moins depuis 1945, date de l'inscription de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante au tableau n° 25 et surtout depuis 1950 date de la création du tableau n° 30 consacré à l'asbestose professionnelle dont la liste des travaux est devenue indicative à compter de 1955 ; qu'ainsi dès 1955 tout employeur qui faisait travailler son salarié au contact de l'amiante, quel que soit le type de travail effectué, avait nécessairement conscience du risque qu'il lui faisait courir et devait le protéger contre l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'enfin les dispositions du décret du 17 août 1977 concernant les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ne pouvaient ne pas être ignorées de la société ; qu'il s'ensuit que la preuve est ainsi rapportée que M. X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de manière habituelle dans le cadre de son activité au sein de la société Delom aux droits de laquelle vient la société CMA CGM qui ne pouvait ignorer les risques encourus par son salarié et qui n'a pas pris les mesures d'une efficacité suffisante pour l'en protéger ;

1°) ALORS QUE l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger dont l'employeur devait avoir conscience, doit non seulement être habituelle mais aussi significative ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société Generali Iard, reprenant les arguments développés à cet égard par la société Cma-Cgm, faisait valoir que la réglementation relative aux risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante issue du décret n° 77-949 du 17 août 1977 fixe à l'article 2 un seuil de concentration de fibres d'amiante endeçà duquel le risque de maladie est écarté, en sorte que la seule présence d'amiante sur les lieux de travail ne suffit pas à entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable si bien qu'en énonçant que la société Cma-Cgm aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé M. X... au motif qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions du décret du 17 août 1977 sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par ce décret, si le salarié avait été exposé de façon habituelle à un risque significatif d'inhalation à la poussière d'amiante, la cour d'appel a privé sa décision sa décision de base légale au regard de les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret n° 77-949 du décret du 17 août 1977.

2°) ALORS QU'il incombe à celui qui invoquait l'existence d'une faute inexcusable de prouver que l'employeur devait avoir conscience du danger auquel il était exposé et n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société Generali Iard, reprenant les arguments développés à cet égard par la société Cma-Cgm, faisait valoir que les maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles n'avaient donné lieu à une indemnisation au titre du régime d'assurance sociale des marins qu'à compter du décret n° 99-452 du 28 juin 1999 et que l'obligation faite aux armateurs d'évaluer les risques sur les navires liés à l'exposition des marins à l'inhalation de poussières provenant de l'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante ne date que du décret n° 2000-5645 du 24 juin 2000 de sorte qu'en retenant que la société Cma-Cgm, en sa qualité d'armateur, ne pouvait ignorer les risques auxquels était exposé son salarié dans le cadre de ses fonctions sur le fondement de dispositions réglementaires qui n'étaient pas applicables ou spécifiques au secteur maritime pendant la période d'emploi de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

3°) ALORS QU'en relevant que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient être ignorés de la société Cma-Cgm pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie, sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la présence d'amiante stabilisé dans des éléments d'équipement exposait effectivement M. X..., qui n'intervenait pas sur ces équipements, au risque d'inhalation de poussières d'amiante et s'il existait une quelconque restriction réglementaire d'emploi de l'amiante comme isolant pendant la période d'emploi de l'intéressé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) ALORS QU'en ne faisant pas ressortir en quoi, compte tenu de la période d'emploi de M. X..., qui s'était achevée en 1996, la société Cma-Cgm pouvait avoir une quelconque conscience du danger lié à l'exposition à l'amiante en l'absence de réglementation spécifique dans le secteur maritime et en l'état d'études scientifiques, au demeurant confidentielles, qui à l'époque ne concernaient que les industries fabriquant ou transformant de l'amiante, la cour d'appel a encore privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Cma-Cgm de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'Enim de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;

AUX MOTIFS QUE comme le soutient l'Enim, la décision n° 2011-127 OPC du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel ne concerne pas les règles d'information à la charge de la caisse prévues par les dispositions des articles R. 411-11 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'il convient de se référer aux textes en vigueur au moment de la décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle prise le 26 février 2009 ; qu'à cette date, le décret du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'Enim à l'égard des employeurs puisque ce n'est que pas décret n° 2015-356 du 27 mars 2015 que l'article 9-1 a été inséré au décret du 17 juin 1938 prévoyant que « les dispositions relatives à la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie prévues aux articles R. 411-10 à R. 441-14 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime des marins sous réserve des adaptations suivantes... » ; que la société Generali Iard ne saurait se prévaloir des dispositions de l'instruction de l'Enim du 19 juin 2012 qui sont postérieures à la décision de prise en charge ; que la société Cma-Cgm ne peut se prévaloir utilement de l'absence de tentative de conciliation, laquelle n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité de l'instance contentieuse ; que contrairement à ce que soutiennent la société Cma-Cgm et la société Zurich Assurances il n'est pas porté atteinte au contradictoire garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que l'employeur peut contester le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de la procédure contradictoire applicable devant les juridictions de la sécurité sociale ; qu'elles ne sauraient de plus se prévaloir utilement du principe d'égalité des employeurs devant la loi dès lors qu'il n'est pas établi que la société Cma-Cgm se trouvait au moment de la décision de prise en charge de la maladie dans une situation identique à celle des employeurs relevant du régime général de sécurité social ; qu'il convient de déclarer opposable à la société Cma-Cgm la décision de l'Enim du 26 février 2009 de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par M. X... et de condamner la société à verser à l'Enim la somme dont elle doit faire l'avance au titre de la majoration de la rente et au titre de la réparation du préjudice moral ;

1°) ALORS QUE pour les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites avant le 1er janvier 2013, le caractère non contradictoire de la procédure rend inopposable à l'égard de l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle et prive cette caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et d'indemnités versés par elle ; qu'en déclarant opposable à la société Cma-Cgm, qui n'a pas été associée à la procédure en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. X..., la décision de prise en charge de l'Enim datée du 26 février 2009 et en faisant droit à l'action récursoire de la caisse au seul motif que le régime spécifique du décret-loi du 17 juin 1938 ne faisait peser sur l'Enim, à l'époque de la déclaration, aucune obligation d'information à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2, L. 452-3 du code de la sécurité sociale et les articles R. 441-11 et suivants du même code dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes ;

2°) ALORS QUE le principe de contradiction résultant tant de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que du principe général du droit du respect des droits de la défense, s'impose aux organismes sociaux, lesquels sont investis d'une mission de service public et de prérogatives de puissance publique notamment dans les décisions qu'ils imposent unilatéralement aux employeurs ; qu'il résulte de ce principe que les décisions par lesquelles ces derniers reconnaissent le caractère professionnel de la maladie d'un salarié ne sauraient être opposées à un employeur qui n'a pas été consulté dans le cadre de la procédure d'instruction menée préalablement ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter l'inopposabilité invoquée par la société Cma-Cgm, que le régime spécifique issu du décret-loi du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'Enim à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes.
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la majoration de la rente ne devra pas dépasser le plafond prévu par l'article 21 du décret-loi du 17 juin 1938 ;

AU MOTIF QU'en application de l'article 21, alinéa 1, du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurances des marins, qui prévoit que : « en cas de cumul d'une pension de vieillesse sur la caisse de retraites des marins et d'une pension attribuée au titre de l'article 16 ci-dessus, le montant total des émoluments versés à l'intéressé ne peut dépasser celui du salaire forfaitaire correspondant à la catégorie de classement la plus élevée ayant servi d'assiette aux pensions considérées », en sorte que le montant de la majoration de la rente dont il s'agit ne pourra être alloué que dans la limite de 100 % du salaire forfaitaire de la 10ème catégorie sans qu'elle puisse dépasser ledit montant en cumul avec toute autre pension ;

ALORS QUE le plafond fixé par le décret-loi de 1938 est devenu totalement obsolète à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel sur QPC du 6 mai 2011 qui ouvre l'action en faute inexcusable aux marins et à leurs familles et leur ouvre également le droit d'obtenir la majoration effective de la PIMP du marin ou de sa veuve, selon le droit commun ; qu'en l'état du droit positif, il ne peut en être autrement, rien ne pouvant justifier l'absence de majoration de la PIMP, notamment à la veuve d'un marin si la situation se présente ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour méconnaît les exigences de l'article 12 du Code de procédure civile, ensemble fait une fausse application de l'article 21 du décret-loi du 17 juin 1938.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-17724
Date de la décision : 12/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 23 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 oct. 2017, pourvoi n°16-17724


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP François-Henri Briard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.17724
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