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06/10/2017 | FRANCE | N°16-21202

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2017, 16-21202


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et la société Véolia environnement ont signé une convention de rup

ture homologuée par l'administration ; que la salariée, arguant d'un vice du consentem...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et la société Véolia environnement ont signé une convention de rupture homologuée par l'administration ; que la salariée, arguant d'un vice du consentement, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de la convention de rupture ;

Attendu que pour faire droit à cette demande, l'arrêt retient que la situation de la salariée était directement affectée par le projet de réorganisation de l'entreprise en ce que employée depuis 42 ans, elle aurait pu être incluse dans un plan de licenciement dans le cadre duquel ses droits auraient pu être plus intéressants, que même si le plan de sauvegarde de l'emploi visait avant tout à faire jouer la mobilité interne ainsi que les départs volontaires et devait toucher en majorité les cadres et si donc rien ne permettait d'affirmer à cette date qu'elle serait concernée par ces mesures, elle n'en aurait pas moins dû être informée de l'existence de celui-ci et des possibilités qu'il offrait notamment en terme d'accompagnement de qualité et de conseils personnalisés avec la mobilisation du réseau ressources humaines, et que le défaut d'information de l'intéressée constitue une réticence dolosive de l'employeur qui vicie son consentement ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que la réticence invoquée avait été déterminante du consentement de la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé :

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Véolia environnement

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la rupture conventionnelle du 22 novembre 2012 et d'avoir condamné la société Véolia Environnement à payer à Mme X... les sommes de 155 480 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 16 539 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 1 654 € au titre des congés payés afférents, de 66 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces montants pouvant être compensés avec ceux versés en net dans le cadre de la rupture conventionnelle ;

AUX MOTIFS QUE le 22 novembre 2012, Mme X... a signé une rupture conventionnelle prévoyant la cessation de son contrat de travail au 31 décembre 2012 et le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle de 160 000 € bruts ; que Mme X... explique que son consentement à la signature de la rupture conventionnelle a été vicié sous 2 angles tenant l'un au montant de l'indemnité qui a été négociée sur la base de fausses informations sur le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle données par l'employeur, et tenant l'autre à l'absence d'information sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui était en cours d'élaboration ; que la société Véolia Environnement répond que le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conditionnelle est lié à la décision de Mme X... à l'issue de celle-ci, de partir à la retraite : - que d'une part, elle n'était pas informée de la décision de départ à la retraite de Mme X... puisque la salariée a rempli les dossiers de départ à la retraite les 27 novembre et 5 décembre 2012, soit postérieurement à la signature de la convention de rupture conventionnelle du 22 novembre 2012 et que son ancienneté (42 ans) et son âge (61 ans) lui laissait une option à ce titre, Mme X... exposant d'ailleurs dans le cadre de la procédure qu'elle aurait pu continuer à exercer ses fonctions jusqu'à l'âge de 65 ans, - que d'autre part Mme Y... ne lui a pas donné de fausses informations sur le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture, le seul mail de M. Z..., supérieur hiérarchique de la salariée à M. A..., directeur financement trésorerie du groupe du 27 décembre 2012 produit par la salariée pour le démontrer, se limitant à reprendre les allégations que la salariée lui a rapportées, - que si elle avait souhaité être renseignée précisément sur le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle, il lui appartenait de se rapprocher d'un conseil ; que s'agissant du PSE, la société Véolia Environnement explique que Mme X... qui connaissait les importantes difficultés financières de la société ne peut se plaindre d'une absence d'information sur un PSE tout en produisant au débat des articles de presse antérieurs à la date de signature de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ; qu'en outre celui-ci a été présenté aux institutions représentatives du personnel le 21 novembre 2012 soit avant la date d'expiration du délai de réflexion de la salariée le 7 décembre 2012 et qu'elle aurait parfaitement pu se rétracter à cette date ; qu'enfin la société Véolia Environnement n'avait pas d'obligation particulière d'information de la salariée du contenu du plan notamment au regard du montant proposé pour les indemnités de départ dans le cadre de celui-ci alors qu'à cette date la décision de supprimer son poste de travail n'avait pas été arrêtée ; que la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, résulte d'une convention signée par les parties au contrat et est soumise aux dispositions des articles L.1237-11 et suivants du code du travail ; que lorsque les parties conviennent du principe d'une rupture conventionnelle, celle-ci conclue, doit définir les conditions et le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L.1234-9 du code du travail, doit fixer la date de rupture du contrat de travail qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation et offre ensuite aux parties, à compter de la date de sa signature, un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation ; que ce n'est qu'à l'issue du délai de rétractation que la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture, que celle-ci dispose d'un délai d'instruction de 15 jours ouvrables pour s'assurer du respect des conditions prévues et de la liberté de consentement des parties et la validité de la convention est subordonnée à son homologation ; qu'en l'espèce ces conditions de fond et de forme destinées à garantir la liberté du consentement de Mme X... ont été respectées ; (…) que Mme X... soutient également que le vice du consentement résulte de l'absence d'information sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui était en cours d'élaboration et de ses droits éventuels dans le cadre de celui-ci qui auraient pu être plus favorables que ceux obtenus dans le cadre de la signature de la rupture conventionnelle ; que si le premier entretien relatif à la rupture conventionnelle a été organisé le 24 octobre 2012, le second du 19 novembre 2012, était postérieur à la convocation du 15 novembre 2012 du comité entreprise à la réunion d'information qui s'est déroulée le 21 novembre 2012, soit avant la signature de la rupture conventionnelle du 22 novembre 2012 ; que l'ordre du jour de cette réunion soit « première réunion d'information en vue de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation de l'entreprise et d'ajustement de ses effectifs, en application des articles L.2323-6 et L.2323-5 du code du travail » avait pour objet de consulter le comité d'entreprise « sur le projet d'ajustement des effectifs, par voie de départs volontaires et de licenciement pour motif économique, et le projet de plan de sauvegarde de l'emploi, en application des articles L.1233-28 et L.1233-61 du code du travail, sur les conditions de mise en oeuvre du congé de reclassement, en application de l'article R.1233-17 du code du travail, sur les critères d'ordre des licenciements en application de l'article L.1233-5 du code du travail (…) » ; que la situation de Mme X... était donc directement affectée par ce projet de réorganisation en ce que employée depuis 42 ans, elle aurait pu être incluse dans un plan de licenciement dans le cadre duquel ses droits auraient pu être plus intéressants ; qu'en tout état de cause alors qu'aucun élément ne permet de laisser penser que la signature de la rupture présentait un intérêt ou une urgence particulière pour Mme X..., au regard de la concomitance de celle-ci et du projet de réorganisation, l'employeur se devait de lui donner toutes les informations qu'il détenait sur ce point sans qu'il puisse sérieusement affirmer que des éléments étaient donnés dans la presse ; que certes si le projet de suppression d'une centaine de postes dont 90 de cadres sur les 500 du siège parisien du groupe évoqué dans ces articles de presse, n'en était ainsi qu'à ses débuts lors de la signature et si une note d'information du 8 mars 2013 évoque l'issue de la période de consultation des instances représentatives du personnel et l'ouverture de la première phase du plan de sauvegarde de l'emploi, le processus n'en était pas moins pour autant engagé ; qu'ainsi même si le plan visait avant tout à faire jouer la mobilité interne ainsi que les départs volontaires et devait toucher en majorité les cadres et si donc rien ne permettait d'affirmer à cette date que Mme X... serait concernée par ces mesures, elle n'en aurait pas moins dû être informée de l'existence de celui-ci et des possibilités qu'il offrait notamment en terme d'accompagnement de qualité et de conseils personnalisés avec la mobilisation du réseau ressources humaines ; que le défaut d'information de Mme X... constitue une réticence dolosive qui vicie son consentement à la signature de la rupture conventionnelle et conduit à son annulation ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le dol réside dans l'emploi de manoeuvres frauduleuses pour surprendre le consentement et il n'est une cause de nullité de la convention que lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en se bornant à retenir, pour annuler la rupture conventionnelle convenue entre les parties, que la société Véolia environnement aurait dû informer Mme X... sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours d'élaboration, sans constater que, si les manoeuvres invoquées n'avaient pas existé, il était évident que la salariée n'aurait pas contracté, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article 1116 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le dol réside dans l'emploi de manoeuvres frauduleuses pour surprendre le consentement et il n'est une cause de nullité de la convention que lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en se bornant à retenir, pour annuler la rupture conventionnelle convenue entre les parties, que la société Véolia environnement aurait dû informer Mme X... sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours d'élaboration, sans caractériser ce qui lui permettait de conclure que l'employeur aurait agi intentionnellement pour tromper la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

ET ALORS, ENFIN, QUE la cour d'appel a constaté (arrêt p. 6, § 8) que le plan de sauvegarde de l'emploi dont l'existence aurait été dissimulée à Mme X... pour obtenir son consentement, visait avant tout à faire jouer la mobilité interne ainsi que les départs volontaires et devait toucher en majorité les cadres et que rien ne permettait d'affirmer que la salariée aurait été concernée par ces mesures ; qu'en affirmant néanmoins, pour annuler la rupture conventionnelle convenue entre les parties, que la société Véolia environnement aurait dû informer Mme X... sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours d'élaboration, quand il ressortait de ses propres constatations qu'elle ne disposait pas d'un choix entre rupture conventionnelle et dispositions du plan de sauvegarde, puisqu'il n'était même pas établi qu'elle aurait pu bénéficier de ces dernières, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-21202
Date de la décision : 06/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2017, pourvoi n°16-21202


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21202
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