La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2017 | FRANCE | N°16-10322

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juillet 2017, 16-10322


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil et L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Outiror (la société débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 4 mai et 2 août 2007, la société Francis Villa et Julien Villa étant nommée liquidateur (le liquidateur) ; que le 18 juin 2007, la sociétÃ

© Banque CIC Ouest (la banque) a déclaré une créance au titre du solde d'un compte ban...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil et L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Outiror (la société débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 4 mai et 2 août 2007, la société Francis Villa et Julien Villa étant nommée liquidateur (le liquidateur) ; que le 18 juin 2007, la société Banque CIC Ouest (la banque) a déclaré une créance au titre du solde d'un compte bancaire, déduction faite d'une somme de 59 910,51 euros correspondant à des remises dites "TPE" (terminal de paiement électronique) enregistrées au crédit de la société débitrice ; que le 29 février 2008, la banque a payé la somme de 59 910,51 euros au liquidateur au titre desdites remises ; que par une ordonnance du 22 avril 2008, le juge-commissaire a admis en totalité la créance, non contestée, de la banque ; qu'estimant avoir payé par erreur la somme de 59 910,51 euros, la banque a assigné le liquidateur en répétition de l'indu ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce, d'abord, que, selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement d'ouverture emporte, de plein droit, l'interdiction de payer toute créance née antérieurement audit jugement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes, étant toutefois précisé que, dans ce dernier cas, le créancier n'est pas dispensé de devoir déclarer la totalité des créances lorsque la compensation intervient après le jugement d'ouverture ; qu'il constate, ensuite, que le compte courant de la société débitrice présentait un solde débiteur de 174 199,66 euros à la date du jugement d'ouverture et que le compte a été ultérieurement crédité de 59 910,51 euros ; qu'il retient qu'il importe peu que cette somme corresponde à des remises TPE pour des opérations antérieures au jugement d'ouverture, dès lors que la banque était tenue de déclarer sa créance à concurrence de la somme de 174 199,66 euros, afin de pouvoir invoquer le bénéfice de la compensation ; qu'il ajoute, enfin, qu'à aucun moment le liquidateur n'a admis le bien-fondé
de la compensation opérée par la banque et qu'il ne pouvait au demeurant le faire valablement au mépris de règles d'ordre public ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'irrégularité dont pouvait être entachée l'ordonnance du juge-commissaire du 22 avril 2008, qui consacrait la compensation opérée dans la déclaration de créance, ne faisait pas obstacle à ce que cette décision acquît l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si cette décision avait fait l'objet d'un recours, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Francis Villa et Julien Villa, en qualité de liquidateur de la société Outiror, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Ouest.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Banque CIC Ouest de ses demandes tendant, à titre principal, à la confirmation du jugement déféré ayant condamné la SELARL Francis Villa et Julien Villa, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Outiror, à lui restituer la somme de 59.910,51 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2008 avec capitalisation des intérêts et, à titre subsidiaire, à voir condamner la SELARL Villa, ès qualités, à lui verser la somme de 24.659,27 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2008 avec capitalisation des intérêts ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes, étant toutefois précisé que, dans ce dernier cas, le créancier n'est pas dispensé de devoir déclarer la totalité des créances lorsque la compensation intervient après le jugement d'ouverture ; qu'en l'espèce, le compte courant de la société Outiror présentait au 4 mai 2007, jour du jugement d'ouverture de son redressement judiciaire, un solde débiteur de 174.199,66 euros, agios compris ; que le compte a été crédité de 59.910,51 € le 9 mai 2007 ; qu'il importe peu que cette somme corresponde à des remises TPE pour des opérations antérieures au 4 mai 2007, des lors que la société CIC Ouest était tenue de déclarer sa créance pour un montant de 174.199,66 € pour pouvoir invoquer le bénéfice de la compensation ; qu'à aucun moment, Me Villa n'a admis le bien-fondé de la compensation opérée par la société CIC Ouest, et ne pouvait au demeurant pas le faire valablement au mépris de règles d'ordre public ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné la restitution de la somme litigieuse à la société CIC Ouest ; que le jugement entrepris sera donc infirmé ; que la restitution d'une somme versée en exécution d'une décision de justice infirmée ou annulée étant de droit, elle n'a pas à être spécialement ordonnée par la cour, étant seulement rappelé que les intérêts légaux ne peuvent courir qu'à compter de la sommation de restituer ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE la décision irrévocable d'admission d'une créance au passif ayant autorité de chose jugée, la compensation qu'elle consacre ne peut plus être contestée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Banque CIC Ouest a déclaré, le 18 juin 2007, entre les mains de Me Villa, mandataire judiciaire de la société Outiror, une somme de 114.289,15 €, correspondant au solde débiteur du compte courant au jour du jugement d'ouverture après déduction de la somme de 59.910,51 € correspondant aux remises TPE enregistrées par la société Outiror avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire (174.199,66 – 59.910,51 = 114.289,15 €) ; que, comme le soutenait l'exposante et l'ont relevé les premiers juges, cette créance non contestée avait été définitivement admise, telle que déclarée, au passif de la société Outiror par ordonnance du juge-commissaire du 22 avril 2008, de sorte que la compensation qu'elle consacrait ne pouvait plus être remise en cause en vertu de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission ; que dès lors, en se bornant à affirmer « qu'à aucun moment, Me Villa n'a admis le bien-fondé de la compensation opérée par la société CIC Ouest, et ne pouvait au demeurant pas le faire valablement au mépris de règles d'ordre public », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la compensation litigieuse n'avait pas été consacrée par la décision irrévocable d'admission de la créance ayant autorité de la chose jugée, de sorte qu'elle ne pouvait plus être contestée devant elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'origine de la créance d'indu est le fait juridique du paiement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé, caractérisant ainsi l'erreur commise par la banque, que bien qu'ayant déduit du passif déclaré au redressement judiciaire ouvert à l'encontre de la société Outiror le 4 mai 2007, la somme de 59.910,51 € correspondant aux remises TPE enregistrées avant le jugement d'ouverture, la société Banque CIC Ouest a néanmoins versé cette somme, le 29 février 2008, entre les mains du mandataire judiciaire ; que dès lors, en omettant de rechercher, comme l'y invitait l'exposante dans ses conclusions d'appel, si Me Villa, ès qualités, n'avait pas ainsi bénéficié d'un paiement indu fait après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, générateur d'une créance d'indu postérieure dont elle était fondée à demander la restitution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 1376 du code civil ;

3) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Banque CIC Ouest sollicitait, à titre subsidiaire, la condamnation de la SELARL Villa, ès qualités, à lui restituer la somme de 24.659,29 € ; qu'elle soutenait, à l'appui de cette demande, qu'il ressortait de la liste des remises TPE, produites aux débats en pièce n° 11, qu'une partie desdites sommes, représentant 24.659,27 € sur 59.910,51 €, avait été créditée sur le compte courant de la société Outiror le 3 mai 2007, soit avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, de sorte que la compensation avait été valablement opérée à hauteur de ce montant ; que dès lors, en retenant au soutien de sa décision que « le compte courant de la société Outiror a été crédité de 59.910,51 € le 9 mai 2007 », sans examiner la liste des remises TPE, expressément invoquée par l'exposant, pourtant propre à démontrer au contraire que la somme de 24.659,27 € avait été créditée sur le compte litigieux dès le 3 mai 2007, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-10322
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 12 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-10322


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10322
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award