LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu les articles L. 412-8, 8°, L. 413-12, 2° et L. 431-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers dans leur rédaction applicable au litige et tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., retraité de la marine marchande depuis le 30 juin 1990, a, selon un certificat médical initial du 18 octobre 2004, été reconnu atteint de plaques pleurales bilatérales que l'Établissement national des invalides de la marine (l'ENIM) a prises en charge le 6 avril 2005 au titre du tableau n° 30 B de la législation professionnelle ; que l'intéressé a saisi le 23 mars 2012 une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître une faute inexcusable de son employeur, la société CMA -CGM ;
Attendu que, pour accueillir la demande et rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par l'employeur, l'arrêt énonce que la réserve d'interprétation des articles L. 412-8, 8° et L. 413-12, 2° du code de la sécurité sociale énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 modifie le droit existant en ouvrant aux marins le bénéfice de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable, y compris pour les maladies professionnelles survenues dans l'exécution du contrat d'engagement maritime qui leur était jusqu'alors refusé par la loi ; qu'il apparaît ainsi que M. X... a été dans l'impossibilité d'agir avant la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal officiel le 7 mai 2011 ; que la prescription n'a donc pu courir qu'à compter de cette date, de sorte que l'action de l'intéressé engagée le 3 octobre 2011 auprès de l'ENIM et celle du FIVA subrogé dans ses droits, n'est pas prescrite, sans que la société CMA-CGM puisse utilement invoquer une inégalité de traitement entre les employeurs ;
Qu'en statuant, ainsi alors, d'une part, que le salarié, informé par un certificat médical de l'origine professionnelle de sa maladie n'avait saisi la juridiction de sécurité sociale que plus de deux ans après cette information, d'autre part, qu'une évolution de la jurisprudence ne constitue pas une impossibilité d'agir suspendant l'écoulement du délai de prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi principal ni sur les pourvois incident et provoqué :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Constate la prescription de l'action introduite par M. X... en reconnaissance de faute inexcusable et déclare ses demandes irrecevables ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société CMA-CGM (demanderesse au pourvoi principal).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, D'AVOIR dit que la maladie dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société CMA CGM, D'AVOIR ordonné la majoration maximum de la rente et dit qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, et que cette rente lui sera versée par l'ENIM, D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13.000 €, D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE c'est à tort que la société CMA-CGM et la société Zurich Assurances soulèvent le moyen de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par application des dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale au motif invoqué qu'en considération de ce que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est intervenue le 6 avril 2005, l'action aurait dû être intentée avant le 6 avril 2007 alors que M. X... a invoqué la faute inexcusable de l'employeur auprès de l'ENIM le 3 octobre 2011 ; qu'en effet il résulte de l'article 2234 du code de procédure civile que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure » ; que selon le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale, aucune pension majorée ou indemnité complémentaire n'était prévue au profit des marins en cas de faute inexcusable de leur employeur dès lors que le dommage est survenu en mer ; que par décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve « que ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, être interprétées comme faisant, par elles-mêmes , obstacle à ce qu'un marin victime, au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime, d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale » ; que la réserve d'interprétation ainsi énoncée par le Conseil constitutionnel modifie le droit existant en ouvrant aux marins le bénéfice de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable y compris pour les maladies professionnelle survenues dans l'exécution du contrat d'engagement maritime, qui leur était jusqu'alors refusé par la loi ; qu'il apparaît ainsi que M. X... a été dans l'impossibilité d'agir avant la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal Officiel le 7 mai 2011, que la prescription n'a donc pu courir qu'à compter de cette date, de sorte que l'action de M. X... engagée le 3 octobre 2011 auprès de l'ENIM et celle du FIVA subrogé dans ses droits, n'est pas prescrite, sans que la société CMA CGM ne puisse utilement invoquer une inégalité de traitement entre les employeurs ;
1°) ALORS QUE la prescription n'est suspendue que lorsque l'intéressé est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; qu'il résulte de la décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 que les dispositions légales du code de la sécurité sociale ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce qu'un marin agisse en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV, y compris pour une maladie professionnelle survenue à l'occasion de l'exécution du contrat d'engagement maritime, le Conseil constitutionnel ayant émis une réserve invalidant toute interprétation contraire ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser en quoi M. X... avait été dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, la cour d'appel a violé l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2234 du code civil ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en application de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par la victime ou ses ayants droit se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; qu'à supposer que la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel ait ouvert au profit des marins victimes d'une maladie professionnelle à l'occasion de l'exécution du contrat d'engagement maritime le bénéfice de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable prévue par le chapitre 2 du Titre V du livre IV du code de la sécurité sociale jusqu'alors refusé par la loi, cette action est soumise au délai de prescription biennale posée par l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale en sorte que les demandes de M. X... étaient prescrites lorsqu'il a agi à l'encontre de la société CMA CGM ; qu'en accueillant néanmoins l'action de M. X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la maladie dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société CMA CGM, D'AVOIR ordonné la majoration maximum de la rente et dit qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, et que cette rente lui sera versée par l'ENIM, D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 000 €, D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE la société CMA CGM et la société Zurich Assurances invoquent à tort que le caractère professionnel de la maladie n'est pas démontré ; qu'en effet, il résulte du certificat médical initial du 18 octobre 2004 que M. X... est atteint de « plaques pleurales bilatérales » et du compte rendu du docteur Y... du 4 février 2005 qu' « il présente bien une pathologie pleurale de l'amiante compatible avec le tableau 30 des maladies professionnelles », de sorte que la condition de désignation de la maladie est remplie ; que la maladie a été constatée moins de 40 ans après la cessation de l'exposition au risque ; qu'enfin la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle n° 30 B n'est qu'indicative ; qu'il apparaît au vu des attestations produites plus précisément des pièces n° 8 et 12 des productions de M. X..., étant observé qu'il ne saurait y avoir lieu de rejeter des débats la pièce n° 12 dont la teneur est reprise dans le conclusions de M. X... et par laquelle M. Z... ne fait que préciser sa précédente attestation, que M ; X... a été exposé à l'amiante à bord des navires CMA CGM dans le cadre de ses fonctions notamment d'assistant pont ; qu'à ce titre il convient de relever que M. Z... indique que « M. X... a été au contact à bord des navires de la CGM, en particulier du nettoyage des cales après transport de l'amiante et des produits à base d'amiante ciment » que les « navires étaient également isolés avec les produits à base d'amiante. On a donc tous été exposés à la poussière d'amiante durant toute notre carrière à la Compagnie générale maritime » et précise que « le travail du personnel pont consiste, en plus de la conduite du navire, au manoeuvre dans les ports, à l'entretien général du navire… mais également et surtout nettoyage des cales quels que soient les produits transportés… et surtout des sacs d'amiante, non seulement ces sacs n'étaient pas étanches, en plus il y en avait beaucoup de déchirer, aussi bien à l'embarquement qu'au débarquement… Des déchets d'amiante nous en avons manipulés en grande quantité en plus du balayage des cales et surtout cela sans aucune protection » ; qu'au regard des éléments sus évoqués et de la présomption d'imputabilité de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie présentée par M. X... est donc justifiée ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il résulte des articles L. 412-8 8° et L. 413-12 2° du code de la sécurité sociale, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, et de l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 que le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime, ou ses ayants droit, peuvent en cas de faute inexcusable de l'employeur, demander devant la juridiction de sécurité sociale le bénéfice du livre IV de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre ; qu'il résulte des attestations de M. Z... que l'exposition de M. X... à l'amiante était habituelle et que ce dernier a travaillé sans protection contre les poussières d'amiante ; que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient pas être ignorés dans une société importante comme la société CMA-CGM ou des sociétés aux droits desquelles elle vient, dont l'importance lui permettait d'avoir un personnel compétent en matière d'hygiène et de sécurité, pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie alors que ces dangers étaient connus au moins depuis 1945, date de l'inscription de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante au tableau n° 25 et surtout depuis 1950 date de la création du tableau n° 30 consacré à l'abestose professionnelle dont la liste des travaux est devenue indicative à compter de 1955 ; qu'ainsi dès 1955 tout employeur qui faisait travailler son salarié au contact de l'amiante, quel que soit le type de travail effectué, avait nécessairement conscience du risque qu'il lui faisait courir et devait le protéger contre l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'enfin les dispositions du décret du 17 août 1977 concernant les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ne pouvaient ne pas être ignorées de la société ; qu'il s'ensuit que la preuve est ainsi rapportée que M. X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de manière habituelle dans le cadre de son activité au sein de la société CMA CGM qui ne pouvait ignorer les risques encourus par son salarié et qui n'a pas pris les mesures d'une efficacité suffisante pour l'en protéger ;
1°) ALORS QU'en affirmant que M. X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de manière habituelle dans le cadre de son activité de maître d'équipage sur la seule foi d'une attestation qui se borne à indiquer que le travail du salarié consistait notamment au nettoyage des cales après transport d'amiante ou de produits à base d'amiante ciment sans préciser si le transport de ce type de produits était une activité habituelle de la société CGM pendant la période d'emploi de l'intéressé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger dont l'employeur doit avoir conscience, doit non seulement être habituelle mais aussi significative ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société CMA CGM faisait valoir que la réglementation relative aux risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante issue du décret n° 77-949 du 17 août 1977 fixe à l'article 2 un seuil de concentration de fibres d'amiante en deçà duquel le risque de maladie est écarté, en sorte que la seule présence d'amiante sur les lieux de travail ne suffit pas à entrainer la reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'en énonçant que la société CMA CGM aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé M. X... au motif qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions du décret du 17 août 1977 sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par ce décret, si le salarié avait été exposé de façon habituelle à un risque significatif d'inhalation à la poussière d'amiante, la cour d'appel a privé sa décision sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret n° 77-949 du décret du 17 août 1977 ;
3°) ALORS QU'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de prouver que l'employeur devait avoir conscience du danger auquel il était exposé et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société CMA CGM faisait valoir que les maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles n'ont donné lieu à une indemnisation au titre du régime d'assurance sociale des marins qu'à compter du décret n° 99-452 du 28 juin 1999 et que l'obligation faite aux armateurs d'évaluer les risques sur les navires liés à l'exposition des marins à l'inhalation de poussières provenant de l'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante ne date que du décret n° 2000-5645 du 24 juin 2000 ; qu'en retenant que la société CMA CGM, en sa qualité d'armateur, ne pouvait ignorer les risques auxquels était exposé son salarié dans le cadre de ses fonctions sur le fondement de dispositions réglementaires qui n'étaient pas applicables ou spécifiques au secteur maritime pendant la période d'emploi de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS QU'en relevant que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient être ignorés de la société CMA CGM pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la présence d'amiante stabilisé dans des éléments d'équipement exposait effectivement M. X..., qui n'intervenait pas sur ces équipements, au risque d'inhalation de poussières d'amiante et s'il existait une quelconque restriction réglementaire d'emploi de l'amiante comme isolant pendant la période d'emploi de l'intéressé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
5°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de la société CMA CGM qui faisait valoir que, compte tenu des fonctions occupées par M. X... (maître d'équipage) et de sa période d'emploi qui s'est achevée en 1990, elle ne pouvait avoir une quelconque conscience du danger lié à l'exposition à l'amiante en l'absence de réglementation spécifique dans le secteur maritime et en l'état d'études scientifiques, au demeurant confidentielles, qui à l'époque ne concernaient que les industries fabriquant ou transformant de l'amiante, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 000 €, D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;
AUX MOTIF QUE en application des dispositions de l'article 53-VI alinéa 4 de la loi du 23 décembre 2000, et de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, le FIVA est recevable à demander la majoration maximum de la rente versée à la victime, qui devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et dont le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de la victime ; que toutefois en application de l'article 21 alinéa 1er du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurances des marins, qui prévoit que : « en cas de cumul d'une pension de vieillesse sur la caisse de retraites des marins et d'une pension attribuée au titre de l'article 16 ci-dessus, le montant total des émoluments versés à l'intéressé ne peut dépasser celui du salaire forfaitaire correspondant à la catégorie de classement la plus élevée ayant servi d'assiette aux pensions considérées », le montant de la majoration de la rente dont il s'agit ne pourra être alloué que dans la limite de 100 % du salaire forfaitaire de la 10ème catégorie sans qu'elle puisse dépasser ledit montant en cumul avec toute autre pension ; que le FIVA ne justifiant pas que les souffrances physiques invoquées ne sont pas déjà réparées par la rente versée, alors qu'une pension d'invalidité maladie professionnelle a été attribuée à M. X... à compter du 18 octobre 2004 , date de la première constatation médicale et qu'il s'en déduit que la consolidation a été immédiatement acquise, il convient de retenir que le FIVA doit être débouté de sa demande au titre de la réparation des souffrances physiques ; qu'en revanche s'agissant de la réparation du préjudice moral il apparait que le FIVA établit que les souffrances morales subies par M. X... ne sont pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en effet les plaques pleurales calcifiées constituent un marqueur d'exposition aux poussières d'amiante et son diagnostic engendre de l'inquiétude dans la mesure où le malade peut craindre l'apparition d'une pathologie plus péjorative ; qu'il apparait que cette souffrance est entretenue par l'appréhension ressentie avant chaque examen par M. X... de se soumettre dans le cadre du suivi médical ; qu'il apparait ainsi que l'angoisse ressentie est bien présente dans la vie quotidienne de M. X... ainsi qu'il résulte de l'attestation de son épouse précisant qu' « il est également très anxieux » ; qu'au regard de ces éléments, il convient en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale d'allouer au FIVA subrogé dans les droits de M. X... la somme de 13 000 € au titre du préjudice moral ;
ALORS QUE la rente versée à la victime d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables en application de l'article L. 452-3 du même code les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en allouant à M. X... des dommages et intérêts au titre du préjudice moral par des motifs impropres à caractériser en quoi les souffrances morales qu'il a invoquées seraient distinctes du déficit fonctionnel permanent déjà réparé par la pension d'invalidité maladie professionnelle majorée, la cour d'appel a violé les articles L.434-1, L.434-2, L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société CMACGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE comme le soutient l'ENIM, la décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel ne concerne pas les règles d'information à la charge de la caisse prévues par les dispositions des articles R. 411-11 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'il convient de se référer aux textes en vigueur au moment de la décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle prise le 6 avril 2005 ; qu'à cette date, le décret du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'ENIM à l'égard des employeurs puisque ce n'est que pas décret n° 2015-356 du 27 mars 2015 que l'article 9-1 a été inséré au décret du 17 juin 1938 prévoyant que « les dispositions relatives à la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie prévues aux articles R. 411-10 à R. 441-14 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime des marins sous réserve des adaptations suivantes… » ; que la société Generali IARD ne saurait se prévaloir des dispositions de l'instruction de l'ENIM du 19 juin 2012 qui sont postérieures à la décision de prise en charge ; que la société CMA CGM ne peut se prévaloir utilement de l'absence de tentative de conciliation, laquelle n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité de l'instance contentieuse ; que contrairement à ce que soutiennent la société CMA CGM et la société Zurich Assurances il n'est pas porté atteinte au contradictoire garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que l'employeur peut contester le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de la procédure contradictoire applicable devant les juridictions de la sécurité sociale ; qu'elles ne sauraient de plus se prévaloir utilement du principe d'égalité des employeurs devant la loi dès lors qu'il n'est pas établi que la société CMA CGM se trouvait au moment de la décision de prise en charge de la maladie dans une situation identique à celle des employeurs relevant du régime général de sécurité social ; qu'il convient de déclarer opposable à la société CMA CGM la décision de l'ENIM du 6 avril 2005 de prendre en charge da maladie professionnelle déclarée par M. X... et de condamner la société à verser à l'ENIM la somme dont elle doit faire l'avance au titre de la majoration de la rente et au titre de la réparation du préjudice moral ;
1°) ALORS QUE pour les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites avant le 1er janvier 2013, le caractère non contradictoire de la procédure rend inopposable à l'égard de l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle et prive cette caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et d'indemnités versés par elle ; qu'en déclarant opposable à la société CMA CGM, qui n'a pas été associée à la procédure en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. X..., la décision de prise en charge de l'ENIM datée du 6 avril 2005 et en faisant droit à l'action récursoire de la caisse au seul motif que le régime spécifique du décret-loi du 17 juin 1938 ne faisait peser sur l'ENIM, à l'époque de la déclaration, aucune obligation d'information à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2, L. 452-3 du code de la sécurité sociale et les articles R. 441-11 et suivants du même code dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes ;
2°) ALORS QUE le principe de contradiction résultant tant de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que du principe général du droit du respect des droits de la défense, s'impose aux organismes sociaux, lesquels sont investis d'une mission de service public et de prérogatives de puissance publique notamment dans les décisions qu'ils imposent unilatéralement aux employeurs ; qu'il résulte de ce principe que les décisions par lesquelles ces derniers reconnaissent le caractère professionnel de la maladie d'un salarié ne sauraient être opposées à un employeur qui n'a pas été consulté dans le cadre de la procédure d'instruction menée préalablement ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter l'inopposabilité invoquée par la société CMA CGM, que le régime spécifique issu du décret-loi du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'ENIM à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes.
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils pour M. X... (demandeur au pourvoi incident).
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la majoration de la rente devant être profitée ne devant pas dépasser le plafond prévu du décret-loi du 17 juin 1938 ;
AU MOTIF QU'en application de l'article 21, alinéa 1, du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurances des marins, qui prévoit que : « en cas de cumul d'une pension de vieillesse sur la caisse de retraites des marins et d'une pension attribuée au titre de l'article 16 ci-dessus, le montant total des émoluments versés à l'intéressé ne peut dépasser celui du salaire forfaitaire correspondant à la catégorie de classement la plus élevée ayant servi d'assiette aux pensions considérées », en sorte que le montant de la majoration de la rente dont il s'agit ne pourra être alloué que dans la limite de 100 % du salaire forfaitaire de la 10ème catégorie sans qu'elle puisse dépasser ledit montant en cumul avec toute autre pension ;
ALORS QUE le plafond fixé par le décret-loi de 1938 est devenu totalement obsolète à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel sur QPC du 6 mai 2011 qui ouvre l'action en faute inexcusable aux marins et à leurs familles et leur ouvre également le droit d'obtenir la majoration effective de la PIMP du marin ou de sa veuve, selon le droit commun ; qu'en l'état du droit positif, il ne peut en être autrement, rien ne pouvant justifier l'absence de majoration de la PIMP, notamment à la veuve d'un marin si la situation se présente ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour méconnaît les exigences de l'article 12 du Code de procédure civile, ensemble fait une fausse application de l'article 21 du décret-loi du 17 juin 1938.
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD (demanderesse au pourvoi provoqué).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la maladie dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société CMA CGM, D'AVOIR ordonné la majoration maximum de la rente et dit qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. X... en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, et que cette rente lui sera versée par l'ENIM, D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par M. X... à 13 000 €, D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à rembourser à l'ENIM l'ensemble des sommes dont il doit faire l'avance et D'AVOIR débouté la société CMA-CGM de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE la société CMA CGM invoque à tort que le caractère professionnel de la maladie n'est pas démontré ; qu'en effet, il résulte du certificat médical initial du 18 octobre 2004 que M. X... est atteint de « plaques pleurales bilatérales » et du compte rendu du docteur Y... du 4 février 2005 qu'« il présente bien une pathologie pleurale de l'amiante compatible avec le tableau 30 des maladies professionnelles », de sorte que la condition de désignation de la maladie est remplie ; que la maladie a été constatée moins de 40 ans après la cessation de l'exposition au risque ; qu'enfin la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle n° 30 B n'est qu'indicative ; qu'il apparaît au vu des attestations produites plus précisément des pièces n° 8 et 12 des productions de M. X..., étant observé qu'il ne saurait y avoir lieu de rejeter des débats la pièce n° 12 dont la teneur est reprise dans le conclusions de M. X... et par laquelle M. Z... ne fait que préciser sa précédente attestation, que M ; X... a été exposé à l'amiante à bord des navires CMA CGM dans le cadre de ses fonctions notamment d'assistant pont ; qu'à ce titre il convient de relever que M. Z... indique que « M. X... a été au contact à bord des navires de la CGM, en particulier du nettoyage des cales après transport de l'amiante et des produits à base d'amiante ciment » que les « navires étaient également isolés avec les produits à base d'amiante. On a donc tous été exposés à la poussière d'amiante durant toute notre carrière à la Compagnie générale maritime » et précise que « le travail du personnel pont consiste, en plus de la conduite du navire, au manoeuvre dans les ports, à l'entretien général du navire… mais également et surtout nettoyage des cales quels que soient les produits transportés… et surtout des sacs d'amiante, non seulement ces sacs n'étaient pas étanches, en plus il y en avait beaucoup de déchirer, aussi bien à l'embarquement qu'au débarquement… Des déchets d'amiante nous en avons manipulés en grande quantité en plus du balayage des cales et surtout cela sans aucune protection » ; qu'au regard des éléments sus évoqués et de la présomption d'imputabilité de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie présentée par M. X... est donc justifiée ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il résulte des articles L. 412-8 8° et L. 413-12 2° du code de la sécurité sociale, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, et de l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 que le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime, ou ses ayants droit, peuvent en cas de faute inexcusable de l'employeur, demander devant la juridiction de sécurité sociale le bénéfice du livre IV de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre ; qu'il résulte des attestations de M. Z... que l'exposition de M. X... à l'amiante était habituelle et que ce dernier a travaillé sans protection contre les poussières d'amiante ; que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient pas être ignorés dans une société importante comme la société CMA-CGM ou des sociétés aux droits desquelles elle vient, dont l'importance lui permettait d'avoir un personnel compétent en matière d'hygiène et de sécurité, pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie alors que ces dangers étaient connus au moins depuis1945, date de l'inscription de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante au tableau n° 25 et surtout depuis 1950 date de la création du tableau n° 30 consacré à l'asbestose professionnelle dont la liste des travaux est devenue indicative à compter de 1955 ; qu'ainsi dès 1955 tout employeur qui faisait travailler son salarié au contact de l'amiante, quel que soit le type de travail effectué, avait nécessairement conscience du risque qu'il lui faisait courir et devait le protéger contre l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'enfin les dispositions du décret du 17 août 1977 concernant les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ne pouvaient ne pas être ignorées de la société ; qu'il s'ensuit que la preuve est ainsi rapportée que M. X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de manière habituelle dans le cadre de son activité au sein de la société CMA CGM qui ne pouvait ignorer les risques encourus par son salarié et qui n'a pas pris les mesures d'une efficacité suffisante pour l'en protéger ;
1°) ALORS QU'en affirmant que M. X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de manière habituelle dans le cadre de son activité de maître d'équipage sur la seule foi d'une attestation qui se borne à indiquer que le travail du salarié consistait notamment au nettoyage des cales après transport d'amiante ou de produits à base d'amiante ciment sans préciser si le transport de ce type de produits était une activité habituelle de la société CGM pendant la période d'emploi de l'intéressé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger dont l'employeur doit avoir conscience, doit non seulement être habituelle mais aussi significative ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société Generali Iard, reprenant les conclusions présentées en ce sens par la société CMA CGM, faisait valoir que la réglementation relative aux risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante issue du décret n° 77-949 du 17 août 1977 fixe à l'article 2 un seuil de concentration de fibres d'amiante en deçà duquel le risque de maladie est écarté, en sorte que la seule présence d'amiante sur les lieux de travail ne suffit pas à entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'en énonçant que la société CMA CGM aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé M. X... au motif qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions du décret du 17 août 1977 sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par ce décret, si le salarié avait été exposé de façon habituelle à un risque significatif d'inhalation à la poussière d'amiante, la cour d'appel a privé sa décision sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret n° 77-949 du décret du 17 août 1977 ;
3°) ALORS QU'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de prouver que l'employeur devait avoir conscience du danger auquel il était exposé et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la société Generali Iard, reprenant les conclusions présentées en ce sens par la société CMA CGM, faisait valoir que les maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles n'ont donné lieu à une indemnisation au titre du régime d'assurance sociale des marins qu'à compter du décret n° 99-452 du 28 juin 1999 et que l'obligation faite aux armateurs d'évaluer les risques sur les navires liés à l'exposition des marins à l'inhalation de poussières provenant de l'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante ne date que du décret n° 2000-5645 du 24 juin 2000 ; qu'en retenant que la société CMA CGM, en sa qualité d'armateur, ne pouvait ignorer les risques auxquels était exposé son salarié dans le cadre de ses fonctions sur le fondement de dispositions réglementaires qui n'étaient pas applicables ou spécifiques au secteur maritime pendant la période d'emploi de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS QU'en relevant que les dangers de l'inhalation des poussières d'amiante ne pouvaient être ignorés de la société CMA CGM pour les navires à bord desquels l'amiante était utilisé de manière habituelle comme matériau d'isolation et de protection contre l'incendie sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la présence d'amiante stabilisé dans des éléments d'équipement exposait effectivement M. X..., qui n'intervenait pas sur ces équipements, au risque d'inhalation de poussières d'amiante et s'il existait une quelconque restriction réglementaire d'emploi de l'amiante comme isolant pendant la période d'emploi de l'intéressé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
5°) ALORS QU'en ne faisant pas ressortir en quoi, compte tenu des fonctions occupées par M. X... (maître d'équipage) et de sa période d'emploi qui s'est achevée en 1990, la société CMA CGM pouvait avoir une quelconque conscience du danger lié à l'exposition à l'amiante en l'absence de réglementation spécifique dans le secteur maritime et en l'état d'études scientifiques, au demeurant confidentielles, qui à l'époque ne concernaient que les industries fabriquant ou transformant de l'amiante, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Cma-Cgm de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de l'Enim de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE comme le soutient l'Enim, la décision n° 2011-127 OPC du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel ne concerne pas les règles d'information à la charge de la caisse prévues par les dispositions des articles R. 411-11 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'il convient de se référer aux textes en vigueur au moment de la décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle prise le 6 avril 2005 ; qu'à cette date, le décret du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'Enim à l'égard des employeurs puisque ce n'est que pas décret n° 2015-356 du 27 mars 2015 que l'article 9-1 a été inséré au décret du 17 juin 1938 prévoyant que « les dispositions relatives à la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie prévues aux articles R. 411-10 à R. 441-14 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime des marins sous réserve des adaptations suivantes ... » ; que la société Generali Iard ne saurait se prévaloir des dispositions de l'instruction de l'Enim du 19 juin 2012 qui sont postérieures à la décision de prise en charge; que la société Cma-Cgm ne peut se prévaloir utilement de l'absence de tentative de conciliation, laquelle n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité de l'instance contentieuse ; que contrairement à ce que soutiennent la société Cma-Cgm et la société Zurich Assurances il n'est pas porté atteinte au contradictoire garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que l'employeur peut contester le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de la procédure contradictoire applicable devant les juridictions de la sécurité sociale; qu'elles ne sauraient de plus se prévaloir utilement du principe d'égalité des employeurs devant la loi dès lors qu'il n'est pas établi que la société Cma-Cgm se trouvait au moment de la décision de prise en charge de la maladie dans une situation identique à celle des employeurs relevant du régime général de la sécurité sociale ; qu'il convient de déclarer opposable à la société Cma-Cgm la décision de l'Enim du 6 avril 2005 de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par M. X... et de condamner la société à verser à l'Enim la somme dont elle doit faire l'avance au titre de la majoration de la rente et au titre de la réparation du préjudice moral ;
1°) ALORS QUE pour les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites avant le 1er janvier 2013, le caractère non contradictoire de la procédure rend inopposable à l'égard de l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle et prive cette caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et d'indemnités versés par elle ; qu'en déclarant opposable à la société Cma-Cgm, qui n'a pas été associée à la procédure en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. X..., la décision de prise en charge de l'Enim datée du 6 avril 2005 et en faisant droit à l'action récursoire de la caisse au seul motif que le régime spécifique du décret-loi du 17 juin 1938 ne faisait peser sur l'Enim, à l'époque de la déclaration, aucune obligation d'information à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2, L. 452-3 du code de la sécurité sociale et les articles R. 441-11 et suivants du même code dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes ;
2°) ALORS QUE le principe de contradiction résultant tant de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que du principe général du droit du respect des droits de la défense, s'impose aux organismes sociaux, lesquels sont investis d'une mission de service public et de prérogatives de puissance publique notamment dans les décisions qu'ils imposent unilatéralement aux employeurs ; qu'il résulte de ce principe que les décisions par lesquelles ces derniers reconnaissent le caractère professionnel de la maladie d'un salarié ne sauraient être opposées à un employeur qui n'a pas été consulté dans le cadre de la procédure d'instruction menée préalablement ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter l'inopposabilité invoquée par la société Cma-Cgm et que la société Generali Iard reprenait à son compte, que le régime spécifique issu du décret-loi du 17 juin 1938 ne prévoyait aucune obligation d'information de l'Enim à l'égard des employeurs, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe général du droit au respect des droits de la défense et de l'égalité des armes.