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14/09/2017 | FRANCE | N°16-20439

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 septembre 2017, 16-20439


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mai 2016), que, le 1er juin 2007, la société GDC Invest (la société GDC), représentée par le gérant de la société Axone Partner, a vendu un bien immobilier à la société civile immobilière Alcantara (la SCI) moyennant un prix de 1 500 000 euros, payable à hauteur de 500 000 euros en la vue et la comptabilité du notaire

et de 717 600 euros par la prise en charge, par l'acquéreur, de deux factures du vendeur...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mai 2016), que, le 1er juin 2007, la société GDC Invest (la société GDC), représentée par le gérant de la société Axone Partner, a vendu un bien immobilier à la société civile immobilière Alcantara (la SCI) moyennant un prix de 1 500 000 euros, payable à hauteur de 500 000 euros en la vue et la comptabilité du notaire et de 717 600 euros par la prise en charge, par l'acquéreur, de deux factures du vendeur au profit des sociétés Finavia conseil et Axone Invest ; que, soutenant le caractère illicite de ce paiement, la société GDC a assigné la SCI et les sociétés Axone Partner, Axone Invest et Finavia conseil en paiement de la somme de 717 600 euros ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les prétentions de la société GDC fondées sur les articles 1235, 1376, 1382, 1650 et 1651 du code civil, l'arrêt retient que les actions fondées sur le défaut de paiement du prix, la responsabilité délictuelle et la répétition de l'indu ne tendent pas aux mêmes fins que l'action en nullité pour illicéité de la cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans son assignation, la société GDC sollicitait la condamnation de la SCI et des sociétés Finavia conseil, Axone Partner et Axone Invest au paiement de la somme de 717 600 euros et non la nullité du contrat de vente, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable les demandes en paiement fondées sur les dispositions des articles 1235, 1376, 1382,1650 et 1651 du code civil, l'arrêt rendu le 11 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;

Condamne in solidum la société civile immobilière Alcantara, les sociétés Axone Partner, Alcide Corporate, anciennement dénommée Finavia conseil, et la SCP BTSG en la personne de M. X..., prise en sa qualité de liquidateur de la société Axone Invest, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GDC Invest ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société GDC Invest

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les prétentions de la société GDC Invest fondées sur les articles 1650, 1651, 1382, 1235 et 1376 du code civil ;

AUX MOTIFS QU'il doit être rappelé que l'assignation introductive d'instance était fondée sur l'article 1131 du code civil ; qu'à cet égard les intimées font valoir que l'appelante développe d'autres prétentions puisqu'elle se fonde sur d'autres articles du code civil tels que précisés précédemment ; qu'elles estiment que les actions en responsabilité contractuelles ou délictuelles et en répétition de l'indu initiées pour la première fois en cause d'appel ne tendent pas aux même fins que l'action pour cause illicite de première instance ; que la société GDC Invest soutient que ses prétentions à hauteur d'appel tendent aux même fins que celles soumises au premier juge s'agissant d'obtenir le paiement de la somme de 717.600 € et que dans ces conditions, conformément à l'article 565 du code de procédure civile, elles ne sont pas nouvelles si elles tendent aux même fins, même si leur fondement juridique est différent ; que néanmoins, il doit être constaté qu'après avoir fondé ses prétentions sur l'article 1131 du code civil en excipant de l'illicéité de la cause ayant fondé le paiement d'une partie du prix de vente, l'appelante fait valoir des prétentions différentes en cause d'appel en invoquant les dispositions des articles 1650, 1651, 1382, 1235 et 1376 du code civil ; qu'en effet à l'encontre de la SCI Alcantara, elle soutient que celle-ci ne s'est pas libérée de la fraction du prix de vente de 717.600 € dont elle était redevable par la mise en oeuvre d'un prétendu transfert de dette et compensation subséquente ; que toutefois cette prétention ne tend pas même fins que celle initiée en première instance ; qu'elle ne peut donc être examinée à hauteur d'appel ; que s'agissant de la société Axone Partner, elle soutient que cette société a commis intentionnellement une faute d'une particulière gravité et séparable de ses fonctions de gérant ; que cette faute présenterait un lien de causalité certain, direct avec le préjudice subi et consistant dans le non-paiement d'une partie substantielle du prix de vente de l'immeuble ; que là encore, il s'agit d'une prétention nouvelle, totalement distincte de la première instance en ce qu'elle a pour objet d'engager la responsabilité délictuelle de cette personne morale, action nécessairement différente d'une demande d'annulation telle que formulée en première instance ; que cette prétention doit donc être également déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile ; qu'enfin concernant la société Alcide Corporate, anciennement dénommée Finavia Conseil et la société Axone Invest, elle fonde sa demande sur les articles 1235 et 1376 du code civil en soutenant que ces sociétés sont débitrices de paiements qui étaient parfaitement et objectivement indus ; que néanmoins, une action en répétition de l'indu ne tend pas aux même fins qu'une action en nullité fondée sur l'article 1131 du code civil ; qu'en effet, en première instance, il était réclamé une condamnation in solidum de ces sociétés au paiement de la somme de 717.600 € contrairement à la demande présentée à hauteur de cour ; qu'elles doivent donc être également déclarées irrecevables ;

1°) ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles en cause d'appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, la société GDC Invest faisait valoir que « toutes les prétentions développées à hauteur d'appel tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir obtenir le paiement de la somme litigieuse de 717.600 € » (concl., p. 10 § 5) ; qu'en se bornant à juger que la société GDC Invest avait, devant le tribunal de grande instance, « fondé ses prétentions sur l'article 1131 du code civil en excipant l'illicéité de la cause ayant fondé le paiement d'une partie de vente » (arrêt, p. 4 § 2), sans rechercher si, indépendamment du fondement juridique, elle avait demandé au premier juge le paiement de la somme de 717.600 € et si cette demande tendait ainsi aux mêmes fins que celles fondées sur les articles 1650, 1651, 1382, 1235 et 1376, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 565 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces de la procédure ; qu'en l'espèce, la société GDC Invest avait, par assignation introductive d'instance du 11 décembre 2012, demandé au juge de « condamner les défenderesses, in solidum, à payer 717.600,00 € » (pièce n° 4) ; qu'elle n'avait jamais demandé l'annulation du contrat ; qu'en relevant que « l'assignation introductive d'instance était fondée sur l'article 1131 du code civil » (arrêt, p. 3, in fine), en jugeant que l'action en responsabilité délictuelle était une action nécessairement différente d'une « demande d'annulation telle que formulée en première instance » (arrêt, p. 4 § 5) et que l'action en répétition de l'indu ne tendait « pas aux mêmes fins qu'une action en nullité » (arrêt, p. 4 § 7), tandis que la société GDC Invest avait demandé en première instance le paiement de la somme de 717.600 € et non l'annulation du contrat de vente, la cour d'appel a dénaturé l'assignation de la société GDC Invest du 11 décembre 2012, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les pièces de la procédure.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la société GDC Invest irrecevable ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il doit être constaté qu'après avoir fondé ses prétentions sur l'article 1131 du code civil en excipant de l'illicéité de la cause ayant fondé le paiement d'une partie du prix de vente, l'appelante fait valoir des prétentions différentes en cause d'appel en invoquant les dispositions des articles 1650, 1651, 1382, 1235 et 1376 du code civil (
) ; que pour le surplus, la vente immobilière, dont le paiement d'une partie du prix de vente est contesté, a été conclue par acte notarié du 1er juin 2007 ; que la demande fondée sur l'article 1131 du code civil est soumise au délai de prescription quinquennale stipulé à l'article 1304 du même code ; que cette prescription n'a pas été modifiée par la loi du 17 juin 2008 ; qu'ainsi les actions fondées sur l'article 1131 se prescrivent toujours par cinq ans en application de l'article 2224 ; qu'ainsi, en l'état d'un acte de vente du 1er juin 2007, la prescription était nécessairement acquise au 1er juin 2012 ; que les assignations délivrées le 11 décembre 2012 sont intervenues postérieurement à l'acquisition de la prescription ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'action intentée par la société GDC Invest ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE cette demande est fondée sur l'article 1131 du code civil et à ce titre est soumise au délai de prescription quinquennale prévu par l'article 1304 dudit code ; que l'acte de vente litigieux est daté du 1er juin 2007 et la société GDC Invest a saisi la présente juridiction par actes d'huissier du 11 décembre 2012, soit plus de cinq ans après la signature de l'acte ; que dans ces conditions, l'action de la société GDC Invest doit être déclarée irrecevable en raison de l'acquisition de la prescription ;

ALORS QUE antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'action en nullité fondée sur une cause illicite, qui est une action en nullité absolue, se prescrivait par 30 ans ; que depuis la loi du 17 juin 2008, cette action se prescrit par cinq ans ; que les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la demande de la société GDC Invest relative à la nullité du contrat de vente du 1er juin 2007 était fondée sur l'illicéité de la cause ; que la cour d'appel a jugé, pour déclarer que l'action introduite par la société GDC Invest le 11 décembre 2012 était prescrite depuis le 1er juin 2012, que la demande fondée sur l'article 1131 du code civil était soumise au délai de prescription quinquennale prévu à l'article 1304 du même code et que cette prescription n'a pas été modifiée par la loi du 17 juin 2008 ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'antérieurement à la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de l'action en nullité pour cause illicite était de 30 ans, de sorte que la prescription n'a été acquise que le 18 juin 2013, antérieurement à l'acquisition de la prescription sur le fondement de la loi antérieure, la cour d'appel a violé les articles 2262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, 2224 du code civil, ensemble l'article 26-II de la loi du 17 juin 2008.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-20439
Date de la décision : 14/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 11 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 sep. 2017, pourvoi n°16-20439


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.20439
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