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20/09/2017 | FRANCE | N°16-17738

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 septembre 2017, 16-17738


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sirege a pour activité la diffusion et la distribution d'ouvrages à destination de collectivités telles que des bibliothèques, des écoles, des administrations, des comités d'entreprise ou des associations ; que, lui reprochant de ne pas avoir déclaré l'ensemble de ses ventes et de ne pas s'être acquittée de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque, prévue à l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, la Société françai

se des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA), organisme de gestion collective ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sirege a pour activité la diffusion et la distribution d'ouvrages à destination de collectivités telles que des bibliothèques, des écoles, des administrations, des comités d'entreprise ou des associations ; que, lui reprochant de ne pas avoir déclaré l'ensemble de ses ventes et de ne pas s'être acquittée de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque, prévue à l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA), organisme de gestion collective en charge de la perception et de la répartition de cette rémunération, l'a assignée en contrefaçon de droits d'auteur ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Sirege fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est redevable du droit de prêt sur le livre et qu'en ne réglant pas ce droit, elle s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, de la condamner à verser à la SOFIA la somme de 379 380 euros, en rémunération du droit de prêt des ouvrages vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015, et de lui ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales, gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 6 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014 jusqu'au prononcé de la décision, alors, selon le moyen, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en affirmant qu' « il appart[enait] à la société Sirege, comme débitrice du droit de prêt, d'établir que certains des livres qu'elle commercialise seraient exclus du champ d'application de la redevance légale », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé que, conformément à l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération au titre du prêt en bibliothèque est due lorsqu'une oeuvre ayant fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre est vendue par un fournisseur à une bibliothèque accueillant du public ; qu'après avoir relevé que la SOFIA avait versé aux débats les déclarations effectuées par les personnes morales gérant les bibliothèques de prêt concernées, ainsi qu'un procès-verbal de constat analysant les factures produites par la société Sirege après injonction du juge de la mise en état, elle a retenu, à bon droit et sans inverser la charge de la preuve, qu'il appartenait à cette dernière, débitrice du droit de prêt, de démontrer que les livres dont la commercialisation était ainsi établie, n'entraient pas dans le champ d'application de la redevance légale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la quatrième branche de ce moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour statuer comme il a été dit, l'arrêt énonce que les livres-CD et livres-DVD commercialisés par la société Sirege « sont composés d'un livre, dont il n'est pas démontré qu'il ne serait pas assujetti à la TVA à taux plein, ce qui les rend précisément éligibles à la redevance légale » ;

Qu'en se déterminant par ces seuls motifs, qui ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur la sixième branche du même moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt statue comme il le fait, sans répondre aux conclusions de la société Sirege qui soutenait que les ouvrages publiés en vertu d'un contrat dit à compte d'auteur devaient être exclus du champ d'application de la redevance légale ;

Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sirege à verser à la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit la somme de 379 380 euros, en rémunération du droit de prêt des ouvrages vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015, et en ce qu'il lui ordonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 6 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014 jusqu'au prononcé de la décision, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Sirege.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Société SIREGE était redevable du droit de prêt sur le livre, d'AVOIR dit qu'en ne réglant pas ce droit de prêt sur le livre, la Société SIREGE s'était rendue coupable d'actes de contrefaçons de droits d'auteur, d'AVOIR condamné, à titre provisionnel, la Société SIREGE à verser à la Société Française des Intérêts des Auteurs de 1'Ecrit (SOFIA) la somme de 379.380 euros, en rémunération du droit de prêt des ouvrages qu'elle avait vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015 et d'AVOIR ordonné à la Société SIREGE, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales, gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 06 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014, jusqu'au prononcé de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE sur le droit de prêt invoqué par la Société SOFIA à l'encontre de la Société SIREGE, les textes applicables sont les suivants : l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Lorsqu'une oeuvre a fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre, l'auteur ne peut s'opposer au prêt d'exemplaires de cette édition par une bibliothèque accueillant du public. Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l'auteur selon les modalités prévues à l'article L. 133-4. » ; que l'article L. 133-3 prévoit : «La rémunération prévue au second alinéa de l'article L. 133-1 comprend deux parts. La première part, à la charge de l'État, est assise sur une contribution forfaitaire par usager inscrit dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt, à l'exception des bibliothèques scolaires. Un décret fixe le montant de cette contribution, qui peut être différent pour les bibliothèques des établissements d'enseignement supérieur, ainsi que les modalités de détermination du nombre d'usagers inscrits à prendre en compte pour le calcul de cette part. La seconde part est assise sur le prix public de vente hors taxes des livres achetés, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre; elle est versée par les fournisseurs qui réalisent ces ventes. Le taux de cette rémunération est de 6 % du prix public de vente. » ; que l'article L. 133-4 précise : « La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes : 1° Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d'exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée, déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent à la ou aux Sociétés mentionnées à l'article L. 33-2 ; 2° Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à la prise en charge d'une fraction des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les personnes visées aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 382-12 du code de la sécurité sociale. » ; qu'enfin la loi n° 81-766 du 10 août 1981, relative au prix du livre dispose, en son article 3 : «Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 1 er [selon lequel les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur] et sous réserve des dispositions du dernier alinéa, le prix effectif de vente des livres peut être compris entre 91 % et 100 % du prix de vente au public lorsque l'achat est réalisé: 1° Pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l'État, les collectivités territoriales, les établissements d'enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, les syndicats représentatifs ou les comités d'entreprise ; 2° Pour l'enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du public, par les personnes morales gérant ces bibliothèques. Le prix effectif inclut le montant de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque assise sur le prix public de vente des livres prévu à l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle. (...) » ; que, par ailleurs et selon l'article R. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, que « Les bibliothèques accueillant du public pour le prêt mentionnées aux articles L. 133-3 et L sont : 1° Les bibliothèques des collectivités territoriales désignées aux articles L 310-1 à L. 310-6 et L. 320-1 à L. 320-4 du code du patrimoine ; 2° Les bibliothèques des établissements publics à caractère scientifique; culturel et professionnel et des autres établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ; 3° Les bibliothèques des comités d'entreprise ; 4° Toute autre bibliothèque ou organisme mettant un fonds documentaire à la disposition d'un public, dont plus de la moitié des exemplaires de livres acquis dans l'année est destinée à une activité organisée de prêt au bénéfice d'usagers inscrits individuels ou collectif. » ; que sur le redevable du droit de prêt et de la déclaration ; qu'il émane clairement des dispositions législatives applicables à l'espèce, que la seconde part de la rémunération est due par les fournisseurs de livres (libraires, grossistes ou autres entreprises commerciales) qui réalisent les ventes au profit de personnes morales gérant des bibliothèques accueillant du public pour le prêt ; qu'ils doivent reverser à une Société de perception et de répartition de droits d'auteurs agréée, en l'occurrence la Société SOFIA, non pas une somme forfaitaire ou déconnectée de leurs ventes, mais 6 % du prix public HT de tous les livres vendus ; qu'arguant de ce que le dispositif s'appuie sur un système de licence légale, la Société SIREGE soutient que le débiteur du droit de prêt ne serait pas le fournisseur, mais la personne qui gère la bibliothèque, détermine ainsi la destination des ouvrages vers le prêteur et l'impute sur son budget "bibliothèque", sans impacter la marge du fournisseur ; qu'ainsi la Société SIREGE ne serait obligée de verser les sommes dues au titre du droit de prêt que lorsqu'elle les aurait encaissées de ses clients ; qu'elle oppose, par ailleurs, que les Centres de Documentation et d'Information (CDI) des lycées et collèges qui, comme les bibliothèques des écoles maternelles et primaires, ne relèvent pas du ministère de l'enseignement supérieur, ne sont pas assujettis au droit de prêt ; qu'elle fait valoir enfin que l'obligation à déclaration repose sur les seules personnes morales en charge de la gestion des prêts en bibliothèques et établissements assimilés ; que qu'une part, l'article 3-2° de la loi du 10 août 1981 précité précise, sans équivoque possible, que le prix effectif d'achat payé par les bibliothèques inclut la rémunération due au titre du droit de prêt en bibliothèque, assise sur le prix public de vente des livres, prévu à l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle, ce dont il se déduit que, quel que soit le prix de vente de l'ouvrage, le montant de la rémunération au titre du droit de prêt y est inclus ; qu'il lui appartient ainsi d'appliquer cette rémunération de 6 % dans ses propres tarifs, comme la loi le prescrit ; que, d'autre part, c'est pas une exacte interprétation des dispositions sus énoncées de l'article R. 133-1 du code de la propriété intellectuelle que le tribunal a retenu que les CDI des lycées et collèges, qui correspondent aux quatre conditions cumulatives posées par l'alinéa 4° et se déclarent, dès lors que leur activité répond à ces conditions, à la Société SOFIA, les rendent assujettis au droit de prêts pour les ouvrages prêtés ; qu'enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 133-4 du CPI que «La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes : (...) Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d'exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales (...), déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent» ; qu'il s'évince de la lecture de ces dispositions, qu'il appartient à la fois aux personnes morale gérant les bibliothèques accueillant du public pour le prêt et à leurs fournisseurs de procéder aux déclarations des exemplaires des livres achetés chaque année dans ce cadre ; qu'ainsi la Société SIREGE apparaît mal fondée, à soutenir que seules les personnes morales gérant les bibliothèques connaissent la destination des livres concernés aux fins de prêts, alors les ouvrages présents dans ces bibliothèques sont, par fonction, affectés au prêt et qu'en tout état de cause, cette condition n'a pas été prévue par la loi dont elle-même invoque l'application restrictive, s'agissant d'un régime dérogatoire au droit de l'auteur ; qu'en conséquence, la Société SIREGE est mal fondée à soutenir n'être tenue à aucune obligation dans ce cadre ; que ces moyens, soulevés par la Société SIREGE, seront tout autant rejetés en cause d'appel ; que sur l'assiette du droit de prêt ; qu'au sens de l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, que le droit de prêt est dû « lorsqu'une oeuvre ayant fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre », est vendu par le fournisseur ; que, pour la Société SIREGE, si l'une des trois conditions fait défaut, l'ouvrage, vendu à une personne morale gérant une bibliothèque, est alors exempté d'une quelconque obligation déclarative ou financière de sa part et de son fournisseur ; qu'elle oppose donc le non-assujettissement des ouvrages anciens, défraîchis, de seconde main, ayant plus de deux ans d'ancienneté ou relevant de soldes en totalité par les éditeurs qui en ont interrompu la commercialisation ; que d'une part, il sera rappelé que la redevance légale, instituée ici sous forme de droit de prêt, a pour finalité d'assurer à l'auteur et à l'éditeur, une rémunération qui, sur un fondement dérogatoire au droit exclusif de l'auteur de disposer de son oeuvre, sera compensatoire de son manque à gagner sur la vente à l'occasion d'un prêt ; que selon l'article L. 133-1 du CPI, la rémunération est due quand des livres faisant l'objet d'un contrat d'édition sont achetés pour être prêtés ; que, d'autre part, en application des dispositions des articles 9 code de procédure civile et 1315 du code civil, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention », et que si « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ; qu'ainsi, il appartient à la Société SIREGE, comme débitrice du droit de prêt, d'établir que certains des livres qu'elle commercialise seraient exclus du champ d'application de la redevance légale, d'autant qu'elle n'a procédé à aucune déclaration de ses ventes auprès de la Société SOFIA ; qu'en l'espèce, la loi ne fait pas référence à l'état du livre objet du prêt et du droit y afférent, ne visant que l'oeuvre faisant «l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre » ; que la Société SIREGE ne saurait ajouter aux termes de la loi qui n'opère ici nulle distinction entre livres à la vente et livres résultant d'invendus déstockés par les éditeurs, d'autant que ces derniers, qui n'ont pas été vendus, ne constituent pas des livres d'occasion ayant déjà apporté rémunération à leurs auteurs ; qu'il en est tout autant des livres dont la Société SIREGE prétend qu'ils proviennent d'opération de "solde totale", l'éditeur ayant cessé la commercialisation et l'auteur ayant repris ces droits, alors qu'elle ne produit aucun élément de preuve sur ce point et qu'en tout état de cause, le contrat d'édition subsisterait et l'auteur serait toujours, dans de telles circonstances, légitimé à percevoir une part du droit de prêt pour avoir été privé de tout rémunération en l'absence de vente de ses ouvrages ; que toujours selon la Société SIREGE, certains produits culturels ne seraient pas intrinsèquement soumis au droit de prêt, tels des Livres-CD et livres-DVD commercialisés par elle ; que ces ouvrages sont composés d'un livre dont il n'est pas démontré qu'il ne serait pas assujetti à la TVA à taux plein, ce qui les rend précisément éligibles à la redevance légale ; que selon l'appelante, des livres, dont les auteurs étant décédés depuis plus de 70 ans, sont tombés dans le domaine public, des oeuvres anciennes antérieures à l'an 1 800 ou des livres relevant de l'exception prévue par l'article 5 de la loi du 10 août 1981, sur les livres vendus à un prix inférieur au prix public, seraient exclus du droit de prêt ; qu'il n'est pas établi que la Société SOFIA, qui les exclut formellement du droit de prêt dans sa documentation explicative à l'adresse des fournisseurs de livres, ait soumis de tels ouvrages à perception de droit de prêt ; que par ailleurs, il n'est pas établi que les conditions cumulatives prévues par l'article 5 de la loi du 10 août 1981: livres édités ou importés depuis plus de deux ans et n'ayant pas fait l'objet d'un nouvel approvisionnement depuis plus de six mois, ont été remplies et qu'en tout état de cause, la rémunération due au titre du droit de prêt demeure exigible sur de telles ventes puisque le contrat d'édition subsiste, la rémunération étant prélevée sur le prix public HT du livre ; que la Société SIREGE invoque les dispositions de la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre afin d'en conclure que seuls les livres vendus au prix d'exemplaires neufs seraient assujettis au droit de prêt ; que le droit de prêt est calculé sur le prix de vente au public HT, quel que soit le montant du prix effectif de vente ; qu'en effet, les dispositions de l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle affirment que la rémunération due par les fournisseurs de livres au titre du droit de prêt est «assise sur le prix public de vente hors taxes des livres achetés » et que « le taux de cette rémunération est de 6% du prix public de vente », le seul prix public de vente servant d'assiette de calcul de la rémunération due au titre du droit de prêt ; que l'article 3, alinéa 3 (2°) de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre qui précise, au sujet du prix effectif d'achat payé par les bibliothèques : «Le prix effectif inclut le montant de la rémunération au titre du droit de prêt en bibliothèque assise sur le prix public de vente des livres prévue à l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle », distingue ainsi entre le «prix effectif» de vente et le «prix public » du livre, lequel constitue l'assiette de la rémunération due au titre du droit de prêt ; qu'il se déduit de ces motifs que les premiers juges ont à bon droit rejeté les moyens soulevés par la Société SIREGE et retenu que la Société SIREGE qui devait déclarer ses ventes et payer le droit de prêt 6%, prévu par la loi au bénéfice de l'auteur pour compenser son manque à gagner sur ses droits d'auteur, commet des actes de contrefaçon en portant atteinte aux droits exclusifs de l'auteur ;

1°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en affirmant qu'« il appart[enait] à la Société SIREGE, comme débitrice du droit de prêt, d'établir que certains des livres qu'elle commercialise seraient exclus du champ d'application de la redevance légale » (arrêt p. 14, al. 1er), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, tout jugement doit comporter les motifs propres à le justifier de sorte que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; que la société SIREGE rappelait que la Directive 2006/115 CE du 12 décembre 2006 énonce qu'« il est opportun, dans un souci de clarté, d'exclure de la location et du prêt au sens de la présente directive certaines formes de mise à disposition, par exemple [
] la mise à disposition aux fins de consultation sur place » (conclusions d'appel n° 3, p. 26, al. 5) et qu'elle n'avait « aucune information de la part des CDI afin de savoir si oui ou non plus de la moitié des acquisitions de l'année sont destinées au prêt » (conclusions d'appel n° 3, p. 26, al. 2), de sorte qu'elle ne pouvait être tenue de déclarer les ventes faites aux CDI et de payer la redevance sur l'intégralité des ouvrages vendus à ces Centres ; qu'en se bornant à affirmer que « c'est pas une exacte interprétation des dispositions sus énoncées de l'article R. 133-1 du code de la propriété intellectuelle que le tribunal a retenu que les CDI des lycées et collèges, qui correspondent aux quatre conditions cumulatives posées par l'alinéa 4° et se déclarent, dès lors que leur activité répond à ces conditions, à la Société SOFIA, les rendent assujettis au droit de prêt pour les ouvrages prêtés » (arrêt, p. 12, pénultième al.) sans rechercher, comme cela lui était demandé si plus de la moitié des exemplaires de livres acquis dans l'année, par les CDI, était destinée à être prêtée aux élèves, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-1 à L. 133-4 et R. 133-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les ouvrages liquidés par les éditeurs sont, comme les ouvrages soldés par eux, exclus du champ d'application de la redevance ; qu'en se fondant sur le fait qu'« il n'est pas établi que les conditions cumulatives prévues par l'article 5 de la loi du 10 août 1981, livres édités ou importés depuis plus de deux ans et n'ayant pas fait l'objet d'un nouvel approvisionnement depuis plus de six mois, ont été remplies » (arrêt p. 14, al. 9) pour conclure que les ouvrages liquidés par les éditeurs ne devraient pas être exclus du champ d'application de la redevance comme le sont les ouvrages soldés par les éditeurs, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 à L. 133-4 du code de la propriété intellectuelle et l'article 5 de loi du 10 août 1981, par fausse application ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, les motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; qu'en écartant le moyen par lequel la SIREGE faisait valoir que les livres CD et Livres DVD devaient être exclus du champ de la redevance légale au motif inintelligible « que ces ouvrages sont composés d'un livre dont il n'est pas démontré qu'il ne serait pas assujetti à la TVA à taux plein, ce qui les rend précisément éligibles à la redevance légale » (arrêt p.14, al. 5 et 6), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en écartant le moyen par lequel la SIREGE faisait valoir que les livres CD et Livres DVD devaient être exclus du champ de la redevance légale au motif « que ces ouvrages sont composés d'un livre dont il n'est pas démontré qu'il ne serait pas assujetti à la TVA à taux plein, ce qui les rend précisément éligibles à la redevance légale » (arrêt p.14, al. 5 et 6) la cour d'appel a, une nouvelle fois, inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

6°) ALORS QU'en toute hypothèse, la société SIREGE faisait encore valoir que les « ouvrages édités à compte d'auteur » n'entraient pas dans le champ de la redevance, faute d'avoir fait l'objet d'un contrat d'édition (conclusions d'appel n°3, p. 21, al. 3 et suivants) ; qu'elle démontrait que contrairement à ce qu'affirmait la SOFIA, cette dernière avait pris en compte des livres, publiés à compte d'auteur, vendus par la société SIREGE pour évaluer le montant des redevances qui lui auraient été dues ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen essentiel des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a, une nouvelle fois, violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Société SIREGE était redevable du droit de prêt sur le livre, d'AVOIR dit qu'en ne réglant pas ce droit de prêt sur le livre, la Société SIREGE s'était rendue coupable d'actes de contrefaçons de droits d'auteur, d'AVOIR condamné, à titre provisionnel, la Société SIREGE à verser à la Société Française des Intérêts des Auteurs de 1'Ecrit (SOFIA) la somme de 379.380 euros, en rémunération du droit de prêt des ouvrages qu'elle avait vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015 et d'AVOIR ordonné à la Société SIREGE, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales, gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 06 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014, jusqu'au prononcé de l'arrêt ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « si la Société SOFIA a pris acte de l'impossibilité de la Société SIREGE de déclarer ses ventes antérieures à 2006, depuis le 1er août 2003, il sera constaté que, pour ce qui concerne la période 2006-2009, la seule communication des factures de la Société SIREGE n'équivaut pas aux déclarations de ses ventes, telles que prévues par la loi ; que la cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la Société SIREGE, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt à partir du 1er janvier 2010 jusqu'au 06 novembre 2014 ; qu'y ajoutant, les déclarations porteront aussi, sous la même astreinte à compter de la signification du présente arrêt, sur les ventes effectuées à partir du 1er janvier 2006 et celles effectuées à compter du 6 novembre 2014, jusqu'au prononcé de l'arrêt d'appel » (arrêt p. 18, al. 4 à 6).

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SOFIA demande par ailleurs que la société SIREGE soit condamnée sous astreinte à déclarer toutes ses ventes depuis le 1er août 2003 ; que néanmoins le juge de la mise en état a déjà jugé que s'agissant des factures les plus anciennes, la société SIREGE qui est le fruit de la fusion de deux sociétés démontrait qu'elle était dans l'impossibilité de produire les pièces en cause ; qu'en conséquence il convient de rejeter la demande de communication de pièces antérieures à 2006 ; qu'il ressort des écritures des parties que la société SIREGE a communiqué ses factures pour la période comprise entre 2006 et 2009 suit à l'ordonnance du juge de la mise en étant, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'y enjoindre à nouveau ; que néanmoins il convient d'enjoindre la société SIREGE de produire pour la période comprise entre 2010 et le 6 novembre 2014 les factures en cause, comme la loi l'y invite de manière claire et non ambiguë et sous astreinte comme fixé au dispositif ;

1°) ALORS QUE les fournisseurs de livres aux bibliothèques de prêt ne peuvent être tenus de déclarer à la SOFIA que les ventes d'ouvrages soumis au paiement de la redevance pour prêt ; qu'en condamnant la Société SIREGE, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt à partir du 1er janvier 2010 jusqu'au prononcé de l'arrêt d'appel (arrêt p. 18, al 5 et 6), la Cour d'appel a violé les articles L. 133-1 à L. 133-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la société SIREGE faisait valoir qu'elle ne pouvait être condamnée à déclarer toutes ses ventes à la SOFIA dès lors que toutes ses ventes ne portaient pas sur des ouvrages soumis à la redevance légale (conclusions d'appel n° 3, p. 41, al. 3) ; qu'en condamnant la Société SIREGE, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt à partir du 1er janvier 2010 jusqu'au prononcé de l'arrêt d'appel (arrêt p. 18, al 5 et 6), sans répondre à ce moyen essentiel des conclusions de l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-17738
Date de la décision : 20/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Exploitation des droits - Publication et diffusion sous forme de livre - Vente par un fournisseur à une bibliothèque - Rémunération au titre du prêt en bibliothèque - Exclusion - Conditions - Détermination

PREUVE - Charge - Applications diverses - Propriété littéraire et artistique - Droit d'auteur - Publication et diffusion sous forme de livre - Vente par un fournisseur à une bibliothèque - Rémunération au titre du prêt en bibliothèque - Exclusion - Charge de la preuve - Fournisseur

Après avoir exactement énoncé que, conformément à l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération au titre du prêt en bibliothèque est due lorsqu'une oeuvre ayant fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre est vendue par un fournisseur à une bibliothèque accueillant du public, une cour d'appel a retenu, à bon droit et sans inverser la charge de la preuve, qu'il appartenait à ce fournisseur, débiteur du droit de prêt, de démontrer que les livres dont la commercialisation était établie n'entraient pas dans le champ d'application de la redevance légale


Références :

article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 17 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 sep. 2017, pourvoi n°16-17738, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.17738
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