LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un jugement du 16 juin 2004 devenu irrévocable, un tribunal de commerce a condamné M. Patrick X...à payer à la caisse de Crédit mutuel de Saint-Martin-des-Champs (la banque) différentes sommes, d'une part, au titre d'un prêt qu'elle lui avait consenti en 1998 pour acquérir des parts d'une société et, d'autre part, au titre de son cautionnement d'un crédit de trésorerie accordé en 2000 à la société, et a condamné MM. Patrick et André X...à payer une certaine somme à la banque au titre de leur cautionnement solidaire, en 1998, du prêt consenti à la société ; que, dans le litige ayant opposé à la banque M. Patrick X...et son épouse, demandeurs à la mainlevée de l'hypothèque garantissant le prêt accordé à M. X...et grevant leur maison d'habitation, une cour d'appel a, par un arrêt du 16 septembre 2008, déclaré recevable la demande de dommages-intérêts de M. et Mme X...et a condamné la banque à leur payer de ce chef la somme de 7 500 euros ; qu'en 2011, M. Patrick X...et son épouse, ainsi que M. André X..., ont assigné la banque devant un tribunal de grande instance à fin de la voir condamner au paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée les demandes de MM. Patrick et André X..., l'arrêt retient que leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde sur les risques nés de l'endettement ne tendent qu'à faire échec au jugement du 16 juin 2004 les ayant condamnés à exécuter leurs obligations de caution, de sorte qu'il leur appartenait de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet de la demande de la banque ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en paiement de dommages-intérêts intentée par MM. X...contre la banque n'avait pas le même objet que l'action initiale en paiement exercée par celle-ci à l'encontre de laquelle ils défendaient, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée la demande de Mme X..., l'arrêt retient que le préjudice qu'elle invoque, découlant de ce que la maison du couple a dû être vendue afin de faire face à l'engagement de caution de son époux, a été réparé par l'arrêt du 16 septembre 2008 qui l'a indemnisée du préjudice procédant de l'indisponibilité, en raison d'une inscription hypothécaire effectuée à tort par la banque, du prix de la vente de la maison qu'elle a volontairement réalisée en 2001 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de dommages-intérêts dont la cour d'appel avait été originairement saisie par Mme X...avait pour objet l'indemnisation d'un préjudice résultant de l'indisponibilité pendant une certaine période du prix de vente de l'immeuble tandis que la demande présentée lors de la seconde instance avait pour objet la réparation du préjudice résultant de la nécessité dans laquelle Mme X...s'était trouvée de vendre ledit immeuble, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen annexé qui n'est pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée les demandes de M. et Mme X...et de M. André X..., en ce qu'elles concernent les conditions de conclusion des cautionnements des 13 octobre 1998 et 6 mai 2000, l'arrêt rendu le 18 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel de Saint-Martin-des-Champs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de Crédit mutuel de Saint-Martin-des-Champs ; la condamne à payer à M. et Mme X...et à M. André X...la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...et M. André X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée les demandes des époux Patrick X...et de Monsieur André X...en paiement de dommages-intérêts pour manquement du Crédit Mutuel à son devoir de mise en garde Aux motifs que : « (…) Le Crédit mutuel oppose en premier lieu aux demandeurs l'exception de prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce en ce qui concerne l'action en responsabilité contractuelle exercée par MM. Patrick et André X..., et de l'article 2270-1 du Code civil dans sa rédaction antérieure au 17 juin 2008 pour l'action en responsabilité délictuelle exercée par Mme X.... Il est exact que la prescription de l'action de l'emprunteur en responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde, court dès la date du prêt puisque le dommage, consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter, se manifeste dès l'octroi du crédit ou, au plus tard, à la date de la mise en demeure adressée par la banque à l'emprunteur auquel le dommage est ainsi révélé. Le délai de l'article L. 110-4 du Code de commerce étant, dans sa rédaction antérieure au 17 juin 2008 applicable à la cause, de dix ans, la demande de M. Patrick X..., en ce qu'elle concerne les conditions d'octroi du prêt du 13 octobre 1998 en exécution duquel le Crédit mutuel l'avait mis en demeure de payer le 10 avril 2001, était prescrite au moment de la délivrance de l'assignation du 21 juin 2011. En revanche, il est de principe que le point de départ du délai de prescription de l'action de la caution en responsabilité de la banque afin d'obtenir réparation du préjudice né de l'exécution de son engagement de caution doit être fixé au jour où elle a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mise à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal. Or, en l'occurrence, il se déduit des énonciations du jugement du tribunal de grande instance de Morlaix du 16 juin 2004, produit à la cause, que la lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure des cautions est en date du 10 juillet 2001, de sorte que l'assignation du 21 juin 2011 a été délivrée avant l'expiration du délai de prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce. Dès lors, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les demandes de MM. Patrick et André X..., en ce qu'elles concernent les conditions de conclusion des cautionnements des 13 octobre 1998 et mai 2000, ne sont pas prescrites. Mme X...exerce explicitement contre le Crédit mutuel une action en responsabilité délictuelle.
Selon l'article 2270-1 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. À cet égard, elle ne pouvait ignorer que son mari a été mis le 10 avril 2001 en demeure de payer les sommes dues au titre du prêt de 450 000 francs du 13 octobre 1998, ainsi que cela résulte des énonciations du jugement du 16 juin 2004, de sorte que sa demande était, en ce qui concerne les conditions d'octroi de ce prêt, prescrites au moment de l'assignation du 21 juin 2011. En revanche, elle n'a pu avoir connaissance du préjudice découlant, selon elle, des conditions de conclusion des cautionnements consentis par son conjoint que du jour où celui-ci a lui-même su par la mise en demeure qui lui a été adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal. Dès lors, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la demande de Mme X..., en ce qu'elle concerne les conditions de conclusion des cautionnements des 13 octobre 1998 et 6 mai 2000, ne sont pas prescrites. Cependant, ces demandes non prescrites de MM. Patrick et André X...se heurtent à l'autorité de chose jugée attachée au jugement irrévocable du tribunal de grande instance de Morlaix en date du 16 juin 2004 les ayant condamnés au paiement de diverses sommes au titre des cautionnements du crédit de trésorerie de 450. 000 francs du 6 mai 2000 et du prêt de 170 000 francs du 13 octobre 1998. Leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde sur les risques nés de l'endettement ne tendent en effet qu'à faire échec à ce jugement les ayant condamnés à exécuter leurs obligations de caution, de sorte qu'il leur appartenait de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet de la demande du Crédit mutuel. Mme X...invoque quant à elle avoir subi un préjudice découlant de ce que la maison du couple a dû être vendue afin de faire face à l'engagement de caution de son époux. Cependant, il résulte de ses explications que la vente été réalisée volontairement en 2001, et le préjudice procédant de l'indisponibilité du prix en raison de l'inscription d'hypothèque judiciaire effectuée par la banque sur un bien commun au titre d'un cautionnement non consenti par le conjoint a déjà été réparé par l'arrêt de cette cour du 16 septembre 2008 lui allouant des dommages-intérêts d'un montant de 7. 500 euros. Sa demande se heurte donc pareillement à l'autorité de chose jugée. » ;
1) alors, d'une part, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif et qu'une action en responsabilité intentée contre une banque n'a pas le même objet que l'action en paiement exercée par celle-ci ; que saisi d'une action en paiement du Crédit Mutuel, à laquelle les cautions ont uniquement opposé l'impossibilité pour l'organisme bancaire d'agir en recouvrement de sa créance sur un bien commun des époux, le tribunal de grande instance de Morlaix par jugement définitif du 16 juin 2004 s'est borné dans son dispositif à condamner Monsieur X...au paiement des sommes de 51 207, 28 € au titre d'un prêt, de 18 293, 98 au titre d'un crédit de trésorerie en sa qualité de caution et MM. Patrick et André X...au paiement d'une somme de 17 330, 20 € en leur qualité de cautions d'un autre prêt ; qu'ainsi ce jugement n'ayant nullement statué sur une demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde dont le tribunal de grande instance de Morlaix n'avait jamais été saisi, la cour d'appel ne pouvait décider que l'action ultérieure en responsabilité engagée par Messieurs André et Patrick X...se heurtait à l'autorité de chose jugée, sans violer l'article 1351 du Code civil ;
2) alors, d'autre part, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'arrêt du 16 septembre 2008, ainsi que l'a elle-même retenu la Cour d'appel (arrêt attaqué p. 4, § antépénultième) a indemnisé le seul préjudice subi par les époux Patrick X..., en raison de l'inscription hypothécaire fautive de la banque ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite la demande de Madame Patrick X...en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde envers l'emprunteur et les cautions comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 16 septembre 2008 (arrêt attaqué p. 4, § antépénultième), la Cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du Code civil ;
3) alors, enfin, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'arrêt du 16 septembre 2008, ainsi que l'a elle-même retenu la Cour d'appel (arrêt attaqué p. 4, § antépénultième) a indemnisé le seul préjudice subi par les époux Patrick X..., en raison de l'inscription hypothécaire fautive de la banque ; que Madame Patrick X...a fait valoir (ses conclusions récapitulatives d'appel produites p. 11, § 2) dans le cadre de la procédure actuelle, que le domicile conjugal avait dû être vendu afin de faire face à l'engagement de caution de son époux ; qu'en retenant à l'encontre de Madame Patrick X...le fait que cette vente aurait été réalisée volontairement en 2001 (arrêt attaqué p. 4, § antépénultième) quand le couple X... avait été contraint d'y procéder pour apurer une grande partie du passif de la procédure collective de la société Agenc'Mag, la Cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du Code civil.