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12/07/2017 | FRANCE | N°16-10470

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juillet 2017, 16-10470


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2015), que la société Sun'r, spécialisée dans la construction de centrales photovoltaïques, a conclu deux marchés de raccordement électrique avec la société Electricité réseau distribution France (la société ERDF), devenue la société Enedis ; que la société Sun'r a versé deux acomptes ; que le 21 juillet 2011, la société Sun'r a été mise en redressement judiciaire, les sociétés X...-Y...et EMJ étant respectiveme

nt désignées administrateur et mandataire judiciaires ; que le 19 septembre 2011, la so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2015), que la société Sun'r, spécialisée dans la construction de centrales photovoltaïques, a conclu deux marchés de raccordement électrique avec la société Electricité réseau distribution France (la société ERDF), devenue la société Enedis ; que la société Sun'r a versé deux acomptes ; que le 21 juillet 2011, la société Sun'r a été mise en redressement judiciaire, les sociétés X...-Y...et EMJ étant respectivement désignées administrateur et mandataire judiciaires ; que le 19 septembre 2011, la société ERDF a déclaré ses créances correspondant aux sommes restant dues sur le prix des travaux des deux projets ; que le 21 février 2012, la société X...-Y..., ès qualités, a mis en demeure la société ERDF de procéder à la mise en service des centrales ; que, pour obtenir cette prestation à compter du 3 avril 2012, la société Sun'r a été contrainte de conclure le 23 mars 2012 avec la société ERDF une convention de séquestre portant sur une certaine somme ; que le 9 juillet 2012, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société Sun'r ; que le 16 juillet 2012, le juge-commissaire a admis définitivement les créances de la société ERDF ; que la société Sun'r a assigné celle-ci en responsabilité pour avoir subordonné la mise en service des centrales au paiement de créances antérieures au jugement d'ouverture ;

Attendu que la société Sun'r fait grief à l'arrêt de dire que la société ERDF n'avait commis aucune faute et de rejeter ses demandes en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque l'administrateur a opté pour l'exécution du contrat en cours, le cocontractant doit exécuter ses obligations, malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs, défaut qui n'ouvre droit au profit du créancier qu'à déclaration au passif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 21 février 2012, Me Christophe X..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Sun'r, a mis en demeure la société ERDF d'avoir à procéder à la mise en service des centrales en application de l'article L. 622-13 du code de commerce, en indiquant que les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ne seront payées que dans le cadre du plan de redressement ; que la société ERDF était ainsi tenue de procéder à la mise en service des centrales dès cette demande de l'administrateur judiciaire, sans pouvoir se prévaloir du défaut de paiement de ses factures du 12 février 2011 correspondant à des prestations effectuées antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Sun'r en date du 21 juillet 2011 ; qu'en considérant pourtant que la société ERDF n'avait pas abusivement excipé du non-paiement préalable des factures pour ne pas exécuter la mise en service des centrales, quant la société ERDF ne pouvait exiger le règlement préalable de ses factures du 12 février 2011 et pouvait seulement déclarer ses créances, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 19 septembre 2011, la cour d'appel a violé l'article L. 622-13, I du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14, I du même code ;

2°/ qu'en tout état de cause, le 19 septembre 2011, la société ERDF a déclaré ses créances pour un montant de 2 294, 24 euros et de 6 100, 46 euros et demandé leur admission à titre chirographaire, en joignant les factures du 12 février 2011 ; que la société ERDF a ainsi elle-même déclaré ses créances comme étant antérieures au jugement d'ouverture du 21 juillet 2011 ; que cette déclaration de créance, portant sur des prestations effectuées avant le jugement d'ouverture, à la seule exception de la mise en service des centrales, n'a fait l'objet d'aucune contestation, le juge-commissaire n'ayant tranché aucune question litigieuse dans son ordonnance du 16 juillet 2012 ; que la cour d'appel a pourtant considéré que le point de savoir si la créance de la société ERDF correspondant à ses factures était ou non antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective n'avait été tranché que par l'ordonnance du juge-commissaire du 16 juillet 2012, pour en déduire que si la société ERDF avait pu se méprendre sur la qualification dans le cadre de la procédure collective des sommes dues par la société Sun'r, cette méprise ne constituait pas une attitude abusive ouvrant droit à des dommages-intérêts ; qu'en statuant de la sorte, quant la société ERDF ne pouvait légitimement ignorer que ses créances étaient antérieures au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que, statuant sur une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient que la chronologie des faits ne révèle ni que la société ERDF a manqué à son obligation de diligence, les démarches pour parvenir à un accord avec la société Sun'r s'étant succédé à un rythme rapide, ni qu'elle a abusivement excipé du non-paiement préalable des factures pour ne pas exécuter la mise en service des centrales, dès lors que le point de savoir si la créance correspondante était ou non antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, et devait ou non être payée à ce stade, n'a été tranché que par l'ordonnance du juge-commissaire admettant la créance d'ERDF au passif de Sun'r, en date du 16 juillet 2012 ; qu'il ajoute que cette question était, dans la période litigieuse, d'autant moins réglée que, par lettre du 1er mars 2012, le conseil de la société Sun'r avait reconnu que les prestations de mise en service étaient des créances postérieures, pour en conclure que, si la société ERDF avait pu se méprendre sur la qualification, dans le cadre de la procédure collective, des sommes dues par la société Sun'r, cette méprise ne qualifiait pas une attitude abusive ouvrant droit à des dommages-intérêts ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que la société ERDF n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sun'r aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Enedis ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Sun'r, la société X... et Y...et la société EMJ, ès qualités,

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société Erdf n'avait commis aucune faute et débouté la société SUN'R de ses demandes en paiement de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la société Sun'r, dont l'objet social est la construction de centrales photovoltaïques, a développé deux projets à La Mure (Isère), lieu-dit Les Revoulins ; qu'elle a adressé à la société ERDF et modifier dans le moyen deux demandes de raccordement en janvier 2010 ; que le montant de ces raccordements s'élevait à la somme de 11. 222, 33 € pour le projet Reynier 2 et de 4. 588, 48 € pour le projet Reynier 1 ; que la société Sun'r a versé les sommes de 5. 121, 87 € pour le projet Reynier 2 et de 2. 294, 24 € pour le projet Reynier 1 ; que le 23 avril 2010 une convention a été conclue entre la société Sun'r et la société Erdf aux termes de laquelle le solde des travaux devra être réglé avant toute mise à disposition du raccordement (article 4. 3 des conditions générales) ; que la société Sun'r a été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 21 juillet 2011 du tribunal de commerce de Paris, Me X...étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Me Z...en qualité de mandataire judiciaire ; que, le 19 septembre 2011, la société Erdf a produit sa créance au passif de la société Sun'r ; que, le 8 février 2012, la société Sun'r a mis en demeure la société Erdf de procéder aux raccordements ; que, le 21 février 2012, Me X...ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Sun'r, a mis en demeure la société Erdf d'avoir à procéder à la mise en service en application de l'article L. 622-13 du code de commerce, en indiquant que les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ne seront payées que dans le cadre du plan de redressement ; qu'une convention de séquestre a été signée le 23 mars 2012 entre la société Sun'r, Me X...ès qualités et la société Erdf ; que le raccordement, qui devait intervenir au plus tard le 9 février 2012, a été effectif le 3 avril 2012 ; que la société Sun'r fait valoir que c'est abusivement que la société Erdf, invoquant le non-paiement de ses créances, a retardé la mise en service des centrales ; que la société Erdf soutient n'avoir à cet égard commis aucune faute ; qu'il résulte de la chronologie des faits que la société Sun'r a été informée par la société Erdf le 21 février 2011 de ce que les travaux qui la concernaient pour le raccordement des deux centrales étaient terminés et que la mise en service ne pourrait avoir lieu que lorsque la société Sun'r aurait notamment réglé l'intégralité de la facture ; que la société Sun'r a fait l'objet de plusieurs rappels de la société Erdf jusqu'au mois de mai 2011 d'avoir à payer le solde des travaux ; qu'elle ne conteste pas n'avoir fait connaître à la société Erdf sa position ni sur la demande de paiement, ni sur la suite qu'elle entendait donner à l'opération ; que le certificat de conformité de l'installation n'a été délivré par l'association Consuel que le 30 janvier 2012 ; que la mise en service n'a été réclamée, au visa de l'article L. 622-13 du code de commerce, que le 21 février 2012 par Me X..., seul habilité à présenter une telle demande ; que, le 24 février 2012, la société Erdf a fait connaître sa réponse à Me X...; qu'un protocole de séquestre a été négocié entre les parties entre les 1er et 23 mars 2012 et signé le 23 mars 2012 ; que la mise en service est intervenue le 3 avril 2012, soit seulement sept jours ouvrés après la conclusion de la convention de séquestre ; que cette chronologie ne révèle :- ni qu'entre le 9 février 2012, date de mise en service prévue, et le 3 avril 2012, la société Erdf ait manqué de diligence, les contacts entre les parties et les démarches pour parvenir à un accord avec la société Sun'r s'étant succédés à un rythme rapide ;- ni que la société Erdf ait abusivement excipé du non-paiement préalable des factures pour ne pas exécuter la mise en service des centrales, dès lors que : * les contrats liant les parties prévoyaient le paiement préalable, l'article 4. 3 des conditions générales des propositions de raccordement stipulant que le solde est réglé « à l'achèvement des travaux par Erdf et avant toute mise à disposition du raccordement, sans escompte, par chèque à trente jours calendaires de la réception de la facture » ; * le point de savoir si la créance correspondante était ou non antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et devait ou non être payée à ce stade n'a été tranché que par l'ordonnance du juge-commissaire d'admission de la créance de la société Erdf au passif de la société Sun'r rendue le 16 juillet 2012 ; * cette question était, dans la période litigieuse, d'autant moins réglée que, par lettre en date du 1er mars 2012, le conseil de la société Sun'r lui-même a reconnu que les prestations de mise en service étaient des créances postérieures et a proposé de les régler de manière définitive (pièce n° 17 communiquée par Erdf) ; que, en conséquence, si la société Erdf a pu se méprendre sur la qualification, dans le cadre de la procédure collective, des sommes dues par la société Sun'r, cette méprise ne qualifie pas une attitude abusive ouvrant droit à des dommages-intérêts ; que, dans ces conditions, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a dit que les créance de 2. 294, 24 € et 6. 100 € sont antérieures au jugement du 21 juillet 2011 – point non contesté par la société Erdf – et a ordonné la main levée et la restitution de la somme de 8. 394, 70 €, l'infirmera en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de la société Erdf et l'a condamnée à payer les sommes de 16. 150 € à titre de dommages-intérêts et de 30. 572, 59 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile et déboutera la société Sun'r de ses demandes ;

1) ALORS QUE lorsque l'administrateur a opté pour l'exécution du contrat en cours, le cocontractant doit exécuter ses obligations, malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs, défaut qui n'ouvre droit au profit du créancier qu'à déclaration au passif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 21 février 2012, Me Christophe X..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Sun'r, a mis en demeure la société Erdf d'avoir à procéder à la mise en service des centrales en application de l'article L. 622-13 du code de commerce, en indiquant que les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ne seront payées que dans le cadre du plan de redressement ; que la société Erdf était ainsi tenue de procéder à la mise en service des centrales dès cette demande de l'administrateur judiciaire, sans pouvoir se prévaloir du défaut de paiement de ses factures du 12 février 2011 correspondant à des prestations effectuées antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Sun'r en date du 21 juillet 2011 ; qu'en considérant pourtant que la société Erdf n'avait pas abusivement excipé du non-paiement préalable des factures pour ne pas exécuter la mise en service des centrales, quant la société Erdf ne pouvait exiger le règlement préalable de ses factures du 12 février 2011 et pouvait seulement déclarer ses créances, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 19 septembre 2011, la cour d'appel a violé l'article L. 622-13 I du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 I du même code ;

2) ALORS QU'en tout état de cause, le 19 septembre 2011, la société Erdf a déclaré ses créances pour un montant de 2. 294, 24 € et de 6. 100, 46 € et demandé leur admission à titre chirographaire, en joignant les factures du 12 février 2011 ; que la société Erdf a ainsi ellemême déclaré ses créances comme étant antérieures au jugement d'ouverture du 21 juillet 2011 ; que cette déclaration de créance, portant sur des prestations effectuées avant le jugement d'ouverture, à la seule exception de la mise en service des centrales, n'a fait l'objet d'aucune contestation, le juge-commissaire n'ayant tranché aucune question litigieuse dans son ordonnance du 16 juillet 2012 ; que la cour d'appel a pourtant considéré que le point de savoir si la créance de la société Erdf correspondant à ses factures était ou non antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective n'avait été tranché que par l'ordonnance du juge-commissaire du 16 juillet 2012, pour en déduire que si la société Erdf avait pu se méprendre sur la qualification dans le cadre de la procédure collective des sommes dues par la société Sun'r, cette méprise ne constituait pas une attitude abusive ouvrant droit à des dommages-intérêts ; qu'en statuant de la sorte, quant la société Erdf ne pouvait légitimement ignorer que ses créances étaient antérieures au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-10470
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-10470


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10470
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