LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 avril 2016), que,
par acte notarié du 14 septembre 1992, Rachel et Josepha X...ont consenti à leurs deux fils une donation portant sur diverses parcelles issues de la division d'un fonds unique ; que M. Roland X..., propriétaire de la parcelle cadastrée BB 85, a assigné MM. Arnaud et Laurent X..., ses neveux, propriétaires de la parcelle cadastrée BB 86, venant aux droits de leur père, en dénégation d'une servitude de passage par destination du père de famille sur son fonds ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 693 et 694 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient qu'au moment de la division du fonds en 1992, les chemins d'accès, visibles sur une photographie aérienne datant de juillet 1982, réalisés par l'auteur commun sur le fonds devenu BB 86 et débouchant sur la bande de terrain devenue le fonds BB 85, étaient apparents, ce dont il se déduit que les donateurs avaient entendu grever cette partie du fonds cadastré BB 85 d'une servitude permettant le passage vers le fonds cadastré BB 86 ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever l'existence, à la date de division du fonds, des signes apparents de servitude non contredits par l'acte de partage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de la disposition sur l'existence d'une servitude par destination du père de famille entraîne la cassation, par voie de conséquence, des dispositions financières qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à la démolition du mur empiétant sur la parcelle BB 86 et à l'arrachage et l'élagage des végétaux, l'arrêt rendu le 14 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne MM. Arnaud et Laurent X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. Arnaud et Laurent X...et les condamne à payer à M. Roland X...la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Roland X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Laurent et Arnaud X...bénéficient d'une servitude de passage par destination du père de famille sur leur fonds cadastré section BB n° 86 et grevant le fonds cadastré section BB n° 85 appartenant à Roland X...; d'avoir enjoint Roland X...de remettre à Laurent et Arnaud X...un double des clés du portail séparant la voie publique RD 24 du fonds BB 85 dans les 8 jours suivant la signification de l'arrêt sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ; d'avoir condamné M. X...à pratiquer dans son mur de clôture les ouvertures permettant d'accéder commodément à l'entrée principale de la maison ainsi qu'au garage situé à l'arrière de l'immeuble pour des véhicules dont le gabarit doit être compatible avec la largeur maximale du passage autorisé par le portail donnant sur la voie publique, et ce, dans les trois mois suivants la signification de l'arrêt et sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ; d'avoir ordonné la publication de l'arrêt à la conservation des hypothèques aux frais de M. X...et de l'avoir condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui incluent les frais de l'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE les parcelles BB 85 (anciennement 884) et BB 86 (anciennement 886) sont issues de la division en 1992 d'un plus grand fonds cadastré B n° 500 ; que lors du partage du 14 septembre 1992, Rolland X...s'est vu attribuer la parcelle BB 85 et son frère Alexis, au droit duquel viennent désormais ses fils, a été gratifié de la parcelle BB 86 sur laquelle les donateurs avaient édifié une maison d'habitation entre 1977 et 1981 ; qu'il n'est pas démontré que la configuration de ces parcelles aurait été modifiée depuis la date de ce partage puisqu'aucune des parties ne prouve, malgré le renvoi ordonné par la cour, que le passage litigieux aurait été initialement inclus dans le fonds BB 86 et qu'il aurait été donné ensuite à Roland X...par ses neveux en 1996 après le décès d'Alexis ; que sur la photographie aérienne de juillet 1982 annexée au rapport amiable dressé par Dominique Y..., expert près la cour d'appel de Nîmes, il est visible que les chemins d'accès à l'entrée principale de la maison et au garage situé à l'arrière de l'immeuble débouchent tous les deux sur la bande de terrain litigieuse faisant partie du fonds BB 86 donné à Roland X...; que l'aménagement de ces accès en direction du passage litigieux, visibles en 1982, sont restés inchangés jusqu'à ce que Roland X...décide de la construction d'un mur ainsi qu'en témoignent les photographies annexées au procès-verbal de constat d'huissier du 4 mars 2008 où l'on voit que les ouvertures faites dans la clôture séparative pour accéder à la maison et au garage situés sur le fonds BB 86 débouchent sur la bande de terrain BB 85 appartenant à Roland X...; qu'au moment de la division des fonds en 1992 ; les chemins d'accès réalisés par l'auteur commun sur le fonds devenu BB 86 et débouchant sur la bande de terrain devenue le fonds BB 85, étaient apparents, ce dont il se déduit que les donateurs ont entendu grever cette partie du fonds BB 85 d'une servitude permettant le passage vers le fonds BB 86 ; que l'acte de partage ne contenant aucune mention contraire à l'existence de cette servitude par destination du père de famille, celle-ci doit produire tous ses effets ; que si le propriétaire d'un fonds servant a le droit de se clore, il ne doit cependant pas rendre l'exercice de la servitude moins commode, et Roland X...sera enjoint de remettre à Laurent et Arnaud X...un double des clés du portail séparant la voie publique RD 24 du fonds BB 85 dans les 8 jours suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ; pratiquer dans son mur de clôture les ouvertures permettant d'accéder commodément à l'entrée principale de la maison ainsi qu'au garage situé à l'arrière de l'immeuble pour des véhicules dont le gabarit doit être compatible avec la largeur maximale du passage autorisé par le portail donnant sur la voie publique et ce, dans les trois mois suivants la signification du présent arrêt et sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ;
ALORS QUE la servitude par destination du père de famille suppose une volonté non équivoque de son auteur ; qu'ayant constaté que le fonds se revendiquant comme dominant n'était pas enclavé, de sorte que si un chemin existait au jour du partage des fonds, il n'avait pas été aménagé avant la division pour constituer une servitude, ce que confirmait le fait que le donateur-partageant avait déclaré à l'acte ne pas en avoir constitué, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une servitude par destination du père de famille, a violé les articles 692 et 693 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Roland X...à payer à Laurent et Arnaud X...pris ensemble la somme de 1 000 € par mois à compter du 15 juin 2009 et jusqu'à la date à laquelle les passages seront devenus conformes aux prescriptions de l'arrêt ; 5 000 € pour le préjudice né de l'impossibilité d'avoir pu faire procéder aux travaux d'entretien ; et 3 000 € pour leur préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE, Sur la perte locative, les consorts X...demandent à la cour de condamner Roland X...à leur payer la somme de 1 000 € par mois à compter du 10 juin 2009 au titre de leur perte locative ; qu'ils justifient d'un bail daté du 10 juin 2009 et d'une attestation de la locataire datée du 27 juin 2009 indiquant qu'elle a dû renoncer à louer la maison en raison de la présence du mur en empêchant l'accès ; qu'il résulte du constat d'huissier du 25 juin 2009 que Roland X...avait fait réaliser la fondation de son mur et débuté la phase de montage à cette date ; qu'entre le 25 juin 2009 et le 27 juin 2009, le mur a été achevé et qu'il ne comportait aucune ouverture permettant l'accès vers le fonds BB 86 ; que même si Laurent X...n'a pas fait état de ce préjudice locatif lors de sa plainte à la gendarmerie le 27 juin 2009, alors qu'il en était nécessairement informé, la locataire ayant rédigé son attestation en bonne et due forme dès le 27 juin 2009, la cour n'a aucune raison de remettre en question la sincérité de ces pièces et le préjudice locatif est établi ; que Roland X...sera condamné à payer aux consorts X...la somme de 1 000 € par mois à compter du 15 juin 2009 et jusqu'à la date à laquelle les passages seront devenus conformes aux prescriptions du présent arrêt ; que, Sur le préjudice lié à l'impossibilité de faire exécuter des travaux, par ailleurs, les consorts X...justifient d'un préjudice né de l'impossibilité d'avoir pu faire réaliser divers travaux d'entretien nécessaires sur la maison ainsi que cela ressort des attestations émanant d'entrepreneurs mandatés tant par les propriétaires que par leur compagnie d'assurance ; que ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité complémentaire de 5 000 € ; que, Sur le préjudice moral, les consorts X..., qui ont dû intenter diverses actions judiciaires en référé, devant le juge de l'exécution et au fond pour voir reconnaître leurs droits, et qui ont dû supporter toutes les tracasseries inhérentes à ce type de procédure, justifient d'un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 000 € ;
ALORS QUE l'annulation du chef du dispositif reconnaissant à MM. Laurent et Arnaud X...le bénéfice d'une servitude de passage sur leur fonds, entraînera en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des condamnations indemnitaires subséquentes.