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20/09/2017 | FRANCE | N°16-17152

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 16-17152


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Bourdonnaise de distribution, Cafom distribution, Caribéenne du mobilier, Cayennaise de distribution, Compagnie martiniquaise de distribution, Distribution des îles du Nord, Gourbeyre distribution, Guadeloupe mobilier, Guadeloupéenne de distribution et Guyane mobilier (les sociétés du groupe Cafom), exploitant des magasins de distribution d'ameublement sous diverses enseignes, ont, sans contrat écrit, confié le transport de marchandises pendant plus de vingt

ans à la Société générale de transit et de transports maritimes ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Bourdonnaise de distribution, Cafom distribution, Caribéenne du mobilier, Cayennaise de distribution, Compagnie martiniquaise de distribution, Distribution des îles du Nord, Gourbeyre distribution, Guadeloupe mobilier, Guadeloupéenne de distribution et Guyane mobilier (les sociétés du groupe Cafom), exploitant des magasins de distribution d'ameublement sous diverses enseignes, ont, sans contrat écrit, confié le transport de marchandises pendant plus de vingt ans à la Société générale de transit et de transports maritimes et terrestres - Somatrans (la Somatrans), commissionnaire de transport ; que, soutenant avoir découvert l'existence d'une marge "dissimulée" par la Somatrans, intégrée dans les coûts de fret facturés et prétendument contraire à leurs accords, elles ont mis fin à leurs relations contractuelles et l'ont assignée en responsabilité, le 23 mai 2013, aux fins de voir ordonner la communication de l'ensemble des factures de fret émises par les transporteurs depuis le 6 décembre 2007 et d'être indemnisées de leur préjudice ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés du groupe Cafom font grief à l'arrêt confirmatif de juger que la preuve d'un accord contractuel excluant la revente avec marge des prestations acquises de sous-traitants et fournisseurs par la Somatrans n'était pas rapportée, juger légitime l'application par la Somatrans d'une marge commerciale sur les prestations acquises de ses fournisseurs et sous-traitants, juger que la présentation des factures était conforme aux exigences légales et, en conséquence, rejeter les demandes des sociétés du groupe Cafom alors, selon le moyen :

1°/ que le fournisseur de prestations de services doit délivrer à son client une facture mentionnant la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des services rendus ; que le prix de la prestation de transport, tel qu'établi par le transporteur, selon des modalités de calcul qui lui sont propres et qui sont externes au commissionnaire de transport, doit être mentionné par ce dernier sur la facture délivrée à son client afin de lui permettre de vérifier la valeur de la prestation de transport et de s'assurer du rôle d'intermédiaire joué par le commissionnaire ; qu'en affirmant, pour dire que la Somatrans avait respecté ses obligations légales en matière de facturation, que le point de savoir si le forfait FOB, qui est seul en litige, comprend ou non une marge, outre le prix de transport facturé par le transporteur, n'emporte aucune irrégularité de la facturation au regard de l'obligation de mentionner le "prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus", la cour d'appel a violé, par refus d'application des dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce ;

2°/ que le fournisseur de prestations de services doit délivrer à son client une facture mentionnant la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des services rendus ; que les factures émises par un commissionnaire de transport doivent mentionner le prix effectif du service rendu par le commissionnaire ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les factures établies par la Somatrans mentionnent, avec les quantités facturées, un "forfait FOB port de départ à port d'arrivée", correspondant au prix du transport et, d'autre part, que la facturation d'une marge, incluse dans le prix de ce transport, n'est pas contestée par la Somatrans ; qu'en affirmant que cette facturation est conforme aux dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce, quand il résultait de ses propres constatations que les mentions des factures ne permettaient pas, en l'absence de toute précision sur le montant de la marge perçue, au commettant de déterminer le prix effectif du service rendu par le commissionnaire, la cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article L. 441-3 susvisé ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que, selon l'article L. 441-3 du code de commerce, la facture que tout vendeur de produits ou de prestation de service a l'obligation d'établir doit mentionner les éléments qu'il énumère, parmi lesquels "la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus", l'arrêt retient à bon droit que ces dispositions n'imposent pas la mention sur la facture du prix effectivement payé par le commissionnaire au transporteur mais celle du "prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus", ce qui peut s'entendre du prix effectivement payé par le donneur d'ordre au commissionnaire, puis constate que les factures établies par la Somatrans, qui mentionnent, avec les quantités facturées, un forfait FOB port de départ à B/N port d'arrivée, les frais supplémentaires, les taxes, les frais d'intermédiation, le coût de "son intervention", sont conformes aux dispositions légales précitées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés du groupe Cafom font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le prix de la prestation de transport, tel qu'établi par le transporteur, selon des modalités de calcul qui lui sont propres et qui sont externes au commissionnaire de transport, doit être mentionné par ce dernier sur la facture délivrée à son client afin de lui permettre de vérifier la valeur de la prestation de transport et de s'assurer du rôle d'intermédiaire joué par le commissionnaire ; que, dans leurs conclusions, les sociétés appelantes faisaient valoir que la Somatrans avait inclus, dans le coût de la prestation de transport, une marge, dissimulée, en sus du coût de son intervention ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour dire que les appelantes ne prouvent pas que la facturation d'une marge, incluse dans le prix du transport, était, en l'absence de contrat écrit et de tout élément établissant que les parties avaient convenu que le paiement de la somme forfaitaire de 100 euros par conteneur rémunérait la totalité des prestations de la Somatrans, contraire aux accords contractuels, partant débouter les sociétés du groupe Cafom de leurs demandes en remboursement, sur l'affirmation, erronée en droit, que les factures émises par le commissionnaire étaient conformes aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, et sans rechercher s'il ne ressortait pas de la méconnaissance des dispositions légales, applicables en matière de facturation, le caractère volontairement dissimulé de la marge prise par le commissionnaire de transport, partant la méconnaissance des accords contractuels, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir ; que le contrat-type de commission de transport, qui trouve application en l'absence de convention écrite entre le commissionnaire de transport et le donneur d'ordres, a été approuvé par décret du 5 avril 2013, soit postérieurement aux dernières factures, émises en novembre et décembre 2012, par la Somatrans ; qu'en énonçant, pour dire que les appelantes ne prouvent pas que la facturation d'une marge, incluse dans le prix du transport, était contraire aux accords contractuels, qu'ainsi que l'ont retenu les négociateurs et rédacteurs du contrat-type de commission de transport, le prix de la commission de transport comprend le coût des différentes prestations fournies, à savoir le prix du transport stricto sensu, incluant toute éventuelle instruction spécifique, celui des prestations accessoires, le cas échéant convenues, plus les frais liés à l'établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport plus le coût de l'intervention du commissionnaire, de sorte que le coût de l'intervention de la Somatrans dans la recherche et l'organisation du transport, fixé d'un commun accord des parties à 100 euros par conteneur, ne couvre pas, sauf accord des parties qui n'est pas établi, les frais liés à l'établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport, la cour d'appel, qui s'est fondée sur les dispositions du contrat-type de commission de transport, inapplicables aux accords contractuels conclus antérieurement, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le principe de liberté des prix autorise tout fournisseur de services, y compris le transporteur, à fixer un prix forfaitaire pour sa prestation ; que la circonstance que la facture, établie par le commissionnaire de transport, mentionne, au titre de la prestation transport, un "forfait FOB" n'est pas de nature à laisser croire au mandant que le montant mentionné à ce titre par le commissionnaire de transport sur sa facture inclut, outre celui demandé par le transporteur, une marge prise par le commissionnaire ; qu'en se fondant cependant, pour dire que la facturation n'était pas dissimulée, partant débouter les sociétés du groupe Cafom de leurs demandes de remboursement, sur le constat que les factures émises par la Somatrans mentionnaient, au titre du transport, un "forfait" et que, pendant vingt ans, les sociétés appelantes avaient accepté de payer ce forfait en plus de la rémunération de 100 euros par conteneur, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que la cour d'appel a constaté que, par mail du 5 décembre 2012, la Somatrans avait adressé à la société Cafom distribution de nouveaux tarifs pour les prestations de transport maritime, indiquant "Nous vous adressons ci-après les nouveaux tarifs que nous avons obtenus pour vous applicables à compter du 1er janvier 2012" ; qu'en affirmant cependant, pour dire que les appelantes ne sont pas fondées en leurs demandes en remboursement de marges prétendument dissimulées, que la Somatrans ne communiquait pas les tarifs de fret comme étant ceux du transporteur, que sa communication n'était ni trompeuse ni déloyale et qu'elle n'était pas de nature à faire croire à la société Cafom distribution, elle-même actionnaire d'une société de commission de transport, que les prix communiqués étaient ceux facturés par le transporteur et non les prix proposés par le commissionnaire, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constations, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, d'abord, que la facturation d'une marge incluse dans le prix de transport n'était pas contestée par la Somatrans et que la revente avec marge d'une prestation acquise d'un sous-traitant est légitime et correspond à la pratique normale des affaires, ensuite, qu'en l'absence de contrat écrit et de tout élément établissant que la Somatrans avait renoncé à la facturation d'une marge commerciale sur le prix du transport qu'elle payait au transporteur, les sociétés du groupe Cafom ne prouvaient pas que le paiement d'une somme forfaitaire de 100 euros au titre de son intervention devait rémunérer la totalité des prestations du commissionnaire ni que la facturation était contraire aux accords contractuels, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejeter la demande en paiement ;

D'où il suit que le moyen, qui repose sur un postulat erroné en sa première branche et critique un motif surabondant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 133-6 du code de commerce ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité ; que toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont également prescrites dans le délai d'un an ;

Attendu que, pour déclarer prescrite la demande de communication de pièces complémentaires pour la période antérieure au 23 mai 2012, l'arrêt retient que le contrat-type de commission de transport approuvé par le décret n° 213-293 du 5 avril 2013, entré en vigueur au lendemain de sa publication intervenue le 7 avril 2013, soit antérieurement à l'assignation introductive d'instance du 23 mai 2013, s'applique en l'absence de contrat écrit entre les parties, que le décret n° 2014-530 du 22 mai 2014 qui a abrogé l'article 1er du décret précité, portant approbation du contrat-type de commission de transport, a créé l'article D. 1432-3 du code des transports et annexé une nouvelle version du contrat-type de commission de transport mais dans laquelle la rédaction de l'article 14 de ce contrat-type est inchangée ; qu'il ajoute que l'action introduite contre la Somatrans, fondée sur le contrat de commission de transport qui les liait et dont la violation par la Somatrans est alléguée, est donc soumise à la prescription annale, que le point de départ du délai de prescription est fixé de la même manière par l'article L. 133-6 du code de commerce et par le contrat-type de commission de transport dans ses deux versions, que l'exception de fraude ou d'infidélité prévue par l'article L. 133-6 du code de commerce n'est pas prévue par le contrat-type de commission de transport qui s'applique ; qu'il en déduit que, l'action ayant été introduite par assignation en date du 23 mai 2013, les demandes des sociétés du groupe Cafom ne sont recevables qu'à compter des livraisons effectuées postérieurement au 23 mai 2012, la prescription s'appliquant pour la période antérieure ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'exception de fraude ou d'infidélité, qui fait échec à la prescription d'un an du droit des transports, peut toujours être invoquée contre le commissionnaire de transport, peu important qu'elle ne soit pas prévue dans le contrat-type, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur cette exception qu'invoquaient les sociétés du groupe Cafom contre la Somatrans, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il juge prescrite la demande de communication de pièces complémentaires, et statuant à nouveau sur ce point, il déclare l'action des sociétés Bourdonnaise de distribution, Cafom distribution, Caribéenne du mobilier, Cayennaise de distribution, Compagnie martiniquaise de distribution, Distribution des îles du Nord, Gourbeyre distribution, Guadeloupe mobilier, Guadeloupéenne de distribution et Guyane mobilier recevable à compter des livraisons effectuées le 23 mai 2012 et prescrite pour la période antérieure à cette date, l'arrêt rendu le 8 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la Société générale de transit et de transports maritimes et terrestres - Somatrans aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Cafom distribution, Bourdonnaise de distribution, Guyane mobilier, Caribéenne du mobilier, Cayennaise de distribution, Compagnie martiniquaise de distribution, Distribution des îles du Nord, Gourbeyre distribution, Guadeloupe mobilier et Guadeloupéenne de distribution

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action des sociétés Cafom Distribution, Gourbeyre Distribution, Bourdonnaise de Distribution, Distribution des Iles du Nord, Guadeloupe Mobilier, Caribéenne du Mobilier, Compagnie Martiniquaise de Distribution, Guyane Mobilier, Cayennaise de Distribution et Guadeloupéenne de Distribution prescrite pour la période antérieure au 23 mai 2012,

AUX MOTIFS QUE l'article 136-1, (133–6), du code de commerce stipule que toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu, qu'elle soit dirigée contre le voiturier ou le commissionnaire ou contre l'expéditeurs ou les destinataires, sont prescrites dans le délai d'un an ; que ce délai est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aurait été remise ou offerte aux destinataires ; qu'en application de ce texte, les actions auxquelles le contrat de commission de transport peuvent donner lieu sont soumises à la prescription annale sauf lorsque la faute reprochée au commissionnaire ne concerne pas l'exécution du contrat de commission de transport proprement dit ou s'y rattache de manière très accessoire ; que l'article 14 du contrat-type de commission de transport, approuvé par décret n° 213–293 du 5 avril 2013, pour étendre la prescription annale aux actions non couvertes en application du texte précité, a prévu que : « toutes les actions auxquelles le contrat de commission de transport peuvent donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an. Ce délai court, en cas de perte totale, à compter du jour où la marchandise aurait dû être livrée ou offerte et, dans tous les autres cas, à compter du jour où la marchandise a été remise ou offerte aux destinataires. » ; que ce texte, entrée en vigueur au lendemain de sa publication intervenue le 7 avril 2013, soit antérieurement à l'assignation introductive d'instance du 23 mai 2013, s'applique en l'absence de contrat écrit entre les parties ; que le décret n° 2014-530 du 22 mai 2014, qui a abrogé l'article 1 du décret précité, portant approbation du contrat-type de commission de transport, a créé l'article D. 1432–3 du code des transports et annexé une nouvelle version du contrat-type de commission de transport mais dans laquelle la rédaction de l'article 14 de ce contrat-type est inchangée ; que l'action introduite par les appelantes à l'encontre de la société Somatrans, fondée sur le contrat de commission de transport qui les liait et dont la violation par la société Somatrans est alléguée, est donc soumise à la prescription annale ; que le point de départ du délai de prescription est fixé de la même manière par l'article L. 133–6 du code de commerce et par le contrat-type de commission de transport dans ses deux versions ; que l'exception de fraude ou d'infidélité prévue par l'article L. 133–6 du code de commerce n'est pas prévu par le contrat-type de commission de transport qui s'applique ; que l'action ayant été introduite par assignation en date du 23 mai 2013, les demandes des appelantes ne sont recevables qu'à compter des livraisons effectuées postérieurement au 23 mai 2012, la prescription s'appliquant pour la période antérieure ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé prescrite la demande de communication de pièces complémentaires, sans statuer sur la recevabilité de l'action dans le cadre de laquelle cette demande était formulée ;

ALORS QUE le principe fraus omnia corrumpit est, sauf disposition expresse contraire, applicable en toute matière ; que la circonstance qu'une disposition ne réserve pas expressément l'exception de fraude n'est pas de nature à exclure l'éviction de la règle légale dès lors que les conditions de la fraude sont réunies ; que, dans leurs conclusions, les sociétés du groupe Cafom faisaient valoir que la prescription annale, prévue à l'article L. 133–6 du code de commerce, n'était pas applicable, partant que leur action était recevable, dès lors que les faits commis par la société Somatrans étaient constitutifs d'une fraude ; qu'en se bornant cependant, pour dire que l'action intentée était prescrite pour la période antérieure au 23 mai 2012, à affirmer que « l'exception de fraude ou d'infidélité prévue par l'article L. 133–6 du code de commerce n'est pas prévue par le contrat-type de commission transport qui s'applique », quand cette circonstance n'était pas de nature à exclure l'application de l'exception de fraude, partant l'éviction de la prescription annale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fraus omnia corrumpit, ensemble l'article L. 133–6 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la preuve d'un accord contractuel excluant la revente avec marge des prestations acquises de sous-traitants et fournisseurs par la société Somatrans n'était pas rapportée, jugé légitime l'application par la société Somatrans d'une marge commerciale sur les prestations acquises de ses fournisseurs et sous-traitants, jugé que la présentation des factures était conforme aux exigences légales et, en conséquence, débouté les sociétés du groupe Cafom de toutes leurs demandes,

AUX MOTIFS QUE l'article L. 441–3 du code de commerce prévoit que la facture, que tout vendeur de produits ou de prestations de services à l'obligation d'établir, doit mentionner les éléments qu'il énumère et parmi lesquels « la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus » (
) ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, ces dispositions n'imposent par la mention, sur la facture, du prix effectivement payé par le commissionnaire au transporteur mais celle du « prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus », ce qui peut s'entendre du prix effectivement payé par le donneur d'ordres au commissionnaire ; qu'en l'espèce, les factures établies par la société Somatrans mentionnent, avec des quantités facturées :
• un forfait FOB port de départ à B/N port d'arrivée
• les frais supplémentaires
• les taxes
• les frais d'intermédiation
• le coût de « notre intervention » ;
que cette facturation est conforme aux dispositions précitées, le point de savoir si le forfait FOB, qui est seul en litige, comprend ou non une marge, outre le prix du transport facturé par le transporteur, ne portant aucune irrégularité de la facturation au regard de l'obligation de mentionner le « prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus » ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner si cette facturation était conforme ou non aux dispositions du contrat-type de commission transport dès lors que celui-ci, approuvé par décret du 5 avril 2013, est postérieure dernière facture émise par la société Somatrans en novembre et décembre 2012 ;

1) ALORS QUE le fournisseur de prestations de services doit délivrer à son client une facture mentionnant la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des services rendus ; que le prix de la prestation de transport, tel qu'établi par le transporteur, selon des modalités de calcul qui lui sont propres et qui sont externes au commissionnaire de transport, doit être mentionné par ce dernier sur la facture délivrée à son client afin de lui permettre de vérifier la valeur de la prestation de transport et de s'assurer du rôle d'intermédiaire joué par le commissionnaire ; qu'en affirmant, pour dire que la société Somatrans avait respecté ses obligations légales en matière de facturation, que le point de savoir si le forfait FOB, qui est seul en litige, comprend ou non une marge, outre le prix de transport facturé par le transporteur, n'emporte aucune irrégularité de la facturation au regard de l'obligation de mentionner le « prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus », la cour d'appel a violé, par refus d'application des dispositions de l'article L. 441–3 du code de commerce ;

2) ALORS QUE le fournisseur de prestations de services doit délivrer à son client une facture mentionnant la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des services rendus ; que les factures émises par un commissionnaire de transport doivent mentionner le prix effectif du service rendu par le commissionnaire ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les factures établies par la société Somatrans mentionnent, avec les quantités facturées, un « forfait FOB port de départ à port d'arrivée », correspondant au prix du transport et, d'autre part, que la facturation d'une marge, incluse dans le prix de ce transport, n'est pas contestée par la société Somatrans ; qu'en affirmant que cette facturation est conforme aux dispositions de l'article L. 441–3 du code de commerce, quand il résultait de ses propres constatations que les mentions des factures ne permettaient pas, en l'absence de toute précision sur le montant de la marge perçue, au commettant de déterminer le prix effectif du service rendu par le commissionnaire, la cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article L. 441–3 susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, dit que la preuve d'un accord contractuel excluant la revente avec marge des prestations acquises de sous-traitants et fournisseurs par la société Somatrans n'était pas rapportée, jugé légitime l'application par la société Somatrans d'une marge commerciale sur les prestations acquises de ses fournisseurs et sous-traitants, jugé que la présentation des factures était conforme aux exigences légales et, en conséquence, débouté les sociétés du groupe Cafom de toutes leurs demandes,

AUX MOTIFS QUE les factures émises par la société Somatrans sont conformes aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, le point de savoir si le forfait FOB, qui est seul en litige, comprend ou non une marge, outre le prix du transport facturé par le transporteur, ne portant aucune irrégularité de la facturation au regard de l'obligation de mentionner le « prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus » ; que la facturation d'une marge, incluse dans le prix de transport, n'est pas contestée par la société Somatrans ; que les appelantes ne prouvent pas que, contrairement à ce qu'elles prétendent, cette facturation était contraire aux accords contractuels, en l'absence de contrat écrit et de tout élément établissant que les parties avaient convenu que le paiement d'une somme forfaitaire de 100 € au titre de son intervention rémunérée la totalité des prestations de la société Somatrans et qu'elle ne pouvait donc appliquer une marge sur le prix du transport qu'elle payait au transporteur ; qu'or, ainsi que l'on retenu les négociateurs et rédacteurs du contrat-type de commission de transport, le prix de la commission de transport, qui est librement déterminé par les parties, comprend le coût des différentes prestations fournies, à savoir le prix du transport stricto sensu, incluant toute éventuelle instruction spécifique, celui des prestations accessoires, le cas échéant, convenues plus les frais liés à l'établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport plus le coût de l'intervention du commissionnaire ; qu'ainsi, le coût de l'intervention de la société Somatrans dans la recherche et l'organisation du transport, librement et sous sa responsabilité, fixée d'un commun accord des parties, à 100 € par conteneur ne couvre pas, sauf accord des parties qui n'est pas établi, les frais liés à l'établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport que la société Somatrans, en sa qualité de commissionnaire de transport, avait l'obligation de suivre et de soigner en faisant, au besoin, toutes diligences nécessaires pour assurer la livraison des conteneurs en bon état ; que, de plus, la facturation n'était pas dissimulée puisque les factures mentionnent au titre du transport, un forfait ce qui laisse supposer qu'il ne s'agit pas seulement du prix de transport et qu'il englobe d'autres sommes ; que, pendant 20 ans, les sociétés appelantes ont accepté de payer ce forfait en plus de la rémunération de 100 € ce qui contredit l'existence d'un accord ayant pour effet d'interdire l'application d'une marge sur le prix du transport, application pourtant habituelle en la matière ; que, par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les appelantes, la société Somatrans ne communiquait pas les tarifs de fret comme étant ceux du transporteur ; qu'en effet, la société Somatrans ne transmettait pas à la société Cafom Distribution les grilles tarifaires émanant du transporteur choisi mais des grilles de tarifs qu'elle établissait elle-même, avec l'indication du transporteur choisi, (en fonction du prix mais aussi de l'espace à bord des navires et des garanties d'embarquement ainsi qu'il ressort d'un mail en date du 5 février 2012), et le montant des prestations accessoires, des frais et de son intervention ; que cette communication n'est ni trompeuse ni déloyale et n'était pas de nature à faire croire la société Cafom Distribution que les prix communiqués étaient ceux facturés par le transporteur à la société Somatrans et non le prix que lui proposait la société Somatrans et que cette dernière facturait sous forme de forfait ; que l'emploi, dans un mail du 2 décembre 2012, lors de l'envoi de nouveaux prix, de l'expression les « tarifs que nous avons négociée pour vous » ne pouvait pas plus être entendue, par une société traitant habituellement avec les commissionnaires de transport et non seulement avec la société Somatrans en et qui est elle-même actionnaire d'une société de commission de transport, ce qu'elle ne conteste pas, comme étant les tarifs du transporteur et non de son commissionnaire, après négociation avec le transporteur ; qu'en conséquence, les sociétés appelantes ne sont pas fondées en leur demande en remboursement de marge prétendument dissimulée sur la période non prescrite, ce qui rend sans objet la demande de communication des factures relatives aux livraisons postérieures au 23 mai 2012 et autres ainsi que celles relatives aux livraisons de novembre et décembre 2012 déjà communiquées ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leur demande ;

1) ALORS QUE le prix de la prestation de transport, tel qu'établi par le transporteur, selon des modalités de calcul qui lui sont propres et qui sont externes au commissionnaire de transport, doit être mentionné par ce dernier sur la facture délivrée à son client afin de lui permettre de vérifier la valeur de la prestation de transport et de s'assurer du rôle d'intermédiaire joué par le commissionnaire ; que, dans leurs conclusions, les sociétés appelantes faisaient valoir que la société Somatrans avait inclus, dans le coût de la prestation de transport, une marge, dissimulée, en sus du coût de son intervention ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour dire que les appelantes ne prouvent pas que la facturation d'une marge, incluse dans le prix du transport, était, en l'absence de contrat écrit et de tout élément établissant que les parties avaient convenu que le paiement de la somme forfaitaire de 100 € par conteneur rémunérait la totalité des prestations de la société Somatrans, contraire aux accords contractuels, partant débouter les sociétés du groupe Cafom de leurs demandes en remboursement, sur l'affirmation, erronée en droit, que les factures émises par le commissionnaire étaient conformes aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce et sans rechercher s'il ne ressortait pas de la méconnaissance des dispositions légales, applicables en matière de facturation, le caractère volontairement dissimulé de la marge prise par le commissionnaire de transport, partant la méconnaissance des accords contractuels, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

2) ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir ; que le contrat-type de commission de transport, qui trouve application en l'absence de convention écrite entre le commissionnaire de transport et le donneur d'ordres, a été approuvé par décret du 5 avril 2013, soit postérieurement aux dernières factures, émises en novembre et décembre 2012, par la société Somatrans ; qu'en énonçant, pour dire que les appelantes ne prouvent pas que la facturation d'une marge, incluse dans le prix du transport, était contraire aux accords contractuels, qu'ainsi que l'ont retenu les négociateurs et rédacteurs du contrat-type de commission de transport, le prix de la commission de transport comprend le coût des différentes prestations fournies, à savoir le prix du transport stricto sensu, incluant toute éventuelle instruction spécifique, celui des prestations accessoires, le cas échéant convenues, plus les frais liés à l'établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport plus le coût de l'intervention du commissionnaire, de sorte que le coût de l'intervention de la société Somatrans dans la recherche et l'organisation du transport, fixé d'un commun accord des parties, à 100 € par conteneur, ne couvre pas, sauf accord des parties qui n'est pas établi, les frais liés à l'établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport, la cour d'appel qui s'est fondée sur les dispositions du contrat-type de commission de transport, inapplicables aux accords contractuels conclus antérieurement, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3) ALORS QUE le principe de liberté des prix autorise tout fournisseur de services, y compris le transporteur, à fixer un prix forfaitaire pour sa prestation ; que la circonstance que la facture, établie par le commissionnaire de transport, mentionne, au titre de la prestation transport, un « forfait FOB » n'est pas de nature à laisser croire au mandant que le montant mentionné à ce titre par le commissionnaire de transport sur sa facture inclut, outre celui demandé par le transporteur, une marge prise par le commissionnaire ; qu'en se fondant cependant, pour dire que la facturation n'était pas dissimulée, partant débouter les sociétés du groupe Cafom de leurs demandes de remboursement, sur le constat que les factures émises par la société Somatrans mentionnaient, au titre du transport, un « forfait » et que, pendant vingt ans, les sociétés appelantes avaient accepté de payer ce forfait en plus de la rémunération de 100 € par conteneur, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que, par mail du 5 décembre 2012, la société Somatrans avait adressé à la société Cafom Distribution de nouveaux tarifs pour les prestations de transport maritime, indiquant « Nous vous adressons ci-après les nouveaux tarifs que nous avons obtenus pour vous applicables à compter du 01.12.2012 » ; qu'en affirmant cependant, pour dire que les appelantes ne sont pas fondées en leurs demandes en remboursement de marges prétendument dissimulées, que la société Somatrans ne communiquait pas les tarifs de fret comme étant ceux du transporteur, que sa communication n'était ni trompeuse, ni déloyale et qu'elle n'était pas de nature à faire croire à la société Cafom Distribution, elle-même actionnaire d'une société de commission de transport, que les prix communiqués étaient ceux facturés par le transporteur et non les prix proposés par le commissionnaire, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constations, en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-17152
Date de la décision : 20/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Facture - Mentions obligatoires - Exclusion - Commissionnaire de transport - Sommes versées aux intermédiaires

Toute facture de vente de produits ou de prestation de service établie en application des dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce doit mentionner, notamment, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus. Ces dispositions ne prévoyant pas que soient précisées les sommes versées aux intermédiaires, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient qu'un commissionnaire de transport n'est pas tenu de mentionner, sur la facture délivrée à son donneur d'ordre, le prix qu'il a payé au transporteur


Références :

article L. 441-3 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 08 janvier 2016

Sur les mentions devant figurer sur une facture de vente de produits ou de prestation de service, à rapprocher : Crim., 19 février 2003, pourvoi n° 02-80351, Bull. Crim. 2003, n° 46 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 sep. 2017, pourvoi n°16-17152, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.17152
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