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20/09/2017 | FRANCE | N°16-12168;16-13065

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 16-12168 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° 16-12.168 et n° 16-13.065, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Eberhart et fils (la société Eberhart) est entrée en relation avec la société Décibel informatique (la société Décibel), en vue de moderniser son logiciel de gestion et mettre en oeuvre une solution informatique globale, prévoyant un serveur partagé installé dans les locaux de la société IBM à Montpellier ; qu'après la signature du bon de com

mande le 20 septembre 2007, le calendrier de ce projet a été établi, prévoyant une m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° 16-12.168 et n° 16-13.065, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Eberhart et fils (la société Eberhart) est entrée en relation avec la société Décibel informatique (la société Décibel), en vue de moderniser son logiciel de gestion et mettre en oeuvre une solution informatique globale, prévoyant un serveur partagé installé dans les locaux de la société IBM à Montpellier ; qu'après la signature du bon de commande le 20 septembre 2007, le calendrier de ce projet a été établi, prévoyant une mise en service opérationnelle le 1er octobre 2008 ; qu'à la suite de dysfonctionnements non résolus affectant le logiciel, et après avoir adressé deux courriers de réclamation les 13 et 26 mai 2008 à la société Décibel, la société Eberhart a exigé l'annulation de la commande par lettre du 20 octobre 2008 puis l'a assignée en annulation et remboursement de factures, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ; que la société Décibel a demandé, reconventionnellement, l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la résolution unilatérale du contrat ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 16-12.168, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter l'intégralité des demandes de la société Eberhart, l'arrêt retient que les pièces figurant en annexe du rapport d'expertise privé versé aux débats démontrent que la société Décibel n'était pas tenue d'une obligation de résultat mais seulement de moyen et que la société Eberhart, qui avait à sa charge la gestion du réseau Internet et sa capacité, n'a pas mis en place la connexion Internet professionnelle qui était préconisée par la société Décibel ; qu'il relève que le courriel de la société Eberhart du 30 mai 2008, envoyé à la société Orange, permet de constater que la société Eberhart avait pris conscience des insuffisances de ses liaisons Internet qui l'empêchaient d'exploiter normalement ce logiciel, que la société Décibel avait par ailleurs imputé au réseau Internet les pannes constatées et qu'il résulte du formulaire d'intervention du 12 juin 2008, signé par la société Eberhart, que celle-ci avait connaissance de l'origine du dysfonctionnement ; qu'il en déduit que la société Décibel démontre ainsi que la cause de l'échec du projet est à rechercher dans l'insuffisance du réseau Internet existant, à l'origine des interruptions des traitements et des anomalies constatées dans les données transférées, et qu'elle est imputable à la société Eberhart ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans analyser, même sommairement, la lettre du 24 octobre 2008 produite par la société Eberhart, dans laquelle les dirigeants de la société Décibel lui indiquaient qu'après avoir concentré leurs efforts pour résoudre les problèmes liés à l'utilisation du logiciel dans l'environnement Internet et avoir constaté chez d'autres clients la disparition des anomalies de fonctionnement du logiciel, ils ne comprenaient pas pourquoi les problèmes d'effacement de lignes ou de zones étaient réapparus en octobre 2008 dans ses locaux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et attendu que la cassation prononcée sur le moyen unique du pourvoi n° 16-12.168 entraîne par voie de conséquence celle du chef de dispositif attaqué par le pourvoi n° 16-13.065, relatif aux demandes indemnitaires de la société Décibel en lien avec les conditions dans lesquelles le contrat a été exécuté puis rompu ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Eberhart et fils, demanderesse au pourvoi n° H 16-12.168

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Eberhart et Fils de l'intégralité de ses demandes comme non fondées ;

AUX MOTIFS QUE : « la SA Eberhart et Fils a pour objet social, d'une part, la vente de pierres naturelles, et, d'autre part, le négoce de matériaux de construction dont fait partie l'exploitation d'un magasin de bricolage sous l'enseigne « Catena » de 300 m² ; que pour les besoins de ses activités, la SA Eberhart et Fils utilisait un logiciel de gestion couvrant la partie commerciale et la comptabilité dénommé « Chorus », et ce système était vieillissant, elle s'est trouvée dans l'obligation de rechercher un système parfaitement adapté à l'évolution de ses activités ; que c'est dans ces circonstances que la SA Eberhart et Fils est entrée en relation avec la SARL Décibel Informatique, spécialisée en la matière ; que la SARL Décibel Informatique a analysé les besoins de la SA Eberhart et Fils après avoir visité son site d'exploitation et lui avoir proposé un projet clef en mains dénommé « Maestro » correspondant à une solution informatique globale, avec un applicatif hébergé à l'extérieur (serveur partagé) installé chez IBM Montpellier ; que le système « Maestro », proposé par la SARL Décibel Informatique, comprenait des modules fonctionnels de gestion commerciale dit « Mozart » et de comptabilité dit « Schubert », ainsi qu'en option complémentaire un progiciel de gestion des impressions dit « Liszt » ; que c'est ainsi que la SA Eberhart et Fils a signé un bon de commande le 20 septembre 2007 pour un prix de 37 542,44 € H.T. hors redevance mensuelle et hors comité de pilotage (1 190 € HT par jour), non sans avoir procédé au recensement du matériel informatique de la SA Eberhart et Fils dont a toujours fait partie le magasin Catena le 6 septembre 2007 ; que le calendrier de mise en service du service informatique vendu par la SARL Décibel Informatique était le suivant : - un premier comité de pilotage avant la fin septembre 2007, - une reprise des données avant le 14 décembre 2007, - une simulation à partir du 15 janvier jusqu'au 8 février 2008, - la validation du système à partir du 15 février 2008, - la réalisation des formations à partir du 18 février 2008, - l'installation et la reprise finale pour le 28 février 2008, - le démarrage au 1er mars 2008, - la mise au point et divers réglages pour le 11 mars 2008, - les dates de mise en place des modules spécifiques devant être définies lors des réunions du comité de pilotage, notamment pour la mise en route d'un service en ligne, la mise en route la gestation de la logistique etc., - une installation finale pour répondre à la première phase pour le 30 avril 2008, - un démarrage de la suite du projet après cette date avec maîtrise des flux en réception et en expédition à l'aide du système Wagner, - un départ opérationnel pour le 1er octobre 2008 ; que plusieurs réunions du comité de pilotage ont eu lieu ; que les prestations de formation des salariés de la SA Eberhart et Fils destinés à devenir les tuteurs des autres salariés ont été réalisées en février 2008 ; que la SARL Décibel Informatique a fait installer la plate-forme « Maestro »dans les locaux d'IBM Montpellier ; que le 28 avril 2008, soit près de 2 mois après le démarrage du système informatique, la SARL Décibel Informatique a envoyé à la SA Eberhart et Fils un courriel dont le contenu était le suivant : « Bonjour, Après la énième panne du site vendredi soir, nous avons décidé (Décibel) de provoquer une réunion avec IBM ce lundi matin (28/04/2008), afin de trouver une solution stable pour la société. On ne peut pas concevoir de poursuivre dans cette voie, mettant à l'épreuve les nerfs des employés et des patrons de la société Eberhart, ainsi que les nôtres dans la mesure où nous cherchons par tous moyens à vous fournir le service demandé. Le but de la réunion sera pour nous de mettre en avant les points sensibles qu'exigent un ERP en type SAAS en termes d'assistance et de maintenance des systèmes d'information, et pourquoi nous devons absolument trouver une solution durable pour vous (société Eberhart). Pierre X... sera présent dans vos locaux afin de poursuivre l'intégration des données Chorus en gestion commerciale et comptabilité. Sachez que notre but (Décibel Informatique) est que vous ayez un système d'information fonctionnel et performant. Cordialement » ; qu'une réunion a eu lieu le 5 mai 2008, conséquemment à ce courriel ; qu'à l'issue de cette réunion, la SA Décibel Informatique a elle-même établi un document intitulé : « Point sur situation informatique. Formalités : procès-verbal écrit, accord de toutes les parties. Listings des problèmes non résolus à ce jour sur tous les services » ; qu'il n'est pas contesté que ces documents énumèrent un nombre important de problèmes de fonctionnement du progiciel à résoudre par la SARL Décibel Informatique ; qu'une nouvelle liste des points non résolus a été établie par la SARL Décibel Informatique le 9 mai 2008, ces problèmes n'ayant toujours pas été résolus ; que la SA Eberhart et Fils a adressé deux courriers comminatoires à la SARL Décibel Informatique les 13 et 26 mai 2008 ; que pour s'opposer à l'argumentation de la société Eberhart et Fils étayée notamment par les pièces précitées, la société Décibel Informatique a produit une expertise privée ; que s'il n'est pas contestable que le rapport déposé par Monsieur Y... est un rapport d'expertise privée, qui n'a fait l'objet d'aucun débat contradictoire pendant les opérations d'expertise, qui a été établi plus de six ans après l'origine du litige, la Cour peut cependant retenir comme pertinentes les pièces que Monsieur Y... a mis en exergue dans son rapport et qui démontrent notamment que la société Décibel Informatique n'avait pas une obligation de résultat mais seulement une obligation de moyens et que la société Eberhart et Fils n'a pas respecté ses obligations notamment dans la partie qu'elle avait à sa charge à savoir la gestion du réseau Internet et de sa capacité et que malgré les mises en garde elle n'a pas mis en place une connexion Internet professionnelle ce qui a généré des blocages et des pannes ; qu'ainsi, la société Eberhart et Fils n'a pas opté pour un réseau Internet DSL avec un débit professionnel préconisé par Décibel Informatique ; qu'or, la qualité d'une interconnexion dépend de la capacité de la liaison Internet ADSL et de sa capacité de latence ; qu'un courriel de la société Eberhart et Fils daté du 30 mai 2008, (annexe 40), envoyé à Orange permet de constater que la société intimée a pris conscience des insuffisances de ses liaisons Internet qui l'empêchent d'exploiter normalement le logiciel en place, ces liaisons étant sous la responsabilité de la société Eberhart et Fils ; que la société Décibel Informatique avait par ailleurs imputé au réseau Internet les pannes constatées et le formulaire d'intervention clientèle du 12 Juin 2008, signé par le client, la société Eberhart et Fils démontre que cette société avait connaissance de l'origine du dysfonctionnement ; que l'annexe 35 du dossier de la société appelante, démontre que les anomalies signalées sont pour la plupart résolues et que seul reste des points qui n'interdisent pas l'utilisation des programmes ou qui en sont en voie de résolution ; que la société Décibel Informatique démontre ainsi que la cause de l'échec du projet est à rechercher dans l'insuffisance du réseau Internet en place, que cette insuffisance de liaison Internet à la charge de la société Eberhart était la cause des lenteurs, interruption des traitements et anomalies des données transférées, que les machines situées chez IBM ne sont pas en cause des dysfonctionnements et que l'ensemble des logiciels communicant avec ses machines n'ont pas bénéficié d'un délai raisonnable pour permettre la mise en place et qu'il était alors impossible d'obtenir un ensemble exempt d'anomalies six mois après ; qu'il convient de noter que la société Eberhart et Fils a convoqué la société Décibel Informatique à une réunion du 14 octobre 2008 alors que la société Eberhart et Fils avait déjà confié à la société Dsoft la reprise du logiciel, ce qui interroge sur la loyauté de la société Eberhart et Fils ; que dans ces conditions, la société Eberhart et Fils sera déboutée de l'intégralité de ses demandes comme non fondées » ;

ALORS 1/ QUE : si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; que, pour retenir que la société Décibel Informatique n'aurait été tenue que d'une obligation de moyens, et non de résultat, et que la société Eberhart et Fils aurait eu à sa charge l'obligation de gérer le réseau Internet, obligation qu'elle n'aurait pas respectée, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur le rapport de monsieur Y... dont elle avait constaté qu'il s'agissait d' « un rapport d'expertise privée, qui n'a fait l'objet d'aucun débat contradictoire pendant les opérations d'expertise, qui a été établi plus de six ans après l'origine du litige »; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE 2/ QUE le prestataire de service informatique professionnel est tenu envers ses clients profanes d'un devoir d'information et de conseil qui l'oblige à se renseigner préalablement sur leurs besoins et à les informer des contraintes techniques de l'installation proposée ; que le client à qui il incombe de se doter d'un accès adéquat au réseau Internet doit recevoir à cet effet, avant la mise en place du système informatique, une information circonstanciée et personnalisée ; qu'en retenant que la cause des dysfonctionnements tenait à une prétendue insuffisance de la connexion Internet imputable à la société Eberhart, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Décibel Informatique avait informé de manière précise et circonstanciée son contractant, lors de la mise en place de l'installation, de la nécessité de disposer d'une connexion à haute capacité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ;

ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE 3/ QUE : la société Eberhart produisait régulièrement aux débats (pièces n° 12 selon bordereau de communication de pièces) un courrier émanant de la société Décibel Informatique, en date du 24 octobre 2008, et dans lequel les dirigeants du prestataire informatique reconnaissaient expressément que les dysfonctionnements avaient perduré après qu'ils aient « concentré leurs efforts pour solutionner les problèmes liées à l'utilisation de Maestro dans l'environnement Internet » que les dysfonctionnements avaient perduré après qu'ils aient : »qu'ils en étaient arrivés à conclure : « nous ne comprenons pas » ; qu'en retenant pourtant que la société Décibel Informatique aurait « imputé au réseau Internet les pannes constatées » sans analyser, ni examiner, serait-ce sommairement, ce courrier, dont il résultait que la société Décibel Informatique, postérieurement à la rupture des relations contractuelles, n'avait toujours pas identifié la cause des dysfonctionnements, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 4/ QUE le créancier ne saurait être contraint d'accorder à son débiteur une prorogation du délai contractuel dans lequel il s'est engagé à exécuter ses obligations ; qu'après avoir constaté que la société Décibel Informatique s'était contractuellement engagée à ce que « le départ opérationnel » du système Maestro ait lieu le 1er octobre 2008 (arrêt, p. 3, dernier alinéa), la cour d'appel a retenu que « l'ensemble des logiciels communicant avec ses machines n'ont pas bénéficié d'un délai raisonnable pour permettre la mise en place et qu'il était impossible d'obtenir un ensemble exempt d'anomalies six mois après » ; qu'en statuant ainsi, quand la société Eberhart ne pouvait être contrainte d'accorder un « délai raisonnable » au débiteur qui, comme elle l'avait relevé, s'était contractuellement engagé à ce que le départ opérationnel du nouveau système informatique ait lieu le 1er octobre 2008, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS 5/ QUE pour débouter la société Eberhart de toutes ses demandes, la cour d'appel a retenu que le 14 octobre 2008 elle avait convoqué la société Décibel Informatique alors qu'elle avait confié à la société Dsoft la reprise du logiciel, « ce qui interroge sur la loyauté de la société Eberhart et Fils » ; qu'en statuant ainsi par un motif dubitatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Décibel informatique, demanderesse au pourvoi n° H 16-13.065

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Décibel Informatique de ses demandes en dommages et intérêts ;

Aux motifs que la SA Eberhart et Fils a pour objet social, d'une part, la vente de pierres naturelles, et, d'autre part, le négoce de matériaux de construction dont fait partie l'exploitation d'un magasin de bricolage sous l'enseigne « Catena » de 300 m² ; que, pour les besoins de ses activités, la SA Eberhart et Fils utilisait un logiciel de gestion couvrant la partie commerciale et la comptabilité dénommé « Chorus », et ce système était vieillissant, elle s'est trouvée dans l'obligation de rechercher un système parfaitement adapté à l'évolution de ses activités ; que c'est dans ces circonstances que la SA Eberhart et Fils est entrée en relation avec la SARL Décibel Informatique, spécialisée en la matière ; que la SARL Décibel Informatique a analysé les besoins de la SA Eberhart et Fils après avoir visité son site d'exploitation et lui avoir proposé un projet clef en mains dénommé « Maestro » correspondant à une solution informatique globale, avec un applicatif hébergé à l'extérieur (serveur partagé) installé chez IBM Montpellier ; que le système « Maestro », proposé par la SARL DECIBEL INFORMATIQUE, comprenait des modules fonctionnels de gestion commerciale dit « Mozart » et de comptabilité dit « Schubert », ainsi qu'en option complémentaire un progiciel de gestion des impressions dit « Litz » ; que c'est ainsi que la SA Eberhart et Fils a signé un bon de commande le 20 septembre 2007 pour un prix de 37.542,44 euros H.T. hors redevance mensuelle et hors comité de pilotage (1.190 euros HT par jour), non sans avoir procédé au recensement du matériel informatique de la SA Eberhart et Fils dont a toujours fait partie le magasin Catena le 6 septembre 2007 ; que le calendrier de mise en service du service informatique vendu par la SARL Décibel Informatique était le suivant : - un premier comité de pilotage avant la fin septembre 2007, - une reprise des données avant le 14 décembre 2007, - une simulation à partir du 15 janvier jusqu'au 8 février 2008, - la validation du système à partir du 15 février 2008, - la réalisation des formations à partir du 18 février 2008, - l'installation et la reprise finale pour le 28 février 2008, - le démarrage au 1er mars 2008, - la mise au point et divers réglages pour le 11 mars 2008, - les dates de mise en place des modules spécifiques devant être définies lors des réunions du comité de pilotage, notamment pour la mise en route d'un service en ligne, la mise en route la gestation de la logistique etc ..., - une installation finale pour répondre à la première phase pour le 30 avril 2008, - un démarrage de la suite du projet après cette date avec maîtrise des flux en réception et en expédition à l'aide du système Wagner, - un départ opérationnel pour le 1er octobre 2008 ; que plusieurs réunions du comité de pilotage ont eu lieu ; que les prestations de formation des salariés de la SA Eberhart et Fils destinés à devenir les tuteurs des autres salariés ont été réalisées en février 2008 ; que la SARL Décibel Informatique a fait installer la plate-forme « Maestro » dans les locaux d'IBM Montpellier ; que, le 28 avril 2008, soit près de 2 mois après le démarrage du système informatique, la SARL Décibel Informatique a envoyé à la SA Eberhart et Fils un courriel dont le contenu était le suivant : "Bonjour, Après la énième panne du site vendredi soir, nous avons décidé (Décibel) de provoquer une réunion avec IBM ce lundi matin (28/04/2008), afin de trouver une solution stable pour la société. On ne peut pas concevoir de poursuivre dans cette voie, mettant à l'épreuve les nerfs des employés et des patrons de la société Eberhart, ainsi que les nôtres dans la mesure où nous cherchons par tous moyens à vous fournir le service demandé. Le but de la réunion sera pour nous de mettre en avant les points sensibles qu'exigent un ERP en type SAAS en termes d'assistance et de maintenance des systèmes d'information, et pourquoi nous devons absolument trouver une solution durable pour vous (société Eberhart). Pierre X... sera présent dans vos locaux afin de poursuivre l'intégration des données Chorus en gestion commerciale et comptabilité. Sachez que notre but (Décibel Informatique) est que vous ayez un système d'information fonctionnel et performant. Cordialement » ; qu'un réunion a eu lieu le 5 mai 2008, conséquemment à ce courriel ; qu'à l'issue de cette réunion, la SA Décibel Informatique a elle-même établi un document intitulé : « Point sur situation informatique. Formalités : procès-verbal écrit, accord de toutes les parties. Listings des problèmes non résolus à ce jour sur tous les services » ; qu'il n'est pas contesté que ces documents énumèrent un nombre important de problèmes de fonctionnement du progiciel à résoudre par la SARL Décibel Informatique ; qu'une nouvelle liste des points non résolus a été établie par la SARL Décibel Informatique le 9 mai 2008, ces problèmes n'ayant toujours pas été résolus ; que la SA Eberhart et Fils a adressé deux courriers comminatoires à la SARL Décibel Informatique les 13 et 26 mai 2008 ; que, pour s'opposer à l'argumentation de la société Eberhart et Fils étayée notamment par les pièces précitées, la société Décibel Informatique a produit une expertise privée ; que, s'il n'est pas contestable que le rapport déposé par Monsieur Y... est un rapport d'expertise privée, qui n'a fait l'objet d'aucun débat contradictoire pendant les opérations d'expertise, qui a été établi plus de six ans après l'origine du litige, la Cour peut cependant retenir comme pertinentes les pièces que Monsieur Y... a mis en exergue dans son rapport et qui démontrent notamment que la société Décibel Informatique n'avait pas une obligation de résultat mais seulement une obligation de moyens et que la société Eberhart et Fils n'a pas respecté ses obligations notamment dans la partie qu'elle avait à sa charge à savoir la gestion du réseau Internet et de sa capacité et que malgré les mises en garde elle n'a pas mis en place une connexion Internet professionnelle ce qui a généré des blocages et des pannes ; qu'ainsi, la société Eberhart et Fils n'a pas opté pour un réseau Internet DSL avec un débit professionnel préonisé par Décibel Informatique ; qu'or, la qualité d'une interconnexion dépend de la capacité de la liaison Internet ADSL et de sa capacité de latence ; qu'un courriel de la société Eberhart et Fils daté du 30 mai 2008 (annexe 40), envoyé à Orange permet de constater que la société intimée a pris conscience des insuffisances de ses liaisons Internet qui l'empêchent d'exploiter normalement le logiciel en place, ces liaisons étant sous la responsabilité de la société Eberhart et Fils ; que la société Décibel Informatique avait par ailleurs imputé au réseau Internet les pannes constatées et le formulaire d'intervention clientèle du 12 juin 2008, signé par le client, la société Eberhart et Fils démontre que cette société avait connaissance de l'origine du dysfonctionnement ; que l'annexe 35 du dossier de la société appelante, démontre que les anomalies signalées sont pour la plupart résolues et que seul reste des points qui n'interdisent pas l'utilisation des programmes ou qui en sont en voie de résolution ; que la société Décibel Informatique démontre ainsi que la cause de l'échec du projet est à rechercher dans l'insuffisance du réseau Internet en place, que cette insuffisance de liaison Internet à la charge de la société Eberhart était la cause des lenteurs, interruption des traitements et anomalies des données transférées, que les machines situées chez IBM ne sont pas en cause des dysfonctionnements et que l'ensemble des logiciels communicant avec ses machines n'ont pas bénéficié d'un délai raisonnable pour permettre la mise en place et qu'il était alors impossible d'obtenir un ensemble exempt d'anomalies six mois après ; qu'il convient de noter que la société Eberhart et Fils a convoqué la société Décibel Informatique à une réunion du 14 octobre 2008 alors que la société Eberhart et Fils avait déjà confié à la société Dsoft la reprise du logiciel, ce qui interroge sur la loyauté de la société Eberhart et Fils ; que, dans ces conditions, la société Eberhart et Fils sera déboutée de l'intégralité de ses demandes comme non fondées ; que la société Décibel Informatique a présenté une demande en dommages et intérêts, détaillée en page 36 de ses conclusions ; que les montants réclamés correspondent principalement à des prestations qui n'auraient pas été réglées par la société Eberhart et Fils et qui ne correspondent pas à la réparation d'un préjudice causé par la faute de la société Eberhart et Fils ; que la société Décibel Informatique ne justifie pas en quoi les difficultés financières qu'elle a rencontrées sont directement liées à l'attitude de la société Eberhart et Fils ; que, dans ces conditions, la Cour n'accèdera pas à la demande en dommages et intérêts présentée par la société Décibel Informatique ; que, par ailleurs, elle ne justifie pas que la société Eberhart et Fils, a agi de mauvaise foi ou dans l'intention de lui nuire ; que la société Décibel Informatique sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Alors, de première part, que la rupture unilatérale d'un contrat, non justifiée par les fautes du cocontractant et provoquée par les fautes de celui qui a rompu le contrat, créé nécessairement un préjudice à ce cocontractant qui subit cette rupture ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice nécessairement causé à la société Décibel Informatique du fait de la rupture unilatérale du contrat qui la liait à la société Eberhart et Fils, rupture provoquée par le comportement fautif de cette société, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Alors, de deuxième part, que les juges du fond ne peuvent se prononcer par une simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que les sommes réclamées par la société Décibel Informatique au titre des « prestations qui n'auraient pas été réglées » par son cocontractant « ne correspondent pas à la réparation d'un préjudice causé par la faute de la société Eberhart et Fils » et que, pour ce qui concerne « les difficultés financières » rencontrées par la société Décibel Informatique, celle-ci « ne justifie pas en quoi » elles sont « directement liées à l'attitude de la société Eberhart et Fils » (arrêt, p. 6 § 5), pour rejeter la demande d'indemnisation des préjudices subis par la société Décibel Informatique du fait du comportement fautif de la société Eberhart et Fils ayant conduit à la résiliation de leur contrat, la Cour d'appel s'est prononcée par de simples affirmations assimilables à un défaut de motif, en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, que, tout au long de ses écritures d'appel, la société Décibel Informatique n'a eu de cesse de démontrer qu'à chaque étape de sa relation contractuelle, le comportement fautif de la société Eberhart et Fils l'avait contrainte à fournir des prestations complémentaires, à engager des frais non prévus et à réaliser des investissements nouveaux, qui ne lui ont jamais été payés, représentant une somme totale de 361.355 euros d'« investissements non acquittés » réalisés au seul profit de la société Eberhart et Fils (conclusions d'appel Décibel Informatique, p. 15 à 24) ; qu'en se bornant à affirmer que ces prestations « ne correspondent pas à la réparation d'un préjudice causé par la faute de la société Eberhart et Fils », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ces prestations non payées avaient été réalisées pour tenter de régler la situation contractuelle confuse créée par le comportement fautif de la société Eberhart et Fils, dont elle venait de constater la réalité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Alors, de quatrième part, que, dans ses écritures d'appel, la société Décibel Informatique démontrait que la somme de 200.000 euros au minimum qu'elle demandait pour l'indemnisation de son « préjudice économique et commercial » était justifiée par le fait que, durant des mois, elle avait mis au service de la société Eberhart et Fils et en pure perte – ou presque – l'ensemble de ses forces vives, à la fois humaines et matérielles (conclusions d'appel Décibel Informatique, p. 16, 18, 19, 20, 23, 35 et 36) ; qu'en se bornant à affirmer, abruptement, que la société Décibel Informatique « ne justifie pas » en quoi ses difficultés financières « sont directement liées à l'attitude de la société Eberhart et Fils », pour rejeter cette demande d'indemnisation, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Décibel Informatique avait investi toutes ses forces vives, humaines et matérielles, au service de la société Eberhart et Fils, dans le seul but de régler une situation qui résultait du comportement fautif de cette dernière, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-12168;16-13065
Date de la décision : 20/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 09 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 sep. 2017, pourvoi n°16-12168;16-13065


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12168
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