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07/09/2017 | FRANCE | N°16-16847

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 septembre 2017, 16-16847


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Crédit lyonnais (la banque) ayant interjeté appel le 27 août 2015 du jugement d'orientation rendu dans la procédure de saisie immobilière qu'elle avait engagée à l'encontre de M. et Mme Y..., l'appel a été déclaré irrecevable par un arrêt d'une cour d'appel du 8 déce

mbre 2015 ; que la banque a de nouveau interjeté appel par déclaration du 6 janvier 20...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Crédit lyonnais (la banque) ayant interjeté appel le 27 août 2015 du jugement d'orientation rendu dans la procédure de saisie immobilière qu'elle avait engagée à l'encontre de M. et Mme Y..., l'appel a été déclaré irrecevable par un arrêt d'une cour d'appel du 8 décembre 2015 ; que la banque a de nouveau interjeté appel par déclaration du 6 janvier 2016 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel formé par la banque, l'arrêt, après avoir retenu que l'absence ou la nullité de la signification d'un jugement n'empêche pas l'une des parties de diligenter un appel puis relevé que la banque a interjeté un premier appel par déclaration du 27 août 2015, ce qu'elle était en droit de faire compte tenu de la nullité de la signification et du fait que le délai d'appel n'avait pas couru, que la cour d'appel, saisie de ce premier recours, n'avait pas déclaré l'appel irrecevable pour non-respect du délai d'appel mais pour non-respect de la procédure à jour fixe, en a déduit que la nullité du premier acte de signification, celle-ci n'étant pas une condition préalable de l'appel, ne saurait justifier la possibilité de diligenter plusieurs appels successifs alors qu'il appartenait à l'appelant qui en avait la responsabilité de respecter la procédure à jour fixe et alors que l'arrêt du 8 décembre 2015 ayant prononcé l'irrecevabilité de l'appel avait autorité de chose jugée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 8 décembre 2015 avait déclaré l'appel irrecevable, au visa de l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, à défaut de dépôt dans le délai de huit jours d'une requête pour procéder à jour fixe, de sorte que la chose ainsi jugée par cette décision d'irrecevabilité ne faisait pas obstacle à un nouvel appel se conformant à ce formalisme et interjeté dans le délai légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Crédit lyonnais

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'appel formé le 6 janvier 2016 par le Crédit Lyonnais à l'encontre du jugement rendu le 22 juillet 2015 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne ;

AUX MOTIFS QUE les intimés soutenaient que le Crédit Lyonnais avait déjà formé le 27 août 2015 un précédent appel du jugement entrepris, non suivi d'une requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe dans les 8 jours de la déclaration d'appel ; que la cour d'appel de Reims l'avait déclaré irrecevable en son appel par arrêt en date du 8 décembre 2015 pour non respect de la procédure à jour fixe ; que le Crédit Lyonnais rétorquait que la signification du jugement faite le 7 août 2015 était irrégulière car il y avait une erreur dans la mention du délai d'appel ; que par conséquent, ce délai n'avait pas couru ; que le jugement lui avait été signifié à nouveau le 24 décembre 2015 et qu'il en avait régulièrement fait appel au moyen de la procédure à jour fixe ; que toutefois, l'appelant ne produisait pas l'acte de signification du 24 décembre 2015 dont il faisait état dans ses écritures ; que dans son arrêt rendu le 8 décembre 2015, la cour d'appel de Reims avait, notamment : « Vu l'article 322-9 du code de procédure civile, déclaré irrecevable l'appel du 22 juillet 2015 interjeté par la Sa Lcl le 27 août 2015 sans dépôt dans les 8 jours d'une requête à jour fixe, constaté que, du fait de l'irrégularité affectant la signification en date du 7 août 2015 dudit jugement, le délai n'[avait] pas couru » ; que la signification du 7 août 2015 mentionnait que le délai d'appel était d'un mois au lieu de 15 jours ; que l'erreur susvisée entraînait la nullité de la signification et avait eu pour effet de ne pas faire courir le délai d'appel comme l'avait constaté la cour ; qu'aux termes de l'article 527 du code de procédure civile, le délai à l'expiration duquel un recours ne pouvait plus être exercé courait à compter de la notification du jugement ; que ce texte n'interdisait pas de faire appel avant la signification du jugement mais fixait seulement le délai limite dans lequel le recours pouvait être exercé ; qu'en conséquence, l'absence ou la nullité de signification d'un jugement n'empêchait pas l'une des parties de diligenter un appel ; qu'en l'espèce, la banque avait effectivement exercé un recours, par déclaration du 27 août 2015, ce qu'elle était en droit de faire compte tenu de la nullité de la signification et du fait que les délais n'avaient pas couru ; que la cour, saisie du recours, n'avait pas déclaré l'appel irrecevable pour non respect du délai d'appel mais pour non respect de la procédure à jour fixe ; que la nullité de l'acte de signification, qui n'était pas une condition préalable de l'appel, ne saurait justifier la possibilité de diligenter plusieurs appels successifs alors que le premier avait été déclaré irrecevable par la cour ; qu'il appartenait à l'appelant, qui en avait la responsabilité, de respecter la procédure à jour fixe ; que l'arrêt ayant prononcé l'irrecevabilité de l'appel avait autorité de la chose jugée ; que par conséquent, l'appel diligenté par l'appelant du jugement rendu le 22 juillet 2015 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne par déclaration du 6 janvier 2016 serait déclaré irrecevable (arrêt, p. 3 et 4) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'absence de mention ou la mention erronée, dans l'acte de notification d'un jugement, de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités ne fait pas courir le délai de recours ; qu'il suit de là que l'appel formé selon une modalité irrégulière, en l'état d'une notification erronée, laisse subsister au profit de l'appelant le droit de former à nouveau un recours contre le jugement, quelle que soit la mention erronée de la notification et peu important même que l'irrecevabilité de ce premier appel ait été prononcée par une décision juridictionnelle, laquelle doit être regardée comme dépourvue d'autorité de la chose jugée à cet égard ; qu'en retenant néanmoins que le précédent arrêt ayant prononcé l'irrecevabilité du premier appel formé par la banque contre le jugement du juge de l'exécution avait autorité de chose jugée et rendait en conséquence également irrecevable le second appel interjeté contre le même jugement, cependant qu'il était expressément constaté que ce précédent arrêt avait, d'une part, dit le premier appel irrecevable pour n'avoir pas été suivi dans les huit jours du dépôt d'une requête à jour fixe, d'autre part, constaté que le délai d'appel n'avait pas couru du fait de l'irrégularité affectant la signification du jugement délivrée à la banque par ses adversaires le 7 août 2015, ce dont il résultait que cet arrêt n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée du chef de l'irrecevabilité de l'appel formé selon une modalité irrégulière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 480, 680 et 693 du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'à tout le moins, la décision juridictionnelle prononçant l'irrecevabilité d'un premier appel du fait de l'absence d'exercice de la voie de recours selon une modalité prescrite par la loi, est dépourvue d'autorité de la chose jugée de ce chef lorsqu'elle constate que la notification du jugement frappé d'appel était irrégulière pour ne pas comporter la mention exacte de la modalité concernée ; que pour s'opposer à la fin de non-recevoir soulevée par les époux Y... à l'encontre de son second appel, le Crédit Lyonnais avait invité la cour d'appel (conclusions notifiées le 5 février 2016, p. 10, in fine) à se reporter au précédent arrêt rendu le 8 décembre 2015, qui avait notamment constaté que, du fait de l'irrégularité affectant la signification en date du août 2015 du jugement dont appel, le délai d'appel n'avait pas couru ; qu'en se bornant à citer le dispositif de ce précédent arrêt rendu le 8 décembre 2015 ayant notamment « constaté que, du fait de l'irrégularité affectant la signification en date du 7 août 2015 dudit jugement [rendu le 22 juillet 2015], le délai d'appel n'a[vait] pas couru », sans rechercher si l'irrégularité ainsi visée sans autre précision par ledit dispositif ne devait pas être comprise, à la lumière des motifs du même arrêt, comme désignant à la fois une erreur dans la mention du délai de l'appel et une erreur dans la mention des modalités du recours, et s'il n'en résultait pas que l'arrêt rendu le 8 décembre 2015 était dépourvu d'autorité de la chose jugée du chef de l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 480, 680 et 693 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU ET SUBSIDIAIREMENT, QUE l'arrêt rendu le 8 décembre 2015 par la cour d'appel de Reims, sur le premier appel interjeté par le Crédit Lyonnais contre le jugement rendu le 22 juillet 2015 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, comportait le dispositif suivant : « Vu l'article R. 322-19 du code de procédure civile [sic, lire : code des procédures civiles d'exécution], déclare irrecevable l'appel du jugement du 22 juillet 2015 interjeté par la société Le Crédit Lyonnais le 27 août 2015 sans dépôt dans les huit jours d'une requête pour procéder à jour fixe, / Constate que, du fait de l'irrégularité affectant la signification en date du 7 août 2015 dudit jugement, le délai d'appel n'a pas couru » ; qu'à le supposer revêtu de l'autorité de la chose jugée, l'arrêt rendu le 8 décembre 2015 devait l'être en l'ensemble de ses dispositions, en particulier celle constatant que, du fait de l'irrégularité affectant la signification du jugement faite le 7 août 2015, le délai d'appel n'avait pas couru, donc constatant la subsistance, au profit du Crédit Lyonnais, du droit d'interjeter à nouveau appel du même jugement ; qu'en retenant néanmoins que l'autorité de chose jugée de cet arrêt interdisait au Crédit Lyonnais d'interjeter plusieurs appels successifs, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, 1355 du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et applicable à compter du 1er octobre 2016, et 480 du code de procédure civile ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU ET TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE «l'irrégularité affectant la signification en date du 7 août 2015 », visée au dispositif de l'arrêt rendu le 8 décembre 2015 et non autrement précisée, ne pouvait être comprise qu'à la lumière des motifs suivants du même arrêt : «La signification du jugement auprès de la société Le Crédit Lyonnais a été délivrée le 7 août 2015 par un acte qui mentionne un délai d'appel d'un mois par déclaration au greffe de la cour d'appel de Reims avec constitution d'avocat. Ledit acte est erroné quant au délai d'appel, que l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution fixe à quinze jours et non un mois, et quant aux modalités de l'appel, puisque les dispositions de l'article R. 322-19 imposant une procédure à jour fixe ne sont pas rappelées. Selon l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'appel dans le cas où cette voie de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé. Il est constant que l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours. Le jugement du 22 juillet 2015 n'ayant pas été notifié par une notification régulière le 7 août 2015, le délai d'appel n'a pas couru, ainsi que le fait valoir la société Le Crédit Lyonnais » ; qu'à le supposer revêtu de l'autorité de la chose jugée du chef de la recevabilité de l'appel, l'arrêt rendu le 8 décembre 2015 devait donc être regardé comme ayant tranché ce point en considération d'une signification comportant une mention erronée, non seulement du délai de l'appel, mais aussi de ses modalités, donc comme ne tranchant pas la recevabilité d'un nouvel appel interjeté au vu d'une nouvelle notification comportant une mention exacte du délai et des modalités du recours ; qu'en retenant néanmoins que l'autorité de chose jugée de cet arrêt interdisait au Crédit Lyonnais tout nouvel appel du même jugement, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, 1355 du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et applicable à compter du 1er octobre 2016, et 480 du code de procédure civile ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE par le renvoi exprès fait par ses écritures susmentionnées aux termes de l'arrêt rendu le 8 décembre 2015, le Crédit Lyonnais se prévalait de la double irrégularité de la première signification du jugement de première instance, du fait de ses mentions erronées concernant tant le délai de l'appel que les modalités de cette voie de recours ; qu'en retenant néanmoins que la banque aurait seulement objecté à ses adversaires « que la signification du jugement entrepris faite le 7 août 2015 était irrégulière car il y avait une erreur dans la mention du délai d'appel », la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-16847
Date de la décision : 07/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHOSE JUGEE - Décision dont l'autorité est invoquée - Décision sur la recevabilité - Appel déclaré irrecevable à l'encontre d'un jugement d'orientation pour défaut de respect de la procédure à jour fixe - Portée

APPEL CIVIL - Recevabilité - Décision d'irrecevabilité - Appel à l'encontre d'un jugement d'orientation pour défaut de respect de la procédure à jour fixe - Second appel se conformant au formalisme exigé - Portée

Lorsqu'un premier arrêt a déclaré irrecevable, au visa de l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, un appel interjeté à l'encontre d'un jugement d'orientation rendu par un juge de l'exécution à défaut de dépôt dans le délai de huit jours d'une requête pour procéder à jour fixe, la chose ainsi jugée par cette décision ne fait pas obstacle à ce qu'un nouvel appel se conformant à ce formalisme soit interjeté dans le délai légal. Viole en conséquence les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil la cour d'appel qui déclare irrecevable le second appel interjeté contre le jugement d'orientation, alors qu'elle avait relevé que la signification dudit jugement était nulle


Références :

article 480 du code de procédure civile

article 1351, devenu 1355, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 08 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 sep. 2017, pourvoi n°16-16847, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.16847
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