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12/07/2017 | FRANCE | N°16-11963

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juillet 2017, 16-11963


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 15 octobre 2015), que le 8 septembre 2008, la société Natixis Lease a donné en crédit-bail à la société Stephid des machines professionnelles de conditionnement de parfum pour une durée de cinq ans ; que le 10 septembre 2008, la société Stephid a loué ces machines à la société Sobaudes pour une durée d'un an renouvelable d'année en année par tacite reconduction ; que la société Stephid a été mise en redressement judiciaire le 7 juin 2010 ; qu

e son plan de redressement a été arrêté pour une durée de dix ans par un juge...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 15 octobre 2015), que le 8 septembre 2008, la société Natixis Lease a donné en crédit-bail à la société Stephid des machines professionnelles de conditionnement de parfum pour une durée de cinq ans ; que le 10 septembre 2008, la société Stephid a loué ces machines à la société Sobaudes pour une durée d'un an renouvelable d'année en année par tacite reconduction ; que la société Stephid a été mise en redressement judiciaire le 7 juin 2010 ; que son plan de redressement a été arrêté pour une durée de dix ans par un jugement du 19 septembre 2011 qui a prononcé « conformément à l'article L. 626-14 du code de commerce l'inaliénabilité des biens de la société Stephid et ce pour toute la durée du plan » ; que le 1er octobre 2011, les sociétés Stephid et Sobaudes ont signé un avenant au contrat du 10 septembre 2008 stipulant que le contrat de location en vigueur était conclu jusqu'au 30 novembre 2013 inclus et que le propriétaire vendrait alors le matériel au locataire pour une valeur résiduelle de 4 900 euros HT ; que la société Natixis a, par facture du 6 septembre 2013, transmis la propriété des matériels à la société Stephid ; qu'en novembre 2013, un litige est né entre la société Sobaudes et la société Stephid, la première souhaitant acquérir les machines comme stipulé à l'avenant et la seconde demandant la poursuite de la location aux conditions initiales, en raison de la nullité de l'avenant ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Stephid fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'annulation de l'avenant, de paiement des loyers et de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la société Stephid faisait notamment valoir que par un jugement du 19 septembre 2011, le tribunal de commerce d'Evry avait arrêté un plan de continuation à son profit, en prononçant notamment, dans les termes les plus généraux, « l'inaliénabilité des biens de la SAS Stephid, et ce pour toute la durée du plan » ; qu'en l'absence d'exclusion des machines litigieuses, ces dernières étaient nécessairement soumises à cette disposition du jugement susvisé ; que toute décision judiciaire contraire viendrait à remettre en cause l'autorité de la chose jugée attachée audit jugement ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la décision d'un tribunal de déclarer inaliénable les biens d'un débiteur, durant toute la durée d'un plan de continuation, concerne non seulement les biens dont le débiteur est déjà propriétaire à la date de ce jugement, mais aussi les biens en crédit-bail, dont il a vocation à devenir propriétaire ; qu'en considérant que, malgré le jugement du 19 septembre 2011 du tribunal de commerce d'Evry ayant arrêté un plan de continuation de dix ans et prononcé « l'inaliénabilité des biens de la SAS Stephid, et ce pour toute la durée du plan », la société Stephid aurait pu, dès le 1er octobre 2011, prévoir de vendre des machines qu'elle avait en crédit-bail et dont elle allait devenir propriétaire, le 6 septembre 2013, au cours de l'exécution du plan, la cour d'appel a violé l'article L. 626-14 du code de commerce ;

3°/ que l'inventaire des éléments d'actif de la société Stephid, établi au moment de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son égard, mentionnait notamment les biens litigieux en crédit-bail, en les distinguant des biens « appartenant à des tiers » ; qu'en considérant que les biens en crédit-bail ne figuraient pas dans l'inventaire du patrimoine établi au début de la procédure collective, la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

4°/ qu' est nulle la vente de machines constituant un élément d'un fonds de commerce déclaré inaliénable en application de l'article L. 626-14 du code de commerce ; que la société Stephid faisait notamment valoir que, par jugement du 19 septembre 2011, le tribunal de commerce d'Evry avait arrêté un plan de continuation à son profit, en prononçant notamment « l'inaliénabilité des biens de la SAS Stephid et ce pour toute la durée du plan » ; que le commissaire à l'exécution du plan avait notamment mentionné aux registres publics l'inaliénabilité de l'ensemble du fonds de commerce de la société Stephid, « incluant nécessairement les machines objet du présent litige » ; qu'en refusant d'annuler la vente litigieuse, sans rechercher si le fonds de commerce de la société Stephid était un bien inaliénable et si les machines vendues constituaient un élément de ce fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 626-14 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé, par motifs propres, qu'à la date de l'arrêté du plan le 19 septembre 2011, la société Stephid était locataire des machines dont elle n'a acquis la propriété que le 6 septembre 2013 par la levée de l'option du crédit-bail, l'arrêt retient exactement, en écartant les conclusions invoquées par la première branche, que ces biens, qui ne faisaient pas partie du patrimoine de la société débitrice au jour du jugement arrêtant le plan, ne pouvaient être soumis à la mesure d'inaliénabilité prononcée par le tribunal, laquelle ne visait que les biens de la société Stephid ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt, qui n'a pas dit que les biens objets du crédit-bail ne figuraient pas dans l'inventaire établi après l'ouverture de la procédure collective, mais a jugé qu'ils n'étaient pas entrés dans le patrimoine de la débitrice, n'a pas dénaturé le dit inventaire ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que deux jours après la conclusion du crédit-bail, la société Stephid avait donné en location les machines qui en étaient l'objet à la société Sobaudes qui les détenait depuis lors, ce qui excluait qu'elles puissent constituer un élément du fonds de commerce de la société Stephid, la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la quatrième branche, que ses constatations rendaient inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Stephid fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'avenant daté du 1er octobre 2011 à la convention de location de matériel du 10 septembre 2008 précisait que la société Stephid était « ci-après dénommée le propriétaire » ; que cet avenant modifiait l'article 5 de la convention de location dans les termes suivants : « le contrat de location en vigueur pour les matériels désignés à l'annexe jointe au présent contrat est conclu jusqu'au 30 novembre 2013 inclus. Le propriétaire vendra alors le matériel au locataire pour une valeur résiduelle de 4 900 euros HT » ; qu'en estimant que cette clause ne pouvait être considérée comme entachée d'une condition potestative, « la condition posée étant à la charge du « propriétaire » des biens et non uniquement de la société appelante (Stephid) », quand le « propriétaire » concerné était clairement, précisément et uniquement la société Stephid, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'avenant susvisé, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la société Stephid, qui avait levé l'option d'achat du crédit-bail et était devenue propriétaire des machines lorsque le contrat de location est parvenu au terme fixé par l'avenant, ne pouvait se soustraire à l'obligation par elle souscrite de vendre le matériel à la société Sobaudes à l'issue du contrat de location ; que le grief de dénaturation fait à l'arrêt est dès lors sans portée et ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Stephid aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Stéphid

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société STEPHID de ses demandes en nullité de l'avenant litigieux du 1er octobre 2011, en paiement de loyers et en réparation,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « (…) il ressort des pièces versées aux débats que la SAS STEPHID était elle-même locataire des machines et outillages en cause dans le cadre d'une convention de location avec option d'achat conclue avec la société NATIXIS le 8 septembre 2008, matériels qu'elle a loué à son tour à la SAS SOBAUDES selon contrat du 10 septembre 2008 pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction ; le redressement judiciaire de la SAS STEPHID a été prononcé le 7 juin 2010 et à la date d'arrêté du plan le 19 septembre 2011, la société appelante était locataire des biens en cause dont elle n'a acquis la propriété le 6 septembre 2013 à la date de levée de l'option et paiement du prix ; dès lors, ces biens qui ne faisaient pas partie du patrimoine de la société n'étaient pas soumis à la règle de l'inaliénabilité incluse en application de l'article L. 626-14 du code de commerce dans le plan de redressement judiciaire, le patrimoine faisant l'objet d'un inventaire lors de l'ouverture de la procédure collective. Cette règle ayant pour finalité la protection des créanciers dont ces biens sont le gage (…) » (arrêt attaqué, pp. 4 et 5),

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « (…) la société STEPHID a contracté un crédit-bail avec la société NATIXIS LEASE le 8 septembre 2008 ; que par facture n° F201309/0650396 la société NATIXIS LEASE a le 6 septembre 2013, conformément à la loi du 12 mai 1980, « transmis la propriété des matériels à l'acheteur (…) » ; que dès lors la société STEPHID devenait propriétaire du matériel ; que dès l'engagement contractuel entre la société STEPHID et la société NATIXIS LEASE le 10 septembre 2008, la société STEPHID a immédiatement mis à disposition de la société SOBAUDES le matériel et « par convention de location de matériel» lui a répercuté les locations qu'elle devait elle-même payer à la société NATIXIS LEASE ; que ce matériel n'était donc pas destiné à l'activité de la société STEPHID ; que l'avenant signé le 1er octobre 2011, postérieurement à l'ouverture d de la procédure de redressement judiciaire de la société STEPHID, avait manifestement pour objectif d'accorder à la société SOBAUDES les conditions de rachat résultant de la fin du contrat NATEXIS LEASE/société STEPHID ; que force est de constater que ce montage entre les sociétés STEPHID et SOBAUDES était une opération blanche pour le compte de la société STEPHID, qu'il convient dès lors de dire que la clause d'inaliénabilité ne saurait en l'espèce s'appliquer ; que dans ces circonstances, la société STEPHID est tenue de respecter les conditions de ses engagements contractuels signés le 1er octobre 2011 avec la société SOBAUDES (…) » (jugement entrepris, p. 4),

ALORS QUE 1°), la société STEPHID faisait notamment valoir que par un jugement du 19 septembre 2011, le tribunal de commerce d'EVRY avait arrêté un plan de continuation à son profit, en prononçant notamment, dans les termes les plus généraux, « l'inaliénabilité des biens de la SAS STEPHID, et ce pour toute la durée du plan » ; qu'en l'absence d'exclusion des machines litigieuses, ces dernières étaient nécessairement soumises à cette disposition du jugement susvisé ; que toute décision judiciaire contraire viendrait à remettre en cause l'autorité de la chose jugée attachée audit jugement (conclusions STEPHID, pp. 6 et 7) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,

ALORS QUE 2°), la décision d'un tribunal de déclarer inaliénable les biens d'un débiteur, durant toute la durée d'un plan de continuation, concerne non seulement les biens dont le débiteur est déjà propriétaire à la date de ce jugement, mais aussi les biens en crédit-bail, dont il a vocation à devenir propriétaire ; qu'en considérant que, malgré le jugement du 19 septembre 2011 du tribunal de commerce d'EVRY ayant arrêté un plan de continuation de dix ans et prononcé « l'inaliénabilité des biens de la SAS STEPHID, et ce pour toute la durée du plan », la société STEPHID aurait pu, dès le 1er octobre 2011, prévoir de vendre des machines qu'elle avait en crédit-bail et dont elle allait devenir propriétaire, le 6 septembre 2013, au cours de l'exécution du plan, la cour d'appel a violé l'article L. 626-14 du code de commerce,

ALORS QUE 3°), l'inventaire des éléments d'actif de la société STEPHID, établi au moment de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son égard, mentionnait notamment les biens litigieux en crédit-bail, en les distinguant des biens « appartenant à des tiers » (pièce n° 22 produite en appel, p. 13) ; qu'en considérant que les biens en crédit-bail ne figuraient pas dans l'inventaire du patrimoine établi au début de la procédure collective, la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause,

ALORS QUE 4°), en toute hypothèse, est nulle la vente de machines constituant un élément d'un fonds de commerce déclaré inaliénable en application de l'article L. 626-14 du code de commerce ; que la société STEPHID faisait notamment valoir que, par jugement du 19 septembre 2011, le tribunal de commerce d'EVRY avait arrêté un plan de continuation à son profit, en prononçant notamment « l'inaliénabilité des biens de la SAS STEPHID et ce pour toute la durée du plan » ; que le commissaire à l'exécution du plan avait notamment mentionné aux registres publics l'inaliénabilité de l'ensemble du fonds de commerce de la société STEPHID, « incluant nécessairement les machines objet du présent litige » (conclusions STEPHID, p. 11) ; qu'en refusant d'annuler la vente litigieuse, sans rechercher si le fonds de commerce de la société STEPHID était un bien inaliénable et si les machines vendues constituaient un élément de ce fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 626-14 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société STEPHID de ses demandes en nullité de l'avenant litigieux du 1er octobre 2011, en paiement de loyers et en réparation,

AUX MOTIFS QUE « (…) la clause de l'avenant selon laquelle « le contrat de location en vigueur pour les matériels désignés à l'annexe jointe au présent contrat est conclu jusqu'au 30 novembre 2013 inclus. Le propriétaire la société STEPHID vendra alors le matériel au locataire la société SOBAUDES pour une valeur résiduelle de 4.900 euros HT » ne peut être considéré comme entaché d'une condition potestative, la condition posée étant à la charge du « propriétaire » des biens et non uniquement de la société appelante (…) » (arrêt attaqué, p. 5),

ALORS QUE l'avenant daté du 1er octobre 2011 à la convention de location de matériel du 10 septembre 2008 (production) précisait que la société STEPHID était « ci-après dénommée le propriétaire » ; que cet avenant modifiait l'article 5 de la convention de location dans les termes suivants : « le contrat de location en vigueur pour les matériels désignés à l'annexe jointe au présent contrat est conclu jusqu'au 30 novembre 2013 inclus. Le propriétaire vendra alors le matériel au locataire pour une valeur résiduelle de 4.900 euros HT » ; qu'en estimant que cette clause ne pouvait être considérée comme entachée d'une condition potestative, « la condition posée étant à la charge du « propriétaire » des biens et non uniquement de la société appelante (STEPHID) », quand le « propriétaire » concerné était clairement, précisément et uniquement la société STEPHID, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'avenant susvisé, en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-11963
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 15 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-11963


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP François-Henri Briard, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11963
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