LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 avril 2016), que Mme X... a été engagée le 19 mars 2008 par la société Fronius France, membre du groupe autrichien Fronius International GmbH, en qualité de responsable marketing dans une des trois divisions de l'entreprise ; que par avenant au contrat de travail prenant effet au 1er novembre 2011, le forfait annuel en jours a été ramené de 188 à 180 jours dont 23 jours de télétravail à domicile ; qu'à compter du 1er novembre 2012, la salariée a été affectée à une autre division ; que par lettre du 10 juin 2013, la société a notifié à la salariée son licenciement économique à la suite de son refus, le 12 avril 2013, de la suppression du télétravail ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes à ce titre alors, selon le moyen, que constitue une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, justifiant la réorganisation d'un service et la modification du contrat de travail d'une salariée, responsable marketing de ce service, par suppression du télétravail et retour au travail in situ, l'existence de difficultés économiques graves affectant la branche d'activité à laquelle elle est affectée, imposant une plus grande disponibilité sur le site pour les clients et les équipes dirigées ; qu'il importe peu, pour justifier cette réorganisation qui n'emporte aucune suppression d'emploi mais simple modification des modalités d'exercice de l'activité à l'intérieur d'un service afin de le rendre plus compétitif et réactif et de sauvegarder ainsi la compétitivité de l'entreprise, que la menace ainsi caractérisée pèse uniquement sur l'entreprise, et non sur le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le licenciement de la salariée, responsable marketing, a été prononcé en conséquence de son refus réitéré d'une modification des modalités d'exercice de son activité par remplacement de 23 journées de télétravail par 23 journées de travail in situ, justifiée par les graves difficultés économiques au sein de son service, dont l'employeur soutenait qu'elles menaçaient la compétitivité de l'entreprise ; que ces difficultés économiques ont été reconnues par la salariée ; qu'en déclarant cependant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement ainsi intervenu, motif pris d'une absence de menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que la société n'établissait pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, ni l'existence de difficultés économiques de ce secteur d'activité à l'origine de la modification du contrat de travail de la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fronius France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fronius France à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Fronius France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame X... et condamné la Société Fronius France à lui régler les sommes de 9 230,76 €, outre les congés payés y afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement perçues par la salariée dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE "…la lettre de licenciement est ainsi rédigée : "Pour faire suite à notre entretien en date du 21 mai dernier, nous nous voyons dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs économiques suivants :
Par courriers en date du 1er novembre 2012 et du 18 mars 2013, nous vous avons proposé de modifier votre contrat de travail dans le cadre d'une meilleure organisation du service.
En effet, il ressort de notre appréciation des faits que le télétravail s'avère inadapté au bon accomplissement de vos fonctions :
- disponibilité/practicité/réactivité impactées de fait par vos journées de télétravail pour les divisions Solaire et Chargeurs de batterie (présence nécessaire lors des réunions de service – déplacements lors des salons),
- communication limitée avec les collaborateurs des divisions concernées : nécessite au minimum plus de préparation/organisation à l'avance (réunions avant et après.
Traductions en partenariat avec les techniciens ralenties…),
- contexte de crise durant lequel nous essayons de sauver des affaires et pour lequel nous mettons en place une actualité marketing très importante pour les deux divisions, avec de nombreux lancements de nouveautés, un Motto "Innovation" pour lequel notre responsable marketing doit être notre référent présent et disponible,
- de même, pour certains programmes marketing très importants, comme notre FSP concept (partenaires service agréés), il faut "animer" le site internet et le PartnerWeb, des évènements, et être présent et disponible pour les contacts.
Par courriers en date du 3 novembre 2012 et du 12 avril 2013, vous nous avez fait connaître votre refus concernant cette modification de votre contrat, refus que vous avez réitéré lors de l'entretien préalable.
Aussi, en l'absence de toute possibilité de reclassement au sein de notre société, compte tenu de votre refus de renoncer au télétravail, sommes-nous dans l'obligation de procéder à la suppression de votre emploi (…)" ;
QUE Madame X... soutient que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir :
- que la mutation au sein de la division Solaire à compter du 1er novembre 2012, qui constituait en elle-même une modification du contrat de travail pour motif économique, n'a pas respecté les conditions fixées par l'article L.1222-8 du Code du travail,
- que la société ne justifie pas de l'existence d'un motif économique au niveau de la société ou du groupe à l'origine de la modification de son contrat de travail,
- que la société a manqué à son obligation de reclassement, notamment dans les sociétés du groupe situées à l'étranger ;
QUE la Société Fronius France soutient que le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que la modification du contrat de travail par suppression du télétravail était motivée par la sauvegarde de compétitivité de la division Solaire de la société et que l'obligation de reclassement a été remplie ;
QU'en application de l'article L.1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité ; que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarde de la compétitivité s'apprécient au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ;
QU'en l'espèce, alors qu'elle fait état dans la lettre de licenciement d'un "contexte de crise dans lequel nous essayons de sauver des affaires" pour justifier la rupture, la Société Fronius France n'établit pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ni l'existence de difficultés économiques de ce secteur d'activité à l'origine de la décision du 8 mars 2013 de modification du contrat de travail de l'appelante, étant précisé que le courrier que lui a adressé la salariée le 3 novembre 2012 à l'occasion de sa mutation à la division Solaire et dans lequel Madame X... s'inquiète des difficultés économiques alors traversées par cette seule division de la Société Fronius France, qui est versé aux débats par l'intimée pour justifier un motif économique, est insuffisant pour ce faire ;
QU'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par Madame X..., que le licenciement en litige est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera infirmé sur ce point" ;
ALORS QUE constitue une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, justifiant la réorganisation d'un service et la modification du contrat de travail d'une salariée, responsable marketing de ce service, par suppression du télétravail et retour au travail in situ, l'existence de difficultés économiques graves affectant la branche d'activité à laquelle elle est affectée, imposant une plus grande disponibilité sur le site pour les clients et les équipes dirigées ; qu'il importe peu, pour justifier cette réorganisation qui n'emporte aucune suppression d'emploi mais simple modification des modalités d'exercice de l'activité à l'intérieur d'un service afin de le rendre plus compétitif et réactif et de sauvegarder ainsi la compétitivité de l'entreprise, que la menace ainsi caractérisée pèse uniquement sur l'entreprise, et non sur le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le licenciement de Madame X..., responsable marketing, a été prononcé en conséquence de son refus réitéré d'une modification des modalités d'exercice de son activité par remplacement de 23 journées de télétravail par 23 journées de travail in situ, justifiée par les graves difficultés économiques au sein de son service, dont l'employeur soutenait qu'elles menaçaient la compétitivité de l'entreprise ; que ces difficultés économiques ont été reconnues par la salariée ; qu'en déclarant cependant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement ainsi intervenu, motif pris d'une absence de menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, la Cour d'appel a violé l'article L.1233-3 du Code du travail.