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12/10/2017 | FRANCE | N°16-11649

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 octobre 2017, 16-11649


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers l'employeur qu'en cas de faute lourde ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 13 novembre 2006 en qualité de directeur de succursales par la société Française de transport Gondrand frères, a, après avoir démissionné par lettre du 10 février 2012, été convoqué devant la juridiction prud'homale à la requête de l'employeur qui sollicitait sa condamnation en paiement de dom

mages-intérêts notamment pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers l'employeur qu'en cas de faute lourde ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 13 novembre 2006 en qualité de directeur de succursales par la société Française de transport Gondrand frères, a, après avoir démissionné par lettre du 10 février 2012, été convoqué devant la juridiction prud'homale à la requête de l'employeur qui sollicitait sa condamnation en paiement de dommages-intérêts notamment pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu que pour condamner le salarié à payer à la société une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que l'intéressé a exécuté son contrat de travail de manière déloyale, que son comportement a créé un préjudice pour la société qui a perdu un certain nombre de collaborateurs, n'a pas été en mesure de répondre opportunément à l'appel d'offres de la société Polaris et a payé du personnel qui a agi dans l'intérêt d'une société concurrente ;

Attendu, cependant, d'une part, qu'en présence d'une demande de dommages-intérêts en réparation de faits de déloyauté invoqués par l'employeur, il appartient à la cour d'appel de rechercher si ces faits sont constitutifs d'une faute lourde susceptible d'entraîner la responsabilité pécuniaire du salarié, d'autre part, que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans caractériser la volonté de nuire du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la société Française de transport Gondrand frères la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 3 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Française de transport Gondrand frères aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande
de la société Française de transport Gondrand frères et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, et Mme Sabotier, conseiller référendaire en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la société SFT GONDRAND FRERES la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Aux motifs que « S'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail, il résulte de l'examen des pièces versées aux débats par les parties que M. X... qui indique avoir été approché par la société GONDRAND AG au début de l'année 2012 a dans le même temps :

- été l'intermédiaire de cette société avec trois salariés de la société SFT GONDRAND FRERES, MM. Y... et Z... et Mme A..., en indiquant qu'ils figuraient au nombre des « candidats à rejoindre le groupe GONDRAND CH » ce qui laisse augurer de propositions à un plus grand nombre de salariés ; le courriel du 17 janvier 2012 adressé à GONDRAND AG est particulièrement détaillé et ne peut résulter d'une simple maladresse ou volonté de rendre service à ces salariés ; ce comportement doit être rapproché du départ de 12 salariés sur les 47 composant le personnel des agences placées sous l'autorité de M. X..., pour être embauchés par la société GONDRAND AG entre le 2 et le 27 avril 2012, ce qui ne peut résulter du seul hasard alors que, par courriel du 2 avril 2012, Mme B... indique à M. X... qu'elle « travaille à la rédaction du mémo pour l'avocat afin d'avoir son avis factuel sur deux points essentiels et nous blinder : concurrence déloyale + débauchage », courriel dont les termes sont non équivoques et dont le sens ne peut être remis en cause par l'attestation de Mme B... qui est salariée de la société GONDRAND AG mise en cause dans le cadre de la procédure commerciale pour concurrence déloyale et ne peut dès lors apparaître suffisamment objective ;

- transmis à la société GONDRAND AG, le 8 février 2012 moins d'une heure après sa réception, un appel d'offre émanant de la société POLARIS, adressé à la société SFT GONDRAND FRERES, en indiquant là encore sans équivoque que cet appel devait recevoir réponse de GONDRAND AG et recelait un « énorme potentiel » ; M. X... a en outre proposé à GONDRAND AG, non seulement son aide pour formuler la réponse à cet appel d'offre « pouvez-vous charger un manager. Je lui fournirai mon aide », mais aussi celle de deux salariés de la SFT GONDRAND FRERES « deux personnes de mon équipe s'en occupent dès aujourd'hui » (courriel du 9 février) ; il n'est justifié d'aucun projet de réponse commune GONDRAND AG – SFT GONDRAND FRERES et, alors que M. X... a conscience de l'urgence de la réponse puisqu'il y affecte deux salariés placés sous son autorité dès le 9 février et que la société POLARIS a fixé la date limite de réponse au 17 février 2012, la société SFT GONDRAND FRERES ne transmettra une telle proposition que le 21 février 2012 soit après la date limite ;

- recherché des locaux professionnels précisément sur le lieu d'implantation de la société GO TRANS, en y associant un salarié de l'entreprise dont le licenciement a été prononcé pour faute lourde de ce chef et définitivement validé, alors que sa propre activité en devenir ne justifiait pas l'occupation de tels locaux et ne peut expliquer cette recherche ;

- engagé la société SFT GONDRAND FRERES dans deux contrats, l'un de maintenance informatique d'une durée de trois ans à raison de 69.000 euros HT par an, l'autre de messagerie d'une durée de cinq ans à raison de 900 euros HT par mois, juste avant son départ de la société et pour des coûts supérieurs à ceux précédemment supportés ;

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. X... a exécuté son contrat de travail de manière déloyale ; son comportement a créé un préjudice pour la société GONDRAND FRERES qui a perdu un certain nombre de collaborateurs, n'a pas été en mesure de répondre opportunément à l'appel d'offre de la société POLARIS, a payé du personnel qui a agi dans l'intérêt d'une société concurrente ; M. X... sera condamné à lui verser à ce titre la somme de 50.000 euros » ;

Alors que par une décision du 2 mars 2016, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au deuxième alinéa de l'article L.3141-26 du code du travail sont contraires à la Constitution ; que la disparition dans le code du travail de la seule référence à la notion de faute lourde a fait perdre son fondement juridique à l'arrêt attaqué ;

Alors, en tout état de cause, que la responsabilité du salarié envers son employeur ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde, qui ne se déduit pas d'un seul manquement à l'obligation de loyauté ; qu'en se bornant à relever, pour décider que le salarié devait indemniser l'employeur du préjudice subi du fait d'une exécution déloyale du contrat de travail, qu'il a participé à la perte par l'employeur d'un certain nombre de collaborateurs, ne l'a pas mis en mesure de répondre opportunément à un appel d'offre d'une société clientèle et a utilisé du personnel de l'entreprise dans l'intérêt d'une société concurrente, circonstances desquelles il ne résulte toutefois pas que le salarié avait l'intention de nuire à l'entreprise ou à son employeur, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute lourde du salarié, a violé le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-11649
Date de la décision : 12/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 03 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 oct. 2017, pourvoi n°16-11649


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11649
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