LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 mai 2016), qu'en 2005, la société civile immobilière Ferme de Nuchon (la SCI) a confié à la société Gilles Delfino (la société Delfino) la rénovation de sols et a accepté deux devis sur lesquels elle a versé un acompte de 235 122,60 euros à la commande ; qu'après la suspension des travaux en raison d'un différend entre le maître d'ouvrage et son architecte, la SCI a, en 2008, de nouveau fait appel à la société Delfino pour la fourniture et la pose de revêtements qui ont donné lieu à l'émission de factures d'un montant total de 176 017,99 euros imputées, par l'entreprise, sur l'acompte perçu ; que, ne pouvant récupérer le solde de l'acompte, la SCI a assigné en paiement la société Delfino qui, à titre reconventionnel, a sollicité le paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Delfino fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement et de rejeter ses demandes reconventionnelles ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Delfino avait décidé d'imputer les factures émises de 2008 à 2010 sur l'acompte qu'elle avait conservé depuis le 29 août 2005 et qu'elle ne contestait pas le solde en résultant, mais ne justifiait pas de prestations lui permettant de rester en possession de celui-ci, la cour d'appel a pu en déduire qu'après la suspension du marché de 2005, les parties avaient décidé de ne pas rompre leurs relations contractuelles mais, d'un commun accord, de les poursuivre dans le cadre d'un projet plus modeste, pour lequel les paiements devaient s'imputer sur la somme déjà versée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gilles Delfino aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gilles Delfino et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCI Ferme de Nuchon ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Gilles Delfino
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SARL Gilles Delfino à payer à la SCI Ferme de Nuchon la somme de 59.104,61 € outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2013 et de l'avoir déboutée de ses demandes reconventionnelles ;
AUX MOTIFS QU'alors qu'il résulte du courrier accompagnant le versement de l'acompte que la SCI Ferme de Nuchon a versé à la S.A.R.L. Gilles Delfino 40 % du marché de fournitures correspondant aux devis établis en juillet 2005, les travaux ont été suspendus dans l'attente d'élaboration de plans par un nouvel architecte. La SCI Ferme de Nuchon n'a cependant pas demandé restitution de l'acompte versé à la S.A.R.L. Gilles Delfino qui n'a jamais invoqué de rupture des relations contractuelles. Des travaux d'aménagement ont été réalisés postérieurement et tant les fournitures livrées par la S.A.R.L. Gilles Delfino que les prestations réalisées ont fait l'objet des factures suivantes : - N° 2008 du 31 mars 2008 : 4.316,36 €, - N° 2008-292 du 31 octobre 2008 : 7.472,37 €, - N° 2009-322 du 19 octobre 2009 2.786,70 €, - N° 2010-083 du 31 mars 2010 : 18.800,10 €, - N° 2010-099 du 19 avril 2010 : 18.418,67 €, - N° 2010-114 du 30 avril 2010 : 99.152,33 €, - N° 2010-177 du 30 juin 2010 : 30.083,48 €, - N° 2010-178 du 30 juin 2010 : 9.185,73 €, - N° 2010 du 30 septembre 2010 : 4.173,71 € : soit un total de 176.017,99 €. La S.A.R.L. Gilles Delfino n'a jamais demandé paiement de ces sommes à la SCI Ferme de Nuchon et elle indique aux termes de ses conclusions avoir accepté qu'elles s'imputent sur l'acompte versé le 29 août 2005. Alors que la SCI Ferme de Nuchon demandait paiement de la différence entre la somme de 235.122,60 € versée et celle de 176.017,99 € facturée, soit 59.104,61 €, la SARL Gilles Delfino n'a pas contesté le paiement par imputation ni le solde ainsi dégagé mais a soutenu que compte tenu des nombreuses heures de dessins et de déplacements nécessaires à l'examen des derniers dossiers dont certains n'avaient pas abouti, la somme de 59.104,61 € devait lui rester acquise, précisant qu'elle considérait ainsi que « les comptes étaient à jour ». Il est ainsi établi que pour la S.A.R.L. Gilles Delfino comme pour la SCI Ferme de Nuchon, les relations contractuelles n'étaient pas rompues et que d'un commun accord entre les parties, la S.A.R.L. Gilles Delfino a poursuivi ultérieurement sa prestation dans le cadre d'un projet plus modeste tout en ayant conservé depuis le 29 août 2005 l'acompte afférent au projet initial sur lequel les paiements futurs devaient s'imputer. L'évolution de la prestation ne peut donc s'analyser en une rupture des relations contractuelles imputables à la SCI Ferme de Nuchon. Le jugement sera infirmé sur ce point. Il en résulte que le point de départ du délai de prescription de l'action engagée par la SCI Ferme de Nuchon ne peut se situer au moment du versement de l'acompte mais au moment où la compensation entre les créances respectives faisait apparaître pour la SCI Ferme de Nuchon, un solde qu'elle estimait indu à la S.A.R.L. Gilles Delfino, soit à l'établissement de la facture du 30 septembre 2010 pour un montant de 4.173,71 € faisant apparaître une créance totale de 176.017,99 € au profit de la S.A.R.L. Gilles Delfino. La S.A.R.L. Gilles Delfino ayant été assignée en paiement le 19 juin 2014, la décision doit être confirmée en ce qu'elle a jugé que la prescription quinquennale soulevée par la S.A.R.L. Gilles Delfino n'était pas acquise. Par ailleurs, alors que la S.A.R.L. Gilles Delfino a facturé entre mars 2009 et septembre 2010 non seulement le prix de la marchandise fournie mais aussi des frais de pose, de transport, d'hébergement et de nourriture, des frais forfaitaires de prise de gabarit et d'exécution de plan, elle ne justifie pas du bien-fondé de sa demande en paiement de la somme de 59.104,61 € dont elle estime qu'elle doit lui rester acquise du fait des prestations fournies. Il convient donc, réformant le jugement déféré, de faire droit à la demande en paiement de la SCI Ferme de Nuchon sur la somme de 59.104,61 € désormais indue, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2013 et de débouter la S.A.R.L. Gilles Delfino de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts, y compris sur le fondement de l'action abusive ;
1) ALORS, D'UNE PART, QU'en se déterminant par la simple affirmation que « la SARL Gilles Delfino (…) a soutenu que compte tenu des nombreuses heures de dessins et de déplacements nécessaires à l'examen des derniers dossiers dont certains n'avaient pas abouti, la somme de 59.104,61 € devait lui rester acquise, précisant qu'elle considérait ainsi que « les comptes étaient à jour » » sans indiquer sur quels éléments de preuve produits aux débats, a fortiori non analysés, elle fondait cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le marché de fourniture et de travaux correspondant aux devis établis par la SARL Gilles Delfino en juillet 2005, au titre duquel la SCI Ferme de Nuchon a versé à celle-ci un acompte correspondant à 40 % du prix, a été suspendu dans l'attente d'élaboration de plans par un nouvel architecte, sans que la SCI Ferme de Nuchon ne demande la restitution de l'acompte ni que la SARL Gilles Delfino n'invoque la rupture des relations contractuelles ; que la cour d'appel a également constaté que pour la SARL Gilles Delfino comme pour la SCI Ferme de Nuchon les relations contractuelles n'étaient pas rompues ; qu'à cet égard, dans ses conclusions d'appel l'exposante soutenait que les factures émises postérieurement et payées par imputation sur l'acompte versé correspondaient à de nouvelles commandes qui ne se substituaient pas au marché de travaux initial provisoirement suspendu du fait de la SCI Ferme de Nuchon ; que dès lors, en affirmant que « d'un commun accord entre les parties, la SARL Gilles Delfino a poursuivi ultérieurement sa prestation dans le cadre d'un projet plus modeste », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations sur l'absence de résiliation du marché de travaux de 2005 au titre duquel l'acompte litigieux avait été versé, en violation l'ancien article 1134 du code civil, en l'espèce applicable ;
3) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE la charge de la preuve du paiement indu incombe au demandeur à la restitution ; qu'en l'espèce, il appartenait à la SCI Ferme de Nuchon, qui réclamait la restitution de la somme de 59.104,61 € versée à titre d'acompte sur le marché de fournitures et travaux des 21 juillet et 29 août 2005 de prouver que ledit marché ne pouvait plus être exécuté ou avait été résilié du fait de la SARL Gilles Delfino ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la SCI Ferme de Nuchon avait suspendu ce marché dans l'attente d'élaboration de plans par un nouvel architecte et qu'aucune rupture des relations contractuelles n'était intervenue ; que dès lors, en faisant droit à la demande de la SCI Ferme de Nuchon en restitution de la somme de 59.104,61 € versée à titre d'acompte à valoir sur la réalisation du marché de travaux conclu 2005, bien que celle-ci ne rapportait pas la preuve de la résiliation de ce marché du fait de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1376 du code civil ;
4) ALORS ENFIN QU'en déclarant que la SARL Gilles Delfino « ne justifie pas du bien fondé de sa demande en paiement de la somme de 59.104,61 € dont elle estime qu'elle doit lui rester acquise du fait des prestations fournies », quand la SARL Gilles Delfino ne formait pas cette demande dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.