LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 mars 2015 :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que la Société française d'export et d'import Sofexi (la société Sofexi) s'est pourvue en cassation contre l'arrêt avant dire droit du 27 mars 2015 en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt du 27 novembre 2015 ;
Qu'aucun grief n'étant formulé contre l'arrêt du 27 mars 2015, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 novembre 2015 :
Vu les articles L. 441-7, L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a condamné la société Sofexi à payer certaines sommes à la société Profima au titre de l'exécution d'un accord de coopération liant les deux sociétés ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel formé par la société Sofexi, l'arrêt relève que celle-ci s'oppose au paiement des sommes réclamées en invoquant la nullité de l'accord de coopération pour non-respect des dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce et l'irrégularité des facturations émises en exécution de cet accord et retient que ses prétentions sont fondées notamment sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ; qu'il en déduit que l'appel est irrecevable comme étant porté devant une juridiction incompétente, dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles L. 442-6 et D. 442-2 à 4 du code de commerce que le tribunal de commerce et la cour d'appel de Paris sont seuls compétents pour connaître des litiges qui relèvent des ressorts ultramarins et qui sont fondés sur le premier de ces textes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un litige dans lequel une partie invoque la violation de l'article L. 441-7 du code de commerce ne relève pas des juridictions spécialement désignées à l'article D. 442-3 de ce code et qu'elle avait constaté que la société Sofexi précisait que ses prétentions étaient uniquement fondées sur les articles 1134 du code civil et L. 441-7 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 mars 2015 ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Profima aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la Société française d'export et d'import Sofexi et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Société francaise d'export et d'import Sofexi
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 27 novembre 2015 statuant à la suite de l'arrêt du 27 mars 2015 ayant invité les parties à s'expliquer sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel interjeté, d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel relevé par la société Sofexi à l'encontre du jugement rendu le 2 avril 2014 par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis;
AUX MOTIFS QU' « II résulte de la combinaison de l'article L 442-6 et des articles D 442-2 à 4 du code de commerce que le tribunal de commerce et la cour d'appel de Paris sont compétents pour connaître des litiges qui relèvent des ressorts ultramarins et qui sont fondés sur les dispositions de l'article L 442-6. En l'espèce, la SARL Sofexi fonde ses prétentions notamment sur les dispositions de l'article L 442-6 du code du Commerce; Dès lors, son appel est irrecevable comme étant porté devant une juridiction incompétente et ce nonobstant les autres fondements avancés à l'appui de ses prétentions. D'autre part, le moyen tiré de l'homologation par la présente cour d'une transaction qui aurait réglé un litige identique est inopérant dès lors que cela n'est pas établi et qu'une telle homologation, à la supposer établie, ne permet pas de faire échec aux dispositions légales applicables au présent litige. En conséquence, l'appel interjeté par la SARL Sofexi sera déclaré irrecevable. » ;
ET AUX MOTIFS QUE « (…) la société Sofexi s'oppose à la demande en paiement de la société Profima en soutenant la nullité de leur accord de coopération, l'irrégularité des facturations émises en exécution de celui-ci et la non conformité de leur support contractuel aux dispositions de l'article L 441-7 du code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 2 août 2005 dite Dutreil; Mais (….) que le litige, dont la cour est saisie, est susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article L 442-6 du code de commerce, domaine exclusivement attribué aux juridictions dont le siège est fixé par décret. ainsi que le prévoit la loi du 4 août 2008 dans une de ses dispositions codifiée à l'article L 442-6 du code de commerce applicable à la présente instance engagée devant le premier juge postérieurement; que les dispositions des articles D 442-2 à 4 du code de commerce désignent pour en connaître, s'agissant des ressorts ultramarins, le tribunal de commerce de Paris et en cas d'appel la cour d'appel de ce lieu; que l'inobservation de cette règle est de nature à constituer une fin de non recevoir de l'appel; Que la cour entend d'office relever le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Sofexi et invite les parties à conclure sur ce point. »;
1) ALORS QUE l'article L. 442-6 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 4 août 2008, prévoyant, en son § III alinéa 5, la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour connaître de son contentieux, est applicable aux seuls contrats conclus à compter du 1er janvier 2009; que ce texte ne s'applique pas, en revanche, aux contrats respectivement conclus les 22 mars 2007 et le 29 février 2008 ainsi que le reconnaissait elle-même la société Profima, dans ses conclusions d'appel du 8 septembre 2014 (p. 6, § 1 à 3) ; qu'en déclarant dès lors irrecevable l'appel interjeté par la société Sofexi devant la cour d'appel de Saint-Denis au motif que la cour d'appel de Paris était seule compétente pour connaître des litiges fondés sur l'article L 442-6 du code de commerce (arrêt attaqué p. 2, § antépénultième), la cour d'appel a violé cet article, ainsi que les articles L. 441-3 et L. 441-7 du code de commerce ;
2) ALORS QUE l'article L 442-6 du code de commerce est exclusivement applicable aux actions en responsabilité engagées pour obtenir l'indemnisation de certaines pratiques commerciales d'une part, à certaines actions en nullité de clauses ou de contrats, limitativement énumérées et distinctes de celles visées à l'article L 447-1 du même code d'autre part; qu'en l'espèce, la société Profima agissait en paiement de factures sur la base de contrats conclus avec la société Sofexi, laquelle s'opposait audit paiement en invoquant la nullité de leurs accords pour non-respect des dispositions de l'article L 447-1 du code de commerce, l'irrégularité des facturations émises et l'exécution de mauvaise foi par la société Profima de ses obligations contractuelles (conclusions Sofexi après arrêt avant dire-droit p. 2, § 3 et pénultième, et conclusions avant arrêt avant dire-droit p. 3, § 2 et deux derniers §, p. 4, et p. 5, § 2 au § pénultième); que si dans ses conclusions antérieures à l'arrêt avant dire-droit (p. 5, § 1er), la société Sofexi évoquait aussi les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce, rappelant qu'il sanctionnait le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage commercial quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, elle n'agissait pas en responsabilité contre la société Profima, ni n'invoquait contre elle l'un des cas de nullité visés à l'article L 442-6 du code de commerce; que dès lors, en disant que seule était compétente la cour d'appel de Paris pour connaître de l'entier litige opposant les parties, comme investie du pouvoir juridictionnel exclusif pour statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L 442-6 du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles L 441-7, L 442-6 et D 442-3 du code de commerce;
3) ALORS en tout état de cause QUE lorsqu'une partie à un contrat invoque, pour s'opposer à une demande en paiement de factures formée par son cocontractant, l'article L 447-1 du code de commerce, l'article 1134 du code civil et l'article L 442-6 du code de commerce, la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour connaître du moyen de défense fondé sur le dernier de ces textes, ne fait pas obstacle à ce que toute autre cour d'appel connaisse des moyens de défense fondés sur les deux premiers d'entre eux ; qu'en l'espèce, la société Profima agissait en paiement de factures sur la base de contrats conclus avec la société Sofexi, laquelle s'opposait audit paiement en invoquant la nullité de leurs accords pour non-respect des dispositions de l'article L 447-1 du code de commerce, l'irrégularité des facturations, l'exécution de mauvaise foi par la société Profima de ses obligations contractuelles en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil et, enfin, l'article L 442-6 du code de commerce en ce qu'il sanctionnait le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage commercial quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; que dès lors, en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel formé par la société Sofexi contre le jugement l'ayant condamnée à paiement au profit de la société Profima, que les prétentions de la société Sofexi étaient notamment fondées sur les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce, peu important les autres fondements avancés, la cour d'appel a violé les articles L 441-7, L 442-6 et D 442-3 du code de commerce.