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14/09/2017 | FRANCE | N°16-19116

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 septembre 2017, 16-19116


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2016), que, le 12 octobre 2007, Louise X... a vendu une maison à Mme Y...; qu'après l'apparition, en septembre 2011, de plusieurs fissures sur une façade, celle-ci a, après expertise, assigné la venderesse en indemnisation de ses préjudices ; que Mme Annie X..., M. Erick X... et M. Etienne X... (consorts X...) sont venus aux droits de Louise X... décédée en cours d'instance ;

Attendu qu

e les consorts X... font grief à l'arrêt de dire que l'immeuble était affecté d'...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2016), que, le 12 octobre 2007, Louise X... a vendu une maison à Mme Y...; qu'après l'apparition, en septembre 2011, de plusieurs fissures sur une façade, celle-ci a, après expertise, assigné la venderesse en indemnisation de ses préjudices ; que Mme Annie X..., M. Erick X... et M. Etienne X... (consorts X...) sont venus aux droits de Louise X... décédée en cours d'instance ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire que l'immeuble était affecté d'un vice caché et de les condamner au paiement de dommages et intérêts ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la maison était affectée d'un vice dont l'acquéreur ne pouvait se convaincre, relevé que la fissuration constatée en 1994 sous le porche avait été calfeutrée à l'aide d'un mastic et d'un raccord de peinture lors de travaux de ravalement et que la facture de ces travaux comportait la reprise des fissures et souverainement retenu que Louise X..., qui avait ainsi connaissance des fissures permettant de suspecter l'existence du vice affectant l'immeuble, avait commis une réticence dolosive en n'informant pas Mme Y... de leur existence, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes d'indemnisation de celle-ci devaient être accueillies ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour les consorts X....

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que lors de la vente du 12 octobre 2007, l'aile ouest de la maison acquise par Madame Y... était affectée d'un vice caché connu de feue Madame X..., et d'avoir condamné ses héritiers à lui verser différentes indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « (…) Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. L'article 1648 dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Ce n'est qu'à la suite de la réception du rapport d'expertise établi le 20 juin 2013, que Madame Y... a pu avoir connaissance de la cause des fissures apparues en 2011 et par conséquent du vice qu'elle allègue, à savoir l'inadaptation de la construction à son sous-sol géotechnique, mise en évidence par les investigations de Madame Z.... Madame Y... ayant assigné Madame A... le 14 mars 2014 et ayant de surcroît invoqué les dispositions de l'article 1641 du code civil dès ses conclusions d'appel notifiées à cette dernière le 19 décembre 2014, son action résultant des vices rédhibitoires est recevable. Après avoir constaté l'existence de fissures affectant exclusivement l'aile ouest construite en 1963 et fait réaliser une étude géotechnique par la société Ge-2e qui a effectué des fouilles ayant permis d'établir que cet ouvrage était fondé par l'intermédiaire de semelles filantes normalement dimensionnées mais basées sur une assise limono-argileuse très sensible aux variations d'humidité, l'expert conclut notamment en ces termes: «De fines fissures existaient très ponctuellement (porte d'entrée) avant la vente et avaient été traitées sans professionnalisme à l'époque de Madame A... : mastic + raccord de peinture. (...) nous pensons qu'à l'époque de la vente, compte tenu de l'âge des constructions (47 ans) et en l'absence d'autres fissures en façades et à l'intérieur du bâtiment, cette fissuration était peu interprétable et non représentative du problème révélé en 2011. (...) les travaux réalisés pour Madame Y... par Atelier 23 ou d'autres entreprises ne sont en rien à l'origine du déclenchement ou de l'aggravation du sinistre expertisé. L'origine des désordres est la contrainte excessive (jusqu'à rupture) appliquée en maçonnerie suite aux variations dimensionnelles du sol d'assise des fondations. La cause des désordres est sous conditions climatiques desséchantes la nature du sol et l'inadaptation des fondations existantes au sous-sol géotechnique. Le déclencheur du sinistre est selon nous le cumul de sécheresses antérieures et postérieures à la vente, notamment celles des années 2007/2009/ été 2010 et 2011, à l'origine de contraintes excessives dans le bâtiment ». L'expert, qui a relevé que les désordres avaient nécessité la mise en place d'étais dans une chambre, a estimé que le seul moyen d'y mettre fin consistait à reprendre les fondations en sous- oeuvre au moyen de micropieux. Il résulte de ce qui précède qu'avant la vente du 12 octobre 2007, la maison était affectée d'un vice dont l'acquéreur ne pouvait se convaincre et qui la rend impropre à sa destination. En cours d'expertise, Madame A... a communiqué à l'expert un devis d'un montant de 42.000 francs et une facture d'un montant de 30.764,84 francs respectivement établis le 2 septembre 1994 et le 19 avril 1995 par 1'entreprise Vezzuti pour des travaux de « ravalement des façades ». La différence entre le montant du devis et celui de la facture s'explique par le fait que Madame A... n'a pas fait réaliser certains travaux initialement prévus, mais la facture reprend bien les travaux dont le prix a été fixé à 2.800 francs HT et qui sont ainsi libellés dans le devis : « lavage à l'eau froide sous haute pression » « traitement fongicide des parties atteintes de mousses ou moisissure » « reprise des fissures (après tronçonnage) et des petits éclats de maçonnerie au mortier résine type Sika ou Lanko ». S'expliquant sur ce devis, l'experte écrit en page 35 de son rapport: « Sur site nous n'avons pas trouvé de rebouchage au mortier de résine. Nous avons trouvé un rebouchage au mastic lors du 1er accédit, ce mastic s'étant partiellement désagrégé entre le 1er et le 2ème accédit. Nous précisons que de toute façon, ce n'est pas un rebouchage au mortier de résine qui permet d'assurer la stabilité d'un bâtiment pendant 4 ans (de 2007 à 2011). C'est pourquoi nous pensons que les fissures apparues brutalement en 2011 ont pour origine un événement dissocié de celui ayant provoqué les fissures rebouchées en 1995 ». En page 16 de son rapport, Madame Z... explique en effet que l'ajout du bloc Ouest après réalisation du bloc Est a naturellement généré des tassements différentiels entre les deux blocs ainsi que des désordres au droit de la zone d'opposition, qu'elle pense donc que compte tenu de la nature du sol et de sa faible compacité, ces tassements sont apparus immédiatement puis se sont stabilisés rapidement et que les désordres associés ont été rapidement bouchés par le propriétaire de l'époque. Il n'en demeure pas moins qu'il résulte de ses explications figurant en page 26, que la fissuration qu'elle a constatée sous le porche, à proximité de la porte d'entrée, avait été calfeutrée à l'aide d'un mastic et d'un raccord de peinture, en sorte que son existence n'a pu être portée à la connaissance de Madame Y.... Les consorts X... ne sauraient par ailleurs soutenir que Louise A... n'a jamais connu l'existence de fissures alors que le devis du 2 septembre 1994 et la facture s'y rapportant concernent notamment des travaux de reprise de fissures. L'ensemble de ces éléments permettent de retenir que la venderesse avait connaissance de fissures permettant de suspecter l'existence du vice affectant sa maison et qu'elle a commis une réticence dolosive en n'informant pas Madame Y... de l'existence de ces fissures. Louise A... ayant été de mauvaise foi, la clause l'exonérant de la garantie des vices cachés contenue dans l'acte du 12 octobre 2007 n'est pas applicable et Madame Y... est fondée à obtenir la réparation intégrale des préjudices causés par le vice caché affectant sa maison. L'experte indique que les travaux de réalisation des micropieux et de reprise de l'existant devront avoir lieu sous le contrôle d'un maître d'oeuvre après une étude géotechnique et une étude Béton armé, ce qui apparaît justifié compte tenu de la technicité des travaux. Elle précise que la réalisation des micropieux nécessitera 2 mois de travaux pendant lesquels la maison sera habitable, les travaux se faisant par l'extérieur, et que les travaux de reprise à l'intérieur dureront deux mois et trois semaines pendant lesquels les lieux ne seront pas habitables et les meubles devront être enlevés. Elle ajoute que la valeur locative mensuelle de la maison de Madame Y... peut être fixée à 1.500 euros et que la chambre du fils de cette dernière est encombrée de nombreux étais mis en place pour un coût de 1.968,80 euros ainsi que cela résulte d'une facture émise le 31 décembre 2012 par l'entreprise Coren. Elle évalue :-le coût des travaux de reprise en sous-oeuvre par micropieux à la somme de 28.487,68 euros TTC,-le coût des travaux de reprise de l'existant (gros oeuvre et finitions) à la somme de 39.998,74 euros TTC, -le coût de l'étude géotechnique à la somme de 5.000 euros TTC, -le coût de l'étude béton armé à la somme de 3.000 euros TTC, -le coût de la maîtrise d'oeuvre à la somme de 5.500 euros TTC,-le coût du déménagement des meubles et les frais de garde-meubles à la somme de 2.202,45 euros TTC. En l'état de ce qui précède, la cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour condamner les consorts X... à payer à Madame Y... :-une indemnité de 81.986,42 euros à réévaluer en fonction de la variation de l'indice BT 01 entre le 26 juin 2013 et la date de la présente décision, au titre des travaux de reprise en sous oeuvre et de reprise de l'existant, la somme ainsi réévaluée portant intérêts au taux légal à compter de ce jour,-une indemnité de 2.202,45 euros au titre des frais de déménagement et de garde-meubles, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, -une indemnité de 1.968,80 euros au titre de frais d'étaiement, avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2012, -une indemnité de 15.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation du trouble de jouissance qu'elle a subi depuis l'apparition des désordres et qu'elle subira inévitablement pendant la réalisation des travaux de reprise. » ;

ALORS QUE 1°) il incombe à l'acquéreur, agissant en garantie des vices cachés, de prouver que le vendeur avait connaissance du vice allégué lors de la vente; qu'il ressortait des propres constatations de la Cour d'appel qu'aux termes de l'étude géotechnique à laquelle il avait été procédé, dans le cadre de l'expertise judiciaire, la maison d'habitation de feu Madame X... était « fondé(e) par l'intermédiaire de semelles filantes normalement dimensionnées mais basées sur une assise limono-argileuse très sensible aux variations d'humidité », et que l'acquéreur lui-même n'avait pu avoir connaissance du vice qu'après l'expertise (arrêt attaqué p. 5, § 1 et 3) ; qu'après avoir ainsi relevé le caractère particulièrement technique du vice excluant qu'il puisse être connu d'un simple profane, la Cour d'appel ne pouvait dès lors, sans se contredire, retenir que le vendeur aurait eu connaissance du vice affectant sa maison (arrêt attaqué p. 5, dernier §), pour lui dénier le droit de se prévaloir de la clause de non garantie des vices cachés ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1641 et suivants du Code civil ;

ALORS QUE 2°) il incombe à l'acquéreur, agissant en garantie des vices cachés, de prouver que le vendeur avait connaissance du vice allégué lors de la vente; que pour retenir que le vendeur aurait eu connaissance du vice affectant sa maison et lui dénier le droit de se prévaloir de la clause de non garantie des vices cachés, la Cour d'appel s'est fondée sur le fait qu'un mastic et un raccord de peinture avait été appliqué, lors d'uniques travaux de ravalement opérés en 1995, soit plus de 10 ans avant la vente litigieuse, sur une microfissure existante (arrêt attaqué p. 5, dernier §) ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire (p. 26) retenu par la Cour d'appel que « (…) cette fissuration était peu interprétable et non représentative du problème révélé en 2011 », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil ;

ALORS QUE 3°) il incombe à l'acquéreur, agissant en garantie des vices cachés, de prouver que le vendeur avait connaissance du vice allégué lors de la vente; que pour retenir que le vendeur aurait eu connaissance du vice affectant sa maison et lui dénier le droit de se prévaloir de la clause de non garantie des vices cachés, la Cour d'appel s'est fondée sur le fait qu'un mastic et un raccord de peinture avait été appliqué, lors d'uniques travaux de ravalement opérés en 1995, soit plus de 10 ans avant la vente litigieuse, sur une microfissuration existante (arrêt attaqué p. 5, dernier §) ; qu'en statuant ainsi sans avoir nul égard au fait relevé par l'expertise judiciaire (p. 26 du rapport), retenu par la Cour d'appel, selon lequel l'application de mastic et d'un raccord de peinture ne permettait pas d'habiller une fissure significative, de sorte que cette réparation sommaire démontrait précisément le peu d'importance de la fissure existante, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-19116
Date de la décision : 14/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 sep. 2017, pourvoi n°16-19116


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19116
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