LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 10 octobre 1994 en qualité de conducteur sur encarteuse, et exerçant en dernier lieu les fonctions de contremaître coordinateur, M. X...était titulaire de divers mandats de représentation du personnel ; qu'estimant être victime de harcèlement, le salarié a saisi le 6 août 2010 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire ; qu'il a été licencié pour motif économique le 21 juillet 2011, après autorisation administrative, laquelle a été annulée par jugement du tribunal administratif du 12 février 2014 ; que la société a fait l'objet le 22 février 2011 d'un redressement judiciaire, converti le 16 octobre suivant en liquidation judiciaire, M. Y...et Mme Z...étant nommés en qualité de mandataires liquidateurs ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 508 et 509 de la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques du 1er juin 1956 étendue par arrêté du 22 novembre 1956 ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt retient que l'ancienneté du salarié doit être fixée à seize ans et dix mois, du 10 octobre 1994 au 21 juillet 2011, date du licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions conventionnelles que l'évaluation du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat, c'est-à-dire à l'expiration du délai de préavis réellement exécuté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;
Attendu que débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les motifs circonstanciés de l'autorité administrative s'imposent au juge judiciaire, que certes l'autorisation administrative du 11 juillet 2011 a été annulée par le tribunal administratif, mais qu'il ressort du jugement du 12 février 2014 que l'annulation est fondée exclusivement sur un moyen de légalité externe et que cette annulation ne remet nullement en cause les motifs de fond sur le caractère réel et sérieux du motif économique fondant le licenciement autorisé qui s'imposent au juge judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'autorisation administrative de licenciement avait été annulée par le tribunal administratif pour un motif de légalité externe de sorte qu'il n'en subsistait rien, la cour d'appel, qui devait rechercher si le licenciement du salarié était justifié par un motif économique réel et sérieux, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X...de sa demande de dommages et intérêts au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixe à 17 432, 35 euros à titre d'indemnité de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement la créance de M. X...au passif de la liquidation judiciaire de la société Graphic brochage, l'arrêt rendu le 11 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SCP Y..., prise en la personne de M. Y..., ès qualités, et Mme Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne, ès qualités, à payer à M. X...et au syndicat du personnel des industries polygraphiques CGC la somme globale de 3 000 euros et rejette toute autre demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...et le syndicat du personnel des industries polygraphiques CGC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR partiellement débouté le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement,
AUX MOTIFS QUE, sur les indemnités de rupture et dommages intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse Estimant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le salarié sollicite un complément de 37. 934, 53 euros. L'article 509 de la convention collective applicable précise le montant dû de la manière suivante : « Lorsqu'un salarié aura exercé, dans l'entreprise, pendant au moins deux ans, une fonction de cadre, d'agent de maitrise ou d'assimilé, il bénéficiera, sauf faute grave ou lourde, reconnue ou jugée, d'une indemnité de licenciement calculée comme indiquée au tableau ci-après. Montant de l'indemnité de licenciement des cadres, agents de maitrise et assimiles Après deux ans de fonction un mois Après trois ans de fonction un mois et 1/ 2 Apres quatre ans de fonction deux mois Par année supplémentaire à partir de la cinquième.... deux tiers de mois. L'indemnité calculée comme indiquée ci-dessus sera majorée si l'intéressé a occupé préalablement dans l'entreprise une fonction d'ouvrier ou d'employé, de..-2 % pour chacune des dix premières années ressortissant du statut d'ouvrier ou d'employé,-1 % pour chacune des années suivantes au-delà de la 10ème. Dans le cas où l'ancienneté dans ses différentes fonctions ne correspond pas à des années entières, la règle du prorata s'applique pour calculer l'indemnité de licenciement de l'intéressé. Le maximum de l'indemnité est de 15 mois dans tous les cas, sauf le cas visé au paragraphe 4 ci-après. » Les parties s'opposent exclusivement sur le montant du salaire et l'ancienneté à prendre en compte. La cour observe que l'indemnité conventionnelle doit être calculée sur la base d'un salaire mensuel moyen de 3. 478 euros proposée la société et non 3. 897 euros pour la raison déjà indiquée plus haut. S'agissant de l'ancienneté du salarié à prendre en compte, elle doit être fixée à 16 ans et 10 mois du 10 octobre 1994 au 21 juillet 2011 date du licenciement ; l'employeur qui s'arrête au 21 juillet 2009 en invoquant la déduction de la période de maladie du salarié n'explique pas la nécessité de cette déduction et ne fournit aucun élément à la cour lui permettant de vérifier les périodes à déduire ; l'ancienneté de 20 ans jusqu'au 23 avril 2014 est revendiquée à tort par le salarié dont les droits à indemnité de licenciement dépendent de la date de ce dernier. Les calculs proposés par les parties méritent ainsi d'être corrigés et la cour en application des dispositions conventionnelles fixe l'indemnité conventionnelle due au salarié à : 35 614, 72 euros [Pour les 5 premières années : 2 mois X 3. 478 euro (6956) + 2/ 3 de mois par année supplémentaire d'ancienneté à compter de la Sème année + 2 % d'augmentation (28. 658, 72)]. Les deux parties s'accordant sur la déduction de la somme de 18. 182, 27 euros déjà perçue au titre de l'indemnité conventionnelle, le reliquat restant dû au salarié est fixé à 17 432, 35 euros. Par infirmation du jugement, la cour fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS GRAPHIC BROCHAGE la somme de 17. 432, 35 euros au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
ALORS QUE, si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date à laquelle l'employeur envoie la lettre de licenciement, en revanche, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat, c'est-à-dire à l'expiration du préavis ; qu'après avoir constaté que le préavis de licenciement avait expiré le 21 septembre 2011 (arrêt p. 6 § 6), la cour d'appel relève que « s'agissant de l'ancienneté du salarié à prendre en compte, elle doit être fixée à 16 ans et 10 mois du 10 octobre 1994 au 21 juillet 2011 date du licenciement » (arrêt p. 7 § 4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 509 de la convention collective des imprimeries de labeur et industries graphiques,
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE, s'agissant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicités par le salarié, la cour relève que l'octroi d'une réparation complémentaire à celle prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail est subordonnée à l'absence de cause réelle et sérieuse qu'il appartient au juge de rechercher le cas échéant et qui ne résulte pas en soi de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement. En l'espèce, il est constant que le salarié appelant a été licencié le 21 juillet 2011 pour un motif économique ; qu'il ne dénonce pas une méconnaissance par l'employeur de l'obligation de reclassement pas plus qu'il ne conteste que le refus de la modification de son contrat de travail puisse caractériser un motif économique. Ainsi, d'une part, la cour observe que les manquements de l'employeur auteur de harcèlement moral et de discrimination selon le salarié ne sont invoqués par ce dernier qu'au soutien de sa demande de résiliation judiciaire déclarée sans objet par la cour et d'indemnisation autonome,- qui est examinée infra-mais pas au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ; le salarié déduit à tort de la nullité du licenciement l'absence de cause réelle et sérieuse, et de ce chef sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut prospérer. D'autre part, la cour observe que l'autorité administrative saisie de la demande d'autorisation du licenciement économique a expressément examiné la réalité du motif économique et notamment vérifié si du fait du harcèlement moral et de la discrimination allégués le motif du licenciement relevait ou non d'un motif inhérent à la personne du salarié ainsi que le respect par l'employeur de son obligation de reclassement. Dans sa décision du 11 juillet 2011 d'autorisation du licenciement, le ministre retient expressément au terme de motifs circonstanciés :- l'existence de menaces réelles sur la compétitivité du secteur brochage du groupe auquel la SAS GRAPHIC BROCHAGE appartenait et d'une gravité permettant de justifier la cause économique de la demande d'autorisation de licenciement ;- La réalité du motif économique de la demande d'autorisation de licenciement fondé sur la modification du contrat de travail du salarié en application de l'accord collectif du 8 juin 2009 proposant une modification de l'organisation du travail et de la structure des rémunérations justifiées par les difficultés économiques avérées ;- l'accomplissement par l'employeur de son obligation de reclassement en ce qu'il a présenté au salarié 12 propositions de postes au sein du groupe dont deux postes de contremaître six postes d'ouvriers et un poste d'employée refusés par le salarié ;- l'absence de tout lien entre la demande d'autorisation du licenciement et les mandats du salarié dès lors que la proposition de modification du contrat de travail fait suite à des accords collectifs qui concernent l'ensemble des salariés de l'entreprise et pas seulement Monsieur X...et l'absence d'éléments de preuve suffisant au soutien des allégations sur le harcèlement moral allégué par le salarié. Le salarié appelant ne saurait demander au juge judiciaire de statuer à nouveau sur les mêmes éléments, les motifs circonstanciés de l'autorité administrative s'imposant au juge judiciaire. Certes l'autorisation administrative du 11 juillet 2011 a été annulée par le tribunal administratif de Melun. Mais il ressort du jugement du 12 février 2014 que l'annulation est fondée exclusivement sur un moyen de légalité externe. Le juge administratif reproche à l'administration de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en ne justifiant pas avoir mis à même le salarié de présenter ses observations sur le retrait de la décision implicite de rejet née le 11 juin 2011 tout en constatant qu'en revanche le salarié avait toutefois pu présenter ses observations dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique. L'annulation ne remet nullement en cause les motifs de fond sur le caractère réel et sérieux du motif économique fondant le licenciement autorisé qui s'imposent au juge judiciaire, le principe du contradictoire ayant été respecté dans le cadre du recours hiérarchique principal. Enfin, si la cour retient (cf. infra) que le salarié a été victime d'agissements de harcèlement moral mais pas de mesures discriminatoires au cours de l'exécution de son contrat de travail, elle observe que ces agissements ne sont nullement à l'origine du licenciement fondé sur un motif économique réel étranger au mandat du salarié. Il résulte de ces éléments que le salarié doit être débouté de sa demande de dommages intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé de ce chef,
ALORS QUE, l'annulation de l'autorisation de licenciement ne laisse rien subsister de celle-ci ; que, lorsque l'autorisation est annulée pour des raisons de forme, sans que le juge administratif se prononce sur le fond, le juge judiciaire retrouve pleine compétence pour examiner la cause réelle et sérieuse du licenciement et il est tenu de le faire ; qu'en affirmant que l'autorité administrative avait examiné la réalité du motif économique du licenciement, et « que les motifs circonstanciés de l'autorité administrative s'imposent au juge judiciaire », et « qu'il ressort du jugement du 12 février 2014 que l'annulation est fondée exclusivement sur un moyen de légalité externe » mais que « l'annulation ne remet nullement en cause les motifs de fond sur le caractère réel et sérieux du motif économique fondant le licenciement autorisé qui s'imposent au juge judiciaire », la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs ensemble violé les articles L 1233-2 et L 2411-1 et suivants du code du travail,
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté le salarié de sa demande indemnitaire au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité Le salarié appelant déjà indemnisé par la cour au titre du harcèlement moral ne peut solliciter une nouvelle fois une indemnisation au titre de la dégradation de la santé du salarié du fait de ces agissements de harcèlement déjà pris en compte par la cour ; le salarié doit être débouté de sa demande faute de préjudice spécifique et distinct de celui déjà réparé par la cour,
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTÉS QUE, sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte à la carrière et à la santé : que Monsieur X...soutient qu'il a subi un préjudice du fait de discrimination dans son évolution de carrière et ce, compte tenu de ses activités syndicales, qu'il a été exposé que Monsieur X...ne justifiait pas d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres collègues, Que sa carrière et son évolution professionnelle n'avaient pas été contestées, également que Monsieur X...prétend que sa santé a été altérée par des faits de harcèlement et de discrimination, Que ces faits ne sont pas avérés, Qu'il ne justifie par ailleurs d'aucun avis du médecin du travail concernant son état de santé, d'aucun avis d'inaptitude, Qu'il n'établit pas de lien de corrélation entre sa santé et ses conditions de travail, Qu'en conséquence il sera débouté de sa demande,
ALORS QUE, les obligations résultant des articles L. 1152-4 et L. 1152-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques ; que, durant l'exécution du contrat de travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prévenir les situations de harcèlement moral en respectant « toutes les mesures de prévention » prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, si jamais une situation de harcèlement survient dans l'entreprise, il doit alors prendre des mesures immédiates pour le faire cesser ; qu'en refusant d'indemniser le salarié au titre de la dégradation de son état de santé durant l'exécution du contrat de travail, au motif que le salarié avait déjà été indemnisé pour harcèlement moral au titre de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L 1152-4, L 4121-2 et L 4121-2 du code du travail et, par fausse application, l'article L 1152-1 du même code, La critique se suffit à elle-même.