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28/09/2017 | FRANCE | N°16-22436

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2017, 16-22436


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 novembre 2015), qu'engagée le 1er avril 2011 par la société I et G Dupuy en qualité de vendeuse préparatrice en boulangerie, Mme X... a fait l'objet de deux avertissements délivrés les 25 juin et 26 juillet 2011 ; que le 15 septembre 2011, une mise à pied conservatoire lui a été notifiée ; qu'elle a été convoquée le 22 septembre suivant à un entretien fixé au 3 octobre 2011 ; que par lettre du 5 octobre 2011, elle a été convoq

uée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 17 octobre 2011 et qu'ell...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 novembre 2015), qu'engagée le 1er avril 2011 par la société I et G Dupuy en qualité de vendeuse préparatrice en boulangerie, Mme X... a fait l'objet de deux avertissements délivrés les 25 juin et 26 juillet 2011 ; que le 15 septembre 2011, une mise à pied conservatoire lui a été notifiée ; qu'elle a été convoquée le 22 septembre suivant à un entretien fixé au 3 octobre 2011 ; que par lettre du 5 octobre 2011, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 17 octobre 2011 et qu'elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 22 octobre 2011 ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter l'ensemble de ses demandes à ce titre et en rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la période de mise à pied, alors, selon le moyen :

1°/ que la mise à pied ne peut présenter un caractère conservatoire que si elle est concomitante à l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'ayant relevé que la mise à pied de l'exposante avait été prononcée le 15 septembre 2011 et que l'engagement de la procédure de licenciement n'était intervenue que le 5 octobre suivant, soit vingt jours plus tard, par l'envoi de la lettre recommandée portant convocation à l'entretien préalable fixé au 17 octobre suivant, ce dont il ressortait que la mise à pied n'avait pas été suivie immédiatement de l'engagement de la procédure de licenciement, en sorte que, malgré la qualification que lui avait donné l'employeur, cette mesure présentait le caractère d'une sanction disciplinaire et que l'employeur ne pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, le licenciement de l'intéressée, la cour d'appel qui retient néanmoins qu'il s'agit bien d'une mesure conservatoire au motif inopérant que cette mesure était à durée indéterminée et qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la procédure de licenciement pour faute grave et ajoute que le fait que la salariée ait été convoquée à l'entretien préalable au licenciement dix huit jours après la notification de la mise à pied ne saurait avoir pour effet d'en modifier la nature, a violé les articles L. 1332-3 et L. 1331-1 du code du travail, ensemble les articles 1234-1, 1234-5 et 1234-9 dudit code ;

2°/ que les termes mêmes de la mise à pied doivent nécessairement traduire son caractère conservatoire, c'est-à-dire le fait qu'elle est prononcée dans l'attente de la décision à intervenir sur la procédure disciplinaire concomitamment engagée ; qu'en l'état des termes de la lettre recommandée de l'employeur du 15 septembre 2011 ayant pour objet une « notification de mise à pied à titre conservatoire » selon lesquels « Je vous notifie par LRAR le contenu de notre entretien. En effet, suite à l'altercation violente et agressive de votre collègue de travail, Mme Marie Y..., sur votre lieu de travail, nous vous notifions une mise à pied à titre conservatoire. Dans les prochains jours vous recevrez un courrier de convocation à un entretien afin de prendre en compte vos explications des faits survenus en date du mercredi 14 septembre 2011 », dont il ne ressortait pas que cette mesure était prise dans l'attente de la décision à intervenir sur une procédure disciplinaire concomitamment engagée, la cour d'appel qui rejette la demande de la salariée tendant à voir reconnaître le caractère disciplinaire de cette mise à pied et retient au contraire qu'il s'agit bien d'une mesure conservatoire, a violé les dispositions de l'article L.1332-3 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant que le fait que la salariée ait été convoquée à l'entretien préalable au licenciement dix-huit jours après la notification de la mise à pied ne saurait avoir pour effet d'en modifier la nature, dès lors qu'au surplus la salariée avait été convoquée par lettre du 22 septembre 2011 (soit sept jours après la mise à pied) à un entretien qui s'est déroulé le 3 octobre 2011 « aux fins notamment de recueillir ses explications sur l'altercation du 14 septembre 2011 et de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave à son encontre », la cour d'appel n'a, là encore, pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont elle aurait dû déduire que la mise à pied du 15 septembre 2011 ne pouvait avoir un caractère conservatoire dès lors qu'elle n'avait pas été prononcée concomitamment à l'engagement d'une procédure disciplinaire que l'employeur n'avait alors pas même encore décidée, et a violé les dispositions des articles L. 1332-3 et L. 1331-1 du code du travail, ensemble les articles 1234-1, 1234-5 et 1234-9 dudit code ;

4°/ que la censure du chef de dispositif de l'arrêt retenant que le licenciement reposait sur une faute grave entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant au paiement du rappel de salaire, outre congés payés y afférents, au titre de la période de mise à pied ;

Mais attendu d'abord qu'ayant relevé que l'employeur avait procédé, après avoir notifié la mise à pied d'une durée indéterminée qualifiée de conservatoire, à des investigations sur les faits reprochés dont une audition de la salariée afin de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d'appel a pu retenir que cette mise à pied avait un caractère conservatoire ;

Et attendu ensuite que le rejet des trois premières branches du moyen rend sans objet la quatrième branche qui invoque une cassation par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour Mme X....

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR jugé que le licenciement pour faute grave est justifié, débouté l'exposante de l'ensemble de ses demandes à ce titre et de sa demande de rappel de salaire, outre congés payés y afférents, au titre de la période de mise à pied ;

AUX MOTIFS QUE, sur le caractère de la mise à pied et sur la rupture du contrat de travail : que s'agissant de la mise à pied qui a été notifiée par l'employeur à Madame X... par lettre recommandée en date du 15 septembre 2011 distribuée le 17 septembre 2011, il convient de relever que cette mesure est à durée indéterminée et qu'elle s'inscrit dans le cadre de la procédure de licenciement pour faute grave qui a été engagée à l'encontre de l'appelante par courrier recommandé portant la date du 5 octobre 2011 et dont la date de première présentation au domicile de cette dernière est le 8 octobre 2011 ainsi qu'il résulte du cachet de la Poste ; qu'il s'agit, donc, bien d'une mesure conservatoire. ; que le fait que la salariée ait été convoquée à l'entretien préalable au licenciement dix-huit jours après la notification de la mise à pied ne saurait avoir pour effet d'en modifier la nature et ce, alors au surplus qu'il apparaît qu'entre temps, l'employeur a procédé à des investigations et a convoqué Madame X... à un entretien qui s'est déroulé le 3 octobre 2011 aux fins notamment de recueillir ses explications sur l'altercation du 14 septembre 2011 et de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave à son encontre. ; que la faute grave qui peut, seule, justifier une mise à pied conservatoire est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie son départ immédiat ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; qu'aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les contours du litige, la SARL. I and G Dupuy invoque plusieurs reproches à la salariée s'articulant autour d'un manque de respect envers l'employeur, d'un non-respect des consignes de travail, de négligences dans la qualité du travail, de la contestation de l'autorité de l'employeur et d'une agression verbale à l'égard d'une collègue de travail à la date du 14 septembre 2011 ; qu'il suffit de relever qu'il ressort des pièces du dossier que le 11 septembre 2011, Madame Marie Y..., vendeuse du matin, a noté par écrit qu'en prenant son poste de travail à la suite de Madame X..., elle a constaté que cette dernière n'avait pas effectué un certain nombre de tâches : vaisselle non faite, cartons et poubelles pas sortis, viennoiseries pas jetées, machine à boisson pas remplie, poubelle des toilettes au milieu du laboratoire, pas de regarnissage de rayon et que par lettre en réponse du 14 septembre 2011, Madame X... s'est bornée à indiquer qu'elle avait oublié de nettoyer un à deux bacs de vaisselle, que pour les poubelles, elle ne trouvait « pas normal que la fille d'après-midi doive jeter les poubelles de tout le monde », qu'elle n'avait pas eu le temps pour la machine à boisson, qu'elle avait zapé la poubelle des toilettes, que « pour les prépas », elle n'avait pas eu le temps et qu'elle était désolée pour toutes les choses non faites invoquant, par ailleurs, un mal au dos résultant selon elle d'un accident du travail qui au demeurant, n'a pas été reconnu par la Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il ressort, par ailleurs, de la déclaration de main-courante enregistrée le 22 septembre au commissariat de Montauban par Madame Y..., des attestations concordantes et circonstanciées établies par cette dernière et par Madame Aurélie Z... autre salariée de l'entreprise, témoin des faits, que le 14 septembre 2011 après que Madame Y... ait fait remarquer à Madame X..., lors de la relève, qu'elle n'avait pas fini son travail, cette dernière l'a agressée verbalement, s'avançant vers elle en hurlant et en adoptant une gestuelle menaçante, lui ordonnant de baisser les yeux, lui disant « ta gueule » et « je vais te mettre un poing dans la gueule », cette scène s'étant déroulée dans la boulangerie devant la clientèle et Madame Z... confirmant que très souvent Madame X... quittait l'entreprise sans faire ses tâches quotidiennes ; qu'un tel comportement, de telles menaces proférées en présence du personnel et de clients de l'entreprise caractérisent indéniablement à l'encontre de Madame X... une violation du contrat de travail et des relations de travail constitutive de la faute grave et ce, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres reproches invoqués à l'encontre de la salariée ; que, dans ces conditions, Madame X... ne peut être que déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE les faits reprochés à la salariée antérieurs au 22 juillet 2011 sont prescrits ; que, cependant, il résulte de la déclaration de main-courante de Madame Y... en date du 22 septembre 2011, de son attestation et du témoignage de Madame Z... que, le 14 septembre 2011, Madame X... s'est montrée agressive avec sa collègue, Madame Y..., lui disant notamment « Je vais te mettre mon poing dans la gueule » ; que ce seul fait fautif, commis alors que l'intéressée avait déjà fait l'objet d'un avertissement le 26 juillet 2011, justifiait la rupture immédiate du contrat de travail, étant observé que la salariée a été mise à pied dès le 14 septembre 2011, mesure notifiée par écrit le lendemain ; qu'en conséquence, le licenciement pour faute grave était justifié ;

ALORS D'UNE PART QUE la mise à pied ne peut présenter un caractère conservatoire que si elle est concomitante à l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'ayant relevé que la mise à pied de l'exposante avait été prononcée le 15 septembre 2011 et que l'engagement de la procédure de licenciement n'était intervenue que le 5 octobre suivant, soit vingt jours plus tard, par l'envoi de la lettre recommandée portant convocation à l'entretien préalable fixé au 17 octobre suivant, ce dont il ressortait que la mise à pied n'avait pas été suivie immédiatement de l'engagement de la procédure de licenciement, en sorte que, malgré la qualification que lui avait donné l'employeur, cette mesure présentait le caractère d'une sanction disciplinaire et que l'employeur ne pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, le licenciement de l'intéressée, la Cour d'appel qui retient néanmoins qu'il s'agit bien d'une mesure conservatoire au motif inopérant que cette mesure était à durée indéterminée et qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la procédure de licenciement pour faute grave et ajoute que le fait que la salariée ait été convoquée à l'entretien préalable au licenciement dix huit jours après la notification de la mise à pied ne saurait avoir pour effet d'en modifier la nature, a violé les articles L.1332-3 et L.1331-1 du Code du travail, ensemble les articles 1234-1, 1234-5 et 1234-9 dudit Code.

ALORS D'AUTRE PART, et en tout état de cause, QUE les termes mêmes de la mise à pied doivent nécessairement traduire son caractère conservatoire, c'est-à-dire le fait qu'elle est prononcée dans l'attente de la décision à intervenir sur la procédure disciplinaire concomitamment engagée ; qu'en l'état des termes de la lettre recommandée de l'employeur du 15 septembre 2011 ayant pour objet une « notification de mise à pied à titre conservatoire » selon lesquels « Je vous notifie par LRAR le contenu de notre entretien. En effet, suite à l'altercation violente et agressive de votre collègue de travail, Mademoiselle Marie Y..., sur votre lieu de travail, nous vous notifions une mise à pied à titre conservatoire. Dans les prochains jours vous recevrez un courrier de convocation à un entretien afin de prendre en compte vos explications des faits survenus en date du mercredi 14 septembre 2011 », dont il ne ressortait pas que cette mesure était prise dans l'attente de la décision à intervenir sur une procédure disciplinaire concomitamment engagée, la Cour d'appel qui rejette la demande de la salariée tendant à voir reconnaître le caractère disciplinaire de cette mise à pied et retient au contraire qu'il s'agit bien d'une mesure conservatoire, a violé les dispositions de l'article L.1332-3 du Code du travail ;

ALORS DE TROISIEME PART et en tout état de cause QU'en retenant que le fait que la salariée ait été convoquée à l'entretien préalable au licenciement dix-huit jours après la notification de la mise à pied ne saurait avoir pour effet d'en modifier la nature, dès lors qu'au surplus la salariée avait été convoquée par lettre du 22 septembre 2011 (soit sept jours après la mise à pied) à un entretien qui s'est déroulé le 3 octobre 2011 « aux fins notamment de recueillir ses explications sur l'altercation du 14 septembre 2011 et de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave à son encontre », la Cour d'appel n'a, là encore, pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont elle aurait dû déduire que la mise à pied du 15 septembre 2011 ne pouvait avoir un caractère conservatoire dès lors qu'elle n'avait pas été prononcée concomitamment à l'engagement d'une procédure disciplinaire que l'employeur n'avait alors pas même encore décidée, et a violé les dispositions des articles L.1332-3 et L.1331-1 du Code du travail, ensemble les articles 1234-1, 1234-5 et 1234-9 dudit Code.

ALORS ENFIN QUE la censure du chef de dispositif de l'arrêt retenant que le licenciement reposait sur une faute grave entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant au paiement du rappel de salaire, outre congés payés y afférents, au titre de la période de mise à pied ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22436
Date de la décision : 28/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 13 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2017, pourvoi n°16-22436


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.22436
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